Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 414

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission d’en appeler

Demandeur : A. C.
Défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 9 janvier 2023 (GE-22-3048)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Date de la décision : Le 12 avril 2023
Numéro de dossier : AD-23-137

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Décision

[1] L’autorisation (permission) d’interjeter appel est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur, A. C. (le prestataire), interjette appel de la décision de la division générale. La division générale a conclu que la défenderesse, la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (Commission), a prouvé que le prestataire avait perdu son emploi en raison de son inconduite. En d’autres termes, elle a conclu qu’il avait fait quelque chose qui avait mené à son congédiement. Le prestataire n’avait pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. Par conséquent, il a été exclu du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

[3] Le prestataire soutient que la division générale a commis et des erreurs de droit et des erreurs de fait. Il affirme que la décision de la division générale comporte plusieurs erreurs de fait. Il affirme également que les modalités de sa convention collective régissaient son lien d’emploi. Il soutient que son comportement a été exemplaire et qu’il s’est conformé aux modalités de son contrat de travail. Il fait donc valoir que le fait de choisir de ne pas se conformer à la politique de vaccination de son employeur ne constitue pas une inconduite. Il ajoute que la politique de vaccination de son employeur a violé ses croyances religieuses.

[4] Avant que le prestataire puisse aller de l’avant avec son appel, je dois décider si celui‑ci a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 1. Une chance raisonnable de succès est assimilée à une cause défendable en droitNote de bas de page 2. Si l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès, cela met fin à l’affaire.

[5] Je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès. Par conséquent, je ne donne pas au prestataire la permission d’aller de l’avant avec son appel.

Questions en litige

[6] Les questions en litige sont les suivantes :

  1. a) Y a‑t‑il une cause défendable selon laquelle la division générale a commis des erreurs de fait?
  2. b) Y a‑t‑il une cause défendable selon laquelle la division générale ne s’est pas demandé s’il pourrait y avoir inconduite si le prestataire respectait les modalités de sa convention collective?

Je n’accorde pas au prestataire la permission d’interjeter appel

[7] La division d’appel doit accorder la permission d’interjeter appel, à moins que l’appel n’ait aucune chance raisonnable de succès. Il existe une chance raisonnable de succès s’il est possible qu’une erreur de compétence, de procédure, de droit ou certains types d’erreurs de fait aient été commisesNote de bas de page 3.

[8] Après avoir obtenu la permission de la division d’appel, la partie demanderesse passe à l’appel proprement dit. À cette étape, la division d’appel décide si la division générale a commis une erreur. Si tel est le cas, la division d’appel décide ensuite de la façon de la corriger.

Y a‑t‑il une cause défendable selon laquelle la division générale a commis des erreurs de fait?

[9] Le prestataire soutient que la division générale a commis plusieurs erreurs de fait importantes, aux para 10, 15, 34, 35, 36, 48 et 64. Il n’en a toutefois signalé aucune en particulier.

Paragraphe 10

[10] Le prestataire soutient que le paragraphe 10 contient des erreurs de fait. Il n’a signalé aucune erreur précise. Le paragraphe 10 est cité ci‑après :

Je conclus que le prestataire a été suspendu de son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination obligatoire de l’employeur. Le prestataire affirme qu’il n’a pas été suspendu, mais qu’il a plutôt été mis en congé sans solde parce qu’il a fait le choix personnel de ne pas se faire vacciner. Il estime qu’il ne s’agit pas d’une inconduite pour avoir omis de se conformer à la politique. Le prestataire est d’avis que la politique de l’employeur était injuste et qu’elle aurait dû offrir plus d’options aux fins de la conformité à celle-ci, comme des tests. À son avis, il devrait avoir droit à des prestations.

[11] Il semble que le prestataire conteste la conclusion de la division générale selon laquelle son employeur l’a suspendu de son emploi. Le prestataire nie avoir été suspendu. Il soutient que son employeur l’a mis en congé sans solde. En effet, le relevé d’emploi indique qu’il y a eu congéNote de bas de page 4.

[12] La division générale a expliqué pourquoi elle a conclu que l’employeur du prestataire avait suspendu ce dernier, malgré ce que le relevé d’emploi indiquait. La division générale a expliqué qu’elle n’était pas liée par le terme utilisé par l’employeur.

