Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : GZ c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 401

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Appelant : G. Z.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du
18 décembre 2022
(GE-22-2170)

Membre du Tribunal : Stephen Bergen
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 20 mars 2023
Participants à l’audience : Appelant
Représentante de l’intimée
Date de la décision : Le 8 avril 2023
Numéro de dossier : AD-23-48

Sur cette page

Décision

[1] J’accueille l’appel.

[2] La division générale a décidé que l’appelant, G. Z. (que j’appellerai le « prestataire »), n’avait pas droit à des prestations en raison de deux articles distincts de la loi.

[3] Elle a déclaré que le prestataire n’avait pas droit à des prestations parce qu’il n’avait pas prouvé qu’il avait fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 1. Elle a ajouté qu’il n’y avait pas droit selon un article de la loi conformément auquel il doit être capable de travailler et disponible à cette fin et incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 2.

[4] J’annule la décision de la division générale de déclarer le prestataire inadmissible pour ne pas avoir fait des démarches habituelles et raisonnables. La division générale n’avait pas compétence pour examiner cette question.

[5] Lorsque j’ai examiné l’autre décision de la division générale selon laquelle le prestataire n’était pas disponible pour travailler, j’ai constaté l’existence d’erreurs dans la façon dont elle en est arrivée à sa décision. Je renvoie cette affaire à la division générale pour qu’elle réexamine sa décision.

Aperçu

[6] La Commission de l’assurance‑emploi du Canada (Commission) a décidé que le prestataire était inadmissible à des prestations régulières d’assurance‑emploi à compter du 10 mai 2021. Elle a dit que le prestataire n’était pas disponible pour travailler. Pour recevoir des prestations régulières d’assurance‑emploi, le prestataire doit être disponible pour travailler.

[7] Le prestataire n’était pas d’accord et a demandé à la Commission de réviser sa décision. La Commission ayant refusé de modifier sa décision, le prestataire a interjeté appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a rejeté son appel.

[8] J’ai accordé la permission d’en appeler, puis j’ai tenu une audience de la division d’appel. J’ai conclu que la division générale avait commis des erreurs dans sa façon d’arriver à sa décision. Toutefois, le dossier ne contient pas suffisamment d’information pour que je puisse rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Par conséquent, je renvoie l’affaire à la division générale pour qu’elle procède à un réexamen.

Questions préliminaires

Nouveaux éléments de preuve

[9] Le prestataire a envoyé à la division d’appel un document de X daté du 21 décembre 2022Note de bas de page 3.

[10] Lorsque la division d’appel instruit l’appel d’une décision de la division générale, son rôle consiste à décider si la division générale a commis une erreur dans la façon dont elle est parvenue à sa décision. La division d’appel ne prend pas connaissance de nouveaux éléments de preuve ni n’évalue à nouveau les éléments de preuveNote de bas de page 4.

[11] Malgré cela, la division d’appel peut recevoir de nouveaux éléments de preuve en vertu de quelques exceptions restreintesNote de bas de page 5. En l’espèce, le prestataire avait présenté le document comme preuve d’une question qui était en litige. Il tentait d’établir que sa recherche d’emploi avait été plus approfondie que ce que la division générale avait compris. Aucune exception ne permet à la division d’appel de prendre en considération de nouveaux éléments de preuve qu’une partie présente pour établir les faits en litige.

[12] Je n’examinerai pas les nouveaux éléments de preuve de X.

Documents supplémentaires

[13] Le prestataire a envoyé un document à la division d’appel le 20 mars 2023, soit le jour de l’audienceNote de bas de page 6. Je n’ai pas pu accéder à ce document pendant l’audience. La représentante de la Commission n’avait pas non plus vu ce document, mais elle a pu le consulter avant la fin de l’audience.

[14] J’ai informé le prestataire qu’il pouvait me parler de tout ce qui figurait dans le document soumis que je ne pouvais pas voir. J’ai aussi dit que je consulterais le document avant de prendre ma décision.

