Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : TB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 601

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : T. B.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (491730) datée du 26 juillet 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Glenn Betteridge
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 25 novembre 2022
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 10 janvier 2023
Numéro de dossier : GE-22-2524

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Décision

[1] Je rejette l’appel de T. B.

[2] La prestataire n’a pas respecté la politique de son employeur sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19. Et son employeur l’a congédiée pour cette raison.

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que la prestataire a perdu son emploi pour une raison que la Loi sur l’assurance-emploi considère comme une inconduite. Autrement dit, la prestataire a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi.

[4] Par conséquent, elle ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

[5] C’est ce que la Commission a décidé. Elle a donc rendu la bonne décision dans la demande d’assurance-emploi.

Aperçu

[6] La prestataire a perdu son emploi d’adjointe administrative principale chez X (employeur)Note de bas de page 1.

[7] Son employeur a déclaré l’avoir congédiée parce qu’elle ne s’est pas conformée à sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19.

[8] La prestataire ne conteste pas cette conclusion.

[9] La Commission a accepté la raison du congédiement que l’employeur a donnée. Elle a décidé que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. La Commission l’a donc exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[10] La prestataire affirme qu’il n’y a eu aucune inconduite de sa part. La vaccination contre la COVID-19 ne faisait pas partie de son contrat de travail lorsqu’elle a été embauchée. De plus, son employeur l’a mise dans une situation difficile : renoncer à sa liberté de choix et à son intégrité physique, ou perdre son emploi. Elle a décidé de ne pas se faire vacciner contre la COVID-19. Elle dit être immunisée de façon naturelle contre l’infection par la COVID-19. Elle est aussi atteinte d’une maladie auto-immunitaire (la thyroïdite d’Hashimoto) qui a entraîné des effets secondaires lorsqu’elle s’est fait vacciner contre la grippe. Enfin, elle dit qu’elle devrait pouvoir recevoir des prestations parce qu’elle a cotisé à l’assurance-emploi pendant 13 ans.

[11] Je dois décider si la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi.

Question en litige

[12] La prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi?

Analyse

[13] La loi prévoit qu’une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite.

[14] Je dois décider deux choses :

  • la raison de la perte d’emploi;
  • si la Loi sur l’assurance-emploi considère cette raison comme une inconduite.

Raison de la perte d’emploi

[15] J’estime que l’employeur a congédié la prestataire parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination qu’il avait mise en place.

[16] La prestataire et la Commission sont d’accord sur ce point.

[17] C’est ce que la prestataire a écrit dans sa demande d’assurance-emploiNote de bas de page 2. C’est ce qu’elle a dit à la Commission et ce qu’elle a déclaré à l’audienceNote de bas de page 3.

[18] C’est aussi ce que l’employeur a dit à la CommissionNote de bas de page 4. Il a inscrit le code M (congédiement ou suspension) sur le relevé d’emploi de la prestataireNote de bas de page 5.

[19] Je n’ai aucune raison de douter de ce que la prestataire dit, des notes que la Commission a prises lors des appels téléphoniques avec l’employeur ou de ce que l’employeur a inscrit sur le relevé d’emploi. Et aucune preuve ne dit le contraire.

La raison de la perte d’emploi est une inconduite selon la loi

[20] Le fait que la prestataire n’ait pas respecté la politique vaccinale de son employeur constitue une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi.

Ce qu’est une inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi

[21] La Loi sur l’assurance-emploi ne définit pas l’inconduite. C’est plutôt l’ensemble des décisions des tribunaux qui établissent le critère juridique relatif à l’inconduite. Ce critère m’indique les types de faits et de questions de droit que je dois prendre en considération pour rendre ma décision.

[22] La Commission doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 6.

[23] Je dois me concentrer sur ce que la prestataire a fait ou n’a pas fait et me demander si cela constitue une inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 7. Mon rôle n’est pas de décider si la politique de l’employeur, ou la suspension et le congédiement étaient raisonnablesNote de bas de page 8.

[24] Il n’est pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupable. Autrement dit, il n’est pas nécessaire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal pour que je décide que sa conduite est une inconduiteNote de bas de page 9. Pour constituer une inconduite, sa conduite doit être délibérée, c’est-à-dire consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 10. L’inconduite peut aussi se présenter comme une conduite si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 11.

[25] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas de page 12.

[26] Je peux seulement décider s’il y a eu inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas trancher l’affaire en fonction d’autres loisNote de bas de page 13. Par exemple, je ne peux pas décider si la prestataire a été congédiée injustement dans le cadre du droit du travail ou si son employeur a enfreint la convention collectiveNote de bas de page 14. Il ne m’appartient pas non plus de décider si son employeur l’a discriminée ou s’il aurait dû lui accorder une mesure d’adaptation conforme aux droits de la personneNote de bas de page 15. Et je ne peux pas décider si son employeur a porté atteinte à sa vie privée ou à d’autres droits dans le contexte du travail, ou autrement.

Ce que disent la Commission et la prestataire

[27] La Commission et la prestataire s’entendent sur les faits de base. La Commission doit prouver ces faits pour montrer que la conduite de la prestataire constitue une inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi.

