Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

La division générale a jugé que l’appelante n’avait pas prouvé qu’elle était disponible pour travailler. En effet, elle a constaté que l’appelante avait établi des conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment (c’est-à-dire trop limiter) ses chances de retourner sur le marché du travail. Plus particulièrement, la division générale a constaté que l’appelante évitait les emplois qui nécessitaient qu’elle interagisse avec une clientèle anglophone. Elle a également relevé que l’appelante limitait ses heures de disponibilité pour travailler. La division générale a conclu que l’appelante était inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi. L’appelante a alors fait appel de cette décision auprès de la division d’appel.

La division d’appel a déjà examiné la question de la disponibilité dans la décision SA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1490. Dans cette décision, elle a examiné l’article 9.002(1)(b) du Règlement sur l’assurance-emploi. La division d’appel a adopté le raisonnement et l’approche de cette décision dans la présente affaire. Elle a également fait remarquer que la Cour d’appel fédérale avait rendu la décision Canada (Procureur général) v Bertrand, 1982 CanLII 3003 (en anglais seulement) avant l’entrée en vigueur de l’article 9.002(1) du Règlement sur l’assurance-emploi. Compte tenu de l’évolution du droit, il ne faut plus s’appuyer sur la décision Bertrand dans certaines circonstances, par exemple lorsqu’il y a des obligations familiales.

La division d’appel a constaté que la division générale n’avait pas examiné si l’appelante avait des obligations familiales. Pourtant, il y avait des preuves à ce sujet. L’appelante a déclaré qu’elle devait déposer sa fille à l’école, puis aller la chercher. La division d’appel a jugé que la division générale avait commis une erreur de droit en n’examinant pas si l’article 9.002(1)(b) du Règlement sur l’assurance-emploi aurait pu s’appliquer à la situation de l’appelante et comment il aurait pu s’appliquer le cas échéant. La division générale aurait dû examiner si l’horaire de travail de l’appelante était « incompatible » avec ses obligations familiales. Si la division générale avait jugé que l’emploi n’était pas compatible avec les obligations de l’appelante liées à la garde de son enfant, ce n’est qu’à ce moment-là qu’elle aurait pu évaluer correctement si l’appelante avait établi des conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail.

La division d’appel a accueilli l’appel, puis a rendu la décision que la division générale aurait dû rendre.

En raison des obligations de l’appelante liées à la garde de son enfant, la division d’appel a estimé qu’un emploi convenable excluait tout emploi pour lequel l’appelante devait quitter son domicile avant 9 h 30 ou entre 14 h 30 et 14 h 45. Il s’agissait d’un horaire de travail semblable à celui que l’appelante avait eu dans le passé. L’appelante n’avait pas établi de condition personnelle en limitant ses heures de travail. Elle avait essayé de trouver un service de garde pour son enfant, mais n’avait rien trouvé. Après avoir examiné l’article 9.002(1)(b), la division d’appel a conclu que l’appelante était disponible pour travailler.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : FN c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 584

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Appelante : F. N.
Représentant : H. N.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentant : Mélanie Allen

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 19 septembre 2022
(GE-22-2031)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Mode d’audience : En personne, vidéoconférence et téléconférence
Date de l’audience : Le 31 mars 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelante (en personne)
Représentant de l’appelante (en personne)
Représentant de l’intimée (par vidéoconférence et téléconférence)
Date de la décision : Le 9 mai 2023
Numéro de dossier : AD-22-758

Sur cette page

Décision

[1] Il est fait droit à l’appel. La division générale a commis une erreur parce qu’elle n’a pas tenu compte de l’article 9.002(1)b) du Règlement sur l’assurance‑emploi. La prestataire était disponible pour travailler.

Aperçu

[2] Il s’agit d’un appel de la décision de la division générale, qui a conclu que l’appelante, F. N. (prestataire), n’avait pas prouvé qu’elle était disponible pour travailler et qu’elle avait établi des conditions personnelles qui limitaient indûment ses chances de retourner sur le marché du travail.