[15] À la fin de l’audience, le prestataire a demandé s’il pouvait m’envoyer un autre document à la fin de l’audience. J’ai accepté, et le prestataire a envoyé un dernier document le 22 mars 2023Note de bas de page 7. Le Tribunal a envoyé une copie du document à la Commission le même jour. Le 3 avril 2023, le Tribunal a donné à cette dernière jusqu’au 5 avril 2023 pour y répondre. Elle n’y a pas répondu.

[16] J’ai examiné les documents soumis par le prestataire qui ont été reçus le 20 mars 2023 et le 22 mars 2023.

Questions en litige

[17] Les questions en litige dans le présent appel sont les suivantes :

  1. a) La division générale a‑t‑elle commis une erreur de compétence lorsqu’elle a décidé que le prestataire n’avait pas fait de démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable?
  2. b) La division générale a‑t‑elle commis une erreur de droit dans sa façon d’appliquer le critère de l’arrêt FaucherNote de bas de page 8?
  3. c) La division générale a‑t‑elle commis une erreur de droit en omettant de déterminer si le prestataire a limité ses demandes d’emploi à des « emplois convenables »?
  4. d) La division générale a‑t‑elle commis une erreur de droit en omettant de déterminer si le prestataire était disponible pendant une certaine période au cours de sa période de prestations?
  5. e) La division générale a-t-elle commis une erreur de fait importante en acceptant que le prestataire n’était pas citoyen canadien et qu’il n’avait pas travaillé dans son domaine au Canada?
  6. f) La division générale a‑t‑elle commis une erreur de fait en excluant les processus de recherche d’emploi qui ont commencé avant sa période de prestations?
  7. g) La division générale a‑t‑elle commis une erreur de fait en omettant de tenir compte de la preuve des recherches faites par le prestataire pour trouver des emplois d’été dans le cadre d’un apprentissage intégré au travail?

Analyse

[18]  La division d’appel ne peut tenir compte que des erreurs qui relèvent de l’un des moyens d’appel suivants :

  1. a) Le processus d’audience de la division générale n’était d’aucune façon équitable.
  2. b) La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher. Ou encore, elle s’est prononcée sur une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher (erreur de compétence).
  3. c) La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.
  4. d) La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 9.

Erreur de compétence

[19] Je reconnais que la division générale a commis une erreur de compétence lorsqu’elle a conclu que le prestataire était inadmissible parce qu’il n’avait pas fait de démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable.

[20] Comme je l’ai mentionné dans mes motifs sur la permission d’en appeler, la division générale ne peut examiner que les questions que soulève la décision découlant de la révision portée en appel par le prestataire.

[21] Dans la décision découlant de la révision du 10 juin 2022, la décision antérieure de la Commission rendue le 27 mars 2022 a été maintenueNote de bas de page 10. La décision initiale n’a pas été modifiée. Selon cette décision initiale, le prestataire n’avait pas prouvé sa disponibilité pour travailler parce qu’il suivait un cours de formationNote de bas de page 11. Ni la décision initiale ni la décision découlant de la révision ne disent quoi que ce soit au sujet des « démarches habituelles et raisonnables ».

[22] Il n’y avait aucune preuve que la Commission a demandé au prestataire de prouver qu’il avait fait des démarches habituelles et raisonnables pour obtenir un emploi convenable. Il n’y avait aucune preuve qu’elle l’a déclaré inadmissible parce qu’il a refusé de se conformer à cette demandeNote de bas de page 12.

[23] Par conséquent, la question de l’inadmissibilité pour ne pas avoir fait de démarches habituelles et raisonnables n’était pas une question dont la division générale était saisie. La division générale a commis une erreur de compétence en l’examinant.