[13] La division générale a conclu que, lorsqu’un employeur procède à la cessation d’emploi, il doit s’agir d’une suspension pour l’application de la Loi sur l’assurance‑emploi. Après tout, comme l’a fait remarquer la division générale, la Loi sur l’assurance‑emploi n’utilise pas l’expression « congé ». Elle fait plutôt référence à une suspension. Autrement dit, la Loi sur l’assurance‑emploi traite un départ involontaire comme une suspension.

[14] En fin de compte, la division générale a examiné si la cessation d’emploi du prestataire était involontaire et, dans l’affirmative, si elle était attribuable à sa conduite. Et, si elle était attribuable à sa conduite, la division générale a examiné si le motif de sa cessation d’emploi pouvait constituer une inconduite.

[15] Je ne suis pas convaincue qu’il y ait une cause défendable selon laquelle la division générale a commis une erreur de fait sur ce point.

Paragraphe 15

[16] Le prestataire soutient que la division générale a commis des erreurs de fait au paragraphe 15. La division générale a écrit ce qui suit :

[15] Si le prestataire avait le choix de rester ou de quitter son emploi, il a quitté volontairement son emploi [référence omise]. Personne ne le conteste. Le prestataire est d’accord pour dire qu’il n’avait pas le choix de rester. Il est d’accord pour dire également que son employeur l’a mis en congé non payé forcé. Je conclus que le prestataire n’a pas quitté volontairement son emploi.

[17] Le prestataire n’a pas signalé l’erreur de fait que, selon lui, la division générale a commise. Je conclus que les conclusions de la division générale concordent avec la preuve portée à sa connaissance. Il est évident que l’employeur du prestataire a mis ce dernier en congé sans solde et que le prestataire n’a pas quitté volontairement son emploi.

[18] Je ne suis pas convaincue qu’il y a une cause défendable selon laquelle la division générale a commis des erreurs au paragraphe 15.

Les paragraphes 34 et 35

[19] Le prestataire soutient que la division générale a commis des erreurs de fait aux paragraphes 34 et 35. La division générale a écrit ce qui suit :

[34] Le prestataire a témoigné qu’il a su que son employeur allait adopter une politique sur la COVID-19 en avril 2021. Les employés ont reçu un courriel leur demandant le nombre d’employés qui avaient reçu des vaccins [référence omise]. Il n’y avait aucune obligation, à ce moment‑là, de divulguer leur statut vaccinal. Le prestataire affirme que le courriel l’a préoccupé. Il a alors écrit à son syndicat pour lui faire part de ses préoccupations, mais ce dernier lui a dit qu’étant donné qu’il n’y avait pas de politique de vaccination obligatoire, il n’y avait pas de problème.

[35] Le 20 octobre 2021, l’employeur du prestataire a publié sa politique de vaccination contre la COVID-19 [référence omise] De l’avis du prestataire, cette politique représentait un écart marqué par rapport à ce dont il avait été informé en avril 2021. Le prestataire a témoigné qu’il estimait que la politique violait ses croyances religieuses et les droits que lui garantissent la Charte canadienne des droits et libertés (Charte) ainsi que les lois canadiennes sur les droits de la personne. Le prestataire affirme qu’il n’y avait rien dans la convention collective qui permettait à l’employeur d’adopter ce genre de politique.

[20] Le prestataire n’a pas signalé les erreurs de fait qu’à son avis la division générale a commises aux paragraphes 34 et 35.

[21] Je conclus que les conclusions de la division générale concordent généralement avec la preuve portée à sa connaissance. Personne ne peut contester que l’employeur du prestataire a instauré une politique de vaccination contre la COVID-19 et que le prestataire n’était pas d’accord avec celle‑ci. Il ressort également clairement des arguments du prestataire dans sa demande à la division d’appel qu’il est d’avis que sa convention collective ne permettait pas à son employeur d’imposer une politique de vaccination.

[22] Je ne suis pas convaincue qu’il y ait une cause défendable selon laquelle la division générale a commis des erreurs de fait aux paragraphes 34 ou 35.