[3] Plus particulièrement, la division générale a conclu que la prestataire avait évité les emplois qui exigeaient qu’elle interagisse avec des clients anglophones. Elle a également constaté qu’elle avait limité ses heures de disponibilité. La division générale a conclu que la prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

[4] La prestataire soutient que la division générale n’a pas pris en compte le fait qu’elle était disponible pendant les heures normales de travail, les soirs et les fins de semaine.

[5] La prestataire affirme également que la division générale a négligé le fait qu’elle avait tenté de chercher du travail qui consistait notamment à interagir avec des gens en anglais et qu’elle avait également tenté de trouver des services de garde d’enfants. Elle affirme en outre que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que l’intimée, la Commission de l’assurance‑emploi du Canada, a essayé de l’appeler en mars 2022.

[6] La prestataire demande à la division d’appel d’accueillir l’appel et de conclure qu’elle est admissible à des prestations.

[7] La Commission fait valoir que la division générale n’a commis aucune erreur. Elle affirme qu’il n’y a aucun moyen d’appel et demande à la division d’appel de rejeter l’appel.

Question en litige

[8] Les questions en litige dans le présent appel sont les suivantes :

  1. a) La division générale a‑t‑elle négligé le fait que la prestataire a cherché du travail qui consistait notamment à interagir avec des gens en anglais?
  2. b) La division générale a-t-elle négligé le fait que la prestataire ne pouvait trouver de services de garde d’enfants?
  3. c) La division générale a-t-elle commis une erreur en ce qui concerne la question de savoir si la Commission a tenté de l’appeler en mars 2022?

Analyse

[9] La division d’appel peut intervenir dans les décisions de la division générale si celles‑ci renferment des erreurs de compétence, de procédure ou de droit ou certains types d’erreurs de faitNote de bas page 1.

La division générale a-t-elle négligé le fait que la prestataire a cherché du travail qui consistait notamment à interagir avec des gens en anglais?

[10] La prestataire soutient que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu qu’elle avait évité les emplois dans le cadre desquels elle aurait dû interagir avec des gens en anglais. La division générale a écrit que la prestataire n’avait pas postulé d’emplois exigeant qu’elle interagisse avec des gens en anglais en raison de ses compétences limitées en anglaisNote de bas page 2.

[11] Lorsqu’elle a parlé à la Commission en mai 2016, la prestataire a révélé qu’elle avait postulé trois emplois : chez Rona, chez Home Depot et chez Purdy’s ChocolateNote de bas page 3. Elle n’a pas fourni de description de travail au sujet de ces emplois. On ne peut donc dire avec certitude si ceux‑ci nécessitaient beaucoup d’interactions avec les clients, le cas échéant.

[12] Lors de l’audience tenue devant la division générale, la commissaire a demandé à la prestataire si elle avait évité les emplois dans le domaine du service à la clientèle qui nécessitaient qu’elle parle anglais. La prestataire a reconnu qu’elle avait des compétences limitées en anglais et qu’elle n’avait pas confiance dans sa capacité de parler anglais. Elle a déclaré que c’est la raison pour laquelle elle suivait des cours d’anglaisNote de bas page 4.

[13] La prestataire a témoigné qu’elle a postulé des emplois qui ne l’obligeraient pas nécessairement à servir la clientèle ou à parlerNote de bas page 5. Elle a déclaré que l’un des emplois consistait à remplir des tablettes, un autre, à travailler sur une chaîne de production, qu’un emploi était offert par une entreprise de téléphonie cellulaire (dont les clients étaient en grande partie des étudiants parlant le japonais) et qu’un autre emploi consistait à parler avec des interlocuteurs japonais.

[14] La prestataire a témoigné que ces quatre emplois étaient les seuls emplois qu’elle avait postulés. Son témoignage ne permet pas de dire avec certitude si parmi ces quatre emplois figurent ceux qu’elle a postulés chez Rona ou Home Depot.

[15] La membre de la division générale a confirmé que la prestataire avait également postulé un emploi chez Purdy’s ChocolatesNote de bas page 6. La division générale n’a pas demandé à la prestataire de détails sur les emplois postulés chez Rona ou Home Depot. Il est difficile de savoir si l’un ou l’autre de ces postes pourrait l’avoir obligée à interagir avec des gens en anglais et, le cas échéant, dans quelle mesure.

