Assurance-emploi (AE)

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Citation : AC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 3

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelante : A. C.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance emploi du Canada (495525) datée du 1er septembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Elizabeth Usprich
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience  : Le 28 décembre 2022
Personne présente à l’audience : A. C.
Appelant
Date de la décision : Le 9 janvier 2023
Numéro de dossier : GE-22-3048

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal est en désaccord avec le prestataire.

[2] La Commission de l’assurance‑emploi du Canada a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). En conséquence, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance‑emploiNote de bas page 1.

Aperçu

[3] Le prestataire travaillait comme ingénieur d’entretien d’aéronefs pour son employeur, qui l’a mis en congé sans solde le 15 novembre 2021 parce qu’il ne s’était pas conformé à la politique de vaccination contre la COVID-19 au travail. Le prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance‑emploi.

[4] Même si le prestataire ne conteste pas que cela s’est produit, il affirme qu’aller à l’encontre de la politique de vaccination de son employeur ne constitue pas une inconduite. Le prestataire estime que l’employeur a adopté une politique injuste et que celle‑ci allait à l’encontre de la convention collective en vigueur.

[5] La Commission a accepté le motif de suspension invoqué par l’employeur et conclu que le prestataire avait été suspendu en raison de son inconduite. C’est pourquoi elle a décidé que le prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

Question que je dois examiner en premier

Documents déposés après l’audience

[6] À l’audience, le prestataire a lu des passages d’une décision du Tribunal de la sécurité sociale qu’il a présentée quelques minutes avant l’audience, mais qui n’avait pas encore été reçue. Cette décision a été reçue après l’audience et figure à la page GD10.

Question en litige

[7] Le prestataire a‑t‑il été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[8] Selon la loi, le prestataire qui perd son emploi en raison d’une inconduite ne peut toucher de prestations d’assurance‑emploi. Cette règle s’applique lorsque l’employeur a congédié ou suspendu le prestataireNote de bas page 2. Il en découle non pas une exclusion du bénéfice des prestations, mais une inadmissibilité aux prestationsNote de bas page 3.

[9] Pour répondre à la question de savoir si le prestataire a été suspendu pour inconduite, je dois trancher deux éléments. Premièrement, je dois établir pourquoi le prestataire a été suspendu. Ensuite, je dois décider si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il été suspendu?

[10] Je conclus que le prestataire a été suspendu de son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination obligatoire de l’employeur. Le prestataire affirme qu’il n’a pas été suspendu, mais qu’il a plutôt été mis en congé sans solde parce qu’il a fait le choix personnel de ne pas se faire vacciner. Il estime qu’il ne s’agit pas d’une inconduite pour avoir omis de se conformer à la politique. Le prestataire est d’avis que la politique de l’employeur était injuste et qu’elle aurait dû offrir plus d’options aux fins de la conformité à celle‑ci, comme des tests. À son avis, il devrait avoir droit à des prestations.

L’exclusion était‑elle attribuable à un départ volontaire ou à une inconduite?

[11] La Commission a initialement conclu que le prestataire n’avait pas droit à des prestations parce qu’il avait quitté volontairement son emploiNote de bas page 4. Le prestataire a demandé le réexamenNote de bas page 5 de cette décision, que la Commission a modifiée, invoquant une inconduite plutôt qu’un départ volontaireNote de bas page 6. Malgré la thèse actuelle de la Commission selon laquelle le prestataire n’a pas droit à des prestations en raison d’une inconduite, le prestataire souhaite que le Tribunal prenne en considération un article de la Loi sur l’assurance‑emploi (Loi) qui s’applique lorsqu’un employé quitte volontairement son emploi et pour déterminer s’il était fondé à le faireNote de bas page 7.

[12] Il y a dans la Loi une disposition qui énonce deux raisons pour lesquelles une personne peut être exclue du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi : (1) quitter volontairement un emploi sans justification et (2) perdre un emploi en raison d’une inconduiteNote de bas page 8. Il est parfois difficile de dire si une personne a démissionné ou si elle a quitté volontairement son emploi. La loi dit que, dans ces situations, je ne suis pas liée par la façon dont la Commission a tranché la questionNote de bas page 9. L’exclusion peut être fondée sur l’un ou l’autre des deux motifs, pourvu qu’elle soit étayée par la preuveNote de bas page 10.

[13] Autrement dit, bien que la Commission ait décidé que le prestataire avait été congédié pour inconduite, je peux examiner la preuve et décider s’il peut en fait s’agir d’un départ volontaire.

