Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : LM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 490

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : L. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (488164) datée du 22 juin 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Glenn Betteridge
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 14 décembre 2022
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 6 février 2023
Numéro de dossier : GE-22-2490

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Décision

[1] Je rejette l’appel de L. M.

[2] La Commission a prouvé que son employeur l’a suspendu pour ne pas avoir respecté sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19. Cela est considéré comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Il n’est donc pas admissible aux prestations régulières d’assurance-emploi pendant sa suspension.

[3] De plus, il n’a pas prouvé qu’il était disponible pour travailler pendant sa suspension. Il s’agit d’une autre raison pour laquelle il n’est pas admissible à recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi pendant sa suspension.

Aperçu

[4] Le prestataireNote de bas de page 1 a été suspendu de son emploi chez X (X ou l’employeur).

[5] L’employeur affirme l’avoir suspendu parce qu’il n’a pas respecté sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19.

[6] Le prestataire ne conteste pas cela.

[7] La Commission a accepté la raison de la suspension fournie par l’employeur du prestataire. Elle a décidé que l’employeur du prestataire l’avait suspendu pour une raison que la Loi sur l’assurance-emploi considère comme une inconduite. La Commission ne lui a donc pas versé de prestations d’assurance-emploi pour la période de sa suspension (du 13 décembre 2021 au 17 juin 2022).

[8] Le prestataire n’est pas d’accord. Il affirme que le refus de suivre la politique de vaccination n’était pas une inconduite. La politique de vaccination n’était pas raisonnable et ne devrait pas s’appliquer à lui parce qu’il travaillait de la maison. La politique de la Commission et une décision d’arbitrage l’appuient. Il affirme également que la politique de vaccination de son employeur a porté atteinte à ses droits au titre de la Charte canadienne des droits et libertés et de la loi sur la protection de la vie privée, et qu’elle a violé le principe du consentement éclairé aux traitements médicaux.

[9] La Commission a également décidé que le prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi parce qu’il n’était pas disponible pour travailler.

[10] Les parties prestataires de prestations régulières doivent démontrer qu’elles sont disponibles pour travailler. Autrement dit, une partie prestataire a l’obligation constante de chercher du travail.

[11] La Commission affirme que le prestataire n’a pas prouvé qu’il était disponible. Il a indûment limité sa disponibilité pour travailler de deux façons. Premièrement, il a limité sa recherche d’emploi. Il ne cherchait pas d’emploi dans son domaine en raison de conflits potentiels avec son emploi chez X. Deuxièmement, sa décision de ne pas se faire vacciner a limité indûment sa disponibilité.

[12] Le prestataire n’est pas d’accord. Il dit qu’il était prêt, disposé et capable de travailler depuis le premier jour de sa suspension. Il affirme que ce sont les lignes directrices de son employeur sur les conflits d’intérêts qui ont indûment restreint ses options, mais pas lui.

[13] Je dois décider si le prestataire a été suspendu de son emploi pour inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Et je dois décider si le prestataire a prouvé qu’il était disponible pour travailler.

Question que je dois examiner en premier

Les décisions dont le prestataire fait appel

[14] Au début de l’audience, j’ai discuté avec le prestataire de deux choses qui ont eu une incidence sur les décisions découlant de la révision de la Commission :

  • La Commission affirme avoir commis deux erreurs d’écriture dans sa décision découlant d’une révisionNote de bas de page 2.
  • Entre la décision initiale de la Commission et sa décision découlant d’une révision, l’employeur du prestataire a mis fin à son mandat de vaccination contre la COVID-19 et il a repris le travail.

[15] Le prestataire a reconnu qu’il fait appel des décisions de la Commission selon lesquelles :

  • Il n’était pas admissible aux prestations régulières d’assurance-emploi du 13 décembre 2021 au 17 juin 2022 parce qu’il a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 3.
  • Il n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi du 13 décembre 2021 au 17 juin 2022 parce qu’il n’a pas démontré sa disponibilité pour travailler pendant cette période.

Questions en litige

[16] Le présent appel porte sur deux questions.