[16] Compte tenu du témoignage de la prestataire, la division générale a conclu que cette dernière avait évité les emplois dans le cadre desquels elle devrait interagir avec des gens en anglais. Il est évident que la prestataire a surtout cherché des emplois qui nécessitaient peu d’interaction avec les clients. Ou, s’il y avait une interaction avec les clients, c’était en grande partie avec des clients parlant le japonais.

[17] Toutefois, bien que la prestataire ait pu se concentrer sur la recherche d’emplois qui ne l’obligeaient pas à interagir avec des clients anglophones, cela ne revient pas à dire qu’elle évitait les emplois qui exigeaient qu’elle interagisse avec des gens en anglais. Après tout, des éléments de preuve ont démontré que la prestataire avait postulé des emplois l’obligeant dans une certaine mesure à interagir avec d’autres personnes en anglais.

[18] Même si la division générale n’a pas obtenu de détails sur les déclarations de la prestataire à la Commission au sujet de ses demandes d’emploi chez Rona, Home Depot et Purdy’s Chocolate et qu’elle a commis une erreur en concluant que la prestataire a évité de chercher des emplois dans le cadre desquels elle aurait été appelée à interagir avec des gens en anglais, il reste à savoir si la prestataire a limité les heures pendant lesquelles elle était disponible pour travailler.

La division générale a-t-elle négligé le fait que la prestataire n’a pu trouver de services de garde d’enfants?

[19] La prestataire soutient que la division générale a négligé le fait qu’elle n’a pu trouver de services de garde d’enfants. Elle affirme qu’il était important d’en tenir compte parce qu’elle affirme qu’elle était disponible pour travailler pendant les heures normales de travail, en dehors de ses obligations familiales. En raison de ses obligations en matière de garde d’enfants, elle nie avoir limité ses heures.

[20] En d’autres termes, la prestataire soutient que le concept de disponibilité sous le régime de la Loi sur l’assurance‑emploi (Loi) doit tenir compte des obligations en matière de garde d’enfants.

La prestataire devait démontrer qu’elle était disponible et qu’elle cherchait un emploi convenable

[21] Sous le régime de la Loi, le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour tout jour ouvrable d’une période de prestations pour lequel il ne peut prouver qu’il était, ce jour-là, a) soit capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenable […]Note de bas page 7. Le jour ouvrable s’entend de chaque jour de la semaine, sauf le samedi et le dimancheNote de bas page 8.

[22] Cela signifie que la prestataire devait démontrer qu’elle était disponible et qu’elle cherchait un emploi convenable.

La prestataire soutient qu’elle était disponible pour travailler sous réserve d’obligations en matière de garde d’enfants

[23] La prestataire soutient qu’elle était disponible pour travailler parce qu’elle était disponible de 9 h 30 à 14 h 45 du lundi au vendredi. Devant la division générale, elle a témoigné qu’elle pouvait travailler de 9 h 30 à 14 h 30, mais elle a aussi dit qu’elle avait essayé de voir si l’école de son enfant pouvait garder cette dernière un peu plus longtemps. Ces heures sont à peu près les mêmes heures qu’elle travaillait auparavant.

[24] Le conjoint de la prestataire a témoigné devant la division générale que, par le passé, la prestataire avait travaillé pour un distributeur pendant environ un an. Elle avait travaillé de 9 h 30 à 14 h. Ces heures avaient bien fonctionné. Ils étaient convaincus qu’elle pouvait facilement gérer ces heuresNote de bas page 9.

[25] La prestataire explique qu’elle était disponible pour travailler de 9 h 30 à 14 h 45 parce qu’elle devait déposer sa fille à l’école, puis la récupérer. Sa fille était en 3e année en 2019. La prestataire n’a trouvé aucun service de garde d’enfants. Elle a témoigné qu’il y avait une énorme liste d’attente et qu’il était très difficile d’obtenir des services de garde d’enfantsNote de bas page 10.

