Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 631

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une prolongation de délai et à
une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : A. B.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 18 janvier 2023 (GE-22-2340)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Date de la décision : Le 26 mai 2023
Numéro de dossier : AD-23-250

Sur cette page

Décision

[1] Je refuse à la prestataire la permission de faire appel parce qu’elle ne présente aucun argument défendable. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La prestataire, A. B., fait appel d’une décision de la division générale qui l’a empêchée de recevoir des prestations d’assurance-emploi.

[3] La prestataire était préposée à l’entretien à une succursale de X. Le 2 novembre 2021, X a mis la prestataire en congé sans solde parce qu’elle a refusé de dire si elle s’était fait vacciner contre la COVID-19Note de bas de page 1. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé qu’elle n’avait pas à verser de prestations d’assurance-emploi à la prestataire parce que le non-respect de la politique vaccinale de son employeur constituait une inconduite.

[4] La division générale était d’accord avec la Commission. Dans sa décision du 15 janvier 2023, la division générale a conclu que la prestataire avait enfreint volontairement la politique vaccinale de son employeur. Elle a établi que la prestataire savait ou aurait dû savoir que le non-respect de la politique entraînerait probablement sa suspension.

[5] Le 10 mars 2023, la prestataire a demandé la permission de faire appel de la décision de la division générale. Elle soutient qu’elle n’est pas coupable d’inconduite et que la division générale a commis les erreurs suivantes :

  • mal interpréter le sens du mot « inconduite » qui se trouve dans la Loi sur l’assurance-emploi;
  • ignorer le fait que rien dans la loi n’exigeait que X établisse et applique une politique de vaccination contre la COVID-19;
  • ignorer le fait que ni son contrat de travail ni sa convention collective ne mentionnaient l’exigence d’un vaccin;
  • ignorer le fait que son employeur a tenté d’imposer une nouvelle condition d’emploi sans son consentement;
  • ignorer la preuve selon laquelle elle ne s’attendait pas à être congédiée pour inconduite, parce qu’elle avait demandé une mesure d’adaptation comme le voulait la politique;
  • ignorer la preuve selon laquelle X n’avait jamais répondu à sa demande de mesure d’adaptation avant de la suspendre.

Questions en litige

[6] Après avoir examiné la demande de permission de faire appel, je devais trancher les questions suivantes :

  • La demande de permission de faire appel a-t-elle été déposée en retard?
  • La prestataire a-t-elle une chance raisonnable de succès en appel?

[7] J’ai établi que la demande de permission de faire appel n’était pas en retard. Cependant, je refuse à la prestataire la permission d’aller de l’avant, parce que son appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Analyse

La demande de permission de faire appel n’a pas été déposée en retard

[8] La demande de permission de faire appel doit être présentée à la division d’appel dans les 30 jours suivant la date où la partie demanderesse reçoit communication de la décisionNote de bas de page 2. La division d’appel peut toutefois accorder un délai supplémentaire.

[9] La division générale a rendu sa décision le 15 janvier 2023. Le Tribunal de la sécurité sociale a envoyé cette décision à la prestataire par la poste trois jours plus tard. La division d’appel n’a pas reçu la demande de permission de faire appel avant le 10 mars 2023, soit environ trois semaines après la date limite.

[10] Toutefois, la prestataire affirme avoir reçu la décision de la division générale le 13 février 2023Note de bas de page 3. Elle n’a pas expliqué pourquoi il a fallu près d’un mois pour que la décision se retrouve entre ses mains, mais je suis prêt à lui accorder le bénéfice du doute sur ce point. Je conclus donc que la demande de permission de faire appel a été déposée à temps.

L’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès

[11] Il y a quatre moyens d’appel à la division d’appel. La partie prestataire doit démontrer qu’il y a eu au moins une des erreurs suivantes :

  • la division générale a agi de façon inéquitable;
  • elle a outrepassé ses pouvoirs ou a refusé de les exercer;
  • elle a mal interprété la loi;
  • elle a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 4.

[12] Avant que l’appel de la prestataire puisse aller de l’avant, je dois décider s’il a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 5. Avoir une chance raisonnable de succès, c’est avoir une cause défendableNote de bas de page 6. Si la prestataire ne présente aucun argument défendable, l’affaire prend fin maintenant.

[13] J’ai examiné la décision de la division générale, ainsi que le droit applicable et la preuve qui l’ont menée à sa décision. J’ai conclu que la prestataire ne présente aucun argument défendable.

On ne peut pas soutenir que la division générale a mal interprété la loi

[14] La prestataire soutient qu’il n’y a eu aucune inconduite de sa part parce que rien dans la loi ne l’obligeait à dire si elle s’était fait vacciner contre la COVID-19. Elle laisse entendre qu’en la forçant sous menace d’une suspension ou d’un congédiement, son employeur a porté atteinte à ses droits. Elle soutient qu’elle n’aurait pas dû être exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle n’a rien fait d’illégal.

[15] Je ne vois pas le bien-fondé de ces arguments.

[16] La division générale a défini l’inconduite comme suit :

Selon la jurisprudence, pour qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée, c’est-à-dire consciente, voulue ou intentionnelle. [sic] L’inconduite peut aussi se présenter comme une conduite si insouciante qu’elle est presque délibérée. [sic] [La Commission] n’a pas à prouver qu’il y a eu tromperie ou désir de causer du tort à l’employeur, mais seulement que le comportement a été adopté en toute connaissance de cause.

[...]

La jurisprudence précise qu’une inconduite, dans le contexte de la Loi sur l’assurance-emploi, est un comportement qui peut empêcher une personne de remplir ses obligations envers son employeurNote de bas de page 7.