[14] Bien que la question à trancher (celle de savoir si le prestataire est inadmissible) soit la même, la question de savoir qui doit prouver quoi est différente selon qu’il s’agit d’un départ volontaire sans justification ou d’une inconduite. Je vais donc décider d’abord de quelle situation il s’agit.

Le prestataire a-t-il quitté volontairement son emploi ou a‑t‑il été suspendu/congédié?

[15] Si le prestataire avait le choix de rester ou de quitter son emploi, il a quitté volontairement son emploiNote de bas page 11. Personne ne le conteste. Le prestataire est d’accord pour dire qu’il n’avait pas le choix de rester. Il est d’accord pour dire également que son employeur l’a mis en congé non payé forcé. Je conclus que le prestataire n’a pas quitté volontairement son emploi.

[16] Par conséquent, je n’examinerai pas le critère de la justification du départ volontaire et je mettrai plutôt l’accent sur l’inconduite.

Le motif de la suspension du prestataire est‑il une inconduite au sens de la loi?

[17] Le motif de la suspension du prestataire est une inconduite au sens de la loi.

[18] Le prestataire affirme qu’il n’a pas été suspendu, mais qu’il a plutôt été mis en congé sans solde au motif qu’il n’était pas vacciné. En outre, son relevé d’emploi (RE)Note de bas page 12 indique que c’est en raison d’un « congé » que celui‑ci a été délivré. Je ne suis pas liée par la façon dont l’employeur et l’employé qualifient leur séparationNote de bas page 13. L’article 31 renvoie à une « suspension » en raison d’une inconduiteNote de bas page 14. Autrement dit, lorsque l’employeur a décidé de mettre un employé en congé sans solde en raison d’une inconduite, c’est habituellement la même chose qu’une suspension pour l’application de la Loi. Je parlerai du congé sans solde du prestataire comme étant une suspension parce que c’est le terme qu’utilise la Loi.

[19] La Loi ne dit pas ce que signifie une inconduite. Cependant, la jurisprudence (décisions des tribunaux judiciaires et administratifs) nous montre comment déterminer si le congédiement du prestataire découle d’une inconduite au sens de la Loi. Elle énonce le critère juridique applicable en matière d’inconduite, à savoir les questions et les critères à prendre en considération dans l’examen de la question de l’inconduite.

[20] D’après la jurisprudence, pour constituer une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 15. L’inconduite doit être une conduite si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas page 16. Le prestataire n’a pas à avoir une intention coupable (autrement dit, il n’a pas à vouloir faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas page 17.

[21] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait nuire à l’exécution de ses fonctions envers son employeur et qu’il existait une possibilité réelle d’être congédié à cause de celaNote de bas page 18.

[22] La loi ne dit pas que je dois tenir compte de la façon dont l’employeur s’est comportéNote de bas page 19. Je dois plutôt me concentrer sur ce que la prestataire a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir si cela équivaut à une inconduite au sens de la LoiNote de bas page 20.

[23] J’ai le pouvoir de trancher seulement les questions qui sont prévues dans la Loi. Je ne peux rendre aucune décision sur la question de savoir si le prestataire a d’autres options en vertu d’autres lois. Il ne m’appartient pas de me prononcer sur la question de savoir si le prestataire a été congédié à tort ou si l’employeur aurait dû mettre en place des mesures raisonnables (accommodements) pour le prestataireNote de bas page 21. Je ne peux examiner qu’une chose : si ce que le prestataire a fait ou n’a pas fait est une inconduite au sens de la Loi.

[24] La Commission doit prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas page 22.

[25] Dans une affaire portée devant la Cour d’appel fédérale (CAF), intitulée McNamara, le prestataire a soutenu qu’il devrait recevoir des prestations d’assurance‑emploi parce que son employeur l’a congédié à tortNote de bas page 23. Il a perdu son emploi en raison de la politique de son employeur en matière de dépistage de drogues. Il a soutenu qu’il n’aurait pas dû être congédié, puisque le test de dépistage de drogues n’était pas justifié dans les circonstances. Il a dit qu’il n’y avait aucun motif raisonnable de croire qu’il était incapable de travailler en toute sécurité parce qu’il consommait de la drogue. De plus, les résultats de son dernier test de dépistage de drogue auraient tout de même dû être valides.

[26] En réponse, la CAF a souligné qu’elle a toujours dit que, dans les cas d’inconduite, la question est de savoir si l’acte ou l’omission de l’employé constitue une inconduite au sens de la Loi, et non s’il a été congédié à tortNote de bas page 24.