[26] À l’audience de la division d’appel, la prestataire a expliqué qu’elle ne pouvait pas compter sur ses parents ou sur les parents de son conjoint pour s’occuper de ses enfants. Ils ne vivent pas au CanadaNote de bas page 11.

[27] La prestataire affirme également qu’elle était disponible en soirée et les fins de semaine. Son mari pourrait alors s’occuper de leurs enfants.

La Commission soutient que la prestataire devait être disponible pendant les heures normales de travail

[28] La Commission soutient que la prestataire n’était pas disponible pour travailler. Elle affirme que les prestataires ne peuvent pas assujettir leur disponibilité à des restrictions, ce qui signifie, dit‑elle, qu’ils doivent ne rien faire qui pourrait limiter leurs chances de trouver du travail. La Commission affirme donc que cela signifie qu’un prestataire ne peut pas limiter les heures qu’il est prêt à travailler.

[29] Dans le cas de la prestataire, la Commission affirme qu’en n’acceptant de travailler qu’après 9 h 30, elle excluait tout emploi commençant avant 9 h 30. Si elle pouvait travailler jusqu’à 14 h 30 seulement, elle excluait tout emploi se poursuivant après 14 h 30.

[30] La Commission soutient que les prestataires doivent être disponibles pour travailler pendant les heures normales de travail. Elle est d’accord pour dire que la période de 9 h 30 à 14 h 30 fait partie des heures normales de travail. Mais la Commission soutient que, bien que les tribunaux n’aient pas précisé ce que signifient les heures normales de travail, la jurisprudence confirme que les heures normales de travail ne se limitent pas à la période située entre 9 h 30 et 14 h 30.

[31] La Commission s’appuie sur deux décisions : (1) l’une d’elles est l’arrêt BertrandNote de bas page 12, de la Cour d’appel fédérale, et (2) l’autre est une décision rendue par un juge‑arbitre, CUB 72532.

[32] Dans la première affaire, Mme Bertrand avait des problèmes de gardienne. Elle ne pouvait pas obtenir une gardienne fiable. Elle ne pouvait travailler qu’en soirée, soit de 16 h à 22 h. La Cour d’appel fédérale a conclu qu’elle n’était pas disponible parce qu’elle avait établi des restrictions quant au moment où elle pouvait travailler. La Cour a déclaré que les prestataires doivent être disponibles pour travailler pendant les heures normales de travail pour chaque jour ouvrableNote de bas page 13. Mais elle n’a donné aucune directive sur ce que sont des heures normales.

[33] Dans le dossier CUB 72532, la demanderesse a cherché du travail à temps partiel les soirs et les fins de semaine. Elle a tenté d’obtenir un emploi à temps partiel dans une entreprise de distribution alimentaire et une épicerie. Ces employeurs n’offraient que des emplois à temps plein. Elle les a refusés. Le juge‑arbitre a conclu que la bonne foi et la crédibilité de la demanderesse, ou la sympathie qu’on éprouvait pour elle, n’étaient pas pertinentes. Il a conclu que la demanderesse n’était pas disponible. Elle avait établi des restrictions quant à sa disponibilité.

L’article 9.002(1)b) du Règlement définit un emploi convenable

[34] Ma collègue a examiné la question de la disponibilité dans S.A. c Commission de l’assurance‑emploi du CanadaNote de bas page 14. Elle a notamment examiné l’article 9.002(1)b) du Règlement. Son analyse était approfondie et bien raisonnée. J’adopte son raisonnement et son approche.

[35] Comme ma collègue l’a souligné, l’article 9.002(1)b) énonce les critères servant à déterminer ce qui constitue un emploi convenable, aux fins de déterminer si un prestataire est « capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenable »Note de bas page 15.

[36] Suivant cette disposition, l’emploi convenable est celui dont b) l’horaire de travail n’est pas incompatible avec les obligations familiales du prestataire ou ses croyances religieuses »Note de bas page 16. Donc, si un emploi nécessite d’effectuer des heures de travail qui sont incompatibles avec les obligations familiales du prestataire, la loi dit que le travail n’est pas convenable.

