Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : GM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 663

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : G. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de
l’assurance-emploi du Canada (535177) datée du
18 août 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Catherine Shaw
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 15 février 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 23 février 2023
Numéro de dossier : GE-22-3133

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelant.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] L’appelant a perdu son emploi. L’employeur affirme qu’il a été congédié pour non-conformité à sa politique de vaccination.

[4] Bien que l’appelant ne conteste pas ce qui s’est passé, il affirme qu’il ne s’agit pas de la véritable raison de son congédiement. Il fait valoir qu’il a été congédié parce que l’employeur a illégalement rejeté sa demande d’exemption religieuse. Il ajoute qu’agir contre la politique de vaccination de son employeur n’est pas une inconduite parce qu’il a des raisons médicales et religieuses de choisir de ne pas se faire vacciner.

[5] La Commission a accepté la raison du congédiement que l’employeur a fournie. Elle a conclu que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 1. Elle a donc décidé qu’il était exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Questions que je dois examiner en premier

L’employeur n’est pas mis en cause dans l’appel

[6] Le Tribunal a désigné l’employeur de l’appelant comme partie mise en cause potentielle à l’appel. Le Tribunal a envoyé une lettre à l’employeur pour lui demander s’il avait un intérêt direct dans l’appel et s’il voulait être mis en cause. L’employeur n’a pas répondu. Comme rien au dossier n’indique que l’employeur a un intérêt direct dans l’appel, j’ai décidé de ne pas l’ajouter comme partie.

Question en litige

[7] L’appelant a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[8] La loi prévoit qu’une partie prestataire ne peut pas obtenir des prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison de son inconduite. Cela s’applique si son employeur l’a congédiée ou suspendueNote de bas de page 2.

[9] Pour décider si l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois examiner deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison l’appelant a été congédié. Ensuite, je dois voir si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi l’appelant a-t-il été congédié?

[10] J’estime que l’appelant a été congédié parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination de l’employeur.

[11] L’appelant et la Commission ne s’entendent pas sur la raison pour laquelle il a perdu son emploi. La Commission affirme que celle que l’employeur a fournie est la véritable raison du congédiement.

[12] L’employeur a déclaré à la Commission que l’appelant a été congédié pour non-conformité à sa politique de vaccination contre la COVID-19Note de bas de page 3. L’employeur a précisé que les employés ont été avisés de la politique et qu’ils pouvaient être congédiés s’ils ne se conformaient pas aux exigences.

[13] La preuve au dossier est claire : l’employeur a effectivement mis en œuvre une politique de vaccination qui exigeait que les employés soient vaccinés contre la COVID-19 ou obtiennent une exemption approuvée. L’appelant a demandé une exemption à cette politique pour des motifs religieux, mais l’employeur a rejeté sa demande. Peu de temps après, l’appelant a été congédié de son emploi.

[14] L’appelant affirme avoir été congédié seulement parce que l’employeur lui a refusé une exemption à la politique de vaccination contre la COVID-19. Il a dit que l’employeur n’était pas légalement autorisé à lui refuser une exemption parce qu’il a une croyance religieuse sincère. L’appelant soutient que la façon d’agir de l’employeur, quand celui-ci a rejeté sa demande d’exemption et l’a congédié, équivaut à de la discrimination religieuse.

[15] Les positions de chacune des parties sont les deux faces d’une même médaille. L’appelant affirme essentiellement qu’il n’aurait pas été congédié si l’employeur avait approuvé sa demande d’exemption. Cependant, si l’employeur avait approuvé sa demande, l’appelant aurait respecté la politique de vaccination de l’employeur.

[16] En l’absence d’exemption approuvée, l’appelant n’était pas en conformité avec les exigences de la politique. Le fait que l’employeur l’ait congédié parce qu’il n’avait pas d’exemption approuvée ne change rien à cela. La prépondérance de la preuve indique que l’appelant a été congédié pour non-conformité à la politique de vaccination de l’employeur.