[24] La Commission a concédé que la division générale a commis une erreur en concluant que le prestataire était inadmissible parce qu’il n’avait pas fait de démarches habituelles et raisonnables. Toutefois, elle a maintenu que la division générale n’a commis aucune erreur dans la façon dont elle a pris en considération la disponibilité du prestataire pour travailler (en vertu de l’article 18 de la Loi sur l’assurance‑emploi (Loi)).

Erreur de droit

Application du critère de l’arrêt Faucher

[25] La division générale a commis une erreur de droit dans sa façon d’interpréter et d’appliquer le critère de l’arrêt Faucher en ce qui concerne la disponibilité.

[26] La division générale a conclu à juste titre qu’elle devait évaluer la disponibilité du prestataire pour travailler en appliquant les trois facteurs décrits dans l’arrêt Faucher. Toutefois, son analyse n’a pas tenu compte des trois facteurs.

[27] Dans l’arrêt Faucher, la Cour d’appel fédérale a déclaré que tous les facteurs doivent être analysés :

En l’absence de définition précise dans la Loi, il a été maintes fois affirmé par cette Cour que la disponibilité devait se vérifier par l’analyse de trois éléments, soit le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable serait offert, l’expression de ce désir par des efforts pour se trouver cet emploi convenable, et le non‑établissement de conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retour sur le marché du travail, et que les trois éléments devaient être considérés pour arriver à la conclusion (mis en évidence par le soussigné).

[28] Le fait que l’arrêt Faucher ditque les trois facteurs doivent être pris en compte signifie que chaque facteur doit être distinct des autres facteurs.

[29] La Commission a fait valoir que le facteur du « désir » se recoupe avec celui de la « recherche d’emploi ». Je conviens qu’il pourrait y avoir un certain recoupement. La sincérité des démarches de recherche d’emploi d’un prestataire permet de conclure que ce dernier désire retourner au travail. De même, l’absence ou le manque de sincérité d’une recherche d’emploi est une preuve qu’un tel désir est absent.

[30] Toutefois, le fait qu’il peut y avoir recoupement entre les deux facteurs ne signifie pas que les deux facteurs sont les mêmes. Le deuxième facteur de l’arrêt Faucher ne concerne que la question de savoir si le prestataire a exprimé son désir par des démarches de recherche d’emploi. Cela signifie qu’un prestataire peut être en mesure d’établir son désir de retourner au travail, même si ce désir n’est pas exprimé par ses démarches de recherche d’emploi. Il peut être satisfait au premier facteur même s’il n’est pas satisfait au deuxième.

[31] En l’espèce, il y avait une preuve de désir qui n’était pas liée à la recherche d’emploi. La division générale a pris note du témoignage du prestataire selon lequel il est retourné aux études parce qu’il ne pouvait pas trouver de travail dans son propre domaine. Elle a pris note du fait que sa priorité était de trouver un emploi convenable. Le prestataire a témoigné que ces emplois étaient en Nouvelle‑Écosse, à Vancouver, à Ottawa et à d’autres endroits, mais qu’il aurait déménagé pour accepter un emploi dans son domaineNote de bas de page 13. La division générale a accepté qu’il aurait quitté son programme d’études s’il avait trouvé du travail dans son domaine.

[32] La division générale a déclaré que ces autres éléments de preuve n’étaient pas suffisants. Elle a conclu que le prestataire avait effectivement le désir de retourner au travail en se fondant plutôt sur la nature « limitée » de sa recherche d’emploiNote de bas de page 14. Il s’agit du seul motif invoqué pour dire que le prestataire n’a pas satisfait au premier facteur de l’arrêt Faucher.

[33] La division générale s’est prononcée sur le premier facteur en se fondant exclusivement sur la preuve de la recherche d’emploi du prestataire. C’est précisément la preuve qui est à la fois nécessaire et déterminante pour le deuxième facteur de l’arrêt Faucher. En décidant que le prestataire n’avait pas le désir de retourner au travail sur le fondement de cette seule preuve, la division générale a effectivement examiné deux fois le deuxième facteur de l’arrêt Faucher. Elle n’a pas tenu compte du premier facteur de l’arrêt Faucher.