[37] Ma collègue a noté que la Cour d’appel fédérale a tranché l’affaire Bertrand avant que l’article 9.002(1) du Règlement n’entre en vigueur. Je suis d’accord avec elle qu’étant donné l’évolution de la loi, il ne faut plus se fier à l’arrêt Bertrand dans certaines circonstances. Cela inclut les cas où il y a des obligations familiales.

[38] Si un prestataire a des obligations familiales qui limitent ses heures de travail disponibles, il se peut qu’il n’établisse pas de conditions personnelles qui pourraient limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail.

[39] Cela signifie qu’un prestataire qui a des obligations familiales pourrait ne pas être non disponible pour travailler, même s’il peut travailler des heures limitées.

La division générale n’a pas tenu compte de l’article 9.002(1)b) du Règlement

[40] La division générale n’a pas vérifié si la prestataire avait des obligations familiales. Pourtant, des éléments de preuve indiquaient que la prestataire avait des obligations familiales. La prestataire a témoigné qu’elle devait déposer sa fille à l’école et la récupérer.

[41] Comme il y avait des éléments de preuve selon lesquels la prestataire aurait pu avoir des obligations familiales, la division générale aurait dû se demander si l’article 9.002(1)b) du Règlement s’appliquait dans la situation de la prestataire. La division générale aurait dû se demander si la disposition s’appliquait lorsqu’elle a déterminé ce qui était un emploi convenable pour la prestataire.

[42] La division générale n’a pas négligé le fait que la prestataire ne pouvait trouver de service de garde d’enfants. Mais elle n’a pas tenu compte de l’article 9.002(1)b) du Règlement.

[43] La division générale a commis une erreur de droit en omettant de se demander si et comment l’article 9.002(1)b) du Règlement aurait pu s’appliquer dans la situation de la prestataire. Elle aurait dû vérifier si les heures de travail de la prestataire n’étaient [traduction] « pas incompatibles » avec ses obligations familiales.

[44] Pour bien évaluer ce qu’était un emploi convenable pour la prestataire, la division générale devait déterminer si les heures de la prestataire étaient incompatibles avec ses obligations familiales.

[45] Et, si la division générale décidait que cet emploi n’était pas compatible avec les obligations de la prestataire en matière de garde d’enfants, ce n’est qu’à ce moment qu’elle pouvait évaluer correctement si la prestataire avait établi des conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail.

La division générale a-t-elle commis une erreur pour ce qui est de savoir si la Commission avait communiqué avec la prestataire en mars 2022?

[46] La prestataire soutient que la division générale a commis une erreur en concluant que Service CanadaNote de bas page 17 avait tenté de l’appeler le 11 ou le 15 mars 2022.

[47] La Commission soutient que Service Canada a tenté de communiquer avec la prestataire pour obtenir de plus amples renseignements les 11 et 15 mars 2022. Mais elle dit qu’elle n’a pas réussi à la joindre. La Commission a documenté ces appels téléphoniques dans ses notesNote de bas page 18. La prestataire nie que Service Canada ou la Commission ait tenté de la joindre à ces dates.

[48] Pour qu’il y ait une erreur de fait permettant à la division d’appel d’intervenir dans la décision de la division générale, cette dernière devait avoir fondé sa décision sur cette erreur de fait et elle devait avoir commis cette erreur de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte de la preuve portée à sa connaissanceNote de bas page 19.

[49] La division générale n’a tiré aucune conclusion sur la question de savoir si Service Canada ou la Commission avait tenté d’appeler la prestataire le 11 ou le 15 mars 2022. Elle n’a pas fondé sa décision sur la question de savoir si Service Canada avait appelé la prestataire en mars 2022. La division générale n’a donc pas commis d’erreur de fait sur ce point.

[50] Quoi qu’il en soit, des éléments de preuve laissaient entendre que la Commission avait tenté d’appeler la prestataire. La Commission n’a tout simplement pas parlé à la prestataire parce qu’elle ne pouvait pas la joindre.