Paragraphe 36

[23] Le prestataire soutient que la division générale a commis des erreurs de fait au paragraphe 36. Dans ce paragraphe, la division générale a écrit que le prestataire a témoigné au sujet de ses croyances religieuses concernant la vaccination. La division générale a écrit qu’elle acceptait que le prestataire a refusé de se faire vacciner en raison de ses croyances religieuses.

[24] Le prestataire n’a relevé aucune erreur précise. Malgré cela, les conclusions de la division générale concordent avec la preuve dont elle était saisie. La preuve montre clairement que le prestataire ne s’est pas conformé à la politique de vaccination de son employeur. Par exemple, dans un courriel, le prestataire a écrit ce qui suit : [traduction] « Voici une copie de la justification que j’ai envoyée à mon employeur concernant le non‑respect de la nouvelle politique de vaccination contre la COVID-19 en raison de mes croyances religieuses sincères »Note de bas de page 5.

[25] Plus important encore, je conclus que la division générale n’a pas fondé ses conclusions selon lesquelles il y avait inconduite sur la raison pour laquelle le prestataire a refusé la vaccination. Donc, même si la division générale avait commis une erreur au sujet de la raison pour laquelle le prestataire a refusé la vaccination, ce ne serait pas pour la division d’appel une raison d’intervenir dans la décision de la division générale et d’offrir une réparation.

[26] La division d’appel n’intervient pas et n’offre pas une réparation pour chaque erreur de fait. La Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit que la division d’appel peut intervenir et offrir des réparations possibles pour certains types seulement d’erreurs de fait.

[27] La division d’appel ne peut intervenir en cas d’erreur de fait que si la division générale a fondé sa décision sur cette erreur et qu’elle a commis cette erreur de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte de la preuve portée à sa connaissance.

[28] La division générale n’a pas fondé sa décision sur la raison pour laquelle le prestataire ne s’était pas conformé à la politique de vaccination de son employeur. Ce qui importait, c’était de savoir si le prestataire s’était conformé ou non à la politique de vaccination.

[29] Je ne suis pas convaincue que le prestataire a une cause défendable sur ce point.

Paragraphe 48

[30] Le prestataire soutient que la division générale a commis des erreurs de fait au paragraphe 48. Dans ce paragraphe, la division générale a écrit que le prestataire estimait que la politique de vaccination de son employeur contrevenait à plusieurs lois, dont la Charte canadienne des droits et libertés et les lois sur les droits de la personne. La division générale a également écrit qu’il estimait que son employeur le congédiait de façon déguisée.

[31] Bien que le prestataire n’ait signalé aucune erreur précise, je conclus que les conclusions de la division générale concordent généralement avec la preuve portée à sa connaissance. Toutefois, malgré cela, la division générale n’a pas fondé sa décision sur le point de vue du prestataire à l’égard de la politique de vaccination de son employeur. Elle a conclu à juste titre qu’elle ne pouvait pas tenir compte des préoccupations du prestataire au sujet de la politique parce que cela ne relevait pas de la portée de son examenNote de bas de page 6.

[32] Je ne suis pas convaincue que le prestataire a une cause défendable sur ce point.

Paragraphe 64

[33] Le prestataire soutient que la division générale a commis des erreurs de fait au paragraphe 64. La division générale a écrit ce qui suit :

[64] Personne ne conteste que l’employeur avait une politique de vaccination. Le prestataire en connaissait l’existence. Je conclus qu’il a fait le choix de ne pas se faire vacciner. Il a également fait le choix de ne pas divulguer son statut vaccinal à son employeur. Il s’ensuit que son choix de ne pas se faire vacciner (ou de ne pas divulguer son statut) était conscient, délibéré et intentionnel.

[34] Je ne vois pas où la division générale aurait pu commettre des erreurs de fait dans ce paragraphe. La preuve étaye les conclusions qu’elle a tirées. Par exemple, le prestataire a écrit à son employeur, reconnaissant qu’il était au courant de la politique de vaccination. Il a expliqué pourquoi il ne pouvait respecter la politiqueNote de bas de page 7. La preuve montre également que le prestataire n’a pas divulgué son statut vaccinalNote de bas de page 8.

[35] La preuve démontre également que le prestataire a sciemment et volontairement choisi de ne pas se conformer à la politique de vaccination de son employeur. Par conséquent, les conclusions de la division générale selon lesquelles le choix du prestataire était conscient, délibéré et intentionnel étaient fondées sur la preuve.

