Assurance-emploi (AE)

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Citation : FD c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 746

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : F. D.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (513611) datée du 23 août 2022 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Josée Langlois
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 7 mars 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 8 mars 2023
Numéro de dossier : GE-22-3124

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelante a cessé d’occuper son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’elle a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, elle n’est pas admissible à recevoir des prestations d’assurance-emploi.Note de bas de page 1

Aperçu

[3] L’appelante est préposée aux bénéficiaires au X. L’employeur a émis un relevé d’emploi en raison d’une maladie ou blessure à compter du 4 janvier 2022, mais l’appelante a affirmé à un employé de la Commission qu’elle n’était pas malade. Après avoir déclaré qu’elle avait cessé d’occuper son emploi en raison d’un manque de travail, elle a expliqué à un employé de la Commission qu’elle ne voulait plus faire les tests de dépistage de la Covid-19 exigés par l’employeur trois fois par semaine et qu’elle a quitté volontairement son emploi.

[4] La Commission a d’abord accepté la raison de la cessation d’emploi fournie par l’appelante. Elle a conclu qu’elle avait quitté volontairement son emploi et elle l’a exclue du bénéfice des prestations. Après une demande de révision de l’appelante, la Commission a rendu une décision révisée indiquant que l’appelante a été suspendue de son emploi. La Commission a imposé une inadmissibilité du 3 janvier 2022 au 24 janvier 2022 en raison de gestes survenus le 29 décembre 2021 et elle a imposé une inadmissibilité indéterminée à compter du 6 janvier 2022 parce que l’appelante a refusé de se conformer à la directive de vaccination de l’employeur.

[5] L’appelante n’est pas d’accord avec la décision de la Commission. Elle admet qu’elle a n’a pas porté le masque sanitaire correctement et qu’elle ne voulait plus passer les tests de dépistage exigés par l’employeur, cependant, elle affirme qu’elle n’avait pas l’intention de commettre une inconduite. Pour des raisons personnelles, elle ne voulait pas porter le masque sur le nez en tout temps, ni recevoir le vaccin contre la Covid-19, ni se soumettre à des tests de dépistage.

[6] Je dois déterminer si l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.

Questions en litige

[7] Pour l’inadmissibilité du 3 janvier 2022 au 24 janvier 2022 : l’appelante a-t-elle refusé de porter le masque de la manière dont l’exigeait l’employeur ?

[8] Pour l’inadmissibilité imposée à compter du 6 janvier 2022 : l’appelante a-t-elle refusé de se conformer à la directive de vaccination de l’employeur ?

[9] Si oui, ces gestes constituent-ils de l’inconduite ?

Analyse

[10] Pour décider si l’appelante a cessé d’occuper son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison l’appelante a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la Loi considère cette raison comme une inconduite.

L’appelante a-t-elle refusé de porter le masque de la manière dont l’exigeait l’employeur et a-t-elle refusé de se conformer à la directive de vaccination de l’employeur ?

[11] J’estime que l’appelante a été suspendue de son emploi entre le 3 janvier 2022 et le 24 janvier 2021 parce qu’elle n’a pas porté le masque de la manière dont l’exigeait l’employeur et qu’elle a été suspendue de son emploi à compter du 6 janvier 2022 parce qu’elle a refusé de se conformer à la directive de vaccination de l’employeur.

[12] Conformément à cette directive, à moins de fournir une attestation de vaccination contre la Covid-19, elle devait subir trois tests de dépistage de la Covid-19 par semaine et elle a refusé de le faire. De plus, les faits démontrent que le 29 décembre 2021, l’appelante n’a pas porté le masque sanitaire de la manière dont l’exigeait l’employeur.

[13] Le premier relevé d’emploi émis par l’employeur le 25 janvier 2022 indique que l’appelante aurait cessé d’occuper son emploi le 4 janvier 2022 en raison d’une maladie ou d’une blessure.

[14] Un employé de la Commission a contacté un responsable chez l’employeur qui a indiqué que l’appelante avait été suspendue de son emploi avec solde le 29 décembre 2021.

[15] Une lettre, datée du 7 janvier 2022, indique que l’appelante est « retirée du travail avec solde aux fins d’enquête ». Cette lettre indique que l’appelante aurait posé des gestes inadéquats. Une deuxième lettre, datée du 7 janvier 2022, indique le « retrait sans solde » du travail puisque l’appelante a manifesté son intention de ne plus passer les tests de dépistage requis par l’arrêté ministériel 2021-081 en lien avec le dépistage obligatoire pour les employés qui ne sont pas adéquatement vaccinés.

[16] L’appelante admet avoir refusé de se conformer à la directive de vaccination contre la Covid-19. Elle a indiqué qu’elle ne voulait plus passer les tests de dépistage comme l’exigeait l’employeur. Elle admet également qu’elle n’a pas porté le masque sanitaire sur le nez pendant qu’elle nourrissait un résident.

[17] La Commission et l’appelante s’entendent sur la raison pour laquelle cette dernière a cessé d’occuper son emploi.

