Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : TB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 600

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : T. B.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 10 janvier 2023 (GE-22-2524)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Date de la décision : Le 17 mai 2023
Numéro de dossier : AD-23-145

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse, T. B. (prestataire), fait appel de la décision de la division générale. Celle-ci a établi que la défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a prouvé que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Autrement dit, la division générale a conclu que la prestataire avait fait quelque chose qui avait entraîné son congédiement. La prestataire ne s’est pas conformée à la politique de son employeur sur la vaccination contre la COVID-19. Par conséquent, elle a été exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[3] La prestataire soutient que la division générale a commis des erreurs de procédure, de droit et de fait.

[4] Avant que l’appel de la prestataire puisse aller de l’avant, je dois décider s’il a une chance raisonnable de succès. Avoir une chance raisonnable de succès, c’est avoir une cause défendableNote de bas de page 1. Si l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès, l’affaire est close à cette étape-ciNote de bas de page 2.

[5] Je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès. Par conséquent, je n’accorde pas à la prestataire la permission de poursuivre son appel.

Questions en litige

[6] Voici les questions à trancher :

  1. a) Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de procédure?
  2. b) Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en concluant à l’inconduite?
  3. c) Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en concluant que la prestataire était exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi malgré ses cotisations?
  4. d) Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de fait?

Je n’accorde pas la permission de faire appel

[7] La division d’appel accorde la permission de faire appel sauf si l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. On dit que l’appel a une chance raisonnable de succès s’il est possible qu’une erreur de compétence, de procédure, de droit ou un certain type d’erreur de fait ait été commiseNote de bas de page 3.

[8] Une fois que la partie demanderesse obtient la permission de la division d’appel, elle passe à l’appel proprement dit. La division d’appel décidera alors si la division générale a commis une erreur. S’il y a erreur, la division d’appel décidera la façon de la corriger.

Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de procédure?

[9] La prestataire soutient que la procédure de la division générale était injuste. Elle écrit : [traduction] « C’était hypocrite d’avoir une décision unilatérale. On a conclu à une inconduite de ma part, mais aucune autre partie n’est tenue responsable de son inconduite et de sa discriminationNote de bas de page 4. »

[10] Je comprends qu’essentiellement, la prestataire reproche au membre de la division générale d’avoir fait preuve de parti pris puisqu’il s’est concentré uniquement sur sa conduite. La prestataire laisse entendre que la division générale aurait dû aussi examiner la conduite de son employeur. Elle affirme que celui-ci l’a discriminée parce qu’il ne lui a pas accordé d’exemption pour motifs religieux.

[11] Le membre de la division générale a bien fait de se concentrer sur la conduite de la prestataire plutôt que sur les actions ou les omissions de l’employeur. La division générale n’a tout simplement pas compétence pour décider si un employeur a agi correctementNote de bas de page 5. La division générale devait décider si le comportement de la prestataire constituait une inconduite, et si cette inconduite avait entraîné sa perte d’emploi. Bref, la division générale devait se concentrer sur la conduite de la prestataire.

[12] Je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès sur ce point.

Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en concluant à l’inconduite?

[13] La prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu à l’inconduite. Essentiellement, la prestataire dit que la division générale a mal interprété ce qu’est une inconduite.

[14] La prestataire a un problème de santé. Elle dit que la personne qui la supervisait était au courant. Pourtant, l’employeur a tout de même exigé qu’elle se fasse vacciner. Selon la prestataire, c’était discriminatoire. Elle fait valoir qu’il n’y a donc eu aucune inconduite de sa part.

[15] La division générale a souligné que la Loi sur l’assurance-emploi ne définit pas l’inconduite. Elle s’est donc tournée vers la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale pour orienter son raisonnement. Elle a expliqué que les décisions des tribunaux établissent le critère juridique et les exigences relatives à l’inconduite.

[16] La division générale a écrit :

[23] Je dois me concentrer sur ce que la prestataire a fait ou n’a pas fait et me demander si cela constitue une inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi [citation omise]. Mon rôle n’est pas de décider si la politique de l’employeur, ou la suspension et le congédiement étaient raisonnables [citation omise].

[24] Il n’est pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupable. Autrement dit, il n’est pas nécessaire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal pour que je décide que sa conduite est une inconduite [citation omise]. Pour constituer une inconduite, sa conduite doit être délibérée, c’est-à-dire consciente, voulue ou intentionnelle [citation omise]. L’inconduite peut aussi se présenter comme une conduite si insouciante qu’elle est presque délibérée [citation omise].

[25] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’elle soit congédiée pour cette raison [citation omise].

[17] Les tribunaux donnent une définition générale de l’inconduite. Ils ne vont pas jusqu’à exiger que les employeurs protègent leur personnel contre toute discrimination avant de pouvoir établir l’existence d’une inconduite. (Je ne dis pas que les prestataires ne sont pas protégés, mais le Tribunal de la sécurité sociale n’est pas le bon endroit pour demander réparation d’une discrimination.)

[18] La division générale est tenue de suivre les décisions de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale. Elle était donc en droit de s’appuyer sur leur définition de l’inconduite et de l’appliquer aux faits.