[28] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi parce que la preuve montreNote de bas de page 16 :

  • que l’employeur a adopté une politique de vaccination contre la COVID-19Note de bas de page 17, et qu’il l’a communiquée à tout le personnelNote de bas de page 18;
  • que le 10 janvier 2022 est la date limite établie dans la politique pour être entièrement vacciné contre la COVID-19 et avoir fourni une preuve à l’employeur, ou obtenu une exemptionNote de bas de page 19;
  • que la prestataire savait ce qu’elle devait faireNote de bas de page 20;
  • qu’elle savait que son employeur pouvait la congédier si elle ne se faisait pas vacciner et ne présentait aucune preuve, ou qu’elle n’obtenait aucune exemption dans le délai prescritNote de bas de page 21;
  • qu’elle n’a pas demandé d’exemptionNote de bas de page 22;
  • qu’elle n’a pas été entièrement vaccinée et n’a pas fourni de preuve à son employeur dans le délai prescrit, ce qui équivaut à un refus délibéré et voulu de se conformer à la politiqueNote de bas de page 23;
  • que son employeur l’a congédiée, car elle n’a pas respecté sa politique de vaccinationNote de bas de page 24.

[29] La prestataire affirme que sa conduite n’était pas une inconduiteNote de bas de page 25. À l’audience, elle a dit que son refus de se faire vacciner à titre expérimental n’était pas une inconduite. Elle a demandé : [traduction] « Comment est-ce possible que ce soit une inconduite d’être prudente et ne pas mourir, ou de risquer de devoir composer avec une blessure encore pire... ou d’être malade tout le temps? » Son employeur a adopté une approche universelle qui ne tenait pas compte de sa maladie auto-immunitaire (la thyroïdite d’Hashimoto). La personne qui la supervisait était au courant de cette maladie. La prestataire a essayé de trouver une ou un médecin pour appuyer sa demande d’exemption, mais les médecins de l’Alberta n’offraient pas ce genre d’appui. Elle a été congédiée avant de trouver une ou un médecin qui l’aiderait.

La Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi

[30] J’accepte la preuve de la prestataire et la preuve de la Commission, et je les crois pour les raisons suivantes.

[31] Je n’ai aucune raison de douter de la preuve de la prestataire (sa demande d’assurance-emploi, sa demande de révision, son avis d’appel et son témoignage à l’audience). Son histoire est demeurée essentiellement la même depuis sa demande d’assurance-emploi jusqu’à l’audience.

[32] Ce qu’elle a dit correspond aux énoncés de la politique de vaccination et à ce que son employeur a inscrit sur le relevé d’emploi.

[33] J’accepte la preuve de la Commission parce qu’elle concorde avec la preuve de la prestataire. Et aucun élément de preuve ne contredit la preuve de la Commission.

[34] Selon les éléments de preuve que j’ai acceptés, je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite parce qu’elle a démontré que la prestataire :

  • connaissait la politique de vaccination;
  • savait qu’elle devait se faire entièrement vacciner et fournir une preuve (ou obtenir une exemption) dans le délai prescrit;
  • savait que son employeur pouvait la congédier si elle n’était pas vaccinée;
  • n’a pas demandé d’exemption;
  • a décidé de façon consciente, voulue et intentionnelle de ne pas se faire vacciner avant la date limite;
  • a été congédiée, car elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination.

Autres arguments de la prestataire

[35] La prestataire a dit que son employeur aurait pu envisager des tests de dépistage ou d’autres options. L’employeur a plutôt décidé de faire de la discrimination, en gardant les vaccinés et en se débarrassant des non-vaccinés. Elle a fait valoir que les vaccins contre la COVID-19 n’empêchent pas la transmission et qu’elle a des anticorps naturels qui le font. Enfin, elle a soutenu qu’elle avait le droit de survivre et d’être un être humain libre.

[36] Malheureusement, je ne peux pas tenir compte de ces arguments. Dans cette affaire, mon rôle est de vérifier si la conduite de la prestataire constitue une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas évaluer la conduite de l’employeur. Je ne peux donc pas vérifier si sa politique ou la sanction imposée est raisonnable.

[37] Je ne peux pas tenir compte d’autres lois, comme la loi qui interdit la discrimination (qui protège les droits de la personne). Je ne peux pas non plus rendre ma décision en me basant sur des preuves scientifiques concernant l’efficacité des vaccins contre la COVID-19.

[38] Enfin, la prestataire a également soutenu qu’elle devrait pouvoir recevoir des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle a cotisé à l’assurance-emploi pendant 13 ans.

[39] La décision de la Commission sur l’exclusion entraîne sans aucun doute de lourdes conséquences financières pour la prestataire. Malheureusement, mon raisonnement doit suivre la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 26. Je n’ai aucun pouvoir, en dehors de cette loi, de rendre une décision fondée sur l’équité, sur les difficultés financières ou sur les besoins de la prestataire.

[40] La Loi sur l’assurance-emploi est un régime d’assurance. Comme pour tout régime de ce type, il faut satisfaire aux conditions requises pour recevoir une prestation préciseNote de bas de page 27. Malheureusement, l’article 30 de la Loi sur l’assurance-emploi prévoit clairement que la Commission ne peut pas verser de prestations régulières d’assurance-emploi à une personne qui a perdu son emploi pour une raison qui est considérée comme une inconduite.

Résumé de ma conclusion sur l’inconduite

[41] Après avoir examiné et soupesé tous les documents et témoignages, je conclus que la Commission a démontré que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi.

Conclusion

[42] La Commission a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi.

[43] C’est pourquoi elle est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[44] Par conséquent, la Commission a rendu la bonne décision dans la demande d’assurance-emploi.

[45] Je rejette donc l’appel.

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