  • Le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi pour une raison que la Loi sur l’assurance-emploi considère comme une inconduite?
  • Le prestataire était-il disponible pour travailler pendant sa suspension?

Inconduite

[17] La loi prévoit qu’une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance‑emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite. Cela s’applique, peu importe si l’employeur a congédié ou suspendu la personne.

[18] Une suspension au titre de la Loi sur l’assurance-emploi signifie la même chose qu’une mise en congé sans solde par l’employeur.

[19] Je dois décider deux choses :

  • la raison de la suspension du prestataire;
  • si la Loi sur l’assurance-emploi considère ce motif comme une inconduite

La raison de la suspension du prestataire

[20] Je conclus que l’employeur du prestataire l’a suspendu parce qu’il ne s’est pas conformé à sa politique de vaccination.

[21] Le prestataire et la Commission sont d’accord sur ce point. C’est ce que :

[22] Je n’ai aucune raison de douter de ce que le prestataire et son employeur ont dit. Et il n’y a aucune preuve qui contredit ce qu’ils ont dit.

La raison est une inconduite au sens de la loi

[23] Le refus du prestataire de se conformer à la politique de vaccination de son employeur constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

Inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi

[24] La Loi sur l’assurance-emploi ne précise pas ce qu’est une inconduite. Les décisions des tribunaux énoncent le critère juridique de l’inconduite. Celui-ci m’indique les types de faits et les questions que je dois examiner au moment de rendre ma décision.

[25] La Commission doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite, et non pour une autre raisonNote de bas de page 7.

[26] Je dois me concentrer sur ce que le prestataire a fait ou omis de faire et sur la question de savoir si cette conduite constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 8. Je ne peux pas décider si la politique de l’employeur est raisonnable ou si la suspension est une sanction raisonnableNote de bas de page 9.

[27] Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable. Autrement dit, il n’a pas à avoir eu l’intention de faire quelque chose de mal pour que je décide que sa conduite est une inconduiteNote de bas de page 10. Pour être considérée comme une inconduite, sa conduite doit être délibérée, c’est-à-dire consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 11. L’inconduite comprend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 12.

[28] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir une obligation qu’il devait à son employeur, et s’il savait ou aurait dû savoir qu’il y avait une possibilité réelle qu’il soit suspendu pour cette raisonNote de bas de page 13.

[29] Je peux seulement décider s’il y a eu une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[30] Je ne peux pas rendre ma décision en me fondant sur d’autres loisNote de bas de page 14. Je ne peux pas décider si une partie prestataire a été congédiée de façon déguisée ou injustifiée au titre du droit du travail. Je ne peux pas interpréter une convention collective ni décider si un employeur a enfreint une convention collectiveNote de bas de page 15. Je ne peux pas décider si un employeur a fait preuve de discrimination à l’égard d’une partie prestataire, ou s’il aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation au titre des droits de la personneNote de bas de page 16. De plus, je ne peux pas décider si un employeur a porté atteinte à la vie privée ou à d’autres droits d’une partie prestataire dans le contexte de l’emploi, ou autrement.

Ce que disent la Commission et le prestataire

[31] La Commission et le prestataire s’entendent sur les faits clés de la présente affaire. Les faits clés sont ceux que la Commission doit prouver pour démontrer que la conduite du prestataire constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[32] La Commission affirme qu’il y a eu une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi parce que la preuve démontre ce qui suitNote de bas de page 17 :

  • l’employeur avait une politique de vaccination et il en a informé tous les membres du personnelNote de bas de page 18;
  • la politique s’applique à tous les membres du personnel, y compris les personnes qui travaillent à distanceNote de bas de page 19;
  • selon la politique de vaccination, le prestataire devait divulguer son statut vaccinal à son employeur au plus tard le 29 octobre 2021Note de bas de page 20;
  • il savait ce qu’il devait faire au titre de la politiqueNote de bas de page 21;
  • il savait également que son employeur pouvait le suspendre au titre de la politique s’il ne fournissait pas de preuve de vaccination (ou n’obtenait pas d’exemption) dans les deux semaines suivant la date limite pour présenter une attestationNote de bas de page 22;
  • il n’a pas demandé d’exemptionNote de bas de page 23;
  • il a fait un choix personnel, conscient et délibéré de ne pas se faire vacciner avant la date limiteNote de bas de page 24;
  • son employeur l’a suspendu parce qu’il n’a pas respecté sa politique de vaccinationNote de bas de page 25.