[36] Je ne suis pas convaincue que le prestataire a une cause défendable sur ce point.

Y a‑t‑il une cause défendable selon laquelle la division générale n’a pas examiné s’il pourrait y avoir inconduite si le prestataire respectait les modalités de sa convention collective?

[37] Le prestataire soutient que les modalités de sa convention collective régissaient le lien d’emploi. Il affirme que tant qu’il a respecté les modalités de sa convention collective, il n’y a pas eu d’inconduite. Le prestataire note que son contrat de travail n’avait pas été modifié pour inclure la politique de vaccination, de sorte qu’il n’avait pas à se conformer à celle‑ci. Il dit avoir été un employé exemplaire.

[38] Le prestataire soutient que la division générale aurait dû suivre la décision A.L. c Commission de l’assurance-emploi du CanadaNote de bas de page 9, une décision de la division générale. Dans l’affaire AL, le membre de la division générale a conclu que ni l’une ni l’autre partie à une convention collective ne peut imposer unilatéralement de nouvelles conditions à la convention collective sans consultation et accord de l’autre partie. Le membre a conclu que la seule exception à cette règle était lorsque la loi exige une mesure précise.

[39] La division générale a établi une distinction d’avec la décision AL compte tenu de ses faits. Elle a également conclu que la décision AL était contraire à d’autres décisions judiciaires. Pour ces raisons, elle ne l’a pas suivie.

[40] Le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur en n’examinant pas s’il [traduction] « respectait les limites et l’esprit du contrat de travail »Note de bas de page 10. Il affirme que tant qu’il agissait dans les limites de son contrat, il n’y a pas eu d’inconduite.

[41] Dans l’affaire CecchettoNote de bas de page 11, le demandeur a également invoqué la décision AL. M. Cecchetto a soutenu que le refus de se conformer à une politique de vaccination qu’un employeur a imposée unilatéralement en dehors des modalités d’une convention collective ne constituait pas une inconduite.

[42] Il ressort clairement de la preuve dans l’affaire Cecchetto que le contrat de travail du demandeur n’exigeait pas la vaccination. Le demandeur a commencé son emploi en 2017 – bien avant le début de la pandémie et bien avant qu’il y ait des vaccins contre la COVID-19.

[43] Après le début de la pandémie de COVID-19 et après que les vaccins contre celle‑ci eurent été mis au point, l’employeur de M. Cecchetto a adopté la directive provinciale en matière de santé qui exigeait la vaccination ou des tests réguliers. L’employeur a adopté la politique unilatéralement, sans le consentement du syndicat ou de M. Cecchetto.

[44] La Cour fédérale a pris note de cette preuve. Elle savait à quel moment M. Cecchetto avait commencé à travailler et savait que son employeur avait adopté la directive provinciale en matière de santé. M. Cecchetto s’est opposé à cette politique.

[45] La Cour a accepté que, même si la vaccination ne faisait pas partie du contrat de travail initial de M. Cecchetto, son employeur pouvait par la suite instaurer une politique qui exigeait la vaccination, même si l’employé ou le syndicat n’était pas d’accord et n’y consentait pas.

[46] La Cour a conclu que la division générale avait raisonnablement conclu que M. Cecchetto avait commis une inconduite parce qu’il ne s’était pas conformé à une politique qui ne faisait pas partie de son contrat de travail initial.

[47] Malgré le comportement exemplaire du prestataire et le fait que son contrat de travail n’exigeait pas la vaccination, il ressort clairement de la décision Cecchetto qu’un employeur peut adopter unilatéralement une politique de vaccination sans le consentement de l’employé. Il ressort également clairement de la décision Cecchetto qu’une inconduite peut survenir dans des circonstances où un employé ne se conforme pas à cette politique.

[48] Compte tenu de la décision Cecchetto, une décision que je dois suivre, je ne suis pas convaincue qu’il y ait une cause défendable selon laquelle il n’aurait pu y avoir inconduite dans les circonstances où une nouvelle politique ne faisait pas partie du contrat de travail initial.

Conclusion

[49] L’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. La permission d’interjeter appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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