Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AK c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 546

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelant : A. K.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (515577) datée du 29 septembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Susan Stapleton
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 9 février 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 14 février 2023
Numéro de dossier : GE-22-3524

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal est en désaccord avec l’appelant.

[2] La Commission de l’assurance‑emploi du Canada a prouvé que l’appelant a été suspendu de son emploi en raison de son inconduite. L’appelant est donc inadmissible au « bénéfice des prestations d’assurance‑emploi »Note de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’employeur de l’appelant a instauré une politique qui exigeait qu’il soit vacciné contre la COVID-19. Il ne s’est pas fait vacciner et il a été mis en congé sans solde (suspendu) le 1er février 2022. Sa suspension a pris fin le 2 août 2022, date à laquelle la politique de vaccination de l’employeur a été abolieNote de bas de page 2.

[4] L’appelant ne conteste pas que cela s’est produit. Toutefois, il n’était pas d’accord avec la politique de l’employeur. Se faire vacciner contre la COVID-19 va à l’encontre de ses croyances religieuses. Il affirme avoir été victime de discrimination sur le fondement de ses croyances religieuses, et affirme que la loi qui protège ses libertés religieuses n’a pas été respectée. Son employeur aurait dû prendre des mesures d’adaptation à son égard compte tenu de ses croyances religieuses. Ses antécédents professionnels sont impeccables, et il affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite de sa part. Il a cotisé au régime d’assurance‑emploi pendant de nombreuses années et estime avoir droit à des prestationsNote de bas de page 3. 

[5] L’employeur a dit à la Commission que l’appelant avait été suspendu parce qu’il ne s’était pas conformé à sa politique de vaccination contre la COVID-19Note de bas de page 4.

[6] La Commission a d’abord conclu qu’elle ne pouvait verser des prestations à l’appelant parce qu’il a cessé de travailler en prenant volontairement congé de son emploi sans justificationNote de bas de page 5.

[7] L’appelant a dit à la Commission qu’il n’avait pas quitté volontairement son emploi, mais qu’il avait été suspendu par son employeur en raison de l’exigence de l’employeur en matière de vaccinationNote de bas de page 6.

[8] Dans les observations qu’elle a adressées au Tribunal, la Commission a confirmé que l’inadmissibilité de l’appelant avait été modifiée, en ce sens qu’elle était attribuable à une suspension pour inconduite plutôt qu’à congé, tel qu’il avait été communiqué initialementNote de bas de page 7.

[9] Ma décision portera donc sur la question de savoir si l’appelant est inadmissible au bénéfice des prestations parce qu’il a été suspendu de son emploi en raison de son inconduite.

Question en litige

[10] L’appelant a-t-il été suspendu de son emploi en raison de son inconduite?

[11] Pour répondre à cette question, je dois trancher deux points. Premièrement, je dois décider pour quel motif l’appelant a été suspendu de son emploi. Je dois ensuite décider si la loi considère ce motif comme étant une inconduite.

Analyse

Pour quel motif l’appelant a-t-il été suspendu de son emploi?

[12] Je conclus que l’appelant a été suspendu de son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de l’employeur. Il a déclaré dans sa demande de prestations qu’il était en congé en raison de l’« exigence en matière de vaccination »Note de bas de page 8. Selon son relevé d’emploi (RE), celui‑ci a été délivré en raison d’un « congédiement ou d’une suspension »Note de bas de page 9.

[13] L’appelant a dit à l’agent de la Commission qu’il avait été suspendu de son emploi en raison de l’exigence en matière de vaccination. Il a dit que l’employeur l’avait averti plus d’une fois de satisfaire à son exigence en matière de vaccination. Il a dit ne pas être certain du moment où ces avertissements lui ont été donnésNote de bas de page 10.

[14] L’appelant a parlé à l’agent de révision de la Commission. Il a dit qu’il avait été mis en congé parce qu’il ne s’était pas conformé à la politique de vaccination de l’employeur. Selon lui, la politique de l’employeur et les communications par courriel mentionnaient en des termes clairs que tous les employés devaient être vaccinés au plus tard le 1er février 2022. Il estime que la politique de l’employeur était coercitive. Il a affirmé que l’employeur avait injustement modifié les conditions de son emploi en mettant en œuvre sa politique de vaccination obligatoire et en ne lui accordant pas d’exemption pour motifs religieux. Il estime que ses droits ont été bafouésNote de bas de page 11.