[33] Dans sa demande de révision, le prestataire a écrit : [traduction] « La politique de vaccination a été clairement communiquée et j’ai été informé des conséquences du non-respectNote de bas de page 26 ». Il a dit à la Commission qu’il avait pris connaissance de la politique de vaccination le 10 novembre 2021, que la date limite pour attester de son statut vaccinal était le 30 novembre et qu’il avait jusqu’au 10 décembre pour se faire vaccinerNote de bas de page 27.

La Commission a prouvé qu’il y avait eu inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploi

[34] Il y a un fait clé dans le présent appel où la preuve n’est pas cohérente : la date limite à laquelle le prestataire devait attester son statut vaccinal. La politique de vaccination prévoit que ce soit le 29 octobre 2021.

[35] Ce qui est plus important que la date, c’est que le prestataire connaissait la politique de vaccination, ce qu’il devait faire et quand, et que même si son employeur lui a donné le temps de faire ces choses et que le prestataire connaissait les conséquences du non-respect, il ne les a pas faites.

[36] Je n’ai aucune raison de douter de la preuve du prestataire (ce qu’il a dit à la Commission et à l’audience, et ce qu’il a écrit dans sa demande de révision et son avis d’appel). Son témoignage est cohérent. Il a dit la même chose à la Commission et au Tribunal, et son histoire est demeurée la même au fil du temps.

[37] J’accepte la preuve de la Commission parce qu’elle concorde avec la preuve du prestataire, et aucune preuve ne la contredit.

[38] Selon la preuve que j’ai acceptée, je conclus que la Commission a prouvé que la conduite du prestataire était une inconduite parce qu’elle a démontré que :

  • le prestataire connaissait la politique de vaccination;
  • il était au courant de son obligation de se faire entièrement vacciner et d’en attester (ou d’obtenir une exemption) dans le délai prévu;
  • il savait que son employeur le suspendrait s’il ne se faisait pas vacciner;
  • il a consciemment, délibérément et intentionnellement pris la décision personnelle de ne pas se faire vacciner avant la date limite;
  • il a été suspendu de son emploi parce qu’il n’a pas respecté la politique de vaccination.

Autres arguments du prestataire

[39] Dans son avis d’appel et à l’audience, le prestataire a dit que sa conduite n’était pas une inconduite, et que la Commission devrait donc lui verser des prestations régulières d’assurance-emploi, carNote de bas de page 28 :

  • Le site Web de la Commission de l’assurance-emploi indique que la Commission examinera si l’application de la politique à votre endroit était raisonnable dans votre milieu de travail. Le prestataire affirme qu’elle ne l’était pas, parce qu’il travaillait à la maison à temps plein et qu’il n’avait aucun contact avec les autres membres du personnel.
  • Une décision d’arbitrage impliquant l’Electrical Safety Authority et le Power Worker’s Union (11 novembre 2021) dit qu’une politique de vaccination obligatoire n’est pas raisonnable pour les personnes qui travaillent à domicile.
  • La section 7.3.2 du Guide de la détermination de l’admissibilité à l’assurance-emploi précise qu’il n’y a pas d’insubordination lorsqu’une personne trouve impossible, en toute conscience, de suivre une politique établie par son employeurNote de bas de page 29. Elle ajoute que la Commission devrait vérifier si la politique semble raisonnable et s’il y avait d’autres solutions raisonnables dans les circonstances.

[40] Je ne suis pas d’accord avec ces arguments. Ils ne modifient pas ma décision selon laquelle la conduite du prestataire constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[41] Je n’ai pas à suivre le site Web de la Commission, le Guide de la détermination de l’admissibilité ou une décision d’arbitrage fondée sur une convention collective. Je dois interpréter et appliquer la Loi sur l’assurance-emploi en fonction des décisions des tribunaux, que je suis tenu de suivre. Aucune des sources auxquelles le prestataire fait référence ne me force à trancher sa cause d’une façon ou d’une autre. Je ne vais pas les suivre.

