Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : GM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 662

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : G. M.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 23 février 2023
(GE-22-3133)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Date de la décision : Le 30 mai 2023
Numéro de dossier : AD-23-294

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Décision

[1] Je refuse au prestataire la permission de faire appel parce qu’il n’a pas de cause défendable. Le présent appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le prestataire, G. M., travaillait comme conducteur de remorqueur. Le 2 novembre 2021, son employeur l’a mis en congé sans solde après qu’il a refusé de se faire vacciner contre la COVID-19. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé qu’elle n’avait pas à verser de prestations d’assurance-emploi au prestataire parce que la non-conformité à la politique de vaccination de son employeur constituait une inconduite.

[3] La division générale du Tribunal de la sécurité sociale a rejeté l’appel du prestataire. Elle a conclu que celui-ci avait délibérément enfreint la politique de vaccination de son employeur. La division générale a conclu que le prestataire savait ou aurait dû savoir qu’ignorer la politique entraînerait probablement une perte d’emploi.

[4] Le prestataire demande maintenant la permission de faire appel de la décision de la division générale. Il affirme que celle-ci a commis les erreurs suivantes :

  • Elle a mal interprété le sens de l’« inconduite » dans la Loi sur l’assurance-emploi.
  • Elle a ignoré le fait que son contrat de travail ne disait rien concernant le fait de le forcer à suivre un traitement médical.
  • Elle a ignoré le fait que son employeur a tenté d’imposer une nouvelle condition d’emploi sans son consentement.
  • Elle a ignoré la preuve montrant que la politique de vaccination obligatoire de son employeur violait ses droits de la personne.
  • Elle a ignoré le fait qu’il avait proposé de s’adapter aux exigences de son employeur en se soumettant régulièrement à des tests et en s’isolant pendant ses jours de congé.
  • Elle a ignoré la preuve montrant que son employeur avait rejeté sa demande d’exemption religieuse sans raison valable.
  • Elle n’a pas tenu compte d’une affaire récente qui a accordé l’assurance-emploi à une partie prestataire qui, comme lui, a refusé de se soumettre à la politique de vaccination obligatoire de son employeur.

Question en litige

[5] Il y a quatre moyens d’appel à la division d’appel. L’appelant doit démontrer que la division générale a :

  • agi de façon injuste;
  • outrepassé ses pouvoirs ou refusé de les exercer;
  • mal interprété la loi;
  • fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 1.

[6] Avant que l’appel du prestataire puisse aller de l’avant, je dois décider si son appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 2. Avoir une chance raisonnable de succès est la même chose qu’avoir une cause défendableNote de bas de page 3. Si le prestataire n’a pas de cause défendable, l’affaire prend fin maintenant.

[7] À cette étape préliminaire, je dois répondre à la question suivante : est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[8] J’ai examiné la décision de la division générale, ainsi que le droit applicable et la preuve qui l’ont menée à cette décision. J’ai conclu que le prestataire n’a pas de cause défendable.

On ne peut pas soutenir que la division générale a mal interprété la loi

[9] Lorsqu’il s’agit d’évaluer une inconduite, le Tribunal ne peut pas évaluer le bien-fondé d’un différend entre une personne employée et son employeur. Cette interprétation de la Loi sur l’assurance-emploi peut sembler injuste au prestataire, mais les tribunaux l’ont adoptée à maintes reprises et la division générale était tenue de la suivre.

On entend par inconduite toute action intentionnelle et susceptible d’entraîner une perte d’emploi

[10] Le prestataire soutient qu’il n’est pas coupable d’inconduite parce qu’il n’a rien fait de mal. Il dit qu’en le forçant à se faire vacciner sous la menace d’une suspension ou d’un congédiement, son employeur a porté atteinte à ses droits. Il soutient que son employeur tentait de lui imposer contre son gré un vaccin potentiellement dangereux et inefficace.