[15] L’agent de révision a parlé à l’employeur. Ce dernier a déclaré que l’appelant avait été mis en congé le 1er février 2022 parce qu’il ne s’était pas conformé à sa politique de vaccination contre la COVID-19. Le congé de l’appelant a pris fin le 2 août 2022, date à laquelle la politique de vaccination obligatoire de l’employeur a été abolie. L’employeur a déclaré que l’appelant était en arrêt de travail et touchait des prestations d’invalidité de courte durée depuis le 9 août 2022Note de bas de page 12.

[16] L’appelant a déclaré que l’employeur avait envoyé des courriels, à compter de l’automne 2021, informant les employés qu’ils devraient être vaccinés et attester en ligne qu’ils l’avaient été avant le 1er novembre 2021. L’employeur a mentionné en outre dans les courriels qu’il examinerait les demandes d’exemption de vaccination pour motifs de santé et religieux.

[17] Le dossier contient des copies des courriels que l’employeur a envoyés à l’appelant. Le 28 septembre 2021, l’employeur a envoyé un courriel de rappel aux employés. Il y était mentionné que tous les employés devaient attester qu’ils étaient entièrement vaccinés au plus tard le 31 octobre 2021. On peut y lire en outre que les employés n’ayant donné aucune attestation seraient considérés comme n’étant pas entièrement vaccinés. Il y était mentionné que même si les exemptions étaient limitées, le processus de mesures d’adaptation de l’employeur qui était en vigueur pourrait être invoqué pour des raisons valables liées aux droits de la personne (comme des raisons de santé)Note de bas de page 13.

[18] La chef d’équipe de l’appelant a également envoyé un courriel le 28 septembre 2021. Selon elle, les employés devaient respecter les protocoles de l’employeur en matière de COVID-19, ainsi que les protocoles établis par les autorités provinciales. Elle a répété l’exigence de l’employeur selon laquelle tous les employés devaient attester qu’ils étaient entièrement vaccinés au plus tard le 31 octobre 2021Note de bas de page 14.

[19] L’employeur a envoyé un courriel le 4 octobre 2021 pour informer à nouveau les employés qu’ils devaient tous attester qu’ils étaient entièrement vaccinés au plus tard le 31 octobre 2021. L’employeur a déclaré qu’à compter du 1er novembre 2021, les employés qui n’étaient pas entièrement vaccinés devraient suivre certains protocoles de sécurité, notamment subir des tests de dépistage deux fois par semaine, porter obligatoirement le masque, pratiquer l’éloignement physique et remplir le formulaire de dépistage quotidien de la COVID-19. Cette exigence s’appliquait également aux employés à qui une exemption fondée sur les droits de la personne avait été accordéeNote de bas de page 15.

[20] Dans un courriel qu’il a envoyé le 27 octobre 2021, l’employeur a mentionné qu’à compter du 1er novembre, tous les employés qui n’étaient pas entièrement vaccinés et dont la présence sur le lieu de travail avait été approuvée comme étant essentielle devraient subir des tests rapides obligatoires deux fois par semaineNote de bas de page 16.

[21] L’appelant a déclaré qu’une politique officielle de vaccination était affichée sur le site Web de l’employeur. Il a dit l’avoir lue. Selon lui, la politique s’appliquait à tous les employés, y compris à lui‑même. Il a dit qu’il ne se rappelait pas qu’elle ait précisé les conséquences du non‑respect de la politique.

[22] L’appelant a déclaré que, lorsque la politique de l’employeur a été communiquée, il a dit à son gestionnaire qu’il n’était pas vacciné et qu’il demanderait une exemption à l’obligation vaccinale pour motifs religieux. Il a rempli un formulaire de demande d’exemption, qu’il a soumis au service des Ressources humaines (RH) environ six semaines après la communication de la politique.

[23] L’employeur a envoyé à l’appelant une lettre datée du 29 octobre 2021. Dans cette lettre, il a informé l’appelant que sa demande d’exemption à l’obligation vaccinale avait été refusée. Il a ajouté qu’étant donné qu’il n’était pas vacciné et qu’il n’avait pas d’exemption, il devrait suivre les « protocoles de sécurité provisoires »Note de bas de page 17.