[51] De plus, ces faits entourant la question de savoir si la Commission a tenté d’appeler la prestataire ne sont pas pertinents quant à la question de savoir si la prestataire était disponible pour travailler ou si elle avait établi des conditions personnelles. Donc, même en l’absence d’une preuve à cet égard, cela n’aurait eu aucune incidence sur le résultat.

Réparation

[52] La division générale n’a pas tenu compte de l’article 9.002(1)b) du Règlement. Pour remédier à cette erreur, je peux renvoyer l’appel à la division générale pour réexamen ou rendre la décision que la division générale aurait dû rendreNote de bas page 20.

[53] La prestataire me demande de rendre la décision qu’à son avis, la division générale aurait dû rendre. Je note que les parties ont eu une audience équitable devant la division générale. Elles ont eu la possibilité de produire des documents et de faire comparaître des témoins. Rien ne laisse entendre que l’une ou l’autre partie doit déposer des documents supplémentaires ou appeler des témoins supplémentaires.

[54] Il y a certaines lacunes dans la preuve concernant les démarches faites par la prestataire pour obtenir des services de garde d’enfants. Par exemple, la prestataire et son époux disent qu’ils ne peuvent pas compter sur la famille ou leurs parents pour s’occuper de leur enfant. Ils n’ont pas d’autre famille ici au Canada. Ils affirment aussi que les services de garde coûtent cher. Certains de ces éléments de preuve aideraient probablement la prestataire. Mais je ne peux me fonder sur ceux‑ci parce que la division d’appel ne tient généralement pas compte des nouveaux éléments de preuve.

[55] Malgré tout, je conclus qu’il y avait suffisamment d’éléments de preuve pour que je puisse rendre la décision que la division générale aurait dû rendre.

Principes généraux

[56] Le prestataire doit être capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas page 21. Aux fins de l’emploi convenable, les heures de travail ne doivent pas être incompatibles avec ses obligations familialesNote de bas page 22.

[57] Dans l’affaire S.A., ma collègue a examiné ce que signifient les obligations familiales. Elle a constaté que cela peut inclure des obligations en matière de garde d’enfants. Ce point n’est pas litigieux.

[58] Le litige plus important dans l’affaire S.A. était de savoir si un prestataire doit chercher des services de garde d’enfants et dans quelle mesure il doit le faire. La Commission a fait valoir que la prestataire doit tout mettre en œuvre pour éliminer l’obstacle que présentent ses obligations familiales afin de pouvoir chercher du travail et l’accepter. S.A. a fait valoir qu’il suffit qu’un prestataire fasse des efforts raisonnables pour éliminer l’obstacle que présentent ses obligations familiales.

[59] Ma collègue a jugé qu’un prestataire doit démontrer qu’il a des obligations familiales pendant certaines heures. Cela signifie qu’un prestataire ne choisit pas simplement de ne pas travailler pour des raisons familiales. Le fait qu’il a des obligations en matière de garde d’enfants signifie que cela échappe en grande partie à son contrôle. Concrètement, cela signifie qu’un prestataire doit prendre des mesures raisonnables, comme chercher des services de garde d’enfants, pour éliminer les obstacles à son retour au travail, comme les obligations familiales.

[60] Comme ma collègue l’a fait remarquer, cette interprétation de la disposition est conforme à l’objet de la Loi, qui est d’aider les personnes qui se retrouvent au chômage sans le vouloirNote de bas page 23.

[61] Par conséquent, je suis prête à accepter que la prestataire avait des obligations familiales sous forme d’obligations en matière de garde d’enfants. Les choses étaient différentes dans l’affaire Nikhat c Canada (Procureur général)Note de bas page 24. Dans cette affaire, Mme Nikhat a choisi de retirer son fils de l’école et de rester à la maison pour lui faire l’école. Elle ne pouvait donc pas retourner au travail parce qu’elle était à la maison pour s’occuper de son enfant.

[62] En l’espèce, la prestataire a déclaré qu’elle n’avait d’autre choix que de s’occuper de sa fille en dehors des heures de classe, car elle ne pouvait pas obtenir de services de garde d’enfants.

