Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : IH c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 875

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : I. H.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du
13 avril 2023 (GE-22-3977)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 4 juillet 2023
Numéro de dossier : AD-23-445

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Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse (prestataire) a été suspendue parce qu’elle a refusé de respecter la politique de vaccination contre la COVID-19 (politique) adoptée par l’employeur. Elle n’a pas obtenu d’exemption. La prestataire a ensuite présenté une demande de prestations régulières d'assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a conclu que la prestataire a été suspendue en raison de son inconduite. Elle l’a donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi. La prestataire a demandé la révision de la décision. La Commission a maintenu sa décision initiale. La prestataire a interjeté appel devant la division générale.

[4] La division générale a déterminé que la prestataire a refusé de se conformer à la politique de l’employeur. Elle a conclu que la prestataire savait que l’employeur était susceptible de la suspendre dans ces circonstances et que son refus était volontaire, conscient et délibéré. La division générale a conclu que la prestataire a été suspendue en raison de son inconduite.

[5] La prestataire demande à la division d’appel la permission d’en appeler de la décision de la division générale. La prestataire soutient qu’elle n’a commis aucune inconduite mais qu’elle a plutôt exercé un droit de refus protégé par la Charte Canadienne des droits et libertés (Charte). Elle soutient que son employeur ne lui a imposé aucune sanction disciplinaire. La prestataire soutient qu’elle a été placée en congé administratif par son employeur. En aucun temps, ses actions se sont avérées incompatibles avec l'exercice fidèle et convenable des fonctions pour lesquelles elle a été embauchée. La prestataire soutient que l’employeur n’a pas suivi les lignes directrices afin de lui imposer un congé administratif.

[6] Je dois décider si on peut soutenir que la division générale a commis une erreur révisable qui confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

[7] Je refuse la permission d’en appeler puisqu’aucun des moyens d’appel soulevés par la prestataire ne confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Est-ce que la prestataire soulève, dans ses moyens d’appel, une erreur révisable qu’aurait commise la division générale et qui confère à l’appel une chance raisonnable de succès? 

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, spécifie les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont que :

  1. 1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une certaine façon.
  2. 2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher. Ou encore, elle s’est prononcée sur une question sans pouvoir de le faire.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a commis une erreur de droit dans sa décision.

[10] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond de l'affaire. C'est une première étape que la prestataire doit franchir, mais le fardeau est ici inférieur à celui auquel elle devra rencontrer à l'audience de l'appel sur le fond. À l’étape de la demande permission d’en appeler, la prestataire n’a pas à prouver sa thèse mais elle doit établir que son appel a une chance raisonnable de succès. En d’autres mots, elle doit établir que l’on peut soutenir qu’il y a eu erreur révisable sur laquelle l’appel peut réussir.

[11] La permission d’en appeler sera en effet accordée si je suis convaincu qu’au moins l’un des moyens d’appel soulevé par la prestataire confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

Est-ce que la prestataire soulève, dans ses moyens d’appel, une erreur révisable qu’aurait commise la division générale et qui confère à l’appel une chance raisonnable de succès?

[12] La prestataire soutient qu’elle n’a commis aucune inconduite mais qu’elle a plutôt exercé un droit de refus protégé par la Charte. Elle soutient que son employeur ne lui a imposé aucune sanction disciplinaire. La prestataire soutient qu’elle a été placée en congé administratif par son employeur. En aucun temps, ses actions se sont avérées incompatibles avec l'exercice fidèle et convenable des fonctions pour lesquelles elle a été embauchée. La prestataire soutient que l’employeur n’a pas suivi les lignes directrices afin de lui imposer un congé administratif.

[13] La division générale devait décider si la prestataire a été suspendue en raison de son inconduite.

[14] Même si l'employeur n'accusait pas la prestataire d'inconduite, il appartenait à la division générale de vérifier et d'interpréter les faits de la présente affaire et de faire sa propre appréciation sur la question dont elle était saisie.

[15] Il n'était pas nécessaire que la division générale détermine si l'employeur a placé la prestataire en congé administratif au lieu d'une suspension disciplinaire. Il est bien établi que la procédure disciplinaire d'un employeur n'est pas pertinente pour déterminer une inconduite en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi (Loi sur l’AE).Note de bas de page 1

[16] La notion d’inconduite ne prévoit pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[17] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant la prestataire de sorte que sa suspension serait injustifiée, mais bien de savoir si la prestataire s’est rendue coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné sa suspension.