[24] L’appelant a déclaré que, du 1er novembre 2021 au 1er février 2022, date de sa suspension, il avait subi des tests deux fois par semaine. Il a continué à travailler. Selon lui, dans les premiers courriels que l’employeur a envoyés, on pouvait lire que les « employés essentiels » non vaccinés pourraient continuer à travailler s’ils subissaient des tests. Il a dit qu’il pensait qu’il serait autorisé à poursuivre les tests et qu’il n’aurait pas à se faire vacciner.

[25] L’appelant a déclaré que, lorsqu’il s’est présenté au travail le 1er février 2022, on lui a remis une lettre datée du 31 janvier 2022. Cette lettre est au dossier. On peut y lire ce qui suit :

[traduction]

  • En application de la politique de vaccination contre la COVID-19 de (l’employeur) annoncée en 2021, la présente lettre vise à confirmer que vous serez mis en congé sans solde à compter du 1er février 2022. Comme nous l’avons déjà mentionné, tous les membres de l’équipe devaient être entièrement vaccinés contre la COVID-19 au plus tard le 31 janvier 2022.
  • Vous avez déjà été avisé que […] tous les membres de l’équipe qui n’avaient pas attesté être entièrement vaccinés au plus tard le 31 janvier 2022 seraient mis en congé sans solde.
  • Vous avez également été informé que, puisque vous n’aviez pas attesté être entièrement vacciné, vous deviez commencer votre processus de vaccination contre la COVID-19 et démontrer à l’équipe de vérification des vaccins au plus tard le 10 décembre 2021 que vous aviez reçu votre première dose d’un vaccin contre la COVID-19, et lui préciser la date de votre rendez‑vous pour votre deuxième dose.
  • Vous deviez également envoyer une preuve de votre vaccination au plus tard le 31 janvier 2022 démontrant que vous aviez reçu votre deuxième dose de vaccin contre la COVID-19, ou fournir une preuve de rendez‑vous si celui‑ci était prévu au plus tard le 28 février 2022.
  • Malheureusement, vous n’avez pas envoyé une preuve de votre vaccination contre la COVID-19 ou de votre rendez‑vous à l’équipe de vérification de la vaccination contre la COVID-19. Par conséquent, à compter du 1er février 2022, vous êtes mis en congé sans solde jusqu’au 1er mai 2022.
  • Si, à la fin du congé sans solde, vous n’êtes toujours pas entièrement vacciné ou ne souhaitez pas communiquer votre statut vaccinal, vous serez réputé avoir enfreint la politique de vaccination contre la COVID-19 et votre emploi prendra finNote de bas de page 18.

[26] J’ai questionné l’appelant à l’audience au sujet des lettres qu’il avait reçues de l’employeur. J’ai fait référence à la lettre que l’employeur lui a envoyée le 31 janvier 2022, décrite ci‑dessus. Il a dit qu’il ne se souvenait pas d’avoir reçu une lettre avant celle du 31 janvier 2022 l’informant qu’il serait suspendu s’il ne se faisait pas vacciner. Il a dit qu’il ne savait pas avant d’avoir reçu la lettre de suspension le 1er février 2022 qu’il pourrait être suspendu pour ne pas s’être fait vacciner.

[27] Toutefois, l’appelant a déclaré dans son avis d’appel qu’à la mi‑janvier 2022, la politique de l’employeur avait changé et prescrivait que les tests seraient interrompus et que toute personne non vaccinée serait mise en congé sans solde à compter du 1er févrierNote de bas de page 19.

[28] L’appelant a également déclaré qu’il n’a pas été surpris d’apprendre qu’il était suspendu de son emploi le 1er février 2022. Il a dit qu’il savait que des entreprises sous réglementation fédérale suspendaient les employés qui ne se faisaient pas vacciner. Selon lui, il était clair qu’il n’y aurait aucune exception. Comme son employeur est sous réglementation fédérale, il s’attendait à être suspendu de son emploi parce qu’il n’était pas vacciné.

