Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : GM c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2023 TSS 675

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Appelant : G. M.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Josée Lachance

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 29 août 2022
(GE-22-1680)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 15 décembre 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentante de l’intimée
Date de la décision : Le 1er juin 2023
Numéro de dossier : AD-22-638

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelant, G. M. (le prestataire), agent d’approvisionnement auprès de la commission de transport locale, interjette appel de la décision de la division générale.

[3] La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. En d’autres termes, elle a conclu qu’il avait fait quelque chose qui avait mené à sa suspension. Il n’a pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. Ayant décidé qu’il y avait eu inconduite, la division générale a conclu que le prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations de l’assurance‑emploi.

[4] Le prestataire soutient que la division générale a commis des erreurs de compétence, de droit et de fait lorsqu’elle a conclu qu’il y avait inconduite dans son cas.

[5] Le prestataire ne conteste pas les faits essentiels. Il n’a pas respecté la politique de vaccination de son employeur parce qu’il n’était pas d’accord avec celle‑ci. Il la trouvait trop intrusive et sévère. Il affirme que son employeur aurait pu offrir des solutions de rechange. Il mentionne que les conséquences du non‑respect de la politique ont été sévères.

[6] Le prestataire fait valoir que la division générale a commis une erreur de droit en omettant de tenir compte du fait que sa convention collective ne l’obligeait pas à se faire vacciner. Il soutient en outre que la division générale a mal interprété ce que signifie l’inconduite. Il affirme que l’inconduite ne survient pas lorsqu’une politique contrevient à l’éthique médicale et à la Charte canadienne des droits et libertés. Il nie que sa conduite était délibérée et affirme donc qu’il n’y a pas eu d’inconduite. Il demande à la division d’appel d’accueillir son appel et de conclure qu’il n’était pas inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

[7] L’intimée, la Commission de l’assurance‑emploi du Canada, soutient que la division générale n’a commis aucune erreur. La Commission demande à la division d’appel de rejeter l’appel.

Questions en litige

[8] Les questions en litige dans le présent appel sont les suivantes :

  1. (a) La division générale a‑t‑elle mal interprété ce que signifie l’inconduite?
  2. (b) La division générale a-t-elle omis d’appliquer l’arrêt Syndicat Northcrest c Amselem?
  3. (c) La division générale a-t-elle omis d’appliquer la décision TC c Commission de l’assurance‑emploi du Canada?
  4. (d) La division générale a-t-elle omis de décider si la politique de vaccination de l’employeur violait la Charte canadienne des droits et libertés ou était médicalement contraire à l’éthique?
  5. (e) La division générale a-t-elle omis de tenir compte du fait que la convention collective du prestataire n’exigeait pas la vaccination?
  6. (f) La division générale a-t-elle omis de se demander si l’employeur du prestataire aurait pu lui fournir des solutions de rechange à la vaccination?

Analyse

[9] La division d’appel peut intervenir dans les décisions de la division générale s’il existe des erreurs de compétence, de procédure, de droit ou certains types d’erreurs de faitNote de bas de page 1.

[10] Dans le cas d’erreurs de fait, la division générale doit avoir fondé sa décision sur une erreur commise de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments de preuve dont elle est saisie.

La division générale a‑t‑elle mal interprété ce que signifie l’inconduite?

[11] Le prestataire soutient que la division générale a mal interprété la signification de l’inconduite. Il affirme qu’il n’y a pas eu inconduite parce qu’il exerçait sa liberté de conscience et de religion alors qu’il ne respectait pas la politique de vaccination de son employeur. Il affirme qu’il avait le droit de refuser ou d’accepter la vaccination. Il affirme donc que la division générale a commis une erreur en concluant qu’il y avait eu inconduite lorsqu’il a refusé la vaccination.

[12] Le prestataire note que la division générale s’est appuyée sur plusieurs décisions de la Cour d’appel fédérale. Il affirme cependant que l’on peut distinguer ces cas sur la base des faits. Il prétend que ces cas concernent des demandeurs qui n’exerçaient pas leurs fonctions au travail.

[13] Dans son cas, il affirme que rien n’a changé entre le moment où il a commencé à travailler de la maison et celui où son employeur a instauré sa politique de vaccination. Il prétend qu’il a pu continuer à travailler de la maison et exercer toutes ses fonctions sans avoir à se faire vacciner.