[42] À l’audience, le prestataire a fait référence à deux décisions du Tribunal de la sécurité sociale qui, selon lui, appuient son argument selon lequel la politique d’un employeur doit être raisonnable dans le contexte de la travailleuse ou du travailleur et du milieu de travailNote de bas de page 30.

[43] Je n’ai pas à suivre les autres décisions du Tribunal. Je peux cependant le faire si je les juge pertinentes et que les raisons me convainquent. J’ai examiné les deux décisions mentionnées par le prestataire.

[44] J’estime que les deux décisions du Tribunal auxquelles le prestataire a fait référence ne [sic] pas son argument. Elles ne changent donc rien à ma conclusion selon laquelle son refus de suivre la politique de vaccination de son employeur constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[45] Enfin, le prestataire a fait valoir que les mandats de vaccination portent atteinte aux droits qui lui sont garantis par la Charte, qu’ils vont à l’encontre de la loi ontarienne sur la protection de la vie privée, et qu’ils sont incompatibles avec les principes du consentement éclairé et de la non-coercition dans les traitements médicaux.

[46] Malheureusement pour le prestataire, je ne peux pas tenir compte de ces arguments. Je ne peux pas appliquer les lois et les principes sur lesquels il s’appuieNote de bas de page 31. Je peux seulement tenir compte de la Loi sur l’assurance-emploi au moment de décider si sa conduite constitue une inconduite au sens de cette loi.

Résumé de ma conclusion sur l’inconduite

[47] Après avoir examiné et soupesé tous les documents et témoignages, je conclus que la Commission a démontré que le prestataire a été suspendu de son emploi pour une raison que la Loi sur l’assurance-emploi considère comme une inconduite.

Disponibilité pour le travail

[48] Je conclus que le prestataire n’a pas prouvé qu’il était disponible pour travailler du 13 décembre 2021 au 17 juin 2022. Il s’agit de la période de suspension du prestataire puisqu’il est retourné au travail le 20 juin 2022. Voici les raisons qui appuient ma conclusion.

[49] Deux articles de la Loi sur l’assurance-emploi exigent qu’une partie prestataire démontre qu’elle est disponible pour travailler.

  • L’article 50(8) prévoit qu’une partie prestataire doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenable.
  • L’article 18(1)(a) prévoit qu’une partie prestataire doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais qu’elle est incapable de trouver un emploi convenable.

[50] La loi énonce les critères que je dois examiner lorsque je détermine si un emploi est convenable pour une partie prestataireNote de bas de page 32. Les décisions judiciaires indiquent que l’expression « emploi convenable » peut tenir compte de la situation personnelle de la partie prestataireNote de bas de page 33. Plus important encore, ce qui est considéré comme un emploi convenable peut varier au fur et à mesure que la période de [sic] s’allongeNote de bas de page 34.

[51] Mes conclusions sur les faits ne dépendent pas des critères juridiques. Cependant, mes conclusions sur la question de savoir si le prestataire a satisfait aux critères juridiques dépendent de mes conclusions de fait. Je vais donc maintenant examiner la preuve et tirer des conclusions de fait. Ensuite, selon celles-ci, j’appliquerai les deux articles sur la disponibilité de la Loi sur l’assurance-emploi à la situation du prestataire.

Preuves et positions des parties

[52] La Commission dit avoir déclaré le prestataire inadmissible aux termes des deux articlesNote de bas de page 35. Cependant, elle présente son argument juridique sans faire spécifiquement référence à l’un ou l’autre des articlesNote de bas de page 36. Quoi qu’il en soit, c’est au prestataire de prouver qu’il était disponible pour travailler.