[18] Je conclus que l’appelante a refusé de porter le masque sanitaire de la manière dont l’exigeait l’employeur, c’est-à-dire sur le nez, et qu’elle ne s’est pas conformée à la directive de vaccination de l’employeur lorsqu’elle a refusé de passer trois tests de dépistage par semaine étant donné qu’elle n’était pas vaccinée contre la Covid-19. L’appelante a posé les gestes reprochés par l’employeur.

La raison de la suspension de l’appelante est-elle une inconduite selon la Loi ?

[19] Un travailleur qui est suspendu en raison de son inconduite n’a pas le droit de recevoir des prestations d’assurance-emploi jusqu’à la fin de la période de suspension.Note de bas de page 2

[20] Selon la Loi, la raison de la suspension de l’appelante est une inconduite. Un travailleur qui est suspendu de ses fonctions en raison de son inconduite ne peut recevoir des prestations d’assurance-emploi jusqu’à la fin de sa période de suspension.

[21] Pour être considérée comme une inconduite selon la Loi, la façon d’agir doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelle.Note de bas de page 3 Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibérée.Note de bas de page 4 Pour qu’il y ait inconduite au sens de la Loi, il n’est pas nécessaire que l’appelante ait eu une intention coupableNote de bas de page 5 (c’est-à-dire qu’elle a voulu faire quelque chose de mal).

[22] Il y a inconduite si l’appelante savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit suspendue ou congédiée pour cette raison.Note de bas de page 6

[23] La Commission doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelante a cessé d’occuper son emploi en raison de son inconduite. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelante a été suspendue en raison de son inconduite.Note de bas de page 7

[24] Une lettre datée du 24 janvier 2022 démontre qu’après une enquête, l’employeur a émis une mesure disciplinaire et il a suspendu l’appelante pour cinq jours. Cette lettre indique qu’étant donné le contexte de la pandémie de la Covid-19 et conformément aux directives de la santé publique, les employés du X ont l’obligation de porter du matériel de protection individuel selon leur type d’emploi et selon leur degré de proximité avec la clientèle. Cette lettre, signée par le gestionnaire du milieu de vie, indique que le 15 décembre 2021, il a surpris l’appelante à circuler dans les corridors sans porter le masque de protection requis. Le gestionnaire indique qu’il avait pourtant averti l’appelante à de nombreuses reprises de porter un masque. De plus, des témoins auraient rapporté avoir vu l’appelante nourrir des usagés en portant le masque sous le menton en ayant le nez et la bouche à découvert.

[25] La lettre mentionne également que l’appelante a refusé de participer à une réunion concernant les comportements qui lui étaient reprochés. Le gestionnaire mentionne que le contexte de la pandémie de la Covid-19 est exceptionnel et temporaire, mais que l’appelante a le devoir de respecter les directives de la santé publique. Le gestionnaire mentionne que si l’appelante ne respecte pas les directives, des mesures plus sévères pourraient être prises la prochaine fois.

[26] L’appelante admet qu’elle a porté le masque sous le menton, cependant elle fait valoir que cette situation ne représentait pas un danger pour les autres parce qu’elle passait des tests de dépistage de la Covid-19 trois fois par semaine. Elle indique également que le port du masque lui causait des étourdissements et qu’elle ne pouvait pas le porter 7 heures par jour.

[27] De plus, l’appelante admet qu’elle a été informée de la directive de vaccination et elle savait qu’elle devait subir trois tests de dépistage de la Covid-19 par semaine parce qu’elle n’était pas vaccinée. Cependant, elle explique qu’elle était en colère à ce moment-là parce qu’elle estimait que la Santé publique ne traitait pas correctement les travailleurs de la santé. Elle explique qu’elle refuse de se faire vacciner et qu’elle a refusé de passer des tests de dépistage à partir du 7 janvier 2022 parce que le centre où elle devait passer les tests était situé trop loin et qu’elle n’avait pas de véhicule pour se déplacer. Elle affirme qu’en autobus, elle aurait mis 2,5 heures aller-retour pour passer son test.

[28] L’appelante explique également qu’elle travaillait trois jours par semaine et qu’elle aurait aimé passer seulement deux tests de dépistages par semaine, mais que l’employeur a refusé.

[29] La Commission soutient que l’employeur a le droit d’adopter des règles et des directives qui circonscrivent le lien d’emploi et que le refus d’obéir ou d’obtempérer à une directive peut constituer une inconduite au sens de la Loi. Elle fait valoir que si l’appelante avait des étourdissements et qu’elle ne pouvait pas porter le masque, elle aurait pu consulter un médecin et/ou faire part de cette situation à l’employeur.

[30] Aussi, la Commission affirme que l’appelante a volontairement refusé de se conformer à la directive de vaccination adoptée par l’employeur en refusant de se soumettre à des tests de dépistage. Un employé de la Commission explique qu’il a fait une simulation pour se rendre de la résidence de l’appelante à un centre de dépistage et que la durée du trajet à partir de la résidence de l’appelante était de 40 minutes. La Commission fait valoir que l’appelante savait qu’elle devait porter le masque et qu’elle devait se soumettre à trois tests de dépistage rapides par semaine à défaut d’être vaccinée et que c’est volontairement qu’elle ne l’a pas fait. Elle soutient donc que ces gestes constituent une inconduite.