La décision de la division générale

[14] La division générale définit l’inconduite de la façon suivante :

Pour constituer une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Une conduite délibérée désigne une conduite consciente, voulue ou intentionnelle. [Renvoi omis] L’inconduite comprend aussi une conduite si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéré. [Renvoi omis] Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (autrement dit, qu’il ait voulu mal agir) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loi. [Renvoi omis]

Il y a inconduite si le prestataire savait ou devait savoir que sa conduite pouvait nuire à l’exécution de ses fonctions envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit licenciéNote de bas de page 2. [Renvoi omis]

[15] La division générale a conclu que la Commission avait prouvé qu’il y avait eu inconduite parce qu’elle a fourni des documents de l’employeur selon lesquels le personnel devait être entièrement vacciné. De plus, la division générale a conclu que le prestataire avait confirmé à la Commission qu’il était au courant de la politique de vaccination de son employeur et des conséquences du défaut de se conformer.

[16] La division générale a reconnu que le prestataire avait témoigné que son employeur avait modifié les modalités de sa convention collective en instaurant une politique de vaccination. Malgré tout, selon ce que la division générale a noté, le prestataire avait confirmé qu’il savait que son employeur pouvait le congédier pour non‑respect de la politique de vaccination. La division générale a conclu que la conduite du prestataire était délibérée parce qu’il avait fait le choix conscient, voulu et personnel de ne pas se conformer à la politique de vaccination de son employeur. Elle a donc conclu qu’il avait perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[17] Le prestataire nie qu’il y ait eu inconduite. Il nie que sa conduite était délibérée. Il a renvoyé à une affaire de New YorkNote de bas de page 3, mais cette affaire n’est pas pertinente. Cette affaire ne portait pas sur l’inconduite en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi).

[18] La division générale a expliqué pourquoi elle a conclu que la conduite du prestataire était délibérée et pourquoi elle était constitutive d’une inconduite. La division générale a cité la définition d’inconduite tirée de plusieurs affaires de la Cour d’appel fédérale. Elle a appliqué le droit aux faits. Ses conclusions étaient conformes à la loi et fondées sur la preuve dont elle disposait. La division générale n’a pas mal interprété ce qu’est une « inconduite ».

[19] Le prestataire conteste en partie la façon dont la division générale a appliqué la définition ou le droit aux faits de son cas.

[20] Comme l’a indiqué la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt QuadirNote de bas de page 4, l’application de principes établis aux faits est une question mixte de fait et de droit et ne constitue pas une erreur de droit. La division d’appel n’a pas compétence pour intervenir dans les décisions de la division générale sur des questions mixtes de fait et de droit.

[21] Je n’examinerai donc pas les arguments du prestataire lorsqu’ils portent sur une question mixte de fait et de droit.

La division générale a-t-elle omis d’appliquer l’arrêt Syndicat Northcrest c Amselem?

[22] Le prestataire soutient que la division générale n’a pas appliqué l’arrêt Syndicat Northcrest c AmselemNote de bas de page 5. Il affirme que cette décision de la Cour suprême du Canada établit qu’il avait droit à des mesures d’adaptation pour un motif religieux. Il soutient que son employeur ne pouvait refuser sa demande d’exemption à sa politique de vaccination pour des motifs religieux. Il affirme qu’il n’avait pas à démontrer d’obligation ou d’exigence religieuse objective pour invoquer ses libertés religieuses.

[23] Le prestataire soutient que, comme il avait droit à une mesure d’adaptation pour des motifs religieux, son employeur l’a suspendu à tort de son emploi. Il affirme donc qu’il n’y a pas eu d’inconduite dans son cas.

[24] Le prestataire soutient que la division générale aurait dû appliquer cette décision dans son cas. De cette façon, il affirme que la division générale aurait décidé qu’il avait droit à une mesure d’adaptation pour des motifs religieux. De plus, il aurait alors décidé qu’il n’avait pas à se faire vacciner, de sorte qu’il n’aurait pu y avoir d’inconduite pour non‑respect de la politique de vaccination.

[25] La division générale a reconnu les arguments du prestataire. Elle a conclu qu’elle n’avait pas compétence pour décider si l’employeur du prestataire a violé ses droits religieux. Elle a décidé qu’il s’agissait du rôle des autres autorités judiciaires. La division générale a noté que le prestataire a exercé ses droits en se plaignant auprès des autorités provincialesNote de bas de page 6.

[26] La division générale a bien compris son rôle limité et la portée de sa compétence. Elle n’avait pas compétence pour décider si le prestataire aurait dû bénéficier d’une mesure d’adaptation pour motif religieux. Comme la Cour d’appel fédérale a statué dans l’arrêt Mishibinijima c Canada (Procureur général)Note de bas de page 7, la question de savoir si un employeur est tenu de prendre des mesures d’adaptation pour un employé n’est pas pertinente lorsqu’il est question d’une inconduite.

