Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : LM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 489

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : L. M.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 6 février 2023
(GE-22-2490)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 24 avril 2023
Numéro de dossier : AD-23-243

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur (prestataire) a été suspendu de son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. On ne lui a pas accordé d’exemption. Le prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a décidé que le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite, de sorte qu’elle ne pouvait pas lui verser de prestations. Elle a également conclu qu’il n’était pas disponible pour travailler à la suite de sa suspension. Après des révisions défavorables à son égard, le prestataire a fait appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu de son emploi pour avoir refusé de se conformer à la politique de l’employeur. On ne lui a pas accordé d’exemption. La division générale a conclu que le prestataire savait que l’employeur était susceptible de le suspendre dans ces circonstances. La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. Elle a également conclu que le prestataire n’était pas disponible pour travailler pendant sa suspension.

[5] Le prestataire demande la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel. Il soutient que la division générale a commis des erreurs de fait et de droit.

[6] Je dois décider si le prestataire a soulevé une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès? 

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont les suivantes :

  1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. La division générale n’a pas décidé d’une question qu’elle aurait dû trancher, ou elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à une audience sur le fond. Il s’agit d’une première étape que le prestataire doit franchir, mais où le fardeau est inférieur à celui dont il devra s’acquitter à l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande permission de faire appel, le prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Il doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, on peut soutenir qu’il y a eu une erreur révisable qui pourrait donner à l’appel une chance de succès.

[11] Par conséquent, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel susmentionnés, et qu’au moins un des motifs a une chance raisonnable de succès. 

Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

Inconduite

[12] Le prestataire soutient que la Commission ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombe en matière d’inconduite. Il soutient que l’employeur a imposé de nouvelles conditions à la convention collective sans faire de consultation ou obtenir d’approbation comme il se doit. Le prestataire soutient qu’aucune obligation expresse détaillée dans sa convention collective n’appuierait une obligation de se faire vacciner contre la COVID-19. En l’absence de législation ou de directives spécifiques appuyées par une législation qui oblige les gens à se faire vacciner, la vaccination demeure volontaire.

[13] La division générale devait décider si le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.

[14] La notion d’inconduite n’implique pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir si celui-ci s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant le prestataire de telle sorte que sa suspension était injustifiée, mais plutôt de décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné sa suspension Note de bas de page 1.

[16] À la lumière de la preuve, la division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu parce qu’il avait refusé de se conformer à la politique. On ne lui a pas accordé d’exemption. Il avait été informé de la politique de l’employeur et il avait eu le temps de s’y conformer. Le refus du prestataire était intentionnel et donc délibéré. Il s’agit de la cause directe de sa suspension.

[17] La division générale a conclu que le prestataire savait que son refus de se conformer à la politique pourrait entraîner sa suspension.

[18] La division générale a conclu de la preuve prépondérante que le comportement du prestataire constituait une inconduite.

[19] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 2. On considère également comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi le fait de ne pas observer une politique dûment approuvée par un gouvernement ou une industrieNote de bas de page 3.

[20] Devant la division générale, le prestataire a fait référence au Guide de la détermination de l’admissibilité et a soulevé la question de savoir si l’application de la politique de l’employeur était raisonnable compte tenu de son contexte de travail. Il a également fait valoir qu’il n’y a pas insubordination lorsqu’une employée ou un employé trouve impossible, en toute conscience, de suivre une politique établie par un employeur.

[21] Il est important de rappeler que le Guide est un guide d’interprétation qui n’a pas force obligatoire pour le Tribunal. Une politique reflète simplement l’opinion de l’administrateur qui agit au titre de la loi. Cet avis ne correspond pas nécessairement à la loiNote de bas de page 4.

[22] Il n’est pas vraiment contesté qu’un employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité des membres de son personnel sur leur lieu de travail. Il n’appartient pas au Tribunal de décider si les mesures de santé et de sécurité de l’employeur concernant la COVID-19 étaient efficaces ou raisonnables.

[23] Par conséquent, je ne vois aucune erreur dans la conclusion de la division générale selon laquelle elle n’a pas la compétence de trancher les questions concernant l’efficacité du vaccin ou le caractère raisonnable de la politique de l’employeur qui s’applique aux membres du personnel qui travaillent à distance.

[24] Dans la présente affaire, l’employeur a suivi les recommandations de l’Agence de la santé publique du Canada pour mettre en œuvre sa politique de protection de la santé de tous les membres du personnel pendant la pandémie. La politique était en vigueur lorsque le prestataire a été suspenduNote de bas de page 5.

[25] La question de savoir si l’employeur a enfreint la convention collective du prestataire ou si sa politique a enfreint ses droits fondamentaux et constitutionnels relève d’une autre instance. Le Tribunal n’est pas l’endroit approprié où le prestataire peut obtenir la réparation qu’il demandeNote de bas de page 6.

