Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : LJ c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 385

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission d’en appeler

Demanderesse : L. J.
Défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du
23 décembre 2022
(GE-22-3072)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 4 avril 2023
Numéro de dossier : AD-23-91

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Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse (prestataire) a perdu son emploi parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur (politique). Elle n’a pas obtenu d’exemption pour motifs religieux. Elle a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance‑emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a conclu que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite, de sorte qu’elle ne pouvait lui verser des prestations. Après le rejet de sa demande de révision, la prestataire a interjeté appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que la prestataire avait perdu son emploi à la suite de son refus de se conformer à la politique de l’employeur. Elle n’a pas obtenu d’exemption pour motifs religieux. La division générale a en outre jugé que la prestataire savait qu’il était possible que l’employeur la congédie dans ces circonstances. Elle a conclu que la prestataire avait été congédiée en raison d’une inconduite.

[5] La prestataire demande la permission d’en appeler de la décision de la division générale auprès de la division d’appel.Elle soutient que la division générale a refusé d’exercer sa compétence et a commis des erreurs de fait et de droit pour en arriver à la conclusion qu’elle a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[6] Je dois décider si la prestataire a soulevé une erreur susceptible de révision commise par la division générale sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli.

[7] Je refuse la permission d’en appeler parce que l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] La prestataire soulève‑t‑elle une erreur susceptible de révision commise par la division générale sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social énonce les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Les erreurs susceptibles de révision sont les suivantes :

  1. 1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. 2. La division générale ne s’est pas prononcée sur une question qu’elle aurait dû trancher. Ou encore, elle s’est prononcée sur une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audition sur le fond de l’affaire. Il s’agit d’un premier obstacle que la prestataire doit franchir, mais le fardeau est ici inférieur à celui dont elle devra s’acquitter à l’audience relative à l’appel sur le fond. À l’étape de la permission d’en appeler, la prestataire n’a pas à prouver le bien‑fondé de ses prétentions. Elle doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès compte tenu d’une erreur susceptible de révision. En d’autres termes, elle doit établir que l’on peut soutenir qu’il existe une erreur susceptible de révision sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli.

[11] Par conséquent, avant que je puisse accorder la permission d’interjeter appel, je dois être convaincu que les motifs d’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel mentionnés précédemment et qu’au moins l’un des motifs a une chance raisonnable de succès.

La prestataire soulève-t-elle une erreur susceptible de révision de la division générale sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli?

[12] À l’appui de sa demande de permission d’en appeler, la prestataire soumet ce qui suit :

  1. a) Elle a le droit de vivre à l’abri de la discrimination en vertu du Code des droits de la personne de l’Ontario;
  2. b) L’employeur a omis de lui offrir des mesures d’adaptation raisonnables;
  3. c) La ministre de l’Emploi a modifié la définition d’inconduite pour inclure les personnes non vaccinées comme elle;
  4. d) Sa décision de ne pas recevoir le vaccin n’était pas une inconduite délibérée;
  5. e) Elle a le droit de choisir si elle accepte un traitement médical. L’exercice de ce droit ne peut être décrit comme un acte répréhensible ou un comportement indésirable suffisant pour conclure à une inconduite digne d’une sanction d’exclusion sous le régime de la Loi sur l’assurance‑emploi (Loi);
  6. f) Le gouvernement a établi une condition environnementale défavorable et discriminatoire en ce qui concerne la vaccination obligatoire;
  7. g) La « vaccination » ne figurait pas dans son contrat de travail;
  8. h) Il n’y a pas eu de consentement éclairé aux vaccins contre la COVID-19;
  9. i) On s’attendait à ce qu’elle consente à une thérapie génique expérimentale non éprouvée, déguisée en vaccin, sans la remettre en question;
  10. j) Cette vaccination obligatoire constituait un abus flagrant de l’autonomie corporelle et des droits constitutionnels des Canadiennes et des Canadiens;
  11. k) Le gouvernement du Canada est l’auteur d’une « inconduite ». Il a congédié des personnes en parfaite santé pour un choix médical et les a punies davantage en leur refusant des prestations d’assurance‑emploi.

[13] La division générale devait décider si la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[14] La notion d’inconduite ne signifie pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif découle d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction imposée par l’employeur ni de savoir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en congédiant la prestataire de sorte que son congédiement était injustifié, mais bien de décider si la prestataire s’est rendue coupable d’inconduite et si cette inconduite a mené à son congédiementNote de bas de page 1.