[27] En fin de compte, la seule question que la division générale devait trancher était la question de savoir si les actions du prestataire correspondaient à la définition d’inconduite au sens de la Loi.

[28] En clair, je ne rends aucune décision, dans un sens ou dans l’autre, sur le droit du prestataire à une mesure d’adaptation pour des motifs religieux. Toutefois, le recours du prestataire contre son employeur pour défaut de fournir adéquatement des mesures d’adaptation se trouve ailleurs.

La division générale a-t-elle omis d’appliquer la décision TC c Commission de l’assurance‑emploi du Canada?

[29] Le prestataire soutient que la division générale n’a pas appliqué sa décision dans TC c Commission de l’assurance‑emploi du CanadaNote de bas de page 8. Le prestataire affirme que la décision TC démontre que la décision dans son cas était injuste parce que son employeur ne s’est jamais plaint non plus de son rendement et n’a pas raisonnablement pris des mesures d’adaptation à son égard.

[30] Dans la décision TC, la division générale a conclu que la Commission n’avait pas prouvé qu’il y avait eu inconduite. La division générale a conclu que l’employeur de T. C. n’avait pas donné un préavis suffisant de sa politique de vaccination à T. C. avant de le congédier. L’employeur n’avait donné à T. C. que deux jours pour se faire vacciner, sans lui communiquer d’avis écrit. La division générale a également conclu que T. C. ne savait pas et ne pouvait pas savoir quelles seraient les conséquences s’il ne se conformait pas à la politique de vaccination de son employeur.

[31] La satisfaction de l’employeur à l’égard du rendement au travail de T. C. n’avait aucune incidence sur le résultat de l’affaire T. C. La division générale a accueilli l’appel dans l’affaire T. C. parce que le demandeur n’était pas au courant des conséquences s’il ne se conformait pas à la politique de son employeur. En outre, il n’avait pas reçu un préavis suffisant de la politique pour pouvoir se conformer dans un délai raisonnable.

[32] La décision TC n’est pas pertinente par rapport à la situation du prestataire. La preuve démontre clairement que l’employeur du prestataire a donné un préavis adéquat de sa politique de vaccination et que le prestataire connaissait ou aurait dû connaître les conséquences de la non‑conformité. La division générale n’a donc pas commis d’erreur de droit en n’appliquant pas la décision TC dans le cas du prestataire.

La division générale a-t-elle omis de décider si la politique de vaccination de l’employeur violait la Charte canadienne des droits et libertés ou était médicalement contraire à l’éthique?

[33] Le prestataire soutient que la division générale n’a pas examiné si la politique de vaccination de son employeur violait la Charte canadienne des droits et libertés ou était médicalement contraire à l’éthique.

[34] Le prestataire soutient que la politique de vaccination de son employeur était médicalement contraire à l’éthique et qu’elle violait la Charte canadienne des droits et libertés. Pour cette raison, il affirme qu’il n’avait pas à se conformer à la politique de vaccination de son employeur. Il affirme qu’il avait le droit de consentir à tout traitement médical ou de le refuser. Selon lui, il n’est pas pertinent de savoir si ce traitement pourrait préserver la vie ou la santé, bien qu’il existe de nombreuses preuves que les vaccins contre la COVID-19 répondent de manière inefficace aux préoccupations en matière de santé et de sécurité.

[35] Le prestataire soutient qu’en raison de son droit de refuser la vaccination, il n’avait pas à se conformer à la politique. Il soutient qu’il n’y a donc pas eu d’inconduite.

[36] La division générale a reconnu l’argument du prestataire selon lequel la politique de son employeur était contraire à l’éthique et inconstitutionnelle. La division générale a conclu que la question de savoir si la politique de vaccination de l’employeur était juste, raisonnable ou constitutionnelle dépassait sa compétence. La division générale a décidé qu’il y avait d’autres moyens par lesquels le prestataire pouvait faire valoir ces arguments.

[37] En fin de compte, la division générale a décidé que la seule question qu’elle devait trancher était la question de savoir si les actions du prestataire correspondaient à la définition d’inconduite au sens de la Loi.

La décision Cecchetto v Canada (Procureur général) affirme que le bien‑fondé, la légitimité et la légalité d’une politique de vaccination ne sont pas pertinents à la question de l’inconduite

[38] La Cour fédérale s’est récemment penchée sur la question de savoir si la division générale devrait décider si la politique de vaccination d’un employeur est fondée, légitime ou légale.

