Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : VC c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2023 TSS 417

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission d’en appeler

Demanderesse : V. C.
Défenderesse : Commission de l’assurance‑emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 13 janvier 2023
(GE-22-2479)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 12 avril 2023
Numéro de dossier : AD-23-167

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Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse (la prestataire) a été suspendue de son emploi parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination contre la COVID-19 établie par l’employeur (la politique). Elle n’a pas obtenu d’exemption pour motifs religieux.La prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a jugé que la prestataire avait été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite, de sorte qu’elle ne pouvait lui verser des prestations. La prestataire a interjeté appel de la décision en révision devant la division générale.

[4] La division générale a conclu que la prestataire avait été suspendue de son emploi à la suite de son refus de se conformer à la politique de l’employeur. Elle n’a pas obtenu d’exemption pour motifs religieux. La division générale a conclu que la prestataire savait que l’employeur était susceptible de la suspendre dans ces circonstances. Elle a jugé que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.

[5] La prestataire demande la permission d’en appeler de la décision de la division générale auprès de la division d’appel.Elle soutient que la division générale n’a pas suivi la jurisprudence qu’elle a présentée à l’appui de sa thèse selon laquelle elle n’a pas été suspendue en raison d’une inconduite. Elle soutient qu’elle travaille pour Xet qu’elle sait que la décision de refuser des prestations est politique et non fondée sur la loi.

[6] Je dois décider si la prestataire a soulevé une erreur susceptible de révision commise par la division générale sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli.

[7] Je refuse la permission d’en appeler parce que l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] La prestataire soulève-t-elle une erreur susceptible de révision commise par la division générale sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social énonce les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Les erreurs susceptibles de révision sont les suivantes :

  1. 1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. 2. La division générale ne s’est pas prononcée sur une question qu’elle aurait dû trancher. Ou encore, elle s’est prononcée sur une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audition sur le fond de l’affaire. Il s’agit d’un premier obstacle que la prestataire doit franchir, mais le fardeau est ici inférieur à celui dont elle devra s’acquitter à l’audience relative à l’appel sur le fond. À l’étape de la permission d’en appeler, la prestataire n’a pas à prouver le bien-fondé de ses prétentions. Elle doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès compte tenu d’une erreur susceptible de révision. En d’autres termes, elle doit établir que l’on peut soutenir qu’il existe une erreur susceptible de révision sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli.

[11] Par conséquent, avant que je puisse accorder la permission d’interjeter appel, je dois être convaincu que les motifs d’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel mentionnés précédemment et qu’au moins l’un des motifs a une chance raisonnable de succès.

La prestataire soulève-t-elle une erreur susceptible de révision de la division générale sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli?

[12] La prestataire soutient que la division générale n’a pas suivi la jurisprudence qu’elle a présentée à l’appui de sa thèse selon laquelle elle n’a pas été suspendue en raison d’une inconduite. Elle soutient qu’elle travaille pour X et qu’elle sait que la décision de refuser des prestations est politique et non fondée sur la loi.

[13] La division générale devait décider si la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.

[14] La notion d’inconduite ne signifie pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif découle d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ou d’établir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant la prestataire de sorte que sa suspension était injustifiée, mais bien de décider si la prestataire s’est rendue coupable d’inconduite et si cette inconduite a entraîné sa suspensionNote de bas de page 1.

[16] Compte tenu de la preuve, la division générale a conclu que la prestataire a été suspendue parce qu’elle a refusé de se conformer à la politique. Elle n’a pas obtenu d’exemption pour motifs religieux. Elle avait été informée de la politique de l’employeur et avait eu le temps de s’y conformer. La prestataire a refusé intentionnellement; ce refus était volontaire. Il était la cause directe de sa suspension.

[17] La division générale a conclu que la prestataire savait que son refus de se conformer à la politique pouvait entraîner sa suspension.

[18] La division générale a conclu à partir de la preuve prépondérante que le comportement de la prestataire constituait une inconduite.

[19] Il est bien établi que le non-respect voulu de la politique de l’employeur est considéré comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi)Note de bas de page 2. Le non-respect d’une politique dûment approuvée par un gouvernement ou un secteur d’activités est également considéré comme une inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 3.

[20] Nul ne conteste réellement le fait que l’employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de son personnel au travail. Il n’appartient pas au Tribunal de décider s’il était raisonnable pour l’employeur d’étendre cette protection aux employés qui travaillaient de la maison pendant la pandémie. Dans la présente affaire, l’employeur a mis en œuvre sa politique pour protéger la santé de tous ses employés pendant la pandémie. La politique était en vigueur lorsque la prestataire a été suspendueNote de bas de page 4.