[19] Je remarque que la Cour fédérale a récemment décidé si l’on pouvait conclure à l’inconduite lorsqu’une personne ne respecte pas la politique vaccinale de son employeur.

[20] Dans l’affaire Cecchetto, M. Cecchetto a été suspendu, puis congédié parce qu’il n’avait pas respecté la politique de son employeur sur la vaccination et le dépistageNote de bas de page 6. Le demandeur a fait valoir que la politique était discriminatoire et sans fondement. Il n’y avait pas consenti non plus. Il a soutenu que les vaccins étaient dangereux et inefficaces. Il a nié toute inconduite parce qu’il ne s’est pas conformé à une politique avec laquelle il n’était pas d’accord.

[21] En fin de compte, dans cette affaire, la Cour fédérale a décidé que la décision de la division d’appel, tout comme celle de la division générale, était [traduction] « fondée sur l’interprétation du terme “inconduite” dans ce domaine du droitNote de bas de page 7 ». La Cour d’appel fédérale a confirmé qu’un comportement peut devenir une inconduite s’il est conscient, délibéré ou intentionnelNote de bas de page 8.

[22] Dans la présente affaire, la division générale a suivi la jurisprudence lorsqu’elle a évalué s’il y avait eu inconduite. Elle a reconnu qu’elle ne pouvait pas décider si l’employeur avait fait preuve de discrimination lorsqu’elle a rendu sa décision. Elle a établi qu’il y avait inconduite si le comportement de la prestataire était conscient, délibéré ou intentionnel.

[23] Je ne suis pas convaincue que la prestataire puisse soutenir que la division générale a fait erreur parce qu’elle a suivi la jurisprudence pour trancher la question de l’inconduite.

Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en concluant que la prestataire était exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi malgré ses cotisations?

[24] La prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle l’a exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi. Elle fait valoir qu’elle avait droit à des prestations parce qu’elle a cotisé à l’assurance-emploi. En contrepartie, elle dit qu’elle devrait avoir le droit d’arrêter de payer ces cotisations.

[25] Les prestataires ne reçoivent pas automatiquement des prestations d’assurance-emploi après une fin d’emploi. La Loi sur l’assurance-emploi prévoit des conditions d’admissibilité que les prestataires doivent remplir. De plus, dans certaines circonstances, une personne peut être déclarée inadmissible ou exclue du bénéfice des prestations.

[26] Je ne suis pas convaincue que l’on puisse soutenir que la division générale a commis une erreur de droit sur ce point.

Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de fait?

[27] La prestataire soutient que la division générale a commis des erreurs de fait. Elle dit que la division générale a ignoré ce qui suit :

  1. a) Son employeur était au courant de son problème de santé, mais a quand même exigé qu’elle se fasse vacciner.
  2. b) Son employeur a fait preuve de discrimination à son égard.
  3. c) Les vaccins contre la COVID-19 sont expérimentaux et nocifs.

La prestataire affirme que son employeur aurait dû lui accorder une exemption

[28] Je comprends que la prestataire affirme que son employeur aurait dû lui accorder une exemption de la vaccination pour des raisons médicales. Cependant, comme la Cour d’appel fédérale l’a déclaré dans l’affaire Mishibinijima, la question de savoir si un employeur a l’obligation de prendre des mesures d’adaptation n’est pas pertinente lorsqu’il s’agit d’inconduiteNote de bas de page 9.

La prestataire affirme que son employeur l’a discriminée

[29] La prestataire soutient que les vaccins sont expérimentaux et nocifs. Pour cette raison, elle dit qu’elle devrait pouvoir refuser de se faire vacciner et que ce refus ne devrait pas être considéré comme une inconduite. Elle affirme que le fait d’être forcée de se faire vacciner était discriminatoire.

[30] Dans l’affaire Cecchetto, la Cour fédérale a décidé que ni la division générale ni la division d’appel n’ont le pouvoir d’évaluer ou de juger le bien-fondé, la légitimité ou la légalité d’une politique de vaccinationNote de bas de page 10. Leur rôle est strictement d’établir la raison de la fin d’emploi et de voir si cette raison constitue une inconduite.

[31] La division générale n’a clairement pas le pouvoir d’examiner si l’employeur de la prestataire a fait preuve de discrimination. Comme ce genre d’examen dépasse les compétences de la division générale, on ne peut pas dire qu’elle a ignoré la question de la discrimination et tout élément de preuve que la prestataire avait à l’appui. La prestataire n’a aucun argument défendable sur ce point.

La prestataire affirme que les vaccins contre la COVID-19 sont expérimentaux et nocifs

[32] Dans le même ordre d’idées, la division générale n’avait pas le pouvoir d’examiner les arguments de la prestataire selon lesquels les vaccins contre la COVID-19 sont expérimentaux et nocifs. Par conséquent, l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès sur ce point.

Résumé de l’allégation d’erreurs de fait

[33] La division générale a suivi la jurisprudence lorsqu’elle a tranché la question d’inconduite de la prestataire. Par conséquent, je ne suis pas convaincue que la prestataire puisse soutenir que la division générale a commis des erreurs de fait.

Conclusion

[34] L’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. La permission de faire appel est donc refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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