[53] La Commission affirme que le prestataire n’en a pas fait assez pour essayer de se trouver un emploi, et ce, pour deux raisons :

  • Premièrement, la Commission affirme qu’il se limitait en raison de son emploi chez X. Il savait qu’une fois sa suspension terminée, il reprendrait cet emploi, alors il n’a pas fait assez d’efforts pour trouver du travail. De plus, pendant sa suspension, il ne postulait pas pour des emplois qui iraient à l’encontre des règles de X sur les conflits d’intérêts. Le prestataire a admis qu’il ne pouvait pas chercher un autre emploi et qu’il n’avait pas postulé pour d’autres postes ou fait de recherche en ligne, et qu’il ne s’était pas non plus inscrit sur des sites d’emplois pour trouver un emploiNote de bas de page 37.
  • Deuxièmement, la Commission affirme que son choix de ne pas se faire vacciner contre la COVID-19 a rendu difficile la recherche d’un autre emploi parce que les offres d’emploi des employeurs potentiels indiquaient qu’ils exigeaient un document prouvant qu’il avait été vacciné.

[54] Selon la Commission, le prestataire a dit ce qui suit à la CommissionNote de bas de page 38 :

  • il a eu de la difficulté à trouver un nouvel emploi en raison des règles de X sur les conflits d’intérêts, qui limitaient les endroits où il pouvait présenter une demande;
  • les seuls postes qu’il pourrait occuper seraient dans le domaine des finances, ce qui constituerait un conflit d’intérêts, et s’il occupait un poste où il y avait un conflit d'intérêts, il perdrait son emploi permanent chez X;
  • il ne postulait pas à des emplois en dehors de sa profession parce qu’il ne savait pas ce qu’il pouvait faire ni quelles compétences il avait;
  • il postulait à quelques emplois par semaine, mais trouvait difficile d’obtenir un nouveau poste (notes de la Commission datant d’avril 2022);
  • il n’avait postulé à aucun poste pendant sa suspension (notes de juin 2022);
  • la majorité des nouveaux employeurs qui ont communiqué avec lui ont demandé une preuve de vaccination contre la COVID-19, mais il n’a pas précisé combien d’employeurs avaient communiqué avec lui;
  • il n’avait pas fait de recherche en ligne et il ne s’était pas inscrit sur des sites d’emploi.

[55] Dans son avis d’appel, le prestataire affirme que ce sont les règles de son employeur sur les conflits d’intérêts et les mandats vaccinaux qui ont limité ses options dans sa recherche d’un emploi convenable, et non lui. Et il était [traduction] « prêt, disposé et capable de travailler » depuis le premier jour de sa suspensionNote de bas de page 39.

[56] Le prestataire a déclaré à l’audience qu’il a passé toute sa carrière à travailler pour X en fiscalité, et qu’il avait espéré que sa suspension ne durerait pas aussi longtemps.

[57] Il a déclaré que pendant sa suspension :

  • il a parlé à son chef d’équipe chez X, qui lui a dit qu’il serait congédié s’il enfreignait les règles de X sur les conflits d’intérêt pendant sa suspension;
  • il serait contre-productif qu’il se rende chez un autre employeur de la même industrie (et qu’il perde son emploi chez X en raison d’un conflit), puisque son congédiement était seulement temporaire;
  • il a produit beaucoup de déclarations de revenus pour des particuliers gratuitement pendant sa suspension, mais il ne pouvait pas produire de déclarations de revenu d’entreprises en raison de conflits d'intérêts potentiels;
  • il a regardé quelques centaines d’offres d’emploi, où il n’y aurait pas de conflit d’intérêts, mais il a cessé de le faire parce que les emplois exigeaient la vaccination contre la COVID-19 et que la [traduction] « question du mandat » l’a frustré assez rapidement;
  • il s’agissait d’emplois de premier échelon qui étaient beaucoup moins rémunérateurs que son emploi chez X.

[58] La preuve semble présenter une incohérence quant à savoir s’il a postulé pour des emplois. Cependant, la preuve a du sens quand je regarde ce qui s’est passé au fil du temps, et l’incohérence s’efface.

