Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : GM c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2022 TSS 1771

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelant : G. M.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (461657) datée du 2 mai 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Audrey Mitchell
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 16 août 2022
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 29 août 2022
Numéro de dossier : GE-22-1680

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal est en désaccord avec le prestataire.

[2] La Commission de l’assurance‑emploi du Canada a prouvé que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension). Cela signifie que le prestataire n’est pas admissible aux prestations d’assurance‑emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] Le prestataire a été mis en congé. Son employeur a déclaré qu’il avait été suspendu parce qu’il ne s’était pas conformé à sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19.

[4] Le prestataire affirme que son employeur n’avait pas le pouvoir d’imposer un congé puisqu’il n’en a pas demandé un. Il affirme aussi que son employeur a refusé injustement d’accueillir sa demande d’exemption à la politique de vaccination contre la COVID-19 pour des motifs religieux.

[5] La Commission a accepté le motif de suspension invoqué par l’employeur. Elle a conclu que le prestataire avait été suspendu en raison de son inconduite. Pour cette raison, la Commission a décidé que le prestataire n’est pas admissible à des prestations d’assurance‑emploi.

Questions en litige

[6] Le prestataire a-t-il pris volontairement un congé ou a-t-il été suspendu de son emploi?

[7] Le prestataire a‑t‑il été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

Le prestataire a-t-il pris volontairement un congé ou a-t-il été suspendu de son emploi?

[8] Le prestataire a été suspendu de son emploi.

[9] La loi porte à la fois sur le congédiement pour inconduite et sur le départ volontaire sans justificationNote de bas de page 2. Cela s’explique par le fait que les deux font référence à des mesures prises par un prestataire qui entraînent la perte d’emploiNote de bas de page 3. La question juridique en jeu dans les deux cas est l’exclusion du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

[10] Parfois, on ne sait pas exactement si un prestataire est sans emploi parce qu’il a été congédié ou parce qu’il a quitté volontairement son emploi. Dans de tels cas, puisque la question juridique en jeu pour les deux situations est la même en droit, le Tribunal peut statuer sur les motifs d’exclusion en se fondant sur la preuveNote de bas de page 4.

[11] Dans la présente affaire, l’employeur du prestataire a produit un relevé d’emploi (RE) qui mentionne que la raison du relevé est un congé autorisé. Cependant, l’employeur a mentionné par la suite à la Commission que le prestataire est suspendu sans solde pour non‑respect de la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur.

[12] Dans sa décision initiale, la Commission a avisé le prestataire qu’elle ne pouvait lui verser des prestations d’assurance‑emploi parce qu’il avait été suspendu de son emploi en raison de son inconduite. La Commission a révisé cette décision à la demande du prestataire et l’a maintenue.

[13] Le prestataire a témoigné que son employeur ne peut pas le mettre en congé. Il a fait référence à sa convention collective selon laquelle un employé doit demander un congé, ce qu’il n’a pas fait. Le prestataire a souligné d’autres fois où il avait pris un congé. Le RE produit par son employeur mentionnait alors clairement le motif de cessation d’emploi. Ce n’est pas le cas maintenant.

[14] Je conclus que la question de savoir si un prestataire a volontairement pris congé d’un emploi ou si son employeur l’a suspendu de son emploi s’apparente à celle de quitter volontairement son emploi sans justification par rapport à un congédiement. Toutefois, les deux questions diffèrent en ce sens que la question en jeu dans la première éventualité est l’inadmissibilité. Comme il a été mentionné précédemment, la question en jeu dans le deuxième cas est l’exclusion du bénéfice des prestations.

[15] Dans la présente décision, je conclus que l’employeur du prestataire l’a mis en congé sans solde. Je ne juge pas que l’employeur l’a fait parce que le prestataire a demandé un congé; je conclus plutôt qu’il l’a fait en raison d’un geste du prestataire (refus de se faire vacciner contre la COVID-19). J’accorde donc beaucoup de poids à la déclaration de l’employeur à la Commission et je conclus qu’il a suspendu le prestataire de son emploi.

Le prestataire a‑t‑il été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite?

[16] Pour répondre à la question de savoir si le prestataire a été suspendu pour inconduite, je dois trancher deux éléments. Premièrement, je dois établir pourquoi le prestataire a été suspendu de son emploi. Je dois ensuite décider si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi?

[17] Je conclus que le prestataire a été suspendu de son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur.

[18] La Commission affirme que le motif invoqué par l’employeur est le motif de la suspension. L’employeur a dit à la Commission que le prestataire est suspendu sans solde parce qu’il ne s’était pas conformé à sa politique de vaccination contre la COVID-19.

