Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : FA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1753

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : F. A.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (464266) datée du 16 mai 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Raelene R. Thomas
Date de la décision : Le 31 octobre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2127

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté de façon sommaire parce qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès.

[2] Le prestataire n’a présenté aucun argument et n’a fourni aucune preuve qui me permettrait d’accueillir son appelNote de bas de page 1.

[3] Par conséquent, le prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[4] L’employeur du prestataire a adopté l’exigence selon laquelle son personnel devait être entièrement vacciné contre la COVID-19 au plus tard le 31 janvier 2022. Le prestataire n’était toujours pas vacciné à la date limite et a été mis en congé sans solde à compter du 14 février 2022.

[5] La Commission a accepté les raisons de l’employeur pour lesquelles le prestataire ne travaillait plus. Elle a décidé que le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi la Commission a déclaré le prestataire inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[6] Le prestataire n’est pas d’accord avec la décision de la Commission. Il dit qu’en tant que musulman, le fait d’être forcé à suivre un traitement médical va à l’encontre de ses croyances. Le prestataire a joint à son appel une fatwa qui décrit toutes les raisons pour lesquelles son employeur aurait dû accepter sa demande d’exemption pour motif religieux.

Questions que je dois examiner en premier

L’employeur n’est pas mis en cause

[7] Le Tribunal envoie parfois une lettre à l’ancien employeur d’une partie prestataire pour lui demander s’il souhaite être mis en cause dans l’appel. Dans la présente affaire, le Tribunal a envoyé une lettre à l’employeur. Ce dernier n’y a pas répondu.

[8] Pour être mis en cause, l’employeur doit avoir un intérêt direct dans l’appel. J’ai décidé de ne pas mettre l’employeur en cause dans le présent appel, car rien dans le dossier ne me laisse croire que ma décision lui imposerait des obligations juridiques.

Le Tribunal a annoncé son intention de rejeter l’appel de façon sommaire

[9] Avant de rejeter un appel de façon sommaire, je dois en aviser le prestataire par écrit. Je dois aussi lui accorder un délai raisonnable pour présenter des arguments sur la question de savoir si je dois rejeter l’appel de façon sommaireNote de bas de page 2.

[10] Le personnel du Tribunal a envoyé une lettre au prestataire le 4 octobre 2022. Dans cette lettre, j’ai expliqué pourquoi j’envisageais de rejeter son appel de façon sommaire. Je lui ai demandé de répondre à la lettre au plus tard le 17 octobre 2022.

[11] Le prestataire n’a pas répondu à la lettre.

Le prestataire n’était pas en congé volontaire

[12] Dans le contexte de la Loi sur l’assurance-emploi, une période de congé volontaire requiert l’accord de l’employeur et de la partie prestataire. Elle doit aussi avoir une date de fin convenue entre la partie prestataire et l’employeurNote de bas de page 3.

[13] Aucun élément de preuve au dossier d’appel ne démontre que le prestataire a accepté de prendre une période de congé sans solde à compter du 14 février 2022.

[14] L’article de loi sur l’inadmissibilité en raison d’une suspension porte sur les actions d’une partie prestataire qui ont entraîné son chômage. Elle dit qu’une partie prestataire qui est suspendue de son emploi en raison de son inconduite n’est pas admissible au bénéfice des prestations (c’est moi qui souligne)Note de bas de page 4.

[15] La preuve montre que c’est la conduite du prestataire, soit le fait de ne pas respecter la politique de l’employeur, qui l’a amené à ne pas travailler. Je suis convaincue que la situation du prestataire, c’est-à-dire sa mise en congé sans solde pour ne pas s’être conformé à la politique de l’employeur, peut être considérée comme une suspension aux fins de la Loi sur l’assurance-emploi.

Question en litige

[16] Je dois décider s’il faut rejeter l’appel de façon sommaire.

Analyse

[17] Je dois rejeter un appel de façon sommaire s’il n’a aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 5.

[18] La loi prévoit qu’une partie prestataire ne peut pas obtenir des prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison de son inconduite. Cela s’applique si son employeur l’a congédiée ou suspendueNote de bas de page 6.

[19] Plus précisément, l’article 31 de la Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’une partie prestataire suspendue de son emploi en raison de son inconduite n’est pas admissible au bénéfice des prestations jusqu’à, selon le cas :

  1. a) la fin de la période de suspension;
  2. b) la perte de son emploi ou son départ volontaire;
  3. c) le cumul chez un autre employeur, depuis le début de cette période, du nombre d’heures d’emploi assurable exigé à l’article 7 ou 7.1.

[20] La Commission affirme avoir conclu que le refus du prestataire de se conformer à la politique de l’entreprise constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi parce qu’il était au courant de la politique et des conséquences du non-respect. La Commission soutient que malgré cela, le prestataire a pris la décision volontaire et délibérée de ne pas se conformer à la politique de l’employeur.