[59] Je juge que le prestataire a cessé de chercher du travail et de postuler pour des emplois quelque temps après avril 2022. J’accepte la preuve de la Commission selon laquelle il postulait pour quelques emplois chaque semaine (notes d’avril 2022). Le prestataire a témoigné de façon franche et a répondu à mes questions. Je n’ai aucune raison de douter de son témoignage. Il était clair que sa recherche d’emploi lui causait de la frustration (en raison des règles sur les conflits d’intérêts et du fait qu’il n’était pas vacciné). Cela appuie ma conclusion selon laquelle il a cessé de chercher du travail.

[60] Je n’accepte pas qu’il n’ait jamais postulé pour des emplois pendant sa suspension (notes de juin 2022). Aucun autre élément de preuve ne le confirme.

[61] J’accepte sans hésitation la preuve de la Commission et celle du prestataire sur tous les autres points. Ces éléments de preuve sont cohérents. Le prestataire a dit et écrit plus ou moins la même chose à la Commission et au Tribunal. Son récit n’a pas changé au fil du temps et il n’y a pas de preuve contradictoire.

[62] Je me reporterai à la preuve que j’ai acceptée lorsque j’appliquerai le critère juridique prévu aux deux articles de la Loi sur l’assurance-emploi qui portent sur la disponibilité.

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable

[63] Selon la loi, une partie prestataire doit prouver qu’elle fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 40. Autrement dit, le prestataire doit continuer d’essayer de trouver un emploi convenable.

[64] Je dois évaluer ses démarches pour voir si elles étaient soutenues, et si elles visaient à trouver un emploi convenableNote de bas de page 41. Le Règlement sur l’assurance-emploi énumère neuf activités de recherche d’emploi dont je dois tenir compteNote de bas de page 42.

[65] Selon la preuve que j’ai acceptée ci-dessus, la pertinence de l’emploi n’est pas une question en litige dans le présent appel. Dans la mesure limitée où il a fait des recherches d’emploi, le prestataire a passé en revue des offres pour trouver des emplois dans le domaine plus vaste de la finance, et pas seulement dans sa spécialité en fiscalité. Il a aussi cherché des emplois de premier échelon moins rémunérés que son emploi chez X.

[66] Selon la preuve que j’ai acceptée ci-dessus, je conclus que le prestataire n’a pas prouvé que ses démarches pour trouver un emploi étaient habituelles et raisonnables. Voici un bref résumé des éléments de preuve que j’ai acceptés ci-dessus et qui se rapportent aux « démarches habituelles et raisonnables » : il a effectué un nombre restreint d’activités de recherche d’emploi pendant une période limitée. Il a passé en revue des offres d’emploi et a postulé pour quelques emplois par semaine, en se limitant aux emplois qui ne créaient pas de conflit d'intérêts potentiel. Cependant, il a renoncé à ces activités lorsque sa recherche d’emploi a commencé à lui causer de la frustration (en avril 2022).

[67] Il n’a donc pas fait des démarches suffisantes ou soutenues pour trouver un emploi. Cela signifie qu’il n’a pas prouvé que ses démarches pour trouver un emploi étaient habituelles et raisonnables.

Capable et disponible pour travailler

[68] Une partie prestataire doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 43. Pour ce faire, elle doit prouver trois chosesNote de bas de page 44 :

  • Elle désire retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui est offert.
  • Elle a fait des démarches pour trouver un emploi convenable.
  • Elle n’a pas établi de conditions personnelles qui limiteraient indûment (c’est-à-dire, excessivement) ses chances de retourner travailler.

[69] Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois examiner l’attitude et la conduite du prestataireNote de bas de page 45.

[70] Le prestataire doit démontrer qu’il était disponible pendant les heures normales de travail pour chaque jour ouvrable de la période de prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 46.

Désir de retourner travailler

[71] Je conclus que le prestataire n’a pas démontré qu’il voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert.

[72] Plus haut, j’ai accepté qu’après avril 2022, il a arrêté de chercher un emploi et de postuler pour des emplois. Auparavant, sa recherche d’emploi consistait surtout à lire des offres d’emploi, dont il rejetait la plupart en raison d’un conflit d'intérêts potentiel, parce qu’il devait se faire vacciner ou parce qu’il s’agissait d’emplois moins rémunérateurs que son emploi chez X. J’ai accepté le témoignage du prestataire selon lequel il n’était pas prêt à recommencer sa carrière chez un autre employeur.