[29] Je conclus que l’appelant savait ou aurait dû savoir que, s’il ne se faisait pas vacciner et qu’il n’avait pas d’exemption de vaccination, il serait suspendu de son emploi. Bien qu’il ait témoigné qu’il ne se souvenait pas d’avoir reçu une lettre l’informant que, s’il n’était pas vacciné, il serait suspendu, la lettre de l’employeur datée du 31 janvier 2022 mentionne en des termes clairs qu’il a reçu cette information. La lettre mentionne qu’il a déjà été avisé que, s’il ne respectait pas la politique de vaccination de l’employeur, il serait suspendu de son emploi. L’appelant a également reconnu dans son avis d’appel que la politique de l’employeur a changé à la mi‑janvier, qu’il ne serait plus autorisé à subir des tests au lieu d’être vacciné et que, s’il demeurait non vacciné au 1er février 2022, il serait suspendu de son emploi.

Le motif de la suspension de l’appelant est-il une inconduite au sens de la loi?

[30] La raison de la suspension de l’appelant est une inconduite au sens de la loi.

[31] La Loi ne dit pas ce que signifie une inconduite. Cependant, la jurisprudence (décisions des tribunaux judiciaires et administratifs) nous montre comment établir si la suspension de l’appelant constitue une inconduite au sens de la Loi. Elle énonce le critère juridique applicable à l’inconduite, à savoir les questions et les critères à prendre en considération dans l’examen de la question de l’inconduite.

[32] D’après la jurisprudence, pour constituer une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 20. L’inconduite est aussi une conduite à ce point insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 21. L’appelant n’a pas à avoir une intention coupable (autrement dit, il n’a pas à vouloir faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 22.

[33] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit suspenduNote de bas de page 23.

[34] La Commission doit prouver que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 24.

[35] J’ai le pouvoir de trancher seulement les questions qui sont prévues dans la Loi. Je ne peux pas décider si l’appelant a d’autres options au titre d’autres lois. Et il ne m’appartient pas de décider si son employeur l’a congédié à tort ou s’il aurait dû prendre des mesures raisonnables (mesures d’adaptation) à son égardNote de bas de page 25. Je ne peux examiner qu’une chose : la question de savoir si ce que l’appelant a fait ou a omis de faire est une inconduite au sens de la Loi.

[36] Dans une affaire dont a été saisie la Cour d’appel fédérale (CAF), intitulée McNamara, l’appelant a soutenu qu’il devrait recevoir des prestations d’assurance‑emploi parce que son employeur l’avait congédié à tortNote de bas de page 26. Il avait perdu son emploi en raison de la politique de son employeur en matière de dépistage de drogues. Il a soutenu qu’il n’aurait pas dû être congédié, puisque le test de dépistage de drogues n’était pas justifié dans les circonstances. Il a dit qu’il n’y avait aucun motif raisonnable de croire qu’il était incapable de travailler en toute sécurité parce qu’il consommait de la drogue. De plus, les résultats de son dernier test de dépistage de drogue auraient tout de même dû être valides.

[37] En réponse, la CAF a souligné qu’elle a toujours dit que, dans les cas d’inconduite, la question est de savoir si l’acte ou l’omission de l’employé constitue une inconduite au sens de la Loi, et non s’il a été congédié à tortNote de bas de page 27.

[38] La CAF a également affirmé que, dans l’interprétation et l’application de la Loi, ce qu’il convient à l’évidence de retenir ce n’est pas le comportement de l’employeur, mais bien celui de l’employé. Elle a souligné que les employés qui font l’objet d’un congédiement injustifié ont d’autres recours. Ces recours permettent de sanctionner le comportement de l’employeur et d’éviter que par le truchement des prestations d’assurance‑emploi les contribuables fassent les frais du comportement de l’employeurNote de bas de page 28.

[39] Dans l’affaire plus récente intitulée Paradis, l’appelant a été congédié après avoir échoué à un test de dépistage de droguesNote de bas de page 29. Il a soutenu qu’il avait été congédié à tort, car les résultats des tests indiquaient qu’il n’avait pas les facultés affaiblies au travail. Il a déclaré que l’employeur aurait dû lui accorder des mesures d’adaptation conformément à ses propres politiques et aux lois provinciales sur les droits de la personne. La Cour s’est appuyée sur l’arrêt McNamara et a affirmé que la conduite de l’employeur n’était pas un facteur pertinent pour trancher la question de l’inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 30.