[21] Dans son appel au Tribunal, le prestataire a écrit que le fait d’être forcé de participer à un traitement médical va à l’encontre de ses croyances en tant que musulman. Il a cité : [traduction] « Il ne fait aucun doute que le refus d’un traitement médical et le fait de s’en remettre à Allah et d’accepter ce qu’Il décrète font partie des questions approuvées par la loi révélée. » Le prestataire a joint une fatwa à son appel qui, a-t-il écrit, décrit en détail pourquoi son exemption pour motif religieux aurait dû être acceptée par son employeur et la raison de son appel de la décision de révision de la Commission.

[22] Le dossier d’appel montre que le prestataire a rempli une demande de prestations d’assurance-emploi le 20 février 2022. Il a indiqué qu’il était en congé en raison d’un [traduction] « congé illégal ».

[23] Le dossier d’appel contient une lettre que son employeur a envoyée au prestataire le 14 février 2022. La lettre indique que le prestataire a déjà été avisé que, dans le cadre du plan de l’employeur visant à retourner à des activités plus normales, toutes les personnes qui n’avaient pas attesté être entièrement vaccinées au plus tard le 31 janvier 2022 seraient mises en congé sans solde. La lettre mentionne que le prestataire avait aussi été informé que, comme il n’avait pas attesté qu’il était entièrement vacciné, il devait commencer le processus de vaccination contre la COVID‑19 et démontrer qu’il avait reçu une première dose du vaccin au plus tard le 10 décembre 2021 et qu’il avait pris rendez-vous pour la deuxième dose. La lettre précisait que le prestataire n’avait pas envoyé de preuve de vaccination ni de rendez-vous à l’employeur. Par conséquent, l’employeur a mis le prestataire en congé sans solde du 14 février 2022 au 1er mai 2022.

[24] Le dossier d’appel contient une lettre non datée adressée à l’employeur et intitulée [traduction] « RE : demande d’exemption de l’obligation de se faire vacciner contre la COVID-19 ». La lettre provient d’un expert en droit islamique, qui écrit au nom du prestataire et qui demande [traduction] « des mesures d’adaptation pour motif religieux concernant l’obligation de se faire vacciner contre la COVID-19 ». La lettre explique le fondement religieux de la demande.

[25] Le dossier d’appel montre que l’employeur a répondu à la demande d’exemption du prestataire le 17 février 2022. L’employeur n’a pas accordé l’exemption. La lettre précise que [traduction] « comme pour toute personne couverte par la politique de vaccination de [l’employeur] qui ne bénéficie pas d’une exemption valide, vous êtes tenu de vous y conformer ». La lettre poursuit ainsi : [traduction] « Selon cette décision [de ne pas accorder l’exemption], on s’attend à ce que vous vous conformiez à la politique de vaccination de [l’employeur]. » 

[26] Le dossier d’appel contient une copie de la politique sur les congés discrétionnaires de l’employeur et de la convention collective du prestataire. Il montre que le prestataire a déposé des griefs contre le rejet de l’employeur de sa demande d’exemption pour motif religieux et contre le fait qu’il a été mis en congé sans solde.

[27] Le dossier d’appel montre qu’un représentant de l’employeur a parlé à un agent de Service Canada le 15 mars 2022. Le représentant a dit que le personnel avait été informé qu’il devait se conformer à la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 et que la date limite pour être entièrement vaccinés était le 1er février 2022. Le représentant a dit que tout le personnel avait été clairement informé de la possibilité d’être mis en congé sans solde en cas de non-respect de la politique de vaccination de l’entreprise.

[28] Le dossier d’appel montre que le prestataire a parlé à un agent de Service Canada le 27 avril 2022. Il a expliqué que son employeur avait mis en place une politique qui demandait à toute personne employée d’être entièrement vaccinée au plus tard le 31 octobre 2021, sans quoi elle devrait se soumettre à des tests supplémentaires. Il a dit que l’employeur avait instauré le dépistage rapide au cours de l’été 2021, mais qu’en septembre 2021, il avait cessé cette pratique. Le prestataire a dit à l’agent qu’on lui avait donné une nouvelle date limite, soit le 1er février 2022, pour se faire vacciner et qu’il devait avoir reçu sa première dose du vaccin au plus tard à la mi‑décembre 2021. L’agent a demandé au prestataire s’il savait qu’il serait mis en congé s’il ne respectait pas la politique de vaccination. Le prestataire a répondu qu’il était au courant et que c’est pourquoi il a demandé une exemption pour motif religieux. 

[29] Je ne mets pas en doute l’authenticité des croyances du prestataire. Ce n’est pas mon rôle de décider si le rejet de l’employeur de la demande d’exemption du prestataire constitue une violation du code des droits de la personne. De plus, mon rôle n’est pas de décider si la politique ou les actions de l’employeur constituent une violation de la convention collective du prestataire ou d’autres politiques de l’employeurNote de bas de page 7. Rien dans ma décision n’empêche le prestataire de présenter ces demandes aux autres tribunaux et instances établis pour les instruire.