La raison de son congédiement est-elle une inconduite selon la loi?

[17] Selon la loi, la raison du congédiement de l’appelant est une inconduite.

[18] La Loi sur l’assurance-emploi ne définit pas l’inconduite. Par contre, la jurisprudence aide à décider si la suspension de l’appelant est le résultat d’une inconduite selon la Loi. La jurisprudence établit le critère juridique lié à l’inconduite, c’est-à-dire les questions et les critères à prendre en compte quand on examine la question de l’inconduite.

[19] Selon la jurisprudence, pour qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée, c’est-à-dire consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 4. Une inconduite comprend également une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 5. Il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 6.

[20] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié de son emploi pour cette raisonNote de bas de page 7.

[21] La Commission doit prouver que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 8.

[22] J’ai seulement le pouvoir de trancher des questions auxquelles la Loi sur l’assurance-emploi s’applique. Mon rôle n’est pas de décider si des lois offrent d’autres options à l’appelant. Je n’ai pas à décider si l’appelant a été congédié à tort ou si l’employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation raisonnablesNote de bas de page 9. Je peux seulement évaluer une chose : si ce que l’appelant a fait ou a omis de faire est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[23] La Cour d’appel fédérale a rendu une décision dans une affaire intitulée Canada (Procureur général) c McNamaraNote de bas de page 10. M. McNamara a été congédié de son emploi à cause de la politique de son employeur sur le dépistage des drogues. Il a soutenu qu’il n’aurait pas dû être congédié, car le test de dépistage n’était pas justifié dans les circonstances, notamment parce qu’il n’y avait aucun motif raisonnable de croire qu’il était incapable de travailler de façon sécuritaire parce qu’il aurait consommé de la drogue, et que les résultats de son test de dépistage précédent auraient dû être toujours valides. Essentiellement, M. McNamara a soutenu qu’il devrait recevoir des prestations d’assurance-emploi parce que les agissements de son employeur entourant son congédiement n’étaient pas corrects.

[24] La Cour d’appel fédérale a répondu aux arguments de M. McNamara en faisant remarquer qu’elle a toujours affirmé que, dans les dossiers d’inconduite, la question n’était pas de « dire si le congédiement d’un employé était ou non injustifié, plutôt de dire si l’acte ou l’omission reproché à l’employé était effectivement constitutif d’une inconduite au sens de la Loi ». La Cour a ajouté que dans l’interprétation et l’application de la Loi, « ce qu’il convient à l’évidence de retenir, ce n’est pas le comportement de l’employeur, mais bien celui de l’employé ». Elle a souligné que la personne qui fait l’objet d’un congédiement injustifié a, « pour sanctionner le comportement de l’employeur, d’autres recours qui permettent d’éviter que les contribuables canadiens fassent les frais du comportement incriminé » par l’entremise des prestations d’assurance-emploi.

[25] Une décision plus récente, intitulée Paradis c Canada (Procureur général)Note de bas de page 11,fait suite à l’affaireMcNamara. M. Paradis, comme M. McNamara, a été congédié pour avoir échoué à un test de dépistage de drogues. M. Paradis a soutenu qu’il avait été injustement congédié, que les résultats du test montraient qu’il n’avait pas travaillé avec des facultés affaiblies et que l’employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation conformément à sa politique et à la loi provinciale sur les droits de la personne. La Cour fédérale s’est appuyée sur la décision McNamara et a dit que le comportement de l’employeur n’est pas un facteur pertinent pour évaluer s’il y a eu une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 12.

[26] Une autre affaire semblable de la Cour d’appel fédérale est la décision Mishibinijima c Canada (Procureur général)Note de bas de page 13. M. Mishibinijima a perdu son emploi en raison de son trouble lié à la consommation d’alcool. Il a fait valoir que, comme le trouble lié à la consommation d’alcool est considéré comme une déficience, son employeur devait lui offrir des mesures d’adaptation. La Cour d’appel fédérale a encore une fois affirmé qu’il fallait se concentrer sur ce que la personne employée a fait ou n’a pas fait. Le fait que l’employeur ne lui ait pas offert de mesures d’adaptation n’est pas pertinentNote de bas de page 14.