[27] La CAF a également affirmé que, dans l’interprétation et l’application de la Loi, ce qu’il convient à l’évidence de retenir ce n’est pas le comportement de l’employeur, mais bien celui de l’employé. Elle a souligné que les employés qui font l’objet d’un congédiement injustifié ont d’autres recours. Ces recours permettent de sanctionner le comportement de l’employeur et d’éviter que par le truchement des prestations d’assurance‑emploi les contribuables fassent les frais du comportement de l’employeurNote de bas page 25.

[28] Dans l’affaire plus récente intitulée Paradis, l’appelant a été congédié après avoir échoué à un test de dépistage de droguesNote de bas page 26. Il a soutenu qu’il avait été congédié à tort, car les résultats des tests indiquaient qu’il n’avait pas les facultés affaiblies au travail. Il a déclaré que l’employeur aurait dû lui accorder des mesures d’adaptation conformément à ses propres politiques et aux lois provinciales sur les droits de la personne. La Cour s’est appuyée sur l’arrêt McNamara et a affirmé que la conduite de l’employeur n’était pas un facteur pertinent pour trancher la question de l’inconduite au sens de la LoiNote de bas page 27.

[29] De même, dans l’affaire Mishibinijima, le prestataire a perdu son emploi en raison de son alcoolismeNote de bas page 28. Il a soutenu que son employeur devait prendre des mesures d’adaptation à son égard parce que l’alcoolisme est considéré comme une déficience. La CAF a affirmé encore une fois que l’accent est mis sur ce que l’employé a fait ou n’a pas fait, et que le fait que l’employeur n’a pris aucune mesure d’adaptation à son égard et sans pertinenceNote de bas page 29.

[30] Ces affaires ne portent pas sur des politiques de vaccination contre la COVID-19, mais ce qu’elles disent demeure pertinent. Il ne m’appartient pas d’examiner la conduite ou les politiques de l’employeur et de déterminer s’il avait raison de congédier le prestataire. Je dois plutôt me concentrer sur ce que le prestataire a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir si cela équivaut à une inconduite au sens de la Loi.

[31] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • l’employeur avait une politique de vaccinationNote de bas page 30;
  • l’employeur a communiqué en des termes clairs au prestataire ses attentes en matière de vaccinationNote de bas page 31;
  • le prestataire connaissait ou aurait dû connaître les conséquences du non‑respect de la politique, notamment l’obligation de divulguer son statut vaccinalNote de bas page 32;
  • le prestataire était au courant de la politique et il a commis une inconduite parce qu’il a choisi de ne pas se faire vacciner alors qu’il savait que la politique de vaccination était obligatoire.

[32] Le prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite pour les motifs suivants :

  • la politique de vaccination de l’employeur était injuste et allait à l’encontre de ses croyances religieuses;
  • il aurait pu s’acquitter de ses fonctions si l’employeur lui avait permis de se présenter au travail;
  • son employeur a contrevenu aux droits de la personne qui lui sont garantis en lui refusant une exemption pour motifs religieux;
  • la politique de son employeur était déraisonnable et il croit qu’elle allait à l’encontre de sa convention collectiveNote de bas page 33.

[33] Le prestataire ne conteste pas que son employeur avait une politique de vaccination et qu’il était au courant de celle‑ci.

[34] Le prestataire a témoigné qu’il a su que son employeur allait adopter une politique sur la COVID-19 en avril 2021. Les employés ont reçu un courriel leur demandant le nombre d’employés qui avaient reçu des vaccinsNote de bas page 34. Ils n’avaient aucune obligation, à ce moment‑là, de divulguer leur statut vaccinal. Le prestataire affirme que le courriel l’a préoccupé. Il a alors écrit à son syndicat pour lui faire part de ses préoccupations, mais ce dernier lui a dit qu’étant donné qu’il n’y avait pas de politique de vaccination obligatoire, il n’y avait pas de problème.

[35] Le 20 octobre 2021, l’employeur du prestataire a publié sa politique de vaccination contre la COVID-19Note de bas page 35. De l’avis du prestataire, cette politique représentait un écart marqué par rapport à ce dont il avait été informé en avril 2021. Le prestataire a témoigné qu’il estimait que la politique violait ses croyances religieuses et les droits que lui garantissent la Charte canadienne des droits et libertés (Charte) ainsi que les lois canadiennes sur les droits de la personne. Le prestataire affirme qu’il n’y avait rien dans la convention collective qui permettait à l’employeur d’adopter ce genre de politique.