[11] Je peux comprendre la frustration du prestataire, mais, selon la loi telle qu’elle existe, je ne vois pas le bien-fondé de ses arguments.

[12] La division générale a défini l’inconduite de la façon suivante :

Selon la jurisprudence, pour qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée, c’est-à-dire consciente, voulue ou intentionnelle. Une inconduite comprend également une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibérée. Il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loi.

Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié de son emploi pour cette raisonNote de bas de page 4.

[13] Ces paragraphes montrent que la division générale a bien résumé le droit relatif à l’inconduite. Ensuite, la division générale a conclu à juste titre qu’elle n’avait pas le pouvoir de décider si les politiques d’une employeuse ou d’un employeur sont raisonnables, justifiables ou même légales.

Les contrats de travail n’ont pas à définir explicitement l’inconduite

[14] Le prestataire soutient que la politique de vaccination obligatoire de son employeur a violé ses droits de la personne, mais ce n’est pas la question en litige ici. Ce qui importe, c’est de savoir si l’employeur a une politique et si l’employé l’a délibérément ignorée. Dans sa décision, la division générale a formulé les choses ainsi :

J’ai seulement le pouvoir de trancher des questions auxquelles la Loi sur l’assurance-emploi s’applique. Mon rôle n’est pas de décider si des lois offrent d’autres options à l’appelant. Je n’ai pas à décider si l’appelant a été congédié à tort ou si l’employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation raisonnables. Je peux seulement évaluer une chose : si ce que l’appelant a fait ou a omis de faire est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 5.

[15] Comme la loi l’obligeait à se concentrer sur des questions précises, la division générale n’avait pas le pouvoir de décider si la politique de l’employeur venait contredire le contrat de travail du prestataire ou violait ses droits de la personne ou constitutionnels. La division générale n’avait pas non plus le pouvoir de décider si l’employeur aurait pu d’une façon ou d’une autre répondre aux préoccupations du prestataire ou si le processus de demande d’exemption était équitable.

Une affaire récente valide la façon dont la division générale interprète la loi

[16] Une décision récente de la Cour fédérale a réaffirmé cette approche à l’égard de l’inconduite dans le contexte précis de la vaccination obligatoire contre la COVID-19. Comme dans la présente affaire, la décision Cecchetto portait sur le refus d’un appelant de se conformer à la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeurNote de bas de page 6. La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle le Tribunal n’est pas autorisé par la loi à évaluer ces questions :

[TRADUCTION]

Malgré les arguments du demandeur, il n’y a aucun fondement pour infirmer la décision de la division d’appel parce qu’elle n’a pas évalué le bien-fondé, la légitimité ou la légalité de la directive no 6 [la politique du gouvernement de l’Ontario sur le vaccin contre la COVID-19] ni rendu de décision à ce sujet. Ce genre de conclusion ne relevait pas du mandat ou de la compétence de la division d’appel ni de la division générale du Tribunal de la sécurité socialeNote de bas de page 7.

[17] La Cour fédérale a convenu qu’en choisissant délibérément de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, M. Cecchetto avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. La Cour a déclaré qu’il y avait d’autres façons pour le prestataire de faire valoir ses allégations de congédiement abusif et ses revendications en matière de droits de la personne dans le cadre du système juridique.

[18] C’est également vrai dans la présente affaire. Comme dans l’affaire Cecchetto, les seules questions qui comptaient étaient de savoir si le prestataire avait enfreint la politique de vaccination de son employeur et, dans l’affirmative, si cette infraction était délibérée et vraisemblablement susceptible d’entraîner sa suspension ou son congédiement. Dans la présente affaire, la division générale avait de bonnes raisons de répondre « oui » aux deux questions.

La division générale n’a pas ignoré un précédent contraignant

[19] Le prestataire s’appuie sur la décision A. L., rendue récemment par la division générale, dans laquelle une prestataire de l’assurance-emploi a été déclarée admissible à des prestations même si elle avait désobéi à la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur. Le prestataire semble avancer que la membre de la division générale qui a instruit son dossier aurait dû suivre une analyse semblable à celle de l’affaire A. L.