[31] Enfin, la Commission mentionne que le Tribunal n’est pas compétent pour déterminer si la politique de vaccination obligatoire de l’employeur était équitable ou raisonnable et s’il aurait dû proposer d’autres alternatives.Note de bas de page 8

[32] Je suis d’accord avec la Commission. Parce qu’elle n’a pas accepté de se conformer à la directive de vaccination de l’employeur et parce qu’elle n’a pas porté le masque sanitaire adéquatement, l’appelante a été suspendue. Je n’ai pas à déterminer si l’employeur devait l’accommoder quant à l’exigence des tests de dépistage.

[33] Bien que je comprenne les explications et les choix de l’appelante ainsi que la colère qu’elle pouvait éprouver, l’employeur lui a demandé de porter le masque sur le nez et de passer trois tests de dépistage parce qu’elle n’était pas vaccinée contre la Covid-19. L’appelante savait qu’elle devait se conformer à ces directives et elle a refusé de le faire.

[34] La directive de vaccination de l’employeur prévoit des mesures d’adaptation si un employé présentait une exemption de vaccination, notamment pour des raisons médicales ou pour des motifs religieux. L’employeur permettait également à un employé non-vacciné de passer des tests de dépistage, ce que l’appelante a fait pendant un certain temps. Cependant, l’appelante n’a pas rencontré un médecin pour demander une exemption pour des motifs médicaux ni concernant le port du masque qui la rendait inconfortable ni pour les tests de dépistage.

[35] L’employeur a des responsabilités quant à la santé et la sécurité de ses employés et il peut adopter des directives ou des politiques en ce sens. Et mon rôle n’est pas de déterminer si la suspension était une mesure appropriée.Note de bas de page 9 Lorsqu’un employé ne respecte pas une directive de l’employeur de façon volontaire, ce comportement l’empêche de remplir ses obligations envers son employeur.

[36] C’est en ce sens que l’appelante a posé un geste volontaire et qu’elle ne respecte pas ses obligations envers son employeur. Elle a admis lors de l’audience que son geste de ne pas porter le masque était réfléchi et qu’elle avait refusé de continuer à se soumettre à des tests de dépistage même si elle n’était pas vaccinée. Même si je comprends que le centre de dépistage auquel elle se rendait a fermé et que le trajet en autobus était plus long pour se rendre à l’autre centre de dépistage, en ne respectant pas les directives de l’employeur, l’appelante a commis une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. D’autant plus qu’elle admet ne pas avoir discuté avec l’employeur de la manière dont elle portait le masque. Comme elle l’a expliqué à la Commission pour justifier son absence à la réunion à laquelle elle était convoquée, l’appelante présumait ce que l’employeur allait lui dire et elle n’était pas d’accord. L’appelante savait qu’elle pouvait être suspendue de ses fonctions si elle ne portait pas le masque adéquatement et si elle ne se conformait pas à la directive de vaccination de l’employeur et, dans les deux cas, c’est volontairement qu’elle ne l’a pas fait.

[37] Ainsi, en refusant de se conformer aux directives de l’employeur, l’appelante pouvait présumer qu’il était possible qu’elle soit suspendue de ses fonctions.

[38] Pour conclure à une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi, l’intention coupable n’a pas non plus à être démontrée. C’est-à-dire que je n’ai pas à déterminer si l’appelante a fait quelque chose de mal.

[39] L’appelante a été suspendue par son employeur parce qu’elle n’a pas respecté les règles qu’il a émises; elle a refusé de se conformer à la directive de vaccination obligatoire pour tous les employés (à moins de présenter une exemption médicale ou pour des motifs religieux) et elle ne portait pas le masque adéquatement. En refusant de passer les tests de dépistage alors qu’elle n’avait pas fourni une attestation de vaccination contre la Covid-19 et en refusant de porter adéquatement le masque, l’appelante ne se conforme pas aux règles de l’employeur et elle ne satisfait pas aux obligations de son emploi.

[40] L’appelante avait reçu des directives claires de l’employeur concernant le port du masque et les tests de dépistage qu’elle devait effectuer alors qu’elle n’était pas vaccinée contre la Covid-19. L’appelante connaissait les règles et elle a choisi de ne pas s’y conformer. Ce geste volontaire constitue une inconduite.

Alors, l’appelante a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[41] L’appelante ne peut recevoir des prestations régulières si elle est suspendue pour une inconduite qu’elle a commise. Lorsqu’un employé ne respecte pas les règles de son employeur, il peut présumer qu’il sera suspendu, voire même congédié.

[42] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que l’appelante a posé les gestes reprochés par l’employeur et que le fait d’avoir refusé de porter le masque adéquatement et de se conformer à la directive de vaccination obligatoire de l’employeur constitue une inconduite au sens de la Loi.

Conclusion

[43] La Commission a prouvé que l’appelante a cessé d’occuper son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi elle ne peut recevoir des prestations d’assurance-emploi.

[44] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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