Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 551

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : M. B.
Représentante ou représentant : L. B.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 13 février 2023 (GE-22-3005)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Date de la décision : Le 5 mai 2023
Numéro de dossier : AD-23-220

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Décision

[1] Je refuse à l’appelante la permission de faire appel parce qu’elle n’a pas de cause défendable. Le présent appel n’ira donc pas de l’avant.

Aperçu

[2] L’appelante, M. B., travaillait comme spécialiste de l’assurance de la qualité pour un grand hôpital de X. Le 16 octobre 2021, l’employeur l’a mise en congé sans solde parce qu’elle n’a pas fourni la preuve démontrant qu’elle avait été vaccinée contre la COVID-19. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé qu’elle n’avait pas à verser de prestations d’assurance-emploi à l’appelante parce que le non-respect de la politique de vaccination de son employeur constituait une inconduite.

[3] La division générale du Tribunal a rejeté l’appel de l’appelante. Elle a conclu qu’elle avait délibérément enfreint la politique de vaccination de son employeur. Elle a aussi jugé que l’appelante savait ou aurait dû savoir que le non-respect de la politique entraînerait probablement une perte d’emploi.

[4] L’appelante demande maintenant la permission de faire appel de la décision de la division générale. Elle soutient que la division générale a commis les erreurs suivantes :

  • Elle a ignoré le fait que son employeur a tenté d’imposer unilatéralement une nouvelle condition d’emploi sans son consentement.
  • Elle n’a pas tenu compte d’une décision antérieure de la division générale qui permettait à une prestataire de toucher des prestations d’assurance-emploi même si elle aussi avait été suspendue pour avoir refusé le vaccin contre la COVID-19.

Question en litige

[5] Il y a quatre moyens d’appel à la division d’appel. La partie appelante doit démontrer que la division générale a :

  • agi de façon injuste;
  • outrepassé ses pouvoirs ou refusé de les exercer;
  • mal interprété la loi;
  • fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas page 1.

[6] Avant que l’appelante puisse aller de l’avant, je dois décider si son appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas page 2. Avoir une chance raisonnable de succès est la même chose qu’avoir une cause défendableNote de bas page 3. Si l’appelante n’a pas de cause défendable, l’affaire prend fin maintenant.

[7] À cette étape préliminaire, je dois répondre à la question suivante : est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur en concluant que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[8] J’ai examiné la décision de la division générale, ainsi que le droit et les éléments de preuve qu’elle a utilisés pour en arriver à cette décision. J’ai conclu que l’appelante n’a pas de cause défendable.

Il est impossible de soutenir que la division générale a ignoré ou mal interprété la preuve

[9] L’appelante insiste sur le fait qu’elle n’a rien fait de mal en refusant de se faire vacciner. Elle laisse entendre qu’en la forçant à le faire sous la menace d’un congédiement, son employeur a porté atteinte à ses droits et a violé son contrat de travail.

[10] Étant donné le droit relatif à l’inconduite, je ne vois pas comment la division générale a commis une erreur en rejetant ces arguments. Lorsque la division générale a examiné la preuve disponible, elle a tiré les conclusions suivantes :

  • L’employeur de l’appelante était libre d’établir et d’appliquer les politiques de vaccination et de dépistage comme il l’entendait.
  • L’employeur de l’appelante a adopté et communiqué une politique claire obligeant les membres du personnel à fournir la preuve qu’ils avaient été entièrement vaccinés.
  • L’appelante savait, ou aurait dû savoir, que le non-respect de la politique à une certaine date entraînerait une perte d’emploi.
  • L’appelante a intentionnellement refusé de se faire vacciner dans les délais exigés par son employeur.
  • L’appelante n’a pas tenté d’obtenir une exemption au titre de la politique.

[11] Ces conclusions semblent refléter fidèlement les documents au dossier, ainsi que le témoignage de l’appelante. La division générale a conclu que l’appelante était coupable d’inconduite parce que ses gestes étaient délibérés et qu’ils ont vraisemblablement mené à sa suspension. L’appelante croyait peut-être que son refus de suivre la politique ne faisait pas de mal à son employeur, mais du point de vue de l’assurance-emploi, ce n’était pas à elle d’en décider.

Il est impossible de soutenir que la division générale a mal interprété la loi

[12] Lorsqu’il s’agit d’évaluer l’inconduite, le Tribunal ne peut pas examiner le bien‑fondé d’un différend entre une employée ou un employé et son employeur. Cette interprétation de la Loi sur l’assurance-emploi peut sembler injuste à l’appelante, mais il s’agit d’une interprétation que les tribunaux ont adoptée à maintes reprises et que la division générale était tenue de suivre.

On entend par inconduite toute action intentionnelle et susceptible d’entraîner la perte d’un emploi

[13] L’appelante fait valoir que rien dans la loi n’exigeait que son employeur mette en place une politique de vaccination obligatoire. Elle soutient que se faire vacciner n’a jamais été une condition de son emploi.

[14] Je ne vois pas le bien-fondé de ces arguments.

[15] Il est important de garder à l’esprit que le terme « inconduite » a un sens précis aux fins de l’assurance-emploi qui ne correspond pas nécessairement à l’usage quotidien du mot. La division générale a défini l’inconduite comme suit :

[P]our être considérée comme une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelle. L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibérée. Pour qu’il y ait une inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelante ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal).

