Assurance-emploi (AE)

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Citation : IH c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 876

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : I. H.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (544953) datée du 1 novembre 2022 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Josée Langlois
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 6 avril 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 13 avril 2023
Numéro de dossier : GE-22-3977

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelante a cessé d’occuper temporairement son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’elle a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, elle ne pouvait pas lui verser des prestations d’assurance-emploi.Note de bas de page 1

Aperçu

[3] L’appelante travaille au gouvernement du X. Elle a cessé d’occuper son emploi entre le 5 avril 2022 et le 20 juin 2022 parce qu’elle a refusé de fournir une attestation de vaccination contre la Covid-19 conformément à la politique adoptée par l’employeur.

[4] La Commission a accepté les explications fournies par l’employeur. Elle a conclu que l’appelante a été suspendue en raison de son inconduite. Elle ne pouvait pas lui verser des prestations d’assurance-emploi entre le 5 avril 2022 et le 17 juin 2022.

[5] L’appelante n’est pas d’accord avec la décision de la Commission. Elle admet qu'elle n'a pas fourni une attestation de vaccination contre la Covid-19 à son employeur, mais elle explique que l’employeur a adopté unilatéralement une politique de vaccination pour tous les employés, même ceux qui étaient en télétravail. L’appelante a refusé de divulguer son statut vaccinal.

[6] Je dois déterminer si l’appelante a été suspendue de son emploi en raison de son inconduite.

Questions en litige

[7] L’appelante a-t-elle refusé de se conformer à la politique de vaccination de l’employeur ?

[8] Si oui, ce geste constitue-t-il de l’inconduite ?

Analyse

[9] Pour décider si l’appelante a cessé d’occuper temporairement son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison l’appelante a perdu temporairement son emploi. Ensuite, je dois décider si la Loi considère cette raison comme étant une inconduite.

L’appelante a-t-elle refusé de se conformer à la politique de vaccination de l’employeur ?

[10] J’estime que l’appelante a été suspendue de son emploi parce qu’elle a refusé de se conformer à la politique de vaccination de l’employeur. Conformément à cette politique, elle devait fournir une preuve de vaccination contre la Covid-19 à l’employeur au plus tard le 21 mars 2022 et elle a refusé de le faire. (Dans les faits, la politique prévoyait que les employés fournissent cette attestation plus tôt, mais l’appelante était en congé de maladie du 3 novembre 2021 au 7 mars 2022. L’employeur lui a demandé de fournir cette attestation ou lui a offert de demander une exemption de vaccination au retour de son congé de maladie, soit au plus tard le 21 mars 2022).

[11] Le relevé d’emploi transmis par l’employeur à la Commission démontre que l’appelante est en congé sans solde parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination. L’employeur demande à la Commission de considérer que l’appelante a été suspendue ou congédiée.

[12] Lors de l’audience, l’appelante a indiqué qu’elle était en congé administratif pendant cette période et non en congé en raison d’une mesure disciplinaire.

[13] Comme la Commission le fait valoir, c’est l’employeur qui a pris l’initiative de mettre l’appelante en congé. Ainsi, l’appelante n’avait pas le choix de quitter ou de rester. D’ailleurs, l’employeur demande de traiter le congé administratif comme un comme « M », c’est-à-dire un congédiement ou une suspension.

[14] L’appelante admet avoir refusé de se conformer à la politique de l’employeur qui exigeait de présenter une attestation de vaccination contre la Covid-19. Je conclus qu’elle a été suspendue pour cette raison et qu’elle a posé le geste reproché par l’employeur.

La raison de la suspension de l’appelante est-elle une inconduite selon la Loi ?

[15] Selon la Loi, la raison de la suspension de l’appelante est une inconduite. Un travailleur qui est suspendu en raison de son inconduite ne peut pas recevoir des prestations d’assurance-emploi jusqu’à la fin de la période de suspension.Note de bas de page 2

[16] Pour être considérée comme une inconduite selon la Loi, la façon d’agir doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelle.Note de bas de page 3 Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibérée.Note de bas de page 4 Pour qu’il y ait inconduite au sens de la Loi, il n’est pas nécessaire que l’appelante ait eu une intention coupableNote de bas de page 5 (c’est-à-dire qu’elle a voulu faire quelque chose de mal).

[17] Il y a inconduite si l’appelante savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit suspendue ou congédiée pour cette raison.Note de bas de page 6

[18] La Commission doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelante a cessé d’occuper son emploi en raison de son inconduite. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelante a été suspendue en raison de son inconduite.Note de bas de page 7

[19] L’employeur a adopté unepolitique de vaccination obligatoirecontre la Covid-19.Note de bas de page 8 Conformément à cette politique, les employés devaient fournir une attestation de vaccination contre la Covid-19 au plus tard le 14 décembre 2021. Étant donné que l’appelante était en congé de maladie jusqu’au 7 mars 2022, l’employeur lui a demandé de fournir cette attestation au plus tard le 21 mars 2022. En considérant qu’elle devait participer à une formation sur la vaccination contre la Covid-19, l’employeur lui a transmis une lettre le 4 mars 2022 mentionnant qu’elle serait mise en congé sans solde le 4 avril 2022 si elle n’avait pas transmis l’attestation de vaccination contre la Covid-19.