[27] Ces dossiers ne portent pas sur les politiques de vaccination contre la COVID-19; mais ce qu’ils disent est tout de même pertinent. Dans une décision très récente, qui avait trait à une politique de vaccination contre la COVID-19, l’appelant a fait valoir qu’aucune réponse satisfaisante n’a été donnée au sujet de l’innocuité et de l’efficacité des vaccins contre la COVID-19 et des tests antigéniques. Il a ajouté qu’aucun décideur n’avait abordé la façon dont une personne pourrait être forcée de prendre un médicament non testé ou d’effectuer un test lorsqu’il viole l’intégrité corporelle fondamentale et équivaut à de la discrimination fondée sur des choix médicaux personnelsNote de bas de page 15.

[28] Lorsqu’elle a rejeté l’affaire, la Cour fédérale a écrit ce qui suit :

[traduction]

Bien que le demandeur soit de toute évidence contrarié du fait qu’aucun des décideurs n’a abordé ce qu’il considère comme les questions juridiques factuelles fondamentales qu’il soulève [...], le principal problème de l’argument du demandeur est qu’il reproche aux décideurs d’avoir omis de traiter d’un ensemble de questions qu’ils ne sont pas autorisés à aborder au sens de la loiNote de bas de page 16.

[29] La Cour a également exprimé ce qui suit :

[traduction]

La [division générale du Tribunal de la sécurité sociale] et la division d’appel ont un rôle important, mais étroit et précis à jouer dans le système juridique. Dans cette affaire, ce rôle consistait à établir pour quel motif le demandeur avait été congédié de son emploi et si ce motif constituait une « inconduiteNote de bas de page 17 ».

[30] La jurisprudence établit clairement qu’il ne m’appartient pas d’examiner la conduite ou les politiques de l’employeur et de décider s’il a eu raison de suspendre l’appelant. Je dois plutôt me concentrer sur ce que l’appelant a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi.

Ce que disent la Commission et l’appelant

[31] La Commission et l’appelant s’entendent sur les faits essentiels de la présente affaire. Ce sont les faits que la Commission doit prouver pour démontrer que la conduite de l’appelant constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[32] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • l’employeur avait une politique de vaccination et a communiqué cette politique à l’appelant;
  • la politique de l’employeur exigeait que l’appelant se fasse vacciner contre la COVID-19 ou qu’il obtienne une exemption approuvée;
  • l’appelant savait ce qu’il devait faire au titre de la politique;
  • il a fait le choix personnel de ne pas se faire vacciner;
  • l’employeur l’a congédié parce qu’il ne s’est pas conformé à sa politique de vaccination.

[33] L’appelant affirme qu’il n’y a pas eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • la politique de vaccination de l’employeur n’était pas raisonnable dans son milieu de travail;
  • il n’a pas pu se faire vacciner en raison de ses croyances religieuses;
  • l’employeur a fait preuve de discrimination à son égard lorsqu’il a rejeté sa demande d’exemption religieuse;
  • l’employeur a refusé toute solution de rechange à la vaccination, comme s’isoler lorsqu’il était en congé et passer des tests avant de retourner au travail;
  • la politique de vaccination n’était pas une condition d’emploi au moment de son embauche.

[34] La preuve est claire : l’employeur a mis en place une politique de vaccination obligatoire. L’appelant savait qu’il serait congédié s’il n’était pas vacciné ou s’il avait une exemption approuvée [sic].