[19] Le prestataire affirme que son employeur a mis en œuvre une politique de vaccination contre la COVID-19. Il ajoute cependant qu’il a refusé sa demande de mesures d’adaptation pour des motifs religieux visant à être exempté de la politique. Il affirme que son employeur l’a ensuite « rendu inadmissible au travail ». Au dire du prestataire, l’employeur prétend qu’il a contrevenu à sa politique.

[20] Je conclus, d’après son témoignage, que l’employeur du prestataire a mis en œuvre une nouvelle politique exigeant que le personnel se fasse vacciner contre la COVID-19. Le prestataire a demandé à être exempté de la politique, mais son employeur a rejeté sa demande. Le prestataire a témoigné que, compte tenu de ses croyances religieuses, il ne peut pas en toute conscience se faire vacciner contre la COVID-19.

[21] Je comprends, d’après le témoignage du prestataire, qu’il croit que les actions de son employeur sont discriminatoires et violent ses droits de la personne. Cependant, il n’a pas donné une autre raison pour laquelle son employeur l’a suspendu. Je conclus donc que le prestataire a été suspendu parce qu’il ne s’est pas fait vacciner contre la COVID-19.

Le motif de la suspension du prestataire est‑il une inconduite au sens de la loi?

[22] Le motif de la suspension du prestataire est une inconduite au sens de la loi.

[23] Pour constituer une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 5. L’inconduite comprend aussi une conduite si téméraire qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 6. Le prestataire n’a pas à avoir une intention coupable (autrement dit, il n’a pas à vouloir faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 7.

[24] Il y a inconduite si le prestataire savait ou devait savoir que sa conduite pouvait nuire à l’exécution de ses fonctions envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit suspenduNote de bas de page 8.

[25] Il ne m’appartient pas de décider si le congédiement (ou, dans la présente décision, la suspension) par l’employeur était justifié ou constituait la sanction appropriée. Mon rôle consiste à décider si le geste du prestataire est une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 9.

[26] La Commission doit prouver que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Par conséquent, elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 10.

[27] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que le prestataire n’a pas respecté la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur.

[28] Le prestataire affirme que son employeur a agi injustement en ne lui offrant pas de mesures d’adaptation pour des motifs religieux. Il ajoute que la Commission a agi injustement et de mauvaise foi en acceptant sans réserve l’explication de son employeur.

[29] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite parce que le prestataire n’a pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur.

[30] Le prestataire n’a pas été vacciné contre la COVID-19. Il a déclaré qu’il ne l’a pas été en raison de ses croyances religieuses.

[31] L’employeur du prestataire a dit à la Commission qu’il avait envoyé un courriel au personnel avec sa politique de vaccination contre la COVID-19. Il a dit à la Commission que le personnel qui ne se conformait pas à la politique serait mis en congé sans solde. Il a ajouté que les membres du personnel qui ne s’étaient pas conformés au 31 mars 2022 seraient congédiés.

[32] Le prestataire a joint une copie de la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur à son avis d’appel. La politique décrit en détail ce que signifie la non‑conformité et ce qui arriverait aux personnes qui ne se conforment pas. Il permet également des mesures d’adaptation fondées sur les droits de la personne pour raisons médicales et non médicales. Le prestataire a confirmé à l’audience qu’il s’agit de la politique que l’employeur a envoyée par courriel.

[33] J’ai demandé au prestataire s’il savait qu’il serait mis en congé sans solde et éventuellement congédié s’il ne se faisait pas vacciner contre la COVID-19. Le prestataire n’a pas répondu directement à la question. Il explique que la politique prévoit qu’elle respectera le code provincial des droits de la personne. Il dit avoir suivi le processus pour demander une mesure d’adaptation pour des raisons non médicales. Comme le prestataire a envoyé la politique au Tribunal, je conclus qu’il était au courant de son contenu.

[34] Le prestataire a envoyé à la Commission des copies de courriels et de lettres entre lui et son employeur au sujet de sa demande d’exemption à la politique de vaccination contre la COVID-19. Dans une lettre datée du 31 janvier 2022, l’employeur a confirmé sa décision communiquée dans une lettre datant de six jours plus tôt, rejetant sa demande de mesures d’adaptation pour des motifs religieux.

[35] Le prestataire a confirmé à l’audience que son employeur n’a jamais accepté sa demande de mesure d’adaptation pour des motifs religieux. Il a affirmé que les questions que son employeur lui a posées relativement à sa demande portaient atteinte à sa vie privée.

[36] Dans son avis d’appel, le prestataire affirme avoir déposé une plainte en matière de droits de la personne auprès de l’autorité provinciale des droits de la personne. Pour étayer son appel, il a joint une copie d’un document intitulé « A human rights approach to proof of vaccination during the COVID-19 pandemic ».