[40] De même, dans l’affaire Mishibinijima, l’appelant a perdu son emploi en raison de son alcoolismeNote de bas de page 31. Il a soutenu que son employeur devait lui accorder des mesures d’adaptation parce que l’alcoolisme est considéré comme une déficience. La CAF a affirmé encore une fois que l’accent est mis sur ce que l’employé a fait ou n’a pas fait, et que le fait que l’employeur n’a pris aucune mesure d’adaptation à son égard et sans pertinenceNote de bas de page 32.

[41] Ces affaires ne concernent pas les politiques de vaccination contre la COVID-19. Mais ce qu’elles disent demeure pertinent. Dans une décision très récente, qui concernait une politique de vaccination contre la COVID-19, l’appelant a fait valoir qu’aucune réponse satisfaisante n’a été donnée au sujet de l’innocuité et de l’efficacité des vaccins contre la COVID-19 et des tests antigéniques. Il a également affirmé qu’aucun décideur n’avait abordé la façon dont une personne pourrait être forcée de prendre des médicaments non testés ou d’effectuer des tests alors que cela violait l’intégrité corporelle fondamentale et équivalait à de la discrimination fondée sur des choix médicaux personnelsNote de bas de page 33.

[42] Lorsqu’elle a rejeté l’affaire, la Cour fédérale a écrit ce qui suit :

[traduction]

Bien que le demandeur soit de toute évidence contrarié du fait qu’aucun des décideurs n’a abordé ce qu’il considère comme les questions juridiques ou factuelles fondamentales qu’il soulève […] le principal problème de l’argument du demandeur est qu’il reproche aux décideurs d’avoir omis de traiter un ensemble de questions qu’ils ne sont pas autorisés à aborder au sens de la loiNote de bas de page 34.

[43] La Cour a également exprimé ce qui suit :

[traduction]

La [division générale du Tribunal de la sécurité sociale] et la division d’appel ont un rôle important, mais également étroit et précis, à jouer dans le système juridique. En l’espèce, ce rôle consistait à déterminer pourquoi le demandeur avait été congédié de son emploi et si ce motif constituait une « inconduite »Note de bas de page 35.

[44] Il ressort clairement de la jurisprudence qu’il ne m’appartient pas d’examiner la conduite ou les politiques de l’employeur et de déterminer s’il avait raison de congédier l’appelant. Je dois plutôt m’attarder à ce que l’appelant a fait ou n’a pas fait, et sur la question de savoir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi.

[45] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que l’appelant était au courant de l’exigence de vaccination de l’employeur, des délais et des conséquences d’une non‑conformité, mais qu’il a choisi de ne pas s’y conformer avant la date limite, sachant que sa demande d’exemption pour motifs religieux avait été refuséeNote de bas de page 36.

[46] L’appelant affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’employeur l’a traité injustement et l’a puni pour avoir des croyances religieuses qui l’empêchent de se faire vacciner contre la COVID-19. Il aurait dû approuver sa demande d’exemption à l’obligation de vaccination pour motifs religieux.
  • Il a été victime de discrimination sur le fondement de ses croyances religieuses, et la loi qui protège ses libertés religieuses n’a pas été respectée.
  • L’employeur a modifié les conditions de son emploi.
  • Ses antécédents professionnels sont impeccables.
  • Il a cotisé au régime d’assurance‑emploi pendant de nombreuses années et estime avoir droit à des prestations.

[47] L’appelant soutient que la politique de l’employeur prévoyait qu’il pourrait demander une exemption pour motifs religieux à l’obligation de se faire vacciner. Sa demande a été rejetée et l’employeur ne lui a pas fourni les motifs de son refus, malgré ses demandes répétées. Il a déposé un grief avec l’aide de son syndicat. L’appelant affirme que [traduction] « selon le Code des droits de la personne », il satisfait aux exigences relatives à la croyance ou à la religion, qu’il ne devrait pas faire l’objet de discrimination et qu’il aurait dû obtenir une exemption à l’obligation de se faire vaccinerNote de bas de page 37.