[35] L’appelant a demandé une exemption à la politique fondée sur des motifs religieux. Il a rencontré l’employeur pour répondre à des questions concernant sa demande d’exemption. Peu de temps après, l’employeur a communiqué avec lui et lui a dit que sa demande avait été rejetée. L’appelant a déclaré que c’est une semaine ou deux plus tard qu’il a reçu un courriel disant qu’il était congédié. Il a dit qu’il savait qu’il serait congédié parce que son exemption avait été refusée.

[36] Je conclus que l’appelant savait que son employeur avait instauré une politique de vaccination obligatoire et qu’il savait ce qui se passerait s’il ne la respectait pas, car il a déclaré qu’il était au courant de la politique et des conséquences de la non-conformité. Même si des exemptions étaient possibles, il n’a jamais été garanti que l’appelant en obtiendrait une.

[37] L’employeur a le droit de gérer ses activités quotidiennes, y compris le pouvoir d’élaborer et de mettre en œuvre des politiques en milieu de travail. Lorsque l’employeur a mis cette politique en place, elle est devenue une exigence pour tout le personnel et une condition explicite de l’emploi de l’appelantNote de bas de page 18.

[38] L’appelant soutient que le choix de l’employeur de rejeter sa demande d’exemption religieuse portait atteinte à la loi et à ses droits de la personne.

[39] Au Canada, il existe un certain nombre de lois qui protègent les droits d’une personne, comme le droit à la vie privée ou le droit à la non-discrimination. La Charte canadienne des droits et libertés est l’une de ces lois. Il y a aussi la Déclaration canadienne des droits, la Loi canadienne sur les droits de la personne et plusieurs autres lois fédérales et provinciales, comme le projet de loi C-45Note de bas de page 19, qui protègent les droits et libertés.

[40] Ces lois sont appliquées par différents tribunaux.

[41] Le Tribunal peut examiner si une disposition de la Loi sur l’assurance-emploi (ou de son règlement) ou d’une loi connexe porte atteinte aux droits garantis à une partie prestataire par la Charte. L’appelant n’a invoqué aucun article de loi, du Règlement sur l’assurance-emploi ou d’une loi connexe de l’assurance-emploi que je suis autorisé à examiner comme portant atteinte à ses droits garantis par la Charte.

[42] Le Tribunal n’a pas le pouvoir d’examiner si l’action d’un employeur enfreint les droits de la personne d’une partie prestataire en vertu de la Charte. Cela dépasse ma compétence. Le Tribunal n’est pas non plus autorisé à rendre des décisions fondées sur la Déclaration canadienne des droits, la Loi canadienne sur les droits de la personne ou toute autre loi provinciale protégeant les droits et libertés.

[43] La Cour d’appel fédérale a déclaré que le Tribunal n’a pas à décider si la politique d’un employeur était raisonnable ou si la cessation d’emploi d’une partie prestataire était justifiéeNote de bas de page 20.

[44] L’appelant a peut-être d’autres recours pour faire valoir ses prétentions, soit que l’employeur a fait preuve de discrimination à son égard. Ces questions doivent être traitées par la cour ou le tribunal approprié. La Cour fédérale a clairement établi ce principe dans la décision CecchettoNote de bas de page 21.

[45] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • l’employeur avait une politique de vaccination qui obligeait le personnel à se faire vacciner ou à obtenir une exemption approuvée;
  • l’employeur a clairement dit à l’appelant ce qu’il attendait de son personnel en ce qui concerne la vaccination
  • l’appelant connaissait ou aurait dû connaître les conséquences de la non-conformité à la politique de vaccination de l’employeur.

Somme toute, l’appelant a-t-il été congédié en raison d’une inconduite?

[46] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que l’appelant a été congédié de son emploi en raison d’une inconduite.

[47] En effet, les agissements de l’appelant ont mené à son congédiement. Il a agi délibérément. Il savait ou aurait dû savoir que la non-conformité à la politique de l’employeur était susceptible de causer son congédiement, et il a choisi de ne pas s’y conformer.

Conclusion

[48] L’appel est rejeté.

[49] La Commission a prouvé que l’appelant a été congédié de son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

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