Les heures pendant lesquelles la prestataire était disponible pour travailler étaient limitées

[63] La prestataire a témoigné qu’elle était disponible pour travailler de 9 h 30 à 14 h 30 du lundi au vendredi. Elle a expliqué qu’elle devait déposer sa fille puis la récupérer.

[64] La prestataire a témoigné qu’elle et son conjoint avaient cherché des services de garde pour leur fille, mais qu’il y avait une longue liste d’attente. Ils ont trouvé ça très difficile d’obtenir une place. Elle a également déclaré que même s’ils avaient réussi à trouver des services de garde, elle aurait quand même dû aller chercher sa fille après la garderie.

[65] La prestataire a également témoigné qu’au cours de l’été, elle aurait quand même dû trouver un emploi qui tiendrait compte de ses obligations en matière de garde d’enfants. Sa fille fréquentait une école d’été, de sorte que la prestataire pouvait quand même offrir d’être disponible pour travailler entre 9 h 30 et 14 h 30.

[66] La Commission ne conteste pas le témoignage de la prestataire.

[67] La preuve concernant les efforts de la prestataire pour trouver des services de garde est très peu détaillée. J’admets toutefois que la prestataire a tenté de trouver des services de garde, mais que ses recherches ont tout simplement été vaines. Je suis prête à accepter qu’en raison des obligations de la prestataire en matière de garde d’enfants, tout emploi à l’extérieur de la maison avant 9 h 30 et après 14 h 30 ne représentait pas un emploi convenable.

La prestataire n’a pas établi de conditions personnelles

[68] Étant donné qu’un emploi commençant avant 9 h 30 et se poursuivant après 14 h 30 ne représentait pas un emploi convenable pour la prestataire, cette dernière n’a pas établi de conditions personnelles lorsqu’elle a limité les heures pendant lesquelles elle était disponible pour travailler.

La prestataire était disponible pour travailler

[69] Les parties n’ont pas contesté les conclusions de la division générale selon lesquelles les démarches de recherche d’emploi de la prestataire étaient suffisantes et que cette dernière a démontré le désir de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable lui serait offert. Je ne modifierais donc pas ces conclusions. Je dois quand même déterminer si la prestataire a établi des conditions personnelles susceptibles de limiter indûment ses chances de réintégrer le marché du travail.

[70] Avant de perdre son emploi, la prestataire travaillait pour un distributeur. Elle travaillait de 9 h 30 à 14 h.

[71] La prestataire cherchait un emploi dont l’horaire était à peu près le même que celui qu’elle occupait avant de demander des prestations d’assurance‑emploi. Dans le questionnaire sur la formation qu’elle a rempli pour la Commission, elle a dit qu’elle était [traduction] « disponible pour travailler […] dans des conditions identiques ou meilleures (p. ex. heures, type de travail […]) »Note de bas page 25.

[72] La prestataire a cherché différents types d’emplois, notamment un emploi sur une ligne de production et des emplois de représentante d’une entreprise de téléphonie cellulaire et de garnisseuse de tablettes. Elle a également postulé chez Rona, Home Depot et Purdy’s Chocolates.

[73] Comme je l’ai mentionné précédemment, en raison des obligations de la prestataire en matière de garde d’enfants, un emploi convenable excluait tout emploi à l’extérieur de la maison qui commencerait avant 9 h 30 ou se poursuivrait après 14 h 30 ou 14 h 45. Il s’agissait des mêmes heures à peu près que celles qu’elle avait travaillées par le passé. Cette restriction sur le plan des heures n’était pas une condition personnelle que la prestataire avait établie. Elle avait tenté de trouver des services de garde d’enfants, mais il n’y avait rien.

[74] Vu ces considérations, je suis convaincue que la prestataire a prouvé sa disponibilité pour travailler. Elle a exprimé le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert. La prestataire a fait des démarches pour trouver un emploi convenable, compte tenu de ses obligations en matière de garde d’enfants, et elle n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail.

Conclusion

[75] Il est fait droit à l’appel. La division générale a commis une erreur en ne tenant pas compte de l’article 9.002(1)b) du Règlement. Compte tenu de l’article 9.002(1)b), je conclus que la prestataire était disponible pour travailler.

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