[34] La division générale a commis une erreur de droit au motif qu’elle a appliqué erronément le critère de l’arrêt Faucher. Elle n’a pas tenu compte de chaque facteur de l’arrêt Faucher.

Définition d’un « emploi convenable » 

[35] La division générale a commis une erreur de droit parce qu’elle ne s’est pas demandé si le prestataire avait limité sa recherche d’emploi à un « emploi convenable ».

[36] La division générale a conclu que le prestataire avait présenté très peu de demandes pendant ses études et qu’il n’aurait pas pu trouver un emploi convenable. Elle a déclaré qu’il avait établi des conditions personnelles qui limitaient indûment ses chances de retourner au travail en limitant ses recherches à des emplois dans le domaine du génie maritime et naval. Elle a accepté que le prestataire aurait abandonné ses études au profit d’un emploi dans le domaine maritime et du génie. Elle a toutefois précisé qu’il y avait [traduction] « très peu de possibilités d’emploi ainsi que d’autres obstacles à son emploi dans ce domaine ».

[37] Le prestataire a fait valoir qu’il ne devrait pas avoir à chercher un emploi qui n’était pas convenable. Pour lui, un emploi convenable était un emploi dans le domaine du génie maritime et naval. Le prestataire a dit à la division générale qu’il possédait vingt ans d’expérience dans le domaine du génie maritime et naval. Les possibilités étaient limitées, mais il avait donné suite à toutes les possibilités qui s’étaient offertes à luiNote de bas de page 15. Il a fourni une liste des emplois dans ce domaine qu’il a postulés (et des demandes d’emploi qu’il a renouvelées)Note de bas de page 16.

[38] La division générale n’a pas dit si les emplois qui ne relevaient pas du domaine du génie maritime et naval étaient « convenables » pour le prestataire. Elle a toutefois conclu que le prestataire n’avait pas le désir d’accepter un emploi convenable et que sa recherche d’un emploi convenable n’était pas suffisante parce qu’il ne présentait des demandes d’emploi que pour les possibilités « limitées » dans le domaine du génie maritime et naval. On peut donc supposer qu’elle n’a pas accepté que seuls les emplois relevant du domaine du génie maritime et naval étaient convenables.

[39] La Commission a répondu à l’argument du prestataire en disant que la division générale avait raison d’exiger qu’il cherche du travail à l’extérieur de son domaine. Elle n’a pas contesté le fait que le prestataire doit seulement chercher un emploi convenable, mais elle n’a pas convenu qu’un « emploi convenable » signifie un emploi dans le domaine du prestataire. La Commission a signalé une définition d’« emploi convenable » figurant dans le Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement). Selon cette définition, l’emploi est convenable si :

  1. a) l’état de santé et les capacités physiques du prestataire lui permettent de se rendre au lieu de travail et d’effectuer le travail;
  2. b) l’horaire de travail n’est pas incompatible avec les obligations familiales du prestataire ou ses croyances religieuses;
  3. c) la nature du travail n’est pas contraire aux convictions morales ou aux croyances religieuses du prestataire.

[40] Rien dans cette définition d’emploi « convenable » ne laisse entendre que le seul emploi convenable pour le prestataire serait un emploi dans son domaine.

[41] Toutefois, la membre de la division générale n’a pas réfléchi à la définition d’emploi convenable énoncée à l’article 6(4) de la Loi. Cette partie de la loi définit également un emploi convenable aux fins de l’évaluation de la disponibilité d’un prestataire. Elle précise que l’emploi n’est pas un emploi convenable s’il s’agit « d’un emploi d’un genre différent de celui qu’il exerce dans le cadre de son occupation ordinaire, à un taux de rémunération plus bas ou à des conditions moins favorables que le taux ou les conditions qu’il pourrait raisonnablement s’attendre à obtenir […] »Note de bas de page 17. La Loi prévoit également qu’un tel emploi ne peut être considéré comme étant un emploi non convenable que pendant un « délai raisonnable »Note de bas de page 18.