Exemption pour des raisons médicales ou autres

[36] Le prestataire a témoigné au sujet de ses croyances religieuses sincères concernant la vaccination. J’admets que le prestataire refuse de se faire vacciner contre la COVID-19 en raison de ses croyances religieuses.

[37] Le prestataire savait que son employeur exigeait la divulgation de son statut vaccinal au 1er novembre 2021Note de bas page 36. La politique prescrivait également que si le dossier de l’employé indiquait qu’il n’avait reçu que sa première dose du vaccin au 1er novembre 2021, il devrait aussi présenter une preuve de la deuxième dose au plus tard le 1er décembre 2021Note de bas page 37.

[38] La politique exigeait en outre que l’employé qui demandait des mesures d’adaptation fondées sur un motif médical ou des droits de la personne communique avec le service des Ressources humaines (RH) au plus tard le 1er novembre 2021Note de bas page 38.

[39] Le prestataire savait que, pour maintenir son emploi, il devait obtenir une exemption s’il ne se faisait pas vaccinerNote de bas page 39. Il a envoyé un courriel à son employeur le 29 octobre 2021 pour lui faire part de ses croyances religieuses et refuser de divulguer son statut vaccinalNote de bas page 40. Le 1er novembre 2021, l’employeur a répondu au prestataire et lui a dit que le service des RH communiquerait avec lui au sujet des formulaires d’exemptionNote de bas page 41.

[40] Le 2 novembre 2021, le service des RH a envoyé des formulaires d’accommodement au prestataire et lui a demandé de les retourner au plus tard le 15 novembre 2021Note de bas page 42.

[41] Le 9 novembre 2021Note de bas page 43, le prestataire a envoyé au service des RH un courriel auquel était joint le courriel d’objection qu’il avait envoyé à son employeur le 29 octobre 2021. Le prestataire explique dans son courriel au service des RH qu’il [traduction] « s’agit d’une question de pouvoir. [L’employeur] a choisi de mettre en œuvre une politique à l’égard de ses employés, ce qu’il n’a pas le pouvoir de faire. Comme mon corps est sous l’autorité de Dieu et non [de l’employeur], je continuerai d’exercer mon droit à la protection des renseignements médicaux face à une politique qui fait preuve de discrimination à l’égard des gens qui ont les mêmes croyances que moi »Note de bas page 44.

[42] Le 12 novembre 2021, le service des RH a rappelé au prestataire l’obligation de remplir les formulaires d’exemption au plus tard le 15 novembre 2021. Le 12 novembre 2021, le superviseur du prestataire a également écrit à tous les employés pour leur demander de mettre à jour leur statut vaccinal.

[43] Le superviseur du prestataire a également écrit personnellement à ce dernier le 12 novembre 2021 pour lui demander une mise à jour de son statut vaccinal.

[44] Le prestataire a témoigné qu’il avait refusé de remplir les formulaires que lui avait envoyés le service des RH. Il affirme qu’il n’a pas à justifier sa religion auprès de qui que ce soit. Il dit aussi avoir estimé qu’il ne réussirait pas à obtenir une exemption pour des motifs religieux.

[45] Le 15 novembre 2021, alors que le prestataire était au travail, son gestionnaire de chantier lui a demandé s’il avait divulgué son statut vaccinal. Le prestataire a répondu que non. Il a déclaré dans un courriel qu’il [traduction] « préservait [son] droit à la protection de ses renseignements médicaux »Note de bas page 45.

[46] Le superviseur a répondu au prestataire et lui a dit que, parce qu’il ne se conformait pas à la politique de vaccination de l’employeur, il ne pouvait pas se présenter au lieu de travailNote de bas page 46.

[47] Le prestataire a admis qu’il n’avait pas divulgué son statut vaccinal à son employeur. Il a admis qu’il n’avait pas d’exemption sous le régime de la politique obligatoire de son employeur. Comme il n’y a aucune preuve du contraire, j’accepte le témoignage du prestataire sur ces points.

Charte et droits de la personne

[48] Le prestataire estime que la politique de l’employeur allait à l’encontre de plusieurs lois. À son avis, la politique de son employeur contrevient à la Charte et aux lois sur les droits de la personne. Le prestataire estime que le congé sans solde équivalait à un congédiement déguisé par son employeur.

[49] Au Canada, un certain nombre de lois protègent les droits d’une personne. La Charte est l’une de ces lois. Il y a aussi la Déclaration canadienne des droits, la Loi canadienne sur les droits de la personne et un certain nombre de lois provinciales qui protègent les droits et libertés.