[17] Ces paragraphes montrent que la division générale a bien résumé le droit entourant l’inconduite. Elle a ensuite mentionné à juste titre qu’elle n’a pas le pouvoir de décider si les politiques d’un employeur sont raisonnables, justifiables ou même légales.

Un contrat de travail n’a pas à définir explicitement ce qu’est une inconduite

[18] La prestataire soutient que rien dans son contrat de travail ou sa convention collective ne l’obligeait à se faire vacciner contre la COVID-19 ou à communiquer son statut vaccinal. Cependant, la jurisprudence dit que là n’est pas la question. L’important, c’est de savoir si l’employeur a une politique en place et si la personne employée l’a ignorée délibérément. Dans sa décision, la division générale l’a expliqué comme suit :

La Cour d’appel fédérale a également précisé que, lorsqu’on interprète et applique la Loi sur l’assurance-emploi, il faut se concentrer sur le comportement de la personne visée, et non sur celui de l’employeur. Elle a aussi souligné qu’une personne congédiée injustement a d’autres recours, comme différentes procédures judiciaires, des griefs et des requêtes adressées à d’autres tribunaux. Ces solutions pénalisent précisément le comportement de l’employeur et évitent que ses actions coûtent de l’argent aux contribuables en versements de prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 8.

[19] Dans une affaire intitulée Brissette, la Cour d’appel fédérale a expliqué que l’inconduite peut prendre la forme d’une infraction à la loi, à un règlement ou à une règle éthique, et peut signifier qu’une condition essentielle au maintien de l’emploi n’est plus respectée, ce qui entraîne le congédiement. Il peut s’agir d’une condition morale ou matérielle, explicite ou impliciteNote de bas de page 9.

Une nouvelle affaire valide l’interprétation de la division générale

[20] Une décision très récente valide l’approche de la division générale dans le contexte d’une obligation de vaccination contre la COVID-19. Comme dans le dossier actuel, le prestataire de l’affaire Cecchetto a refusé de se conformer à la politique de son employeur sur la vaccination contre la COVID-19Note de bas de page 10. La Cour fédérale a confirmé ce qu’avait conclu la division d’appel, c’est-à-dire que les pouvoirs du Tribunal étaient limités par la loi à un certain type de questions. La Cour a convenu qu’en choisissant délibérément de ne pas suivre la politique vaccinale de l’employeur, le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle a ajouté que le prestataire avait d’autres options que le processus de demande d’assurance-emploi pour faire valoir ses revendications en matière de droits de la personne ou de congédiement injustifié.

[21] Dans le dossier actuel, comme dans l’affaire Cecchetto, l’important est de se demander si la prestataire a enfreint la politique vaccinale de son employeur. Si c’est le cas, il faut aussi se demander si cette faute était délibérée et susceptible d’entraîner un congédiement. Dans la présente affaire, la division générale avait de bonnes raisons de répondre « oui » aux deux questions.

On ne peut pas soutenir que la division générale a ignoré la preuve

[22] La prestataire avance que la division générale a ignoré ou déformé des aspects importants de sa preuve. Elle affirme que la politique vaccinale de X était ambiguë. Elle insiste sur le fait qu’elle n’aurait pas pu prévoir qu’elle serait suspendue ou congédiée si elle ne se conformait pas à la politique.

[23] Encore une fois, je ne vois pas le bien-fondé de ces arguments étant donné la loi entourant l’inconduite. Lorsque la division générale a examiné la preuve à sa disposition, elle a tiré les conclusions suivantes :

  • X était libre d’établir et d’appliquer une politique vaccinale comme bon lui semble.
  • X a adopté et annoncé une politique de vaccination obligatoire qui était claire et qui exigeait que le personnel fournisse une preuve de vaccination.
  • La politique représentait une partie nécessaire et importante de l’emploi de la prestataire.
  • X a averti la prestataire plusieurs fois qu’elle serait suspendue ou congédiée (ou les deux) si elle ne respectait pas la politique.
  • La prestataire savait que le non-respect de la politique à une certaine date lui ferait perdre son emploi.
  • La prestataire a refusé intentionnellement de se faire vacciner dans le délai prescrit par son employeur.
  • La prestataire n’a pas demandé d’exemption de la politique avant le 23 décembre 2021, soit sept semaines après le début de sa suspension et dix jours avant son congédiement.

[24] Ces conclusions semblent refléter fidèlement le témoignage de la prestataire et les documents au dossier. La division générale a conclu que la prestataire était coupable d’inconduite dans le cadre de l’assurance-emploi, parce que son comportement était délibéré et qu’il a mené à son congédiement, comme prévu. La prestataire a peut-être cru que son refus de communiquer son statut vaccinal ne poserait pas problème, mais ce n’était pas à elle d’en décider.

[25] La prestataire avance aussi que la division générale a ignoré la preuve qui montre que X :

  • n’a pas répondu à ses questions sur la sûreté et l’efficacité du vaccin;
  • a perdu ou ignoré sa demande de mesure d’adaptation.

[26] La division générale a bel et bientraité de ces questions. Elle a établi selon la loi que le comportement d’un employeur n’a pas d’importance. La façon dont X a mis en œuvre ou appliqué sa politique vaccinale n’avait rien à voir avec la question de savoir si la prestataire avait commis une inconduite. La division générale a conclu que la prestataire avait désobéi à au moins une partie de la politique et que c’était suffisant pour établir qu’il y avait eu inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi.

Conclusion

[27] Le Tribunal ne peut pas examiner le fond d’un différend entre une personne employée et son employeur. Cette interprétation de la Loi sur l’assurance-emploi peut sembler injuste pour la prestataire, mais les tribunaux l’ont adoptée à maintes reprises, et la division générale était tenue de la suivre.

[28] Pour cette raison, je ne suis pas convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès. La permission de faire appel est refusée. Le présent appel n’ira donc pas de l’avant.

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