[21] Je ne vois donc aucune erreur susceptible de révision dans la conclusion de la division générale selon laquelle elle n’a pas compétence pour se prononcer sur le caractère raisonnable de la politique de l’employeur qui s’applique aux travailleurs qui travaillent à distance et en télétravail.

[22] La prestataire soutient en outre que la division générale a refusé d’exercer sa compétence à l’égard des questions de savoir si l’employeur avait contrevenu à sa convention collective et si la politique de l’employeur portait atteinte à ses droits de la personne et constitutionnels.

[23] La question de savoir si l’employeur aurait dû prendre des mesures d’adaptation à l’égard de la prestataire en accueillant sa demande d’exemption fondée sur des motifs religieux ou de savoir si la politique contrevenait à la convention collective de la prestataire ou portait atteinte à ses droits de la personne et constitutionnels relève d’une autre instance. Le Tribunal n’est pas l’instance devant laquelle la prestataire peut obtenir la réparation qu’elle rechercheNote de bas de page 5.

[24] La Cour fédérale a rendu une décision récente dans Cecchetto concernant l’inconduite et le refus d’un prestataire de se conformer à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur.

[25] Le prestataire a fait valoir que le refus de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur ne constitue pas une inconduite. Il n’a pas été prouvé que le vaccin était sûr et efficace, a-t-il avancé. Le prestataire s’est senti victime de discrimination en raison de son choix médical personnel. Il a fait valoir qu’il a le droit de décider de sa propre intégrité corporelle et que ses droits ont été violés sous le régime du droit canadien et internationalNote de bas de page 6.

[26] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle, en vertu de la loi, le Tribunal n’est pas autorisé à répondre à ces questions. La Cour a convenu qu’en faisant le choix personnel et voulu de ne pas respecter la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations envers l’employeur et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 7. La Cour a déclaré que le prestataire dispose d’autres recours dans le cadre du système judiciaire pour faire valoir ses allégations.

[27] Dans l’affaire Paradis, antérieure, le prestataire s’est fait refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu qu’il n’y avait eu aucune inconduite parce que la politique de l’employeur portait atteinte aux droits que lui confère l’Alberta Human Rights Act. La Cour fédérale a conclu que l’affaire relevait d’une autre instance.

[28] La Cour fédérale a affirmé que, pour sanctionner le comportement de l’employeur, il existait d’autres recours qui permettent d’éviter que le programme d’assurance-emploi fasse les frais de ce comportement.

[29] Dans l’arrêt Mishibinijima, la Cour d’appel fédérale a déclaré que l’obligation de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation n’est pas pertinente pour trancher les cas d’inconduite liés à l’assurance-emploi.

[30] Ainsi qu’il a été mentionné précédemment, le rôle de la division générale n’est pas d’établir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant la prestataire de sorte que sa suspension était injustifiée, mais bien de décider si la prestataire s’est rendue coupable d’inconduite et si cette inconduite a entraîné sa suspension.

[31] La preuve prépondérante dont disposait la division générale montre que la prestataire a fait le choix personnel et voulu de ne pas se conformer à la politique de l’employeur en réponse aux circonstances exceptionnelles créées par la pandémie, ce qui a entraîné sa suspension.

[32] La prestataire soutient qu’elle a trouvé une décision de la division générale portant sur une situation semblable à la sienne, et où le demandeur a obtenu des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 8. Il est important de rappeler que la décision de la division générale dont il est question ne lie pas la division d’appelNote de bas de page 9. Les décisions de la Cour fédérale sont exécutoires et doivent être suivies par le Tribunal. De plus, les faits sont différents en ce sens que la convention collective de la prestataire comportait des dispositions précises lui permettant de refuser toute vaccination. La prestataire n’a présenté aucune preuve de ce genre à la division générale. De plus, la décision de la division générale dont il est question a été rendue avant la décision de la Cour fédérale dans l’affaire Cecchetto.

[33] Selon moi, la division générale n’a commis aucune erreur susceptible de révision lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 10.

[34] Les autres décisions du Tribunal déposées par la prestataire à l’appui de sa thèse contiennent des faits précis ou sont de nature procédurale, et elles ne s’appliquent pas à son casNote de bas de page 11.

[35] Je suis tout à fait conscient du fait que la prestataire peut demander réparation à une autre instance si une violation est établieNote de bas de page 12. Cela ne change rien au fait que, en vertu de la Loi, la Commission a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que la prestataire a été suspendue en raison d’une inconduite.

[36] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments de la prestataire à l’appui de sa demande de permission d’en appeler, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[37] La permission d’en appeler est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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