[20] Le 5 avril 2022, l’appelante n’avait toujours pas transmis une attestation de vaccination comme l’exigeait l’employeur et elle a été suspendue. L’employeur mentionne que l’appelante savait depuis le mois de novembre 2021 qu’elle devait fournir cette attestation et qu’elle connaissait les conséquences si elle ne le faisait pas.

[21] L’appelante admet qu’elle a été informée de la politique de vaccination de l’employeur ainsi que des conséquences si elle ne s’y conformait pas. Elle explique qu’elle a refusé de fournir l’attestation de vaccination contre la Covid-19 demandée par l’employeur parce qu’elle considère qu’il s’agit d’une information hautement privée.Note de bas de page 9

[22] Elle affirme que l’employeur a modifié unilatéralement ses conditions d’embauche. Son employeur a considéré qu’elle était en contravention avec cette politique, mais elle soutient qu’il était satisfait de son travail.

[23] L’appelante affirme que les informations qu’elle avait en avril 2022 démontraient qu’il n’était pas nécessaire d’être vacciné. Elle était en pleine santé et elle ne voulait pas prendre ce risque. Elle mentionne qu’elle connaît des personnes qui sont décédées ou qui ont été malades après avoir reçu le vaccin.

[24] En ce sens, l’appelante affirme que la politique de l’employeur n’était pas soutenue par la science ou le besoin de sécurité.Note de bas de page 10 Elle affirme que le développement des vaccins peut prendre entre 10 à 15 ans habituellement et au moment où l’employeur demandait cette attestation, les essais cliniques pour le vaccin contre la Covid-19 n’étaient pas terminés. Elle explique que ce n’est pas pour nuire à son employeur qu’elle a refusé de fournir l’attestation demandée, mais parce qu’elle voulait protéger sa santé. En ce sens, elle fait valoir qu’elle a le droit de refuser un traitement médical et qu’obliger les employés à se faire vacciner constitue de la coercition.

[25] L’appelante soutient également que sa situation présentait peu de risques de transmission du virus étant donné qu’elle était en télétravail. Elle explique qu’elle n’a pas fait de nombreux déplacements sur les lieux du travail et lorsqu’elle s’est déplacée, elle a respecté les mesures sanitaires.

[26] L’appelante affirme ne pas avoir commis d’inconduite parce qu’elle faisait bien son travail. En ce sens, elle fait valoir que, selon son directeur, elle était en congé administratif et non suspendue en raison d’une mesure disciplinaire.Note de bas de page 11

[27] La Commission fait valoir que l’appelante a été informée de la politique de vaccination de l’employeur et qu’elle savait qu’il y aurait des conséquences si elle ne se conformait pas à cette politique. Elle affirme que l’appelante n’a pas demandé une exemption de vaccination contre la Covid-19 pour un motif protégé par la Charte canadienne des droits et libertés. Elle soutient donc que le refus de l’appelante de se conformer à la politique de vaccination contre la Covid-19 constitue une inconduite.

[28] La Commission affirme également que l’employeur peut adopter une politique de vaccination contre la Covid-19, quel que soit le lieu de travail, afin de réduire le risque de transmission du virus. En ce sens, elle soutient que même si la politique a été adoptée après l’embauche de l’appelante, la politique peut être considérée comme étant raisonnable étant donné le contexte relié à la pandémie de la Covid-19.

[29] Enfin, la Commission affirme que le Tribunal n’est pas compétent pour déterminer si la politique adoptée par l’employeur était équitable ou raisonnable ou si l’employeur aurait dû proposer des mesures alternatives.

[30] Je suis d’accord avec la Commission. La question de savoir si la politique adoptée par l’employeur est raisonnable ou si l’employeur doit proposer des mesures d’adaptation supplémentaires à un employé qui, par exemple, est en télétravail doit être tranchée par une autre instance.Note de bas de page 12 La Cour d’appel fédérale a statué que le Tribunal doit mettre l’accent sur la conduite du prestataire et non sur celle de l’employeur. En ce sens, il y a inconduite lorsqu’un prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié.Note de bas de page 13

[31] Ainsi, en refusant de se conformer à la politique de l’employeur, l’appelante pouvait présumer qu’il était possible qu’elle soit suspendue de ses fonctions. Même si je comprends ses explications, lorsqu’un prestataire ne respecte pas une politique de l’employeur de façon volontaire, ce comportement l’empêche de remplir ses obligations envers son employeur.

