Assurance-emploi (AE)

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Citation : FD c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 745

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : F. D.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du
8 mars 2023 (GE-22-3124)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 8 juin 2023
Numéro de dossier : AD-23-332

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Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse (prestataire) a été suspendue parce qu’elle a refusé de porter le masque sanitaire selon la directive de l’employeur et a refusé de se soumettre à la directive de vaccination adoptée par l’employeur. La prestataire a ensuite présenté une demande de prestations régulières d'assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a conclu que la prestataire a été suspendue en raison de son inconduite. Elle l’a donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi. La prestataire a interjeté appel devant la division générale.

[4] La division générale a déterminé que la prestataire a été suspendue de son emploi entre le 3 janvier et le 24 janvier 2022 parce qu’elle n’a pas porté le masque de la manière dont l’exigeait l’employeur et qu’elle a été suspendue de son emploi à compter du 6 janvier 2022 parce qu’elle a refusé de se conformer à la directive de vaccination de l’employeur. Elle a conclu que la prestataire savait que l’employeur était susceptible de la suspendre dans ces circonstances et que son refus était volontaire, conscient et délibéré. La division générale a conclu que la prestataire a été suspendue en raison de son inconduite.

[5] La prestataire demande à la division d’appel la permission d’en appeler de la décision de la division générale. Elle soutient que la division générale s’est attardée sur un seul évènement de 30 minutes. La prestataire considère qu’elle est pénalisée pour avoir une opinion différente. Elle soutient avoir droit à l’assurance-emploi parce qu’elle est travaillante, responsable et respectueuse des règles. La prestataire fait valoir qu’il était devenu difficile de se faire dépister compte tenu de la fermeture graduelle des centres de dépistage.

[6] Je dois décider si on peut soutenir que la division générale a commis une erreur révisable qui confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

[7] Je refuse la permission d’en appeler puisqu’aucun des moyens d’appel soulevés par la prestataire ne confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Est-ce que la prestataire soulève, dans ses moyens d’appel, une erreur révisable qu’aurait commise la division générale et qui confère à l’appel une chance raisonnable de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, spécifie les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont que :

  1. 1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une certaine façon.
  2. 2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher. Ou encore, elle s’est prononcée sur une question sans pouvoir de le faire.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a commis une erreur de droit dans sa décision.

[10] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond de l'affaire. C'est une première étape que la prestataire doit franchir, mais le fardeau est ici inférieur à celui auquel elle devra rencontrer à l'audience de l'appel sur le fond. À l’étape de la demande permission d’en appeler, la prestataire n’a pas à prouver sa thèse mais elle doit établir que son appel a une chance raisonnable de succès. En d’autres mots, elle doit établir que l’on peut soutenir qu’il y a eu erreur révisable sur laquelle l’appel peut réussir.

[11] La permission d’en appeler sera en effet accordée si je suis convaincu qu’au moins l’un des moyens d’appel soulevé par la prestataire confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

Est-ce que la prestataire soulève, dans ses moyens d’appel, une erreur révisable qu’aurait commise la division générale et qui confère à l’appel une chance raisonnable de succès?

[12] La prestataire soutient que la division générale s’est attardée sur un seul évènement de 30 minutes. La prestataire considère qu’elle est pénalisée pour avoir une opinion différente. Elle soutient avoir droit à l’assurance-emploi parce qu’elle est travaillante, responsable et respectueuse des règles. La prestataire fait valoir qu’il était devenu difficile de se faire dépister compte tenu de la fermeture graduelle des centres de dépistage.

[13] La division générale devait décider si la prestataire a été suspendue en raison de son inconduite.

[14] La notion d’inconduite ne prévoit pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant la prestataire de sorte que sa suspension serait injustifiée, mais bien de savoir si la prestataire s’est rendue coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné sa suspension.

[16] La division générale a déterminé que la prestataire a été suspendue entre le 3 janvier et le 24 janvier 2022 parce qu’elle n’a pas porté le masque sanitaire de la manière dont l’exigeait l’employeur et qu’elle a été suspendue de son emploi à compter du 6 janvier 2022 parce qu’elle a refusé de se conformer à la directive de vaccination de l’employeur qui exigeait trois tests de dépistage de la COVID-19 par semaine.

[17] Devant la division générale, la prestataire a admis qu’elle ne voulait plus passer les tests de dépistage comme l’exigeait l’employeur. Elle a admis également ne pas avoir porté le masque sanitaire sur le nez pendant qu’elle nourrissait un résident.

[18] La division générale a déterminé que la prestataire a été informé des directives mise en place par l’employeur pour protéger la santé et la sécurité de tout le personnel et a eu le temps de s’y conformer. Elle a déterminé que la prestataire a volontairement cessé de suivre les directives de la santé publique et qu’elle n’a pas obtenu une exemption médicale. C’est ce qui a directement entraîné sa suspension. La division générale a déterminé que la prestataire savait que son refus de continuer à suivre les directives de l’employeur pourrait mener à sa suspension. La division générale a conclu de la preuve prépondérante que le comportement de la prestataire constituait une inconduite.

[19] Il est bien établi que le non-respect délibéré de la politique d’un employeur est considéré comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE).Note de bas de page 1

[20] Il n’est pas vraiment contesté qu'un employeur a l'obligation légale de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de ses employés sur leur lieu de travail. Dans le cas présent, l'employeur a suivi les directives des responsables de la santé publique afin de protéger la santé de tous les employés pendant la pandémie. Les directives étaient en vigueur lorsque la prestataire a été suspendue.

[21] Il n’appartenait pas à la division générale de trancher les questions concernant l’efficacité des mesures ou le caractère raisonnable des directives de l’employeur. En d'autres termes, le Tribunal n'a pas la compétence pour décider si les mesures imposées par l'employeur concernant la COVID-19 étaient efficaces ou raisonnables.

[22] La question de savoir si l’employeur aurait dû accommoder la prestataire, ou de savoir si la politique de l’employeur était déraisonnable, relève d'un autre forum. Ce Tribunal n'est pas le forum approprié par lequel la prestataire peut obtenir la réparation qu'elle demande.Note de bas de page 2 La Cour fédérale a souligné qu’il existe d’autres recours disponibles pour sanctionner le comportement d'un employeur que par le truchement du programme d’assurance-emploi.Note de bas de page 3

[23] La preuve prépondérante devant la division générale démontre que les directives de l'employeur s’appliquaient à la prestataire. Elle a refusé de se conformer aux directives. Elle savait que l'employeur était susceptible de la suspendre dans ces circonstances et son refus était volontaire, conscient et délibéré. La prestataire a fait un choix personnel et délibéré de ne pas suivre les directives de l'employeur en réponse aux circonstances uniques créées par la pandémie et cela a entraîné la suspension de son emploi.

[24] Je suis pleinement conscient que la prestataire peut demander réparation devant une autre instance, si une violation est établie. Cela ne change rien au fait qu'en vertu de la Loi sur l'AE, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que la prestataire a été suspendue en raison de son inconduite.

[25] Même si l’employeur a ultérieurement rappelé la prestataire au travail, ce fait ne change pas la nature de l'inconduite qui a initialement mené à la suspension.Note de bas de page 4

[26] Après examen du dossier d’appel, de la décision de la division générale et des arguments au soutien de la demande de permission d’en appeler, je suis d’avis que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. La prestataire ne soulève aucune question dont la réponse pourrait mener à l’annulation de la décision contestée.

Conclusion

[27] La permission d’en appeler est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

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