[20] Je ne suis pas d’accord.

[21] Premièrement, le prestataire ne semble pas avoir mentionné l’affaire A. L. devant la division générale. On ne peut donc pas reprocher à la membre qui a instruit l’appel du prestataire de ne pas avoir tenu compte d’une affaire qui ne lui a pas été présenté.

[22] Deuxièmement, l’affaire A. L., tout comme l’affaire du prestataire, a été tranchée par la division générale. Même si la membre qui a instruit le dossier du prestataire avait examiné la décision A. L., elle n’aurait pas été obligée de la suivre. Les membres de la division générale sont liés par les décisions de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale, mais ils ne le sont pas par les décisions de leurs pairs.

[23] Enfin, l’affaire A. L. ne semble pas accorder aux prestataires de l’assurance-emploi une exemption générale des politiques de vaccination obligatoire de leur employeur, comme le prestataire semble le croire. L’affaire A. L. semble concerner une prestataire dont la convention collective empêchait explicitement son employeur de la forcer à se faire vacciner. Selon mon examen du présent dossier, le prestataire n’a jamais mentionné de disposition comparable dans son propre contrat de travail. Dans l’affaire Cecchetto, la récente décision de la Cour fédérale concernant les exigences d’un employeur en matière de vaccination, la Cour a également examiné l’affaire AL. et a conclu qu’elle n’était pas applicable à grande échelleNote de bas de page 8.

On ne peut pas soutenir que la division générale a ignoré ou mal interprété la preuve

[24] À la division générale, le prestataire a signalé des preuves selon lesquelles le vaccin n’avait pas été testé et éprouvé. Il a insisté sur le fait qu’il était exempté de l’obligation de se faire vacciner pour des motifs religieux. Il a souligné qu’il était prêt à accepter des solutions de rechange qui protégeraient ses collègues.

[25] D’après ce que je peux voir, la division générale n’a pas ignoré ces aspects. Elle ne leur a tout simplement pas accordé autant d’importance que le prestataire leur donnait. Étant donné le droit applicable en matière d’inconduite, je ne vois pas en quoi la division générale a commis une erreur en évaluant la preuve dont elle disposait.

[26] La division générale a tiré les conclusions suivantes :

  • L’employeur du prestataire était libre d’établir et d’appliquer une politique de vaccination comme il l’entendait.
  • L’employeur a adopté et communiqué une politique claire exigeant que les employés fournissent la preuve qu’ils avaient été entièrement vaccinés à une date précise.
  • Le prestataire savait, ou aurait dû savoir, que la non-conformité à la politique à la date prévue entraînerait une perte d’emploi.
  • Le prestataire a intentionnellement refusé de se faire vacciner avant la date limite.
  • Le prestataire n’a pas réussi à convaincre l’employeur qu’il remplissait les conditions requises pour obtenir une exemption religieuse au titre de la politique.
  • L’employeur n’était pas tenu d’accepter les demandes de mesures d’adaptation du prestataire.

[27] Ces conclusions semblent bien refléter ce que l’on trouve dans les documents au dossier et ce que le prestataire a déclaré dans son témoignage. La division générale a conclu que le prestataire s’était rendu coupable d’inconduite parce que son refus de respecter la politique était délibéré et qu’il a vraisemblablement mené à sa suspension. Le prestataire a peut-être cru que le refus de se conformer à la politique ne ferait pas de tort à son employeur, mais du point de vue de l’assurance-emploi, ce n’était pas à lui d’en décider.

Conclusion

[28] Pour les motifs mentionnés ci-dessus, je ne suis pas convaincu que le présent appel a une chance raisonnable de succès. La permission de faire appel est donc refusée. Cela signifie que l’appel n’ira pas de l’avant.

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