Assurance-emploi (AE)

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Citation : AP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 761

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. P.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (542684) datée du 20 octobre 2022 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Guillaume Brien
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 16 mars 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 24 mars 2023
Numéro de dossier : GE-22-3771

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a été suspendu en raison de son inconduite (c’est-à-dire parce qu’il a fait quelque chose qui lui a mérité d’être suspendu de son emploi). Par conséquent, le prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] Le prestataire a été suspendu de son emploi du 1er février 2022 au 10 juillet 2022. Son employeur a affirmé qu’il a été suspendu parce qu’il a refusé de se conformer à sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19.

[4] Bien que le prestataire ne conteste pas ce qui s’est passé, il affirme que de ne pas se faire vacciner à la demande de son employeur ne constitue pas une inconduite au sens de la Loi. Il dit que sa décision personnelle de ne pas se faire vacciner n’a pas affecté sa capacité à faire son travail. Il dit n’avoir rien commis de répréhensible.Note de bas de page 2

[5] La Commission a accepté la raison de la suspension que l’employeur a fournie. Elle a conclu que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison de son inconduite. Il était donc inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Question en litige

[6] Le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[7] Pour décider si le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison le prestataire a été suspendu de son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi?

[8] J’accepte que le prestataire a été suspendu de son emploi parce qu’il a refusé de se conformer à la politique de son employeur sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19.

[9] La Commission et le prestataire s’entendent sur la raison pour laquelle ce dernier a été suspendu et je ne vois aucune preuve du contraire. Le motif de la suspension est donc considéré comme avéré.

La raison de la suspension du prestataire est-elle une inconduite selon la loi?

[10] Selon la loi, la raison de la suspension du prestataire est une inconduite.

[11] Pour être considérée comme une inconduite selon la loi, la façon d’agir doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 3. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 4. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupableNote de bas de page 5 (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal).

[12] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit suspendu pour cette raisonNote de bas de page 6.

[13] La Commission doit prouver que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison de son inconduite, selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a été suspendu en raison de son inconduiteNote de bas de page 7.

[14] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que :

  • L’employeur a adopté une Politique de vaccination contre la COVID-19 (Politique de vaccination) en date du 1er septembre 2021.
  • Tous les employés, incluant le prestataire, ont été avisés de l’existence de la Politique de vaccination en date du 1er septembre 2021. Les employés ont été avisés qu’ils devaient être entièrement vaccinés contre la COVID-19 au plus tard le 31 octobre 2021.
  • Les employés avaient obtenu un avis leur donnant 5 mois pour se conformer à la Politique de vaccination, soit jusqu’au 31 janvier 2022.
  • Le prestataire connaissant les conséquences de ne pas se conformer à la Politique de vaccination de l’employeur. Il savait qu’il serait suspendu sans rémunération en date du 1er février 2022.
  • Le prestataire a effectivement été suspendu sans salaire le 1er février 2022, en conformité avec la Politique de vaccination de l’employeur concernant les employés non vaccinés.

[15] Le prestataire confirme que :

  • Son employeur l’a informé à multiples reprises de l’existence de la Politique de vaccination de l’entreprise et des conséquences du défaut de la respecter.
  • Le prestataire a eu un délai de cinq mois pour se conformer à la Politique de vaccination de l’entreprise mais il ne l’a pas fait.
  • Le prestataire dit ne pas avoir demandé d’exemption à la Politique de vaccination parce qu’il n’avait aucune raison pour le faire. Il n’avait aucune raison médicale ni religieuse.  Son superviseur lui a dit qu’il devait s’y conformer.

[16] Bien que le prestataire admette les faits énumérés ci-dessus, celui-ci considère que le fait de ne pas respecter la Politique de vaccination de l’employeur n’est pas une inconduite. C’est une décision personnelle qui n’a pas affecté sa capacité à effectuer son travail. Il dit n’avoir rien commis de répréhensible.

[17] Premièrement, le fait que le prestataire considère que le non-respect de la Politique de vaccination de son employeur n’est pas une inconduite n’est pas pertinent. Je me dois d’appliquer la Loi et son Règlement. Je dois aussi appliquer la jurisprudence des tribunaux supérieurs, qui établit qu’il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit suspenduNote de bas de page 8. Je n’ai pas à appliquer la loi en fonction de ce que le prestataire considère être la loi.

[18] Deuxièmement, le fait que se faire vacciner soit une décision personnelle ne change rien. Le prestataire n’a pas de droit constitutionnel à demeurer dans son emploi actuel s’il n’est pas content des exigences de l’emploi. Il n’a pas à faire porter le poids de ses décisions personnelles sur l’ensemble des contribuables au programme d’assurance-emploi.

[19] Finalement, le fait que le prestataire n’a rien commis de répréhensible n’est pas pertinent. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupableNote de bas de page 9 (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal).

[20] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite parce que :

  • L’employeur a adopté une Politique de vaccination en date du 1er septembre 2021.
  • Cette Politique de vaccination fut communiquée au prestataire à plusieurs reprises dès le 1er septembre 2021.
  • Le prestataire a eu un délai suffisant de cinq moi pour s’y conformer.
  • Le prestataire était au courant qu’il serait placé en congé sans solde à partir du 1er février 2022 s’il ne se conformait pas à la Politique de vaccination de son employeur.
  • Le prestataire a fait défaut de se conformer à la Politique de vaccination et fut effectivement placé en congé sans solde à partir du 1er février 2022.

[21] Le prestataire était au courant de l’existence de la Politique de vaccination de l’employeur. Il était au courant des conséquences possibles de ne pas s’y conformer. Il a eu un long délai de plusieurs mois pour s’y conformer. Il aurait pu demander une exemption mais il ne l’a pas fait parce qu’il n’avait aucune raison. Le prestataire a choisi de ne pas respecter la Politique de vaccination d’une façon délibérée. Il fut suspendu sans solde comme conséquence directe du non-respect de la Politique de vaccination de son employeur.

Alors, le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite?

[22] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[23] La Commission a prouvé que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi le prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[24] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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