[30] Mon rôle est de décider si l’appel du prestataire doit être rejeté de façon sommaire. 

[31] Pour rejeter sommairement l’appel du prestataire, la loi dit que je dois être convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 8. 

[32] Aucune chance raisonnable de succès signifie qu’il est clair et évident que l’appel est voué à l’échec, peu importe l’argument ou la preuve que le prestataire pourrait présenter à une audienceNote de bas de page 9.

[33] La question n’est pas de savoir si l’appel doit être rejeté après avoir examiné les faits, la jurisprudence et les arguments des parties. La question est plutôt de savoir si l’appel est voué à l’échec, peu importe les éléments de preuve ou les arguments qui pourraient être présentés à l’audienceNote de bas de page 10.

[34] Lorsque j’applique le droit et les critères juridiques, je peux seulement conclure que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès. 

[35] L’inconduite n’est pas définie dans la Loi sur l’assurance-emploi. Cependant, les tribunaux en sont venus à une définition bien établie de ce terme en ce qui a trait à l’application de la Loi sur l’assurance-emploi.

[36] Selon la loi, pour qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie qu’elle est consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 11. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 12. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal)Note de bas de page 13.

[37] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit suspendu pour cette raisonNote de bas de page 14.

[38] Les tribunaux ont déclaré qu’une inconduite comprend un manquement à une obligation expresse ou implicite découlant du contrat de travailNote de bas de page 15. Un manquement délibéré à la politique de l’employeur est considéré comme une inconduiteNote de bas de page 16.

[39] La conduite de l’employeur n’est pas un facteur pertinent pour décider si une partie prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. L’analyse est plutôt axée sur ce que le prestataire a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 17.

[40] La Commission doit prouver que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 18.

[41] L’employeur a adopté une politique exigeant que tout son personnel soit entièrement vacciné contre la COVID-19 au plus tard le 31 janvier 2022. Comme le prestataire n’a pas attesté qu’il était entièrement vacciné, on lui a dit qu’il devait commencer le processus de vaccination contre la COVID-19 et démontrer à l’employeur d’ici le 10 décembre 2021 qu’il avait reçu une première dose du vaccin et qu’il avait pris un rendez-vous pour une deuxième dose. Le prestataire a aussi été informé qu’il devait envoyer une preuve de vaccination au plus tard le 31 janvier 2022 pour montrer qu’il avait reçu sa deuxième dose de vaccin contre la COVID-019 ou une preuve de rendez‑vous si la deuxième dose était prévue le 28 février 2022 ou avant cette date. Le prestataire n’a pas envoyé de preuve de vaccination contre la COVID-19 ni de preuve de rendez-vous à son employeur comme requis. Par conséquent, le prestataire a été suspendu à compter du 14 février 2022.

[42] Le prestataire a demandé une exemption à la vaccination pour des motifs religieux. La demande n’est pas datée. Il a dit à un agent de Service Canada qu’il avait demandé une exemption parce qu’il savait qu’il pouvait être mis en congé sans solde s’il ne respectait pas la politique. Je reconnais que l’employeur a avisé le prestataire par écrit que sa demande d’exemption [sic] après lui avoir écrit qu’il était suspendu de son emploi. Dans la lettre rejetant la demande d’exemption du prestataire, l’employeur a écrit : [traduction] « comme pour toute personne couverte par la politique de vaccination de [l’employeur] qui n’a pas d’exemption valide, vous êtes tenu de vous y conformer ».

[43] La preuve m’indique que le prestataire était au courant de la politique de l’employeur et de la date limite pour être entièrement vacciné ou pour bénéficier d’une exemption valide à la vaccination. La preuve m’indique aussi que le prestataire n’était pas vacciné le 31 janvier 2022 et qu’il n’avait pas d’exemption valide à la vaccination à cette date. Il savait que s’il n’était pas vacciné ou s’il n’avait pas d’exemption valide, il pourrait être suspendu (mis en congé sans solde) pour ne pas avoir respecté la politique de vaccination de l’employeur et, par conséquent, ne pas être en mesure d’exercer ses fonctions professionnelles. Il n’y a aucune preuve que le prestataire pourrait fournir qui changerait ces faits. Il n’y a aucun argument que le prestataire pourrait faire valoir qui me mènerait à une conclusion différente. Par conséquent, il est clair pour moi que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès, peu importe les éléments de preuve ou les arguments qu’il pourrait présenter à une audience. Je dois donc rejeter l’appel de façon sommaire.

Conclusion

[44] Je conclus que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès. Je dois donc rejeter son appel de façon sommaire.

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