[18] La division générale a déterminé que la prestataire a été suspendue parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de l’employeur en réponse à la pandémie. La prestataire a été informée de la politique mise en place par l’employeur pour protéger la santé et la sécurité de tout le personnel et a eu le temps de s’y conformer. La division générale a déterminé que la prestataire a volontairement refusé de suivre la politique et qu’elle n’a pas obtenu une exemption. C’est ce qui a directement entraîné sa suspension.

[19] La division générale a déterminé que la prestataire savait que son refus de se conformer à la politique pourrait mener à sa suspension.

[20] La division générale a conclu de la preuve prépondérante que le comportement de la prestataire constituait une inconduite.

[21] Il est bien établi que le non-respect délibéré de la politique d’un employeur est considéré comme une inconduite au sens de la Loi sur l’AE.Note de bas de page 2

[22] Il n’est pas vraiment contesté qu'un employeur a l'obligation légale de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de ses employés sur leur lieu de travail. Il n'appartient pas au Tribunal de décider s'il était raisonnable pour l'employeur d'étendre cette protection aux employés travaillant à domicile pendant la pandémie.

[23] En d'autres termes, le Tribunal n'a pas la compétence pour décider si les obligations de l'employeur en matière de santé et de sécurité concernant la COVID-19 ont cessé au moment où la prestataire a commencé à travailler à domicile ou si elles ont continué de s'appliquer.

[24] Dans le cas présent, l'employeur a suivi les recommandations des responsables de la santé publique afin de mettre en œuvre sa politique de protection de la santé de tous les employés pendant la pandémie. La politique était en vigueur lorsque la prestataire a été suspendue.Note de bas de page 3

[25] La question de savoir si l’employeur n’a pas respecté les lignes directrices en matière de congé administratif, ou de savoir si l’employeur aurait dû accommoder la prestataire, ou de savoir si la politique de l’employeur a violé ses droits constitutionnels, relève d'un autre forum. Ce Tribunal n'est pas le forum approprié par lequel la prestataire peut obtenir la réparation qu'elle demande.Note de bas de page 4

[26] La Cour fédérale a récemment rendu une décision dans Cecchetto concernant l'inconduite et le refus d'un prestataire de suivre la politique de vaccination contre la COVID-19 de l'employeur. Le prestataire a fait valoir qu'il n'a pas été prouvé que le vaccin était sûr et efficace. Il s'est senti discriminé en raison de son choix médical personnel. Le prestataire a soutenu qu'il a le droit de contrôler sa propre intégrité corporelle et que ses droits ont été violés en vertu du droit canadien et international.

[27] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d'appel selon laquelle, en vertu de la loi, le Tribunal n'est pas autorisé à traiter de ces questions. La Cour a convenu qu'en faisant le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de vaccination de l'employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations envers son employeur et perdu son emploi en raison d'une inconduite en vertu de la Loi sur l'AE.Note de bas de page 5 La Cour fédérale a déclaré qu'il existe d'autres moyens juridiques par lesquels les réclamations du prestataire peuvent se faire entendre.

[28] Dans l’affaire Paradis, le prestataire a demandé le contrôle judiciaire d’une décision de la division d’appel du Tribunal lui refusant la permission d’en appeler. Il a fait valoir qu’il n’y avait pas eu d’inconduite puisque la politique de l’employeur en matière de drogues et d’alcool contrevenait à l’Alberta Human Rights Act.

[29] La Cour fédérale a confirmé qu’il en revenait à une autre instance de régler cette question. Elle a souligné qu’il existe d’autres recours disponibles pour sanctionner le comportement d'un employeur que par le truchement du programme d’assurance-emploi.Note de bas de page 6

[30] La preuve prépondérante devant la division générale démontre que la politique de l'employeur s'appliquait à la prestataire. Elle a refusé de se conformer à la politique. Elle savait que l'employeur était susceptible de la suspendre dans ces circonstances et son refus était volontaire, conscient et délibéré.

[31] La prestataire a fait un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l'employeur en réponse aux circonstances uniques créées par la pandémie et cela a entraîné la suspension de son emploi.

[32] Je ne vois aucune erreur révisable commise par la division générale lorsqu'elle a tranché la question de l'inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d'appel fédérale, qui a défini l'inconduite en vertu de la Loi sur l'AE.Note de bas de page 7

[33] Je suis pleinement conscient que la prestataire peut demander réparation devant une autre instance, si une violation est établie.Note de bas de page 8 Cela ne change rien au fait qu'en vertu de la Loi sur l'AE, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que la prestataire a été suspendue en raison de son inconduite.

[34] Après examen du dossier d’appel, de la décision de la division générale et des arguments au soutien de la demande de permission d’en appeler, je suis d’avis que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. La prestataire ne soulève aucune question dont la réponse pourrait mener à l’annulation de la décision contestée.

Conclusion

[35] La permission d’en appeler est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

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