[73] Je conclus que le prestataire se fondait sur le fait qu’il savait qu’il retournerait travailler chez X lorsque sa suspension prendrait fin. Il attendait que son employeur lève l’exigence de vaccination et qu’il le rappelle au travail. Je conclus donc qu’il ne voulait pas retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert.

[74] J’estime donc que son attitude et sa conduite démontrent qu’il ne voulait pas retourner travailler dès qu’un emploi convenable lui serait offert.

Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[75] Je juge que le prestataire n’a pas fait assez de démarches pour trouver un emploi convenable.

[76] Lorsque j’analyse ce deuxième élément, je peux examiner la liste des activités de recherche d’emploi prévues par le Règlement sur l’assurance-emploi, mais je ne peux pas laisser cette liste dicter ma décisionNote de bas de page 47. Et je ne l’ai pas fait dans le présent appel.

[77] Plus haut, j’ai accepté la preuve selon laquelle le prestataire a fait seulement deux choses pour trouver un emploi : il a passé en revue des offres d’emploi et il a postulé pour quelques emplois par semaine. Il a abandonné ces activités quelque temps après avoir parlé à la Commission en avril 2022. Pendant sa suspension, il a passé beaucoup de temps à produire des déclarations de revenus pour des particuliers gratuitement, plutôt qu’à chercher du travail.

[78] Ainsi, selon la preuve que j’ai acceptée, l’attitude et la conduite du prestataire me montrent qu’il ne faisait pas les démarches que la loi exige pour trouver un emploi convenable.

Limiter indûment ses chances de retourner travailler

[79] J’estime que le prestataire a établi des conditions personnelles qui ont limité indûment ses chances de retourner travailler :

  • il cherchait uniquement un emploi qui ne créerait pas de conflit d’intérêts avec son emploi chez X;
  • il a choisi de ne pas se faire vacciner contre la COVID-19.

[80] Les tribunaux ont conclu que je dois juger ce facteur objectivement, alors je ne devrais pas examiner les raisons de la restriction de la disponibilitéNote de bas de page 48. Autrement dit, la condition personnelle n’a pas à être imposée par le prestataire ou sous son contrôle. La question est de savoir si cela restreint indûment sa disponibilité à retourner travailler.

[81] Plus haut, j’ai admis que le prestataire limitait sa recherche d’emploi aux emplois qui ne créeraient pas de conflits d’intérêts potentiels. J’estime qu’il s’agissait d’une condition personnelle qui limitait indûment ses chances de retourner travailler. Toute son expérience professionnelle était en fiscalité. En raison des règles de son employeur sur les conflits d’intérêts, il a refusé de chercher du travail en fiscalité. Cela limitait indûment ses chances de retourner travailler.

[82] Plus haut, j’ai accepté la preuve du prestataire selon laquelle la majorité des employeurs exigeaient la vaccination contre la COVID-19. Autrement dit, son statut vaccinal l’empêchait d’être considéré pour la majorité des emplois qui l’intéressaient, ou de se voir offrir la majorité de ces emplois. Je conclus donc qu’en ne se faisant pas vacciner contre la COVID-19, le prestataire a limité à tort ses chances de retourner travailler.

Conclusion sur la disponibilité pour le travail

[83] Après avoir examiné la preuve et les arguments, je conclus que le prestataire n’a pas démontré ce qui suit :

  • qu’il a fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable;
  • qu’il était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenable.

[84] Autrement dit, le prestataire n’a pas prouvé qu’il était disponible pour travailler pendant sa suspension.

Conclusion

[85] La Commission a prouvé que le prestataire a été suspendu pour inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Il n’est donc pas admissible à recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi pendant sa suspension.

[86] Le prestataire n’a pas prouvé qu’il était disponible pour travailler pendant sa suspension. Il s’agit donc d’une autre raison pour laquelle il n’est pas admissible aux prestations régulières d’assurance-emploi pendant sa suspension.

[87] C’est ce que la Commission a décidé. Je rejette donc l’appel.

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