[42] La division générale a reconnu que le prestataire avait travaillé pendant vingt ans dans un domaine spécialisé et qu’il était disposé à quitter son programme de formation pour accepter un emploi dans ce domaine. La division générale a été saisie d’une preuve selon laquelle le prestataire a présenté plusieurs demandes d’emploi dans son domaine entre le 10 mai et le 30 juillet 2021. (Il semble avoir présenté environ sept demandes, selon la façon dont elles sont comptées. Il a peut‑être fait onze demandes, si ses demandes renouvelées sont considérées comme des demandes)Note de bas de page 19.

[43] Dans ces circonstances, la division générale aurait dû se demander si un travail dans son domaine était le seul emploi convenable pour une partie de sa période de prestations. La division générale a commis une erreur de droit parce qu’elle n’a pas tenu compte de la partie de la Loi qui autorise un prestataire à limiter sa recherche d’emploi à son occupation ordinaire.

Période d’inadmissibilité

[44] La division générale a commis une erreur de droit en se demandant seulement si le prestataire avait prouvé sa disponibilité pendant toute la période du 10 mai 2021 au 2 avril 2022.

[45] Pour répondre à la question de savoir si une personne a fait des « démarches habituelles et raisonnables », la Commission doit déterminer si ces démarches sont « soutenues »Note de bas de page 20. Toutefois, la loi n’exige pas qu’un prestataire démontre qu’il a fait des démarches soutenues de recherche d’emploi pour prouver sa disponibilité sous le régime de l’article 18 de la Loi.

[46] Le prestataire doit prouver sa disponibilité et la Commission doit évaluer cette preuve au jour le jour. L’article 18 prescrit qu’un prestataire ne peut recevoir de prestations « pour tout jour ouvrable d’une période de prestations pour lequel il ne peut prouver » qu’il était capable de travailler et disponible à cette finNote de bas de page 21.

[47] Cela signifie qu’un prestataire peut être en mesure de prouver sa disponibilité certains jours au cours de sa période de prestations, même s’il n’était pas disponible les autres jours, ou pendant toute la période de prestations.

[48] La division générale a décidé que le prestataire n’était pas disponible parce que ses démarches de recherche d’emploi

  1. e) n’étaient pas suffisantes pour démontrer qu’il avait le désir de retourner au travail;
  2. f) n’étaient pas suffisantes pour exprimer ce désir;
  3. g) étaient tellement restreintes qu’il a indûment limité ses chances de retourner sur le marché du travail.

[49] Je ne peux substituer ma propre idée de ce qui est « suffisant » au jugement de la division générale. Toutefois, la division générale a décidé que les démarches du prestataire n’étaient pas suffisantes pour toute la période du 10 mai 2021 au 2 avril 2022. Elle ne s’est pas demandé si le prestataire avait prouvé sa disponibilité pour une période donnée de jours ouvrables au cours de cette période de prestations.

[50] Même si les démarches du prestataire n’ont peut‑être pas été suffisantes pour prouver sa disponibilité pendant toute la période de prestations, elles ont peut‑être été suffisantes pour prouver sa disponibilité pendant les premières semaines ou les premiers mois, ou pendant une autre période. Les demandes d’emploi du prestataire n’ont pas été réparties uniformément au cours de sa période de prestations. Comme il a été mentionné précédemment, le prestataire a présenté presque toutes ses demandes d’emploi entre le 10 mai 2021 et le 30 juillet 2021Note de bas de page 22.

[51] La Commission a fait valoir qu’il était « incontesté » que le prestataire n’était disponible pour travailler que pendant des heures autres que ses heures de coursNote de bas de page 23. Or, ce n’est pas exact. Le prestataire n’était disponible pour travailler qu’en dehors de son horaire de cours, tant qu’il demeurait aux études. La division générale en est arrivée à la conclusion de fait que le prestataire aurait abandonné ses études pour occuper un emploi dans son domaine.