[32] En ne respectant pas la politique de vaccination contre la Covid-19 de l’employeur, l’appelante a commis une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi parce qu’elle savait qu’elle pouvait être suspendue de ses fonctions si elle ne transmettait pas une attestation de vaccination contre la Covid-19 à l’employeur et c’est volontairement qu’elle ne l’a pas fait.

[33] J’ai pris connaissance des documents transmis par l’appelante avant l’audience et particulièrement la décision A.L. c Commission de l’assurance-emploi du Canada.Note de bas de page 14 Dans cette cause particulière, la convention collective des employés avait été renégociée afin d’y inclure une politique de vaccination obligatoire et ce cas particulier ne s’applique pas à celui de l’appelante. Je précise également que ce dossier a été contesté par la Commission devant la division d’appel du Tribunal et que la permission d’en appeler a été accordée le 9 février 2023.

[34] De plus, même si je comprends que cette politique de vaccination n’était pas en vigueur au moment où l’appelante a été embauchée, il est question d’une nouvelle directive adoptée en raison de la pandémie de la Covid-19. L’employeur a prévu certaines exemptions, comme l’exemption médicale, dont pouvaient se prévaloir les employés. Comme l’appelante l’a indiqué, elle n’avait pas de raisons de demander une exemption médicale ou pour des motifs religieux et elle ne l’a pas fait. Cependant, elle ne voulait pas divulguer son statut vaccinal à son employeur.

[35] Comme mentionné, la question n’est pas de savoir si la suspension était une mesure appropriée. La question est de déterminer si le fait de ne pas s’être conformée à la politique de vaccination de l’employeur constitue une inconduite au sens de la Loi. Comme la Cour l’a indiqué, il n’est pas pertinent d’analyser, aux fins de l’inconduite, si l’employeur aurait dû proposer d’autres mesures. En l’espèce, il faut se demander si l’inconduite alléguée a été la cause de la suspension.Note de bas de page 15 C’est le cas. Et, je ne suis pas habilité à déterminer si la sévérité de la sanction imposée par l’employeur était justifiée ou non ou si le comportement de l’employé constituait un motif valable de congédiement (dans ce cas-ci suspension).Note de bas de page 16 Cependant, je rends cette décision suivant la balance des probabilités et pour ce faire je considère l’ensemble des faits pertinents.

[36] En ce sens, même si je comprends les explications de l’appelante concernant l’aspect personnel et confidentiel de son statut vaccinal, je précise qu’elle avait le droit de refuser de se conformer à la directive de l’employeur, mais si elle refusait de se conformer à cette directive, il y avait des conséquences et elle le savait.

[37] Pour conclure à une inconduite, c’est l’action qui doit être délibérée, volontaire ou intentionnelle. Même si l’appelante ne souhaitait pas les conséquences, en l’occurrence celle d’être suspendue, c’est volontairement qu’elle a choisi de ne pas fournir son statut vaccinal à l’employeur. Elle avait été informée de la politique et aussi des conséquences si elle ne s’y conformait pas.

[38] Comme je l’ai mentionné, l’intention coupable n’a pas à être démontrée pour conclure à un acte posé de façon volontaire au sens de la Loi sur l’assurance-emploi et il suffit que l’acte soit délibéré pour qu’il y ait inconduite, et il peut en être ainsi même si on ne souhaite pas les conséquences qui en découlent.Note de bas de page 17

[39] Ainsi, l’appelante a été suspendue par son employeur parce qu’elle n’a pas respecté les règles qu’il a émises; elle a refusé de se conformer à la politique de vaccination obligatoire pour tous les employés (à moins de présenter une exemption médicale ou pour des motifs religieux). En refusant de fournir une attestation de son statut vaccinal, l’appelante ne se conforme pas aux règles de l’employeur et elle ne satisfait pas aux obligations de son emploi.

[40] L’appelante admet avoir reçu des directives claires de l’employeur concernant la politique de vaccination, elle connaissait les règles et elle a décidé de ne pas s’y conformer. Ce geste volontaire constitue une inconduite.

Alors, l’appelante a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[41] L’appelante ne peut recevoir des prestations régulières si elle est suspendue pour une inconduite qu’elle a commise. Lorsqu’un employé ne respecte pas les règles de son employeur, il peut présumer qu’il sera suspendu ou même congédié.

[42] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que l’appelante a posé le geste reproché par l’employeur et le fait d’avoir refusé de se conformer à la politique de vaccination obligatoire de l’employeur constitue une inconduite au sens de la Loi.

Conclusion

[43] La Commission a prouvé que l’appelante a cessé d’occuper son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi elle ne peut pas recevoir des prestations d’assurance-emploi pendant cette période.

[44] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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