Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SV c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 590

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à la prolongation du délai

Partie demanderesse : S. V.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 24 février 2023 (GE-23-234)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Date de la décision : Le 11 mai 2023
Numéro de dossier : AD-23-356

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Décision

[1] Je refuse à la demanderesse la permission de faire appel parce que sa cause n’est pas défendable. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse a perdu son emploi et demandé des prestations d’assurance-emploi en mars 2012. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a rejeté sa demande parce qu’elle n’avait pas accumulé assez d’heures d’emploi assurable.

[3] En juin 2012, la demanderesse a eu un accident de voiture. La Commission a approuvé le versement de prestations de maladie du 9 septembre 2012 au 10 novembre 2012.

[4] En octobre 2022, la demanderesse a demandé à la Commission de réviser le rejet de la demande de prestations régulières qu’elle avait présentée en mars 2012 ainsi que la somme des prestations de maladie approuvées en septembre 2012.

[5] La Commission a refusé d’examiner les demandes de révision parce qu’elles étaient en retard. Elle a conclu que la demanderesse les avait présentées bien après le délai de 30 jours prévu pour demander une révision. Elle a aussi conclu que la façon dont la demanderesse avait expliqué le retard ne lui permettait pas d’obtenir plus de temps pour présenter sa demande de révision.

[6] La demanderesse a porté les refus de la Commission en appel à la division générale du Tribunal. Elle a insisté sur le fait que, pendant plusieurs années après 2012, elle avait régulièrement communiqué avec la Commission pour obtenir des nouvelles de son dossier, mais qu’elle n’avait reçu aucune réponse.

[7] La division générale a tenu une audience par téléconférence. Elle a rejeté l’appel de [la demanderesse]. Elle a conclu, d’une part, que sa demande de révision était en retard et, d’autre part, que la Commission n’avait pas traité sa demande de prolongation du délai de façon judiciaire. Elle a ensuite rendu la décision que la Commission aurait dû rendre : elle a conclu que la demanderesse ne remplissait pas tous les critères requis par la loi pour obtenir un délai supplémentaire pour demander la révision de son dossier.

[8] La demanderesse demande maintenant la permission de porter la décision de la division générale en appel. Elle avance que la division générale a fait les erreurs suivantes :

  • Elle s’est trompée au sujet de renseignements importants.
  • Elle a ignoré les éléments de preuve montrant que la Commission n’avait pas divulgué des renseignements importants qui avaient une incidence sur ses droits.
  • Elle a ignoré le fait que la demanderesse a présenté deux demandes de prestations d’assurance-emploi, l’une en mars 2012 et l’autre en septembre 2012, et qu’elles ont été abandonnées à son insu et sans sa permission.

Questions en litige

[9] Après avoir examiné la demande de permission de faire appel, j’ai dû trancher ces questions connexes :

  • La demanderesse a-t-elle déposé sa demande de permission de faire appel en retard?
  • Si oui, dois-je lui donner plus de temps?
  • L’appel de la demanderesse a-t-il une chance raisonnable de succès?

[10] J’ai conclu que la demanderesse a présenté sa demande de permission de faire appel en retard, mais qu’elle avait une explication raisonnable. Je lui refuse quand même la permission de passer à la prochaine étape parce que son appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Analyse

La demande de permission de faire appel était en retard

[11] Il faut que la demande de permission de faire appel soit présentée à la division d’appel dans les 30 jours suivant la date où la partie demanderesse reçoit communication par écrit de la décision et des motifsNote de bas de page 1. La division d’appel peut prolonger le délai pour présenter la demande de permission de faire appel. Cependant, la demande ne peut en aucun cas être présentée plus d’un an suivant la date où la partie demanderesse a reçu communication de la décision.

[12] Dans la présente affaire, la division générale a rendu sa décision le 24 février 2023. Le même jour, le Tribunal a envoyé la décision à la demanderesse par la poste. Le Tribunal n’a pas reçu la demande de permission de faire appel de la demanderesse avant le 12 avril 2023, soit environ deux semaines après la date limite pour déposer le document. Dans son formulaire, la demanderesse a écrit qu’elle a reçu la décision le 9 mars 2023, ce qui veut quand même dire que sa demande de permission de faire appel avait quelques jours de retard.

La demanderesse a expliqué son retard de façon raisonnable

[13] Quand une demande de permission de faire appel est en retard, le Tribunal peut prolonger le délai si la partie demanderesse a une explication raisonnable qui justifie son retardNote de bas de page 2. Pour décider s’il y a lieu d’accorder une prolongation, il faut voir si une telle chose est dans l’intérêt de la justiceNote de bas de page 3.

[14] Dans sa demande de permission de faire appel, la demanderesse a pris la peine d’expliquer pourquoi son appel était en retard :

  • Elle ne savait pas que faire appel était une option.
  • Elle avait de la difficulté à trouver l’adresse à laquelle faire parvenir son appel.
  • Elle a eu besoin de quelques jours supplémentaires pour télécharger, imprimer et poster les formulaires requis.

[15] La demanderesse n’est pas représentée et, à en juger par ses observations écrites, sa maîtrise de l’anglais semble loin d’être parfaite. En conséquence, j’estime qu’elle a expliqué son retard de façon raisonnable. C’est pourquoi je vais examiner sa demande malgré le retard.

L’appel de la demanderesse n’a aucune chance raisonnable de succès

[16] Il y a quatre moyens d’appel à la division d’appel. La partie demanderesse doit démontrer l’une des choses suivantes :

  • la division générale a agi de façon injuste;
  • elle a outrepassé ses pouvoirs ou a refusé de les exercer;
  • elle a mal interprété la loi;
  • elle a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 4.