[16] Compte tenu de la preuve, la division générale a conclu que la prestataire a été congédiée parce qu’elle a refusé de se conformer à la politique. Elle avait été informée de la politique de l’employeur et avait eu le temps de s’y conformer. Elle n’a pas obtenu d’exemption pour motifs religieux. La prestataire a refusé intentionnellement; ce refus était délibéré. Il a été la cause directe de son congédiement.

[17] La division générale a conclu que la prestataire savait que son refus de se conformer à la politique pouvait entraîner son congédiement.

[18] La division générale a conclu à partir de la preuve prépondérante que le comportement de la prestataire constituait une inconduite.

[19] Il est bien établi que le non‑respect voulu de la politique de l’employeur constitue une inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 2. Le non‑respect d’une politique dûment approuvée par un gouvernement ou un secteur d’activités est également considéré comme une inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 3.

[20] Nul ne conteste réellement le fait que l’employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de son personnel au travail. Dans la présente affaire, l’employeur s’est conformé aux exigences du bureau de la santé publique afin de mettre en œuvre sa politique visant à protéger la santé de tous ses employés pendant la pandémie. La politique était en vigueur lorsque la prestataire a été congédiée.

[21] Il n’appartient pas au Tribunal de décider si les mesures de santé et de sécurité de l’employeur concernant la COVID-19 étaient efficaces ou raisonnables.

[22] La prestataire soutient en outre que la division générale a refusé d’exercer sa compétence pour établir si l’employeur avait omis de lui offrir des mesures d’adaptation et si la politique portait atteinte à ses droits en matière d’emploi, de la personne et constitutionnels.

[23] Il appartient à une autre instance de déterminer si l’employeur a omis de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de la prestataire, ou si la politique contrevenait à son contrat de travail ou portait atteinte à ses droits de la personne et constitutionnels. Le Tribunal n’est pas l’instance par laquelle la prestataire peut obtenir la réparation qu’elle rechercheNote de bas de page 4.

[24] La Cour fédérale a rendu une décision récente dans Cecchetto concernant l’inconduite et le refus d’un prestataire de se conformer à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. Le prestataire a fait valoir que le refus de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur ne constitue pas une inconduite. Il n’a pas été prouvé que le vaccin était sûr et efficace, a‑t‑il avancé. Le prestataire s’est senti victime de discrimination en raison de son choix médical personnel. Il a fait valoir qu’il a le droit de décider de sa propre intégrité corporelle et que ses droits ont été violés sous le régime du droit canadien et internationalNote de bas de page 5.

[25] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle, en vertu de la loi, le Tribunal n’est pas autorisé à répondre à ces questions. La Cour a convenu qu’en faisant un choix personnel et voulu de ne pas respecter la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations envers l’employeur et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 6. La Cour a déclaré que le prestataire dispose d’autres recours dans le cadre du système judiciaire pour faire valoir ses allégations.

[26] Dans l’affaire Paradis, le prestataire s’est fait refuser des prestations d’assurance‑emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu qu’il n’y avait eu aucune inconduite parce que la politique de l’employeur portait atteinte aux droits que lui confère l’Alberta Human Rights Act. La Cour fédérale a conclu que l’affaire relevait d’une autre instance.

[27] La Cour fédérale a affirmé que, pour sanctionner le comportement de l’employeur, il existait d’autres recours qui permettent d’éviter que le programme d’assurance‑emploi fasse les frais de ce comportement.

[28] Dans l’arrêt Mishibinijima, la Cour d’appel fédérale a déclaré que l’obligation de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation n’est pas pertinente pour trancher les cas d’inconduite liés à l’assurance‑emploi.

[29] Ainsi qu’il a été mentionné précédemment, le rôle de la division générale n’est pas de déterminer si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en congédiant la prestataire de sorte que son congédiement était injustifié, mais bien de décider si la prestataire s’est rendue coupable d’inconduite et si cette inconduite a mené à son congédiement.

[30] La preuve prépondérante dont dispose la division générale montre que la prestataire a fait le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l’employeur en réponse aux circonstances exceptionnelles créées par la pandémie, ce qui a entraîné son congédiement.

[31] Selon moi, la division générale n’a commis aucune erreur susceptible de révision lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 7.

[32] Je suis tout à fait conscient que la prestataire peut demander réparation à une autre instance si une violation est établieNote de bas de page 8. Cela ne change rien au fait qu’en application de la Loi, la Commission a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que la prestataire a été congédiée en raison de son inconduite.

[33] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments de la prestataire à l’appui de sa demande de permission d’en appeler, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[34] La permission d’en appeler est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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