[52] J’ai déjà conclu que la division générale aurait dû examiner l’application de l’article 6. Elle aurait peut‑être conclu que le prestataire était disponible pour travailler pendant la partie de sa période de prestations au cours de laquelle son occupation ordinaire était le seul emploi convenable.

[53] Toutefois, la division générale aurait quand même dû déterminer la période au cours de laquelle il était raisonnable qu’il ait limité sa recherche d’emploi à ce genre d’emploi. De plus, le prestataire aurait quand même dû prouver sa disponibilité, même pendant la période au cours de laquelle il pourrait limiter raisonnablement sa recherche à des emplois dans son domaine. Il devrait prouver qu’il avait le désir de retourner au travail dès qu’un emploi dans son domaine lui serait offert, que sa recherche d’emploi pour ce genre d’emploi était suffisante et qu’il n’avait pas établi d’autres conditions personnelles qui limiteraient indûment ses chances de trouver du travail dans son domaine.

Erreur de fait importante

[54] Il y a erreur de fait importante lorsque la décision de la division générale est fondée sur une conclusion qui a été tirée incorrectement parce qu’elle a fait fi de la preuve ou l’a mal compriseNote de bas de page 24.

Citoyenneté et expérience de travail au Canada

[55] La division générale s’est appuyée sur deux erreurs de fait pour conclure que le prestataire avait établi des conditions qui limitaient indûment ses chances de retourner au travail.

[56] La division générale a déclaré que le prestataire ne pouvait pas obtenir d’autorisation de sécurité parce qu’il n’était pas citoyen canadien. Elle a affirmé également qu’il n’avait pas travaillé dans son domaine au CanadaNote de bas de page 25.

[57] Je ne peux trouver aucune preuve que le prestataire n’est pas citoyen canadien. Le prestataire n’a pas dit à la division générale qu’il n’est pas citoyen canadien. Il lui a seulement dit qu’il n’avait pas obtenu les mêmes possibilités [traduction] « qu’une personne née ici » parce qu’il n’avait que ce qu’il appelait la classification de sécurité « fiable »Note de bas de page 26.

[58] De plus, le prestataire a déclaré qu’il avait travaillé dans son domaine au Canada. Cela semble être étayé par son relevé d’emploi, qui indique qu’il a accumulé 2 172 heures de travail assurables chez X, alors que son adresse était X, XNote de bas de page 27. Il a témoigné qu’il avait obtenu son diplôme avant de travailler chez X et qu’il suivait une formation chez X pour obtenir son titre d’ingénieurNote de bas de page 28. Il a également mentionné avoir travaillé chez X à X (X)Note de bas de page 29.

[59] La division générale a compris à tort que le prestataire n’était pas admissible à certains emplois dans son domaine parce qu’il n’était pas citoyen canadien et elle a compris à tort qu’il n’avait aucune expérience dans son domaine au Canada.

[60] En comprenant mal les obstacles du prestataire à l’emploi dans son domaine spécialisé du génie maritime et naval, la division générale pourrait avoir mal évalué la disponibilité d’emplois pour le prestataire dans ce domaine. Cela pourrait avoir eu une incidence sur sa conclusion selon laquelle il a limité indûment ses chances d’emploi.

Processus de recherche d’emploi commencés avant la période de prestations

[61] La division générale a déclaré que les démarches de recherche d’emploi effectuées en dehors de la période de prestations n’étaient pas pertinentesNote de bas de page 30.

[62] Le prestataire a fait valoir que la division générale aurait dû tenir compte des activités de recherche d’emploi qu’il a amorcées avant sa période de prestations, mais qui se sont poursuivies pendant celle‑ci.