[17] Avant que l’appel de la demanderesse puisse aller de l’avant, je dois décider s’il a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 5. Une chance raisonnable de succès est l’équivalent d’une cause défendableNote de bas de page 6. Si la demanderesse n’a pas d’argument défendable, l’affaire prend fin sur‑le‑champ.

[18] J’ai examiné la décision de la division générale ainsi que le droit applicable et les éléments de preuve qui l’ont menée à cette décision. J’ai conclu que la cause de la demanderesse n’est pas défendable.

On ne peut pas soutenir que la division générale a mal interprété des renseignements importants

[19] La demanderesse soutient que la division générale a commis des erreurs de fait importantes au sujet de renseignements comme les dates, le nombre d’heures requis pour remplir les conditions requises pour l’assurance-emploi ainsi que les critères utilisés par la Commission pour fermer un dossier en raison de l’activité [sic].

[20] Je ne vois pas la pertinence de cet argument pour l’un ou l’autre des renseignements mentionnés, car la demanderesse n’a pas précisé sur lesquels la division générale s’était trompée. J’ai examiné les motifs écrits par la division générale, et je n’ai rien trouvé qui laisse croire qu’elle a fondé sa décision sur des renseignements erronés.

[21] Si on la ramène à l’essentiel, cette affaire est assez simple. La demanderesse a demandé des prestations régulières en mars 2012, sans succès, puis elle a demandé des prestations de maladie en septembre 2012, avec succès. C’est seulement de nombreuses années plus tard, bien après l’expiration des délais prévus, qu’elle a demandé à la Commission de réviser sa décision sur chacune des demandes de prestations.

[22] J’ai scruté le dossier pour voir si la division générale avait peut-être manqué ou mal compris quelque chose. Je n’ai rien trouvé indiquant qu’elle ait fait une erreur.

On ne peut pas soutenir que la division générale a mal interprété la loi

[23] Selon la Loi sur l’assurance-emploi, une personne qui n’est pas d’accord avec la décision initiale que la Commission rend au sujet de sa demande dispose de 30 jours pour demander à la Commission de réviser la décisionNote de bas de page 7.

[24] La Commission peut accorder un délai plus long pour demander la révision si elle est convaincue i) que la personne a une explication raisonnable qui justifie sa demande de prolongation du délai et ii) que la personne a manifesté l’intention constante de demander la révision. La Commission doit vérifier les deux critères et être convaincue qu’ils sont remplisNote de bas de page 8.

[25] Si la demande de révision est présentée plus de 365 jours après que la personne a été avisée de la décision, la Commission doit aussi être convaincue iii) que la demande a une chance raisonnable de succès et iv) que l’autorisation du délai supplémentaire ne portera préjudice à aucune des parties. La Commission doit alors tenir compte des quatre critères et être convaincue qu’ils sont tous remplisNote de bas de page 9.

[26] En dehors de ces restrictions, la Commission conserve une marge de manœuvre discrétionnaire lorsqu’elle décide d’accorder ou non la prolongation du délai. Mais la jurisprudence exige que la Commission exerce son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire Note de bas de page 10. La Cour fédérale a jugé qu’un pouvoir discrétionnaire n’est pas exercé de façon judiciaire si la personne qui rend la décision i) a agi de mauvaise foi, ii) a agi dans un but ou pour un motif irrégulier, iii) a pris en compte un élément non pertinent, iv) a ignoré un élément pertinent ou v) a agi de manière discriminatoireNote de bas de page 11.

[27] Dans la présente affaire, la division générale a décidé que la Commission a examiné les quatre critères, mais qu’elle n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire. La division générale a conclu qu’en refusant de prolonger le délai, la Commission a ignoré un élément pertinent : la demanderesse a continué à essayer de vérifier l’état de son dossier après 2014. La division générale a ensuite rendu la décision que la Commission aurait dû rendre : elle a décidé que, même si la demanderesse avait appelé périodiquement la Commission jusqu’en 2016, le retard de sa demande de révision n’était quand même pas expliqué de façon raisonnable et elle n’avait pas non plus eu l’intention constante de demander la révision.

[28] Après avoir examiné le dossier, je ne vois pas en quoi la division générale aurait fait une erreur en tirant ces conclusions.

On ne peut pas soutenir que la division générale a ignoré des éléments de preuve importants

[29] La demanderesse prétend que la division générale a ignoré des éléments de preuve montrant que la Commission n’a pas divulgué des renseignements importants qui avaient une incidence sur ses droits.

[30] Je ne vois pas la pertinence de cet argument.

[31] La demanderesse a toujours soutenu que la Commission l’avait traitée de façon injuste, sans toutefois expliquer comment, si ce n’est que la Commission avait fermé son dossier en raison du manque d’activité.

[32] À titre de juge des faits, la division générale a droit à une certaine latitude dans la façon dont elle choisit d’évaluer la preuve portée à sa connaissanceNote de bas de page 12. Dans la présente affaire, elle a examiné les demandes d’assurance-emploi avant de conclure que la demanderesse les avait essentiellement abandonnées après 2016. Je ne vois aucune raison de remettre en question cette conclusionNote de bas de page 13.

Conclusion

[33] Pour les motifs que je viens d’expliquer, je ne suis pas convaincu que le présent appel a une chance raisonnable de succès. Par conséquent, la permission de faire appel est refusée. Cela met donc un terme à l’appel.

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