[50] Comme il a été expliqué au prestataire pendant l’audience, ces lois sont appliquées par différentes cours et différents tribunaux. Le Tribunal peut se demander si un article de la Loi (ou de ses règlements) porte atteinte aux droits qui sont garantis par la Charte. Le prestataire a déclaré à l’audience qu’il ne contestait aucune partie de la Loi, mais qu’il estime plutôt que la politique de son employeur a enfreint la Charte ou les droits de la personne.

[51] Le destinataire s’est fait dire qu’il n’est pas de ma compétence (de mon pouvoir) de déterminer si une mesure prise par un employeur contrevient à la Charte ou aux lois sur les droits de la personne. Il s’est fait dire également qu’il devrait s’adresser à une autre cour ou à un autre tribunal pour régler ces types de questions. Le prestataire a dit qu’il comprenait et qu’il souhaitait aller de l’avant.

A.L. c Commission de l’assurance‑emploi du CanadaFootnote 47

[52] Le prestataire a soumis une décision du Tribunal qui, selon lui, est pertinente dans son casNote de bas page 48. Il l’a soumise juste avant l’audience, mais il a eu l’occasion de présenter ses arguments au sujet de cette décision pendant l’audience. La copie de la décision n’était pas caviardée et elle contenait le nom complet du prestataire. J’appellerai l’affaire A.L. c Commission de l’assurance-emploi du Canada.

[53] Dans cette affaire, A.L. travaillait au sein de l’administration d’un hôpital et a été congédiée au bout du compte au motif qu’elle avait omis de respecter la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur.

[54] La membre du Tribunal a jugé qu’A.L. n’avait pas perdu son emploi en raison de son inconduite. Elle a conclu qu’il y avait une convention collective par laquelle l’employeur et les employés étaient liés et qu’en l’absence d’une loi particulière exigeant une modalité, l’employeur n’avait pas le droit d’imposer unilatéralement une nouvelle condition d’emploi, car cela était contraire à la convention collective. Elle a expliqué que, parce qu’il n’y avait aucune loi exigeant la vaccination obligatoire, il était inapproprié d’imposer unilatéralement cette nouvelle modalité.

[55] Par conséquent, elle a conclu qu’A.L. n’avait manqué à aucune obligation envers l’employeur en choisissant de ne pas être vaccinée, car aucune loi n’exigeait une politique obligatoire de vaccination contre la COVID-19. On a fait remarquer que la convention collective abordait la question de savoir si les vaccins autres que le vaccin contre la COVID-19 étaient obligatoires. La membre du Tribunal a conclu que d’autres vaccins étaient envisagés dans la convention collective et qu’ils n’étaient pas obligatoires. Elle a expliqué que les vaccins contre la COVID-19 devraient suivre le même processus que les autres vaccins prévus dans la convention collective.

[56] De plus, la membre du Tribunal a conclu qu’A.L. avait le droit de choisir de recevoir ou non un traitement médical. Ce choix était perçu comme un « droit ». La membre du Tribunal a conclu que même si le choix (l’action) était contraire à la politique d’un employeur, il ne pouvait pas être considéré comme étant une inconduite au sens de la LoiNote de bas page 49.

[57] Je ne suis pas liée par cette décision ou par d’autres décisions du Tribunal. Je peux choisir d’adopter leur raisonnement si je le juge persuasif ou utile. Je n’adopterai pas le raisonnement formulé dans cette affaire pour les motifs qui suivent.

[58] En l’espèce, la convention collective du prestataire ne traite pas de la vaccination. C’est l’un des points sur lesquels on peut distinguer la présente affaire de la décision A.L. c Commission de l’assurance‑emploi du Canada.

[59] Toutefois, mes raisons de ne pas suivre la décision A.L. c Commission de l’assurance‑emploi du Canada vont au‑delà des similitudes ou des différences factuelles. L’une des raisons pour ne pas suivre cette décision est qu’elle est contraire à d’autres décisions judiciaires. Comme il a été mentionné précédemment, il ressort clairement des affaires McNamara, Paradis et MishibinijimaNote de bas page 50 qu’il faut se concentrer sur ce que le prestataire a fait ou n’a pas fait.