[63] La division générale n’a pas commis d’erreur en excluant de l’examen les activités de recherche d’emploi qui se sont déroulées en dehors de la période de prestations. Le fait qu’un prestataire peut postuler un emploi avant le début de la période de prestations n’est pas une preuve qu’il est encore disponible pour occuper cet emploi pendant la période de prestations.

[64] La division générale ne pouvait pas considérer les demandes d’emploi ou les entrevues faites avant la période de prestations comme s’il s’agissait de demandes d’emploi ou d’entrevues faites pendant la période de prestations. Toutefois, une recherche d’emploi ne se limite pas à la demande d’emploi elle‑même. La preuve qu’un prestataire assure le suivi d’une demande d’emploi pendant la période de prestations demeure une preuve de disponibilité.

[65] Rien dans la décision de la division générale ne laisse entendre que cette dernière a refusé de tenir compte des activités de recherche d’emploi du prestataire qui ont eu lieu au cours de la période de prestations, même les activités qui ont pu être liées à un processus qu’il a amorcé avant la période de prestations. La division générale a pris note du fait que le prestataire avait fait différents types de démarches. Elle a déclaré que ses démarches ont consisté notamment [traduction] « à avoir un curriculum vitæ, à s’inscrire à des sites Web de recherche d’emploi, à postuler des emplois et à se présenter à des entrevues »Note de bas de page 31.

[66] La division générale semble avoir accordé plus de poids aux demandes d’emploi même qu’à d’autres activités de recherche d’emploiNote de bas de page 32, mais elle peut apprécier la preuve comme elle l’entend. Comme je l’ai mentionné précédemment, il n’appartient pas à la division d’appel d’apprécier à nouveau la preuve.

Exclusion des demandes d’emplois d’été dans le cadre d’un programme d’apprentissage intégré au travail

[67] Le prestataire a présenté une preuve qu’il avait fait un grand nombre de demandes d’emplois d’été dans le cadre d’un programme d’apprentissage intégré au travail, qui commenceraient à l’été 2022.

[68] La division générale a accepté que le prestataire s’est présenté à des entrevues pour des emplois en lien avec un programme d’apprentissage intégré au travail dans le cadre de son problème [sic] d’études en informatique. Elle a toutefois constaté qu’il ne s’était présenté qu’à six entrevues de janvier 2022 à mars 2022Note de bas de page 33.

[69] Le prestataire a fait valoir que la division générale n’a pas tenu compte de la preuve de ses nombreuses demandes d’emploi dans le cadre d’un programme d’apprentissage intégré au travail.

[70] La division générale a exclu certains de ces éléments de preuve parce qu’ils avaient peu de valeur probanteNote de bas de page 34. Elle n’a pas accepté que la preuve aiderait le prestataire à prouver qu’il avait présenté de véritables demandes.

[71] Je conviens que la preuve a peu de valeur probante. Toutefois, je ne le dis pas parce que la preuve ne pouvait pas aider à prouver que le prestataire a présenté d’autres demandes. À mon avis, la preuve n’est pas probante parce qu’elle n’aide pas le prestataire à prouver qu’il était disponible pour travailler pendant sa période de prestations.

[72] Pour que la division générale commette une erreur en faisait fi de la preuve, cette preuve devrait être pertinente relativement à une conclusion de fait sur laquelle la décision était fondée.

[73] Le prestataire croit que la division générale n’a pas tenu compte de la preuve démontrant qu’il avait présenté un grand nombre de demandes d’emplois d’été dans le cadre d’un programme d’apprentissage intégré au travail. Les demandes d’emploi et les entrevues du prestataire pour des emplois dans le cadre d’un programme d’apprentissage intégré au travail auraient certainement été des « démarches de recherche d’emploi », mais il s’agissait de démarches visant à obtenir un emploi dans le cadre de possibilités d’apprentissage intégré au travail qui ne commencerait qu’après la fin de la période de prestations le 2 avril 2022.