[48] Au Canada, un certain nombre de lois protègent les droits d’une personne, comme le droit à la vie privée ou le droit à la non‑discrimination. La Charte canadienne des droits de la personne (Charte) est l’une de ces lois. Il y a aussi la Déclaration canadienne des droits, la Loi canadienne sur les droits de la personne et d’autres lois fédérales et provinciales, comme le projet de loi C‑45, qui protègent les droits et libertés.

[49] Les différentes cours et différents tribunaux appliquent ces lois.

[50] Le Tribunal peut examiner si une disposition de la Loi ou de son règlement ou d’une loi connexe porte atteinte aux droits d’un prestataire garantis par la Charte. L’appelant n’a mentionné aucune disposition de la loi, du règlement ou d’une loi connexe sur l’assurance‑emploi que j’ai le pouvoir de considérer comme contrevenant aux droits qui lui sont garantis par la Charte.

[51] Le Tribunal n’a pas le pouvoir de déterminer si une mesure prise par un employeur contrevient aux droits fondamentaux d’un prestataire aux termes de la Charte. Cela dépasse ma compétence. Le Tribunal n’est pas non plus autorisé à rendre des décisions fondées sur la Déclaration canadienne des droits, la Loi canadienne sur les droits de la personne ou toute loi provinciale qui protège les droits et libertés.

[52] L’appelant pourrait disposer d’autres recours pour faire valoir ses prétentions selon lesquelles la politique de l’employeur violait ses droits. Ces questions doivent être traitées par la cour ou le tribunal compétent. C’est ce qu’a mentionné en des termes clairs la Cour fédérale dans la décision CecchettoNote de bas de page 38.

[53] Je conclus que l’appelant a fait le choix conscient et délibéré de ne pas se faire vacciner, en contravention à la politique de l’employeur. Il a déclaré qu’il ne s’était pas fait vacciner et qu’il n’avait pas obtenu d’exemption à l’obligation de se faire vacciner.

[54] Je conclus que l’appelant savait ou aurait dû savoir, du moins à la mi‑janvier 2022, que le fait de ne pas se faire vacciner signifiait qu’il ne pouvait pas faire son travail au 1er février 2022. Il a confirmé dans son témoignage avoir reçu et lu la politique de vaccination de l’employeur. Selon lui, elle s’appliquait à lui. Il n’avait aucune intention de se faire vacciner. Bien qu’il ait témoigné qu’il ne se souvenait pas d’avoir lu les conséquences d’une non‑conformité à la politique, il a également dit qu’il savait que, s’il demeurait non vacciné au plus tard le 1er février 2022, il serait suspendu de son emploi.

[55] Je conclus que la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • l’employeur avait une politique obligeant tous les employés à se faire vacciner ou à obtenir une exemption approuvée à l’obligation de se faire vacciner;
  • l’employeur a communiqué sa politique à l’appelant et a précisé ses attentes en matière de vaccination;
  • l’appelant connaissait les conséquences du non‑respect de la politique de vaccination de l’employeur;
  • l’appelant n’avait pas d’exemption à l’obligation de se faire vacciner;
  • l’appelant ne s’est pas fait vacciner et il a donc été suspendu.

[56] Je comprends que l’appelant estime qu’il devrait toucher des prestations d’assurance‑emploi parce qu’il a cotisé au régime pendant de nombreuses années. Toutefois, l’assurance‑emploi ne donne pas droit automatiquement à des prestations. Comme pour tout autre régime d’assurance, il faut satisfaire à certaines exigences pour être admissible aux prestations. Il n’a pas satisfait aux exigences d’admissibilité à des prestations.

Donc, l’appelant a-t-il été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite?

[57] Selon les conclusions que j’ai tirées plus haut, je conclus que l’appelant a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.

[58] Cela s’explique par le fait que les actes de l’appelant ont mené à sa suspension. Il a agi délibérément. Il savait ou aurait dû savoir que le refus de se faire vacciner alors qu’il n’avait pas d’exemption approuvée entraînerait sa suspension.

Conclusion

[59] La Commission a prouvé que l’appelant a été suspendu en raison d’une inconduite. C’est pourquoi l’appelant est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

[60] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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