Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : KD c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 520

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à la permission de faire appel

Partie demanderesse : K. D.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 27 février 2023
(GE-22-3063)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 26 avril 2023
Numéro de dossier : AD-23-218

Sur cette page

Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur (le prestataire) a été suspendu de son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. On ne lui a pas accordé d’exemption. Le prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi. Par la suite, il a démissionné.

[3] La partie défenderesse (la Commission) a décidé que le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite, de sorte qu’elle ne pouvait pas lui verser de prestations. Après une révision infructueuse, le prestataire a fait appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu de son emploi après avoir refusé de se conformer à la politique de l’employeur. Elle a conclu que le prestataire savait que l’employeur était susceptible de le suspendre dans ces circonstances. La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. Elle a également conclu que le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi quand il l’a fait.

[5] Le prestataire demande maintenant la permission de faire appel de la décision de la division générale auprès de la division d’appel. Le prestataire soutient que la division générale n’a pas tenu compte du fait que son employeur ne lui a pas offert de mesures d’adaptation fondées sur des motifs religieux ou médicaux. Il soutient qu’étant donné qu’il profitait déjà de mesures d’adaptation en travaillant de la maison en raison de problèmes de santé, il n’aurait pas dû être obligé de se faire vacciner.

[6] Je dois décider si le prestataire a soulevé une erreur révisable que la division générale aurait commise qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont les suivantes :

  1. 1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. 2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher. Ou bien, elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à une audience sur le fond. Il s’agit d’une première étape que le prestataire doit franchir, mais où le fardeau est inférieur à celui dont il devra s’acquitter à l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission de faire appel, le prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Il doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, on peut soutenir qu’il y a eu erreur révisable qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[11] Par conséquent, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel susmentionnés et qu’au moins un des motifs a une chance raisonnable de succès.

Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

Inconduite

[12] Le prestataire soutient que la division générale n’a pas tenu compte du fait que son employeur ne lui a pas offert de mesures d’adaptation fondées sur des motifs religieux ou médicaux. Il soutient qu’étant donné qu’il profitait déjà de mesures d’adaptation en travaillant de la maison en raison de problèmes de santé, il n’aurait pas dû être obligé de se faire vacciner.

[13] La division générale devait décider si le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.Note de bas de page 1

[14] La notion d’inconduite n’implique pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant le prestataire de telle sorte que sa suspension était injustifiée. Son rôle s’agit plutôt de décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné sa suspension. Note de bas de page 2

[16] À la lumière de la preuve, la division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu parce qu’il avait refusé de se conformer à la politique. Il avait été informé de la politique de l’employeur et avait eu le temps de s’y conformer. On ne lui a pas accordé d’exemption religieuse ou médicale. Le prestataire a refusé intentionnellement; c’était délibéré. C’était la cause directe de sa suspension.

[17] La division générale a conclu que le prestataire savait que son refus de se conformer à la politique pourrait entraîner sa suspension.

[18] La division générale a conclu à partir de la preuve prépondérante que le comportement du prestataire constituait une inconduite.

[19] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi.Note de bas de page 3 On considère également comme une inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi le fait de ne pas observer une politique dûment approuvée par un gouvernement ou une entreprise.Note de bas de page 4

[20] Il n’est pas vraiment contesté qu’un employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de ses employés sur leur lieu de travail. En l’espèce, l’employeur a suivi les recommandations de Santé Canada en mettant en œuvre sa politique pour protéger la santé de tous ses employés pendant la pandémie. La politique était en vigueur lorsque le prestataire a été suspendu.Note de bas de page 5

[21] Il n’appartient pas au Tribunal de décider si les mesures de santé et de sécurité de l’employeur concernant la COVID-19 étaient efficaces ou raisonnables.

[22] Par conséquent, je ne pense pas que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu qu’elle n’avait pas la compétence de trancher les questions concernant l’efficacité du vaccin ou le caractère raisonnable de la politique de l’employeur relative aux travailleurs à distance.

[23] Le prestataire soutient également que la division générale a refusé d’exercer sa compétence sur la question de savoir si l’employeur a omis de lui offrir des mesures d’adaptation fondées sur des motifs religieux ou médicaux, et si la politique avait enfreint ses droits d’emploi, ses droits de la personne et constitutionnels.

[24] Il appartient à une autre instance d’examiner si l’employeur a omis de prendre des mesures d’adaptation pour le prestataire, si la politique a violé son contrat d’emploi, ou si la politique a violé ses droits de la personne et constitutionnels. Ce Tribunal n’est pas l’instance appropriée par laquelle le prestataire peut obtenir la réparation qu’il demande.Note de bas de page 6

[25] La Cour fédérale a rendu récemment une décision dans l’affaire Cecchetto concernant l’inconduite et le refus d’une partie prestataire de suivre la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. Le prestataire a fait valoir que le refus de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur n’est pas une inconduite. Il a fait valoir que rien ne prouvait que le vaccin était sûr et efficace. Le prestataire a estimé faire l’objet de discrimination en raison de son choix médical personnel. Le prestataire a affirmé qu’il avait le droit de préserver son intégrité physique et que ses droits avaient été violés selon la loi canadienne et internationale.Note de bas de page 7

[26] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle le Tribunal n’est pas légalement autorisé à traiter ce genre de questions. La Cour a convenu qu’en faisant un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations envers l’employeur et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi.Note de bas de page 8 La Cour a précisé qu’il existe d’autres façons de faire avancer adéquatement les revendications du prestataire dans le cadre du système juridique.

[27] Dans l’affaire Paradis qui a été tranchée auparavant, le prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu qu’il n’y avait pas eu d’inconduite parce que la politique de son employeur violait ses droits garantis par l’Alberta Human Rights Act. La Cour fédérale a établi que cette question relevait d’une autre instance.

[28] La Cour fédérale a déclaré qu’il existe d’autres moyens de sanctionner le comportement d’un employeur, qui permettent d’éviter que le programme d’assurance-emploi fasse les frais du comportement incriminé.

[29] Dans l’affaire Mishibinijima, la Cour d’appel fédérale a déclaré que l’obligation de l’employeur de fournir des mesures d’adaptation n’est pas pertinente pour trancher les cas d’inconduite à l’assurance-emploi.

[30] Comme je l’ai mentionné plus haut, le rôle de la division générale n’est pas de décider si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en congédiant le prestataire de sorte que son congédiement était injustifié. Son rôle s’agit plutôt de décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné son congédiement.

[31] La preuve prépondérante dont disposait la division générale montre que le prestataire a fait un choix personnel et délibéré de ne pas suivre les politiques de vaccination obligatoire des clients de l’employeur en réponse aux circonstances exceptionnelles créées par la pandémie. C’est ce qui a entraîné son congédiement.

[32] La division générale ne semble avoir commis aucune erreur révisable lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement d’après les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite conformément à la Loi sur l’assurance-emploi.Note de bas de page 9

[33] Je suis pleinement conscient que le prestataire peut demander réparation devant une autre instance, si une violation est établie.Note de bas de page 10 Cela ne change rien au fait qu’en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite.

Départ volontaire

[34] La preuve appuie la conclusion de la division générale selon laquelle le prestataire a quitté son emploi alors qu’une solution raisonnable aurait été de rester en congé pendant qu’il cherchait un autre emploi. Je ne vois aucune erreur révisable commise par la division générale.

[35] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments du prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès sur les deux questions.

Conclusion

[36] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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