[39] Dans une affaire appelée Cecchetto c Canada (Procureur général) (en anglais seulement), M. Cecchetto a fait valoir que la Cour fédérale devrait annuler la décision de la division d’appel dans son cas. Il a déclaré que la division d’appel avait omis de répondre à ses questions sur la légalité d’exiger des employés qu’ils se soumettent à des procédures médicales, y compris la vaccination et les tests.

[40] M. Cecchetto a soutenu que comme l’efficacité et la sécurité de ces procédures n’étaient pas prouvées, il ne devrait pas avoir à se faire vacciner. Selon lui, il existe des raisons légitimes de refuser la vaccination. Et pour cette raison, il affirme que son choix de ne pas se faire vacciner n’aurait pas dû donner lieu à une inconduite.

[41] La Cour a écrit :

[Traduction]
[46] Comme il a été mentionné précédemment, le demandeur [Cecchetto] trouve probablement ce résultat frustrant, car mes motifs ne traitent pas des questions juridiques, éthiques et factuelles fondamentales qu’il soulève. Cela s’explique par le fait que bon nombre de ces questions ne relèvent tout simplement pas de cette affaire. Il n’est pas déraisonnable pour un décideur de ne pas traiter d’arguments juridiques qui ne relèvent pas de son mandat juridique.

[47] La DG du TSS et la division d’appel ont un rôle important, mais étroit et précis à jouer dans le système juridique. En l’espèce, le rôle consistait à déterminer pourquoi le demandeur avait été congédié de son emploi et si ce motif était constitutif d’une « inconduite ». […]

[48] Malgré les arguments du prestataire, il n’y a aucune raison d’infirmer la décision de la division d’appel en raison de son défaut d’évaluer le bien-fondé, la légitimité ou la légalité de la Directive 6 ou de statuer sur celle‑ci. Ce genre de conclusion ne relevait pas du mandat ou de la compétence de la division d’appel ni de la DG du TSS. [Renvoi omis]

(Mis en évidence par la soussignée.)

[42] La division d’appel n’a tiré aucune conclusion dans l’affaire Cecchetto au sujet de l’éthique ou de la légalité de la politique de vaccination. La Cour a déclaré que cela ne relevait tout simplement pas de la division d’appel. La Cour a décidé que la division d’appel ne peut jouer qu’un rôle limité. Elle se limite à établir pourquoi un prestataire est congédié et si ce motif est constitutif d’une inconduite.

[43] Il ressort clairement de l’affaire Cecchetto que les arguments du prestataire au sujet de l’éthique ou de la constitutionnalité de la politique de vaccination de son employeur ne sont pas pertinents à la question de l’inconduite. Pour ce motif, la division générale n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a décidé qu’elle pouvait se concentrer uniquement sur ce que le prestataire a fait ou n’a pas fait et si cela était constitutif d’une inconduite au sens de la Loi.

La division générale a-t-elle omis de tenir compte du fait que la convention collective du prestataire n’exigeait pas la vaccination?

[44] Le prestataire fait remarquer que sa convention collective ne l’obligeait pas à se faire vacciner. Il affirme que lorsque son employeur a instauré sa politique de vaccination, il a imposé une nouvelle condition d’emploi. Il affirme cependant que comme la vaccination n’était pas requise en vertu de son contrat de travail, il n’avait pas à se conformer à la politique de vaccination. Il nie donc qu’il aurait pu y avoir une inconduite alors qu’il ne s’est pas fait vacciner.

[45] La division générale a reconnu l’argument du prestataire selon lequel sa convention collective ne l’obligeait pas à se faire vacciner. La division générale n’a pas abordé directement l’argument du prestataire. Cependant, il est clair qu’elle a accepté que l’employeur puisse instaurer une politique en dehors de la convention collective. Elle a aussi accepté que le prestataire doive se conformer à cette politique, pourvu qu’il en ait connaissance et qu’il sache quelles pourraient être les conséquences s’il ne s’y conformait pas.

Un employeur peut imposer unilatéralement une nouvelle règle ou politique

[46] Dans un milieu syndiqué, un employeur peut imposer unilatéralement toute règle ou politique, même si le syndicat n’est pas d’accord, pourvu qu’elle soit conforme à la convention collective et qu’elle soit raisonnable. C’est ce qu’on appelle le « critère de la décision KVP ». Les tribunaux ont constamment approuvé ce critère.

[47] Cela signifie-t-il que la division générale aurait dû évaluer le caractère raisonnable de la politique de vaccination de l’employeur? Parce que si la politique de vaccination était déraisonnable, on peut soutenir que, selon le critère de la décision KVP, l’employeur n’était pas autorisé à instaurer unilatéralement sa politique de vaccination.