[26] La Cour fédérale a rendu une décision récente dans l’affaire Cecchetto concernant l’inconduite et le refus d’une partie prestataire de suivre la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur.

[27] Le prestataire a fait valoir que le refus de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur n’est pas une inconduite. Il a affirmé qu’il n’était pas prouvé que le vaccin était sécuritaire et efficace. Le prestataire a senti qu’il avait été victime de discrimination en raison de son choix médical personnel. Il a soutenu qu’il a le droit d’être maître de sa propre intégrité physique et que ses droits ont été violés au titre du droit canadien et du droit internationalNote de bas de page 7.

[28] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle, selon la loi, le Tribunal n’est pas autorisé à répondre à ces questions. La Cour a convenu qu’en faisant un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations envers celui-ci et qu’il avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 8. La Cour a déclaré qu’il y a d’autres façons dont les demandes du prestataire peuvent progresser adéquatement dans le cadre du système juridique.

[29] Dans l’affaire Paradis précédente, le prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu qu’il n’y avait pas eu d’inconduite parce que la politique de l’employeur violait ses droits au titre de l’Alberta Human Rights Act [loi albertaine sur les droits de la personne]. La Cour fédérale a conclu que cette question relevait d’une autre instance.

[30] La Cour fédérale a déclaré qu’il existe des recours pour qu’une partie prestataire sanctionne le comportement d’un employeur sans que les coûts de ce comportement soient transférés au Régime d’assurance-emploi.

[31] Dans l’affaire Mishibinijima, la Cour d’appel fédérale a déclaré que l’obligation de l’employeur d’offrir des mesures d’adaptation n’est pas pertinente pour trancher les cas d’inconduite à l’assurance-emploi.

[32] Comme je l’ai mentionné plus haut, le rôle de la division générale n’est pas de déterminer si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant le prestataire de sorte que sa suspension était injustifiée, mais plutôt de décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si cette inconduite a entraîné sa suspension.

[33] La preuve prépondérante devant la division générale démontre que le prestataire a fait un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l’employeur en réponse aux circonstances exceptionnelles créées par la pandémie, et que cela a entraîné sa suspension.

[34] Je ne vois aucune erreur révisable commise par la division générale lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 9..

[35] Je suis pleinement conscient que le prestataire peut demander réparation devant une autre instance, si une violation est établieNote de bas de page 10. Cela ne change rien au fait qu’au titre de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite.

Disponibilité

[36] Le prestataire soutient que la division générale n’a pas tenu compte du contexte de la COVID-19 et de ses obligations envers son employeur aux termes de la convention collective.

[37] Pour être considérée comme disponible pour travailler, une partie prestataire doit démontrer qu’elle est capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable d’obtenir un emploi convenable.

[38] La disponibilité doit être déterminée en analysant trois facteurs :

  1. (1) le désir de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable est offert;
  2. (2) l’expression de ce désir par des efforts pour trouver un emploi convenable;
  3. (3) ne pas établir de conditions personnelles qui pourraient limiter indûment les chances de retourner sur le marché du travail.

[39] De plus, la disponibilité est déterminée pour chaque jour ouvrable d’une période de prestations pour lequel la partie prestataire peut prouver qu’elle était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable d’obtenir un emploi convenable.

[40] Une partie prestataire doit établir sa disponibilité pour le travail et cette disponibilité ne doit pas être indûment limitée pour recevoir des prestations. La Loi sur l’assurance-emploi est conçue de façon à ce que seules les personnes qui sont véritablement au chômage et qui cherchent activement du travail reçoivent des prestations.

[41] Le fait que le prestataire n’ait pas le droit, au titre de son contrat de travail, de chercher un emploi ne le soustrait pas à cette obligation au titre de la Loi sur l’assurance-emploi. Il s’agit d’une condition essentielle pour recevoir des prestations d’assurance-emploi.

[42] La division générale a conclu que le prestataire n’avait pas démontré qu’il voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert. Elle a conclu que le prestataire attendait que son employeur le rappelle au travail après avoir levé l’obligation de se faire vacciner.

[43] La division générale a conclu qu’en choisissant de ne pas se faire vacciner, le prestataire se limitait à des emplois où il n’aurait pas à se faire vacciner. De plus, c’était, de son propre aveu, à une époque où la plupart (sinon la totalité) des emplois dans son domaine ou au gouvernement exigeaient que les candidates et les candidats soient vaccinés.

[44] La preuve appuie la conclusion de la division générale selon laquelle le prestataire n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler, mais incapable de trouver un emploi convenable.

Conclusion

[45] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments du prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès sur les deux questions. 

[46] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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