Il y a une inconduite si l’appelante savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’elle soit suspendue pour cette raisonNote de bas page 4.

[16] Ces paragraphes montrent que la division générale a bien résumé le droit relatif à l’inconduite. La division générale a ensuite conclu à juste titre que, lorsqu’elle détermine l’admissibilité à l’assurance-emploi, elle n’a pas le pouvoir de décider si les politiques d’un employeur sont raisonnables, justifiables ou même légales.

Les contrats de travail n’ont pas à définir explicitement l’inconduite

[17] L’appelante soutient que rien dans son contrat de travail ne l’obligeait à se faire vacciner contre la COVID-19. Cependant, la jurisprudence dit que là n’est pas la question. Ce qui importe, c’est de savoir si l’employeur a une politique et si l’employée ou l’employé l’a délibérément ignorée. Dans sa décision, la division générale a formulé les choses ainsi :

Je dois me concentrer uniquement sur la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas décider si l’appelante a d’autres options au titre d’autres lois. Il ne m’appartient pas de décider si elle a été suspendue à tort ou si l’employeur aurait dû prendre des dispositions raisonnables pour l’appelante (lui offrir des mesures d’adaptation). Je peux seulement examiner une chose : la question de savoir si ce que l’appelante a fait ou omis de faire est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 5.

[18] Ce passage fait écho à une affaire appelée Lemire, dans laquelle la Cour d’appel fédérale avait dit ceci :

Il ne s’agit pas, cependant, de décider si le congédiement est justifié ou non au sens du droit du travail, mais plutôt de déterminer selon une appréciation objective de la preuve s’il s’agit d’une inconduite telle que son auteur pouvait normalement prévoir qu’elle serait susceptible de provoquer son congédiementNote de bas page 6.

[19] Dans l’affaire Lemire, la cour a conclu qu’un employeur était justifié de conclure à une inconduite lorsqu’un de ses employés a mis sur pied une entreprise secondaire de vente de cigarettes à des clients. La Cour a conclu que c’était le cas même si l’employeur n’avait pas de politique explicite contre une telle conduite.

Une nouvelle affaire valide l’interprétation de la loi par la division générale

[20] Une décision récente de la Cour fédérale a réaffirmé cette approche à l’égard de l’inconduite dans le contexte précis des mandats de vaccination contre la COVID-19. Comme dans la présente affaire, la décision Cecchetto portait sur le refus d’un prestataire de se conformer à la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeurNote de bas page 7. La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle le Tribunal n’est pas autorisé à répondre à ces questions par la loi :

[traduction]

Malgré les arguments du demandeur, il n’y a aucun fondement pour infirmer la décision de la division d’appel parce qu’elle n’a pas évalué le bien-fondé, la légitimité ou la légalité de la directive no 6 [la politique du gouvernement de l’Ontario sur le vaccin contre la COVID-19] ni rendu de décision à ce sujet. Ce genre de conclusion ne relevait pas du mandat ou de la compétence de la division d’appel ni de la division générale du Tribunal de la sécurité socialeNote de bas page 8.

[21] La Cour fédérale a convenu qu’en choisissant délibérément de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. La Cour a déclaré que le système juridique prévoyait d’autres moyens par lesquels M. Cecchetto aurait pu faire progresser ses prétentions en matière de congédiement injustifié ou de droits de la personne.

[22] Dans la présente affaire, comme dans l’affaire Cecchetto, les seules questions qui importent sont celles de savoir si l’appelant a enfreint la politique de vaccination de son employeur et, dans l’affirmative, si cette infraction était délibérée et susceptible d’entraîner sa suspension ou son congédiement. Dans la présente affaire, la division générale avait de bonnes raisons de répondre « oui » aux deux questions.

La division générale n’a pas ignoré un précédent contraignant

[23] Enfin, l’appelante prétend que la division générale n’a pas tenu compte d’une affaire qui, selon elle, était directement applicable à la sienne. Dans AL, un autre membre de la division générale a conclu qu’une prestataire de l’assurance-emploi avait droit à des prestations même si elle n’avait pas respecté la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeurNote de bas page 9. L’appelante fait valoir que la même logique aurait dû s’appliquer à son cas.

[24] Toutefois, la division générale n’est pas tenue de suivre ses propres décisions. Les membres de la division générale sont liés par les décisions de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale, mais ils ne le sont pas par les décisions de leurs collègues.

[25] De plus, AL a été tranchée avant Cecchetto, l’affaire récente qui fournissait des directives claires sur les mandats de vaccination des employeurs dans le contexte de l’assurance-emploi. Dans l’affaire Cecchetto, la Cour fédérale a examiné AL au passage et a laissé entendre qu’elle n’aurait pas une application générale parce qu’elle était fondée sur un ensemble de faits très particuliersNote de bas page 10.

[26] Surtout, AL ne donne pas, comme semble le croire l’appelante, une exemption générale aux prestataires de l’assurance-emploi des politiques de vaccination obligatoire de leur employeur. La décision AL semble concerner une prestataire dont la convention collective empêchait explicitement son employeur de la forcer à se faire vacciner. Selon mon examen du présent dossier, l’appelante n’a jamais mentionné de disposition comparable dans son propre contrat de travail.

Conclusion

[27] Pour les motifs mentionnés plus haut, je ne suis pas convaincu que le présent appel a une chance raisonnable de succès. La permission de faire appel est donc refusée, ce qui signifie que l’appel n’ira pas de l’avant.

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