[37] En ce qui concerne le document susmentionné, le prestataire a témoigné que la commission des droits de la personne affirme qu’avant qu’une politique de vaccination contre la COVID-19 puisse être mise en œuvre, un employeur doit tenir compte de tous les besoins du personnel et offrir des options. Il ajoute que la vaccination ne peut pas constituer une exigence générale.

[38] Le prestataire a également déposé une plainte auprès de la Commission des relations de travail. Il affirme que, par conséquent, il a [traduction] « droit à des prestations d’assurance‑emploi jusqu’à ce que cette question soit réglée ».

[39] J’admets comme fait que le prestataire a déposé des plaintes liées à la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. Bien qu’il ait le droit d’exercer ce type de recours, cela ne signifie pas à mon avis qu’il a droit à des prestations d’assurance‑emploi jusqu’à ce que les plaintes soient réglées. Je dois décider si le prestataire savait ou aurait dû savoir que le fait de choisir de ne pas se faire vacciner contre la COVID-19 pourrait amener son employeur à le suspendre.

[40] Le prestataire a cité une décision de la Cour suprême du Canada (CSC) dans son avis d’appelNote de bas de page 11. Il a présenté des observations à ce sujet à l’audience. Selon lui, cette décision appuie sa position. Le prestataire a déclaré que son employeur cherche une raison objective pour son refus de se faire vacciner. Il a cependant déclaré que la décision de la CSC mentionne clairement qu’une raison objective n’est pas nécessaire parce que la religion ne peut pas être objective.

[41] Je reconnais la décision que la CSC a rendue dans l’affaire à laquelle le prestataire a renvoyé. La Cour a statué, en fonction des faits de l’affaire, que l’intimé avait entravé de façon non négligeable les droits religieux protégés des appelants et porté atteinte à ceux-ci. Le prestataire affirme que la politique de son employeur l’obligeant à se faire vacciner contre la COVID-19 contrairement à ses croyances religieuses ne peut remplacer la Charte canadienne des droits et libertés.

[42] Malgré ce qui précède, mon rôle ne consiste pas à décider si l’employeur du prestataire a violé ses droits religieux. C’est le rôle des autres autorités judiciaires. Encore une fois, le prestataire a exercé son droit en se plaignant auprès des autorités provinciales.

[43] Je ne crois pas non plus que la déclaration du prestataire selon laquelle la Commission est de connivence avec l’employeur pour lui refuser des prestations est étayée. Le rôle de la Commission consiste à décider si la conduite du prestataire constitue une inconduite au sens de la Loi. Pour ce faire, dans cette situation, elle a examiné la conduite du prestataire, qui ne s’est pas fait vacciner contre la COVID-19. Elle a évalué le comportement pour en arriver à sa propre décision sur l’inconduite. Pour ce faire, elle a parlé à la fois au prestataire et à son employeur.

[44] Les lettres de l’employeur au prestataire montrent que même après avoir rejeté sa demande de mesures d’adaptation le 17 novembre 2021, l’employeur lui a donné l’occasion de fournir plus de renseignements sur ses croyances religieuses. L’employeur a posé des questions précises au prestataire. Il a également dit que le prestataire pouvait fournir une déclaration d’un chef religieux de sa foi sur la position de la foi sur la vaccination.

[45] Je suis convaincue, d’après la correspondance entre le prestataire et son employeur, que celui-ci a donné au prestataire l’occasion d’expliquer sa demande de mesures d’adaptation. Les lettres de l’employeur montrent qu’il a examiné l’information et les réponses que le prestataire a données à ses questions. J’accepte et j’admets comme fait qu’après l’avoir fait, l’employeur a rejeté la demande de mesures d’adaptation du prestataire.

[46] Je comprends que le prestataire n’est pas d’accord avec la décision de son employeur de refuser sa demande de mesures d’adaptation et de l’obliger à se faire vacciner contre la COVID-19 pour continuer à travailler. Le prestataire affirme que ses croyances religieuses l’ont amené à décider de ne pas se faire vacciner. Toutefois, en l’absence de l’approbation par l’employeur d’une exemption à sa politique, je conclus que le prestataire a choisi de ne pas s’y conformer.

[47] Je conclus que le geste du prestataire susmentionné était délibéré. Il a fait le choix conscient, voulu et intentionnel de ne pas se faire vacciner. Il l’a fait même si son employeur l’a obligé à se faire vacciner et a refusé sa demande de mesures d’adaptation. Il l’a fait en sachant qu’il serait mis en congé sans solde. Je conclus que cela signifie qu’il a été suspendu. C’est pourquoi je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite.

Donc, le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite?

[48] Compte tenu des conclusions que j’ai tirées ci‑dessus, je juge que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite.

Conclusion

[49] La Commission a prouvé que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

[50] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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