[74] Peu importe le nombre de demandes d’emploi d’été dans le cadre de possibilités d’apprentissage intégré au travail que le prestataire a présentées ou pourrait prouver, cette preuve ne pourrait l’aider à démontrer qu’il était disponible pour travailler pendant la période de prestations.

[75] En outre, la loi suppose que les étudiants à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler pendant qu’ils sont aux étudesNote de bas de page 35. Un étudiant à temps plein peut être en mesure de réfuter cette présomption d’indisponibilité en démontrant qu’il est prêt à quitter l’école pour accepter un emploi.

[76] Le prestataire a convaincu la division générale qu’il aurait quitté son emploi [sic] au profit d’un emploi dans son domaine. Si la division générale avait conclu qu’un tel emploi était un emploi « convenable » (de sorte qu’il était raisonnable pour lui de limiter ainsi sa recherche d’emploi), il aurait peut‑être pu réfuter la présomption.

[77] Toutefois, le prestataire ne serait pas en mesure de réfuter une présomption d’indisponibilité en démontrant qu’il cherchait des emplois d’été dans le cadre d’un apprentissage intégré au travail pendant qu’il était encore aux études. Ces demandes d’emploi dans le cadre d’un apprentissage intégré au travail concernaient des emplois qui ne commenceraient qu’après sa sortie de l’école pour l’été. La preuve de ces demandes d’emploi ne démontre pas que le prestataire pouvait ou allait travailler et étudier à temps plein en même temps.

[78] La décision de la division générale n’était fondée sur aucune conclusion fondée sur la preuve des démarches du prestataire pour trouver des emplois d’été dans le cadre d’un apprentissage intégré au travail. La division générale n’a pas commis d’erreur de fait importante en ne tenant pas compte de cette preuve ou en la comprenant mal.

Réparation

[79] J’ai conclu que la division générale avait commis un certain nombre d’erreurs dans sa façon de rendre sa décision. Je dois donc décider ce qu’il faut faire de ces erreurs.

[80] J’ai le pouvoir de renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen, mais j’ai également le pouvoir de rendre la décision que la division générale aurait dû rendreNote de bas de page 36.

[81] J’ai demandé à la prestataire et à la Commission et ils ont tous deux dit que je devrais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre.

[82] Toutefois, je ne crois pas que la preuve soit suffisante pour que je prenne la décision. J’ai dit que le prestataire pourrait avoir été disponible pendant une partie de la période de prestations. J’ai également dit que cela peut dépendre de la question de savoir si le prestataire pouvait démontrer que son occupation ordinaire était un « emploi convenable » pendant une certaine période.

[83] Pour décider si un emploi dans le cadre de son occupation ordinaire était un « emploi convenable » au sens de l’article 6(4) de la Loi, il faudrait établir que les autres types d’emplois offriraient vraisemblablement un taux de rémunération plus bas ou des conditions moins favorables que l’occupation ordinaire du prestataire. La division générale n’a pas tenu compte de l’application de l’article 6(4) et il n’y a aucune preuve à ma disposition sur cette question.

[84] De plus, il pourrait être nécessaire de décider pendant combien de temps le prestataire pourrait raisonnablement limiter ses démarches de recherche d’emploi à son occupation ordinaire aux termes de l’article 6(5) de la Loi. À mon avis, la preuve est insuffisante pour évaluer le nombre de possibilités s’offrant au prestataire dans son domaine.

[85] Pour ces motifs, je renvoie l’affaire à la division générale pour réexamen.

Conclusion

[86] J’accueille l’appel.

[87] J’ai annulé la décision sur l’inadmissibilité fondée sur l’absence de démarches habituelles et raisonnables parce que la division générale n’avait pas compétence pour rendre cette décision.

[88] Je renvoie la question sur la disponibilité au sens de l’article 18(1) à la division générale pour réexamen. La division générale a commis des erreurs de droit et de fait lorsqu’elle a confirmé que le prestataire était inadmissible parce qu’il n’était pas disponible pour travailler.

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