[60] Le prestataire affirme que son employeur a violé la convention collective en mettant en œuvre unilatéralement une politique. De plus, le prestataire a fait valoir que son employeur était tenu de négocier un « protocole d’entente » s’il y avait quelque chose de nouveau. Il a témoigné qu’au terme de négociations, on avait décidé que les employés continueraient de travailler pendant la pandémieNote de bas page 51. Il s’agit d’un argument semblable à la conclusion de la membre du Tribunal selon laquelle un employeur ne peut mettre en place de nouvelles conditions (en l’absence d’une loi qui l’exige) à moins qu’un employé y consente explicitement ou implicitement. Pourtant, comme il a été mentionné précédemment, d’autres cours et tribunaux ont examiné cette question même et ont tiré des conclusions différentes.

[61] D’autres possibilités s’offrent au prestataire qui estime que l’employeur n’a pas agi conformément à une convention. Pour cette raison, bien que j’en arrive à la conclusion que la convention collective du prestataire peut être distinguée de celle dont il était question dans l’affaire A.L. c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, je ne vais pas décider si l’employeur a enfreint une modalité de la convention collective, car cela ne relève pas de mon pouvoir.

[62] Encore une fois, je dois me concentrer uniquement sur la Loi. Je ne peux rendre aucune décision sur la question de savoir si le prestataire a d’autres options en vertu d’autres loisNote de bas page 52. Je ne peux examiner que la question de savoir si ce que le prestataire a fait ou omis de faire constitue une inconduite au sens de la Loi.

Éléments de l’inconduite?

[63] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les motifs suivants.

[64] Personne ne conteste que l’employeur avait une politique de vaccination. Le prestataire en connaissait l’existence. Je conclus qu’il a fait le choix de ne pas se faire vacciner. Il a également fait le choix de ne pas divulguer son statut vaccinal à son employeur. Il s’ensuit que son choix de ne pas se faire vacciner (ou de ne pas divulguer son statut) était conscient, délibéré et intentionnel.

[65] Le prestataire n’avait pas d’exemption comme mesure d’accommodement. L’employeur du prestataire a dit en des termes clairs que l’employé non vacciné qui n’avait aucune exemption serait mis en congé sans soldeNote de bas page 53.

[66] La politique de l’employeur exige que tous les employés divulguent leur statut vaccinal et que soit ils aient une exemption, soit ils se fassent vacciner. Le prestataire n’a pas divulgué son statut vaccinal, il ne s’est pas fait vacciner et il n’avait pas d’exemption. Il n’a donc pas respecté la politique de son employeur. Pour cette raison, il ne pouvait pas se rendre au travail pour s’acquitter de ses obligations envers son employeur. Il s’agit d’une inconduite.

[67] Le prestataire a admis qu’il savait qu’en ne divulguant pas son statut vaccinal ou en ne se faisant pas vacciner (ou en n’ayant pas d’exemption), il serait mis en congé sans solde. Il savait donc qu’il était réellement possible qu’il soit mis en congé sans solde (une suspension).

[68] L’inconduite, à savoir l’omission de divulguer son statut vaccinal, de se faire vacciner ou d’obtenir une exemption, a mené au congédiement du prestataire.

[69] Je conclus que la Commission a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a eu inconduite parce que le prestataire connaissait l’existence de la politique de vaccination obligatoire et qu’il ne s’est pas conformé à cette politique ni n’a obtenu d’exemption. Le prestataire savait qu’en ne se conformant pas à la politique, il ne serait pas autorisé à se présenter au travail. En conséquence, il ne pourrait pas exercer ses fonctions auprès de son employeur. Le prestataire savait également qu’il était réellement possible qu’il soit suspendu pour cette raison.

Prestations d’assurance-emploi

[70] Le prestataire croit également que, parce qu’il a cotisé à l’assurance‑emploi pendant des années, il devrait avoir droit à des prestations. L’assurance‑emploi est un régime d’assurance et, comme pour d’autres régimes d’assurance, il faut satisfaire à certaines exigences pour toucher des prestations. Le régime d’assurance‑emploi vise à aider les travailleurs qui, pour des raisons indépendantes de leur volonté, se retrouvent sans emploi et sont incapables de trouver un autre emploi. Je ne crois pas que cela s’applique dans la présente situationNote de bas page 54.

Donc, le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[71] Compte tenu des conclusions que j’ai tirées ci‑dessus, j’estime que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[72] Cela s’explique par le fait que les actions du prestataire ont mené à son congédiement. Il a agi délibérément. Il savait que le refus de se faire vacciner ou de dire s’il l’avait été allait probablement mener à sa suspension.

Conclusion

[73] La Commission a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. C’est pourquoi elle a décidé que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

[74] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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