La division générale a un rôle limité dans ce qu’elle peut examiner

[48] La Cour fédérale a décidé que l’évaluation du bien-fondé, de la légitimité ou de la légalité de la politique de vaccination d’un employeur excède la portée du rôle de la division générale. Cela étant, il conviendrait d’appliquer la même règle lorsque la question du caractère raisonnable d’une politique de vaccination se pose.

[49] Cela signifierait que la division générale ne devrait pas jouer un rôle pour décider si une politique de vaccination est raisonnable, qu’elle vise à évaluer l’inconduite ou qu’elle ait d’autres fins, comme décider si un employeur peut imposer unilatéralement une règle ou une politique en milieu de travail.

[50] Après tout, il serait peu logique que, d’une part, la division générale n’ait ni mandat ni compétence pour décider du bien‑fondé, de la légitimité ou de la légalité d’une politique de vaccination, mais, d’autre part, qu’elle ait un vaste mandat pour décider du caractère raisonnable de cette politique.

[51] La Cour fédérale a établi clairement que la division générale et la division d’appel jouent un rôle étroit et précis. Leur rôle se limite à établir pourquoi un prestataire aurait pu être congédié de son emploi et si ce motif constitue une inconduite.

Dans l’affaire Cecchetto, la Cour fédérale a reconnu que l’employeur pouvait imposer unilatéralement la politique

[52] Dans l’affaire Cecchetto, le demandeur, M. Cecchetto, a soutenu que le refus de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur ne représente pas une inconduite.

[53] Il ressort clairement de la preuve dans l’affaire Cecchetto que le contrat de travail du demandeur n’exigeait pas la vaccination. Le demandeur a commencé son emploi en 2017, soit bien avant le début de la pandémie. Son employeur a par la suite adopté la directive provinciale en matière de santé qui exigeait la vaccination ou des tests réguliers. L’employeur a adopté unilatéralement la politique, sans le consentement de M. Cecchetto.

[54] La Cour a pris note de cette preuve. Elle savait à quel moment M. Cecchetto a commencé à travailler et elle savait que son employeur avait adopté la directive provinciale en matière de santé. M. Cecchetto s’est opposé à cette politique. La Cour a accepté, même si la vaccination ne faisait pas partie du contrat de travail initial de M. Cecchetto, que son employeur puisse par la suite instaurer une politique qui exigeait la vaccination. La Cour n’a pas examiné si la politique était raisonnable.

[55] La Cour a conclu que la division générale avait raisonnablement décidé que M. Cecchetto avait commis une inconduite en raison de son non‑respect d’une politique qui ne faisait pas partie de son contrat de travail initial.

[56] Même si le contrat de travail du prestataire n’exigeait pas la vaccination, il ressort clairement de l’affaire Cecchetto qu’un employeur peut instaurer une nouvelle politique ou règle, même si un employé n’est pas d’accord avec celle‑ci et n’y consent pas.

La division générale a-t-elle omis de se demander si l’employeur du prestataire aurait pu lui fournir des solutions de rechange à la vaccination?

[57] Le prestataire soutient que son employeur aurait pu lui fournir des solutions de rechange à la vaccination. Il travaillait à distance de la maison et aurait pu continuer à travailler de la maison. Son employeur n’a jamais mentionné que le travail à distance avait eu une incidence négative sur son rendement. Il explique aussi qu’il n’avait pas d’interaction avec le public.

[58] Bien que cela puisse sembler vrai, comme la Cour d’appel fédérale a statué dans l’arrêt Mishibinijima, la question de savoir si un employeur est tenu de prendre des mesures d’adaptation pour un employé, c’est‑à‑dire d’offrir des solutions de rechange, n’est pas pertinente lorsqu’il est question d’une inconduite.

Conclusion

[59] L’appel est rejeté. La division générale n’a pas mal interprété l’inconduite.

[60] La division générale n’a pas non plus omis de décider si la politique de vaccination de l’employeur était contraire à l’éthique ou inconstitutionnelle. La division générale n’avait tout simplement pas le pouvoir d’examiner cette question. Son rôle est très restreint. Son rôle se limite à examiner pourquoi un prestataire a été congédié de son emploi et si ce motif constitue une inconduite. Pour le même motif, la division générale n’a pas non plus omis de tenir compte de la convention collective du prestataire.

[61] Enfin, la division générale n’a pas non plus omis de se demander si l’employeur du prestataire aurait pu offrir des solutions de rechange à la vaccination. Il s’agissait d’un facteur non pertinent pour décider si une inconduite a eu lieu.

[62] Comme l’a fait remarquer la division générale, le prestataire peut avoir des recours ailleurs pour poursuivre ses arguments.

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