Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : NH c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 646

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : N. H.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (489079) rendue le 28 juin 2022 par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Amanda Pezzutto
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience  : Le 10 janvier 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 8 mars 2023
Numéro de dossier : GE-22-2645

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Décision

[1] N. H. est l’appelante. Selon la Commission de l’assurance-emploi du Canada, elle ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi. La Commission affirme qu’elle a cessé de travailler en raison d’une inconduite. L’appelante fait appel de cette décision auprès du Tribunal de la sécurité sociale.

[2] Je rejette l’appel. Je conclus que la raison pour laquelle l’appelante a cessé de travailler est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Par conséquent, elle ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] L’appelante travaillait dans le domaine de la santé. À la suite d’une ordonnance provinciale de santé publique, son employeuse a adopté une politique de vaccination contre la COVID-19. Aux termes de la politique, l’employeuse s’attendait à ce que chaque membre du personnel présente une preuve de vaccination avant une date limite. L’appelante n’a pas fourni de telle preuve à son employeuse dans le délai prévu. Son employeuse l’a donc placée en congé sans solde avant de la congédier trois semaines plus tard.

[4] Selon la Commission, cela signifie que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle affirme que l’appelante connaissait la politique de son employeuse sur la vaccination contre la COVID-19 et savait qu’elle pourrait perdre son emploi si elle ne respectait pas la politique. La Commission affirme que l’appelante a agi de façon délibérée lorsqu’elle a décidé de ne pas suivre la politique de l’employeuse.

[5] L’appelante n’est pas d’accord. Elle dit que son employeuse n’a pas communiqué clairement ses attentes à l’égard de la politique et qu’elle n’a pas expliqué clairement les conséquences que l’appelante subirait si elle ne respectait pas la politique. Elle ajoute que la politique de l’employeuse n’était pas vraiment une politique parce qu’elle respectait une ordonnance de santé publique. Elle affirme aussi que l’ordonnance de santé publique violait les conditions de sa convention collective.

Questions en litige

[6] L’appelante a-t-elle cessé de travailler en raison d’une inconduite?

Analyse

[7] Pour savoir si l’appelante a cessé de travailler en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison l’appelante a cessé de travailler. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi l’appelante a-t-elle cessé de travailler?

[8] Je juge que l’appelante a cessé de travailler parce qu’elle n’a pas respecté la politique de son employeuse sur la COVID-19.

[9] La Commission affirme que l’employeuse a suspendu et congédié l’appelante pour non‑respect de sa politique de vaccination contre la COVID-19. La Commission dit que l’appelante n’a pas donné à son employeuse la preuve qu’elle était vaccinée contre la COVID-19 avant la date limite.

[10] L’appelante n’est pas d’accord. Elle dit que son employeuse n’a pas communiqué ses attentes clairement. Elle ajoute que l’obligation de se faire vacciner contre la COVID-19 n’était pas une politique.

[11] Je suis d’accord avec la Commission. Je constate que l’appelante a cessé de travailler en raison de la politique de l’employeuse sur la vaccination contre la COVID-19. J’utilise le mot « politique » parce que c’est ce qui décrit le mieux la façon dont l’employeuse a énoncé ses attentes en matière de vaccination.

[12] Même si l’appelante dit que son employeuse n’a pas fait connaître ses attentes d’une façon claire, je ne pense pas que la preuve au dossier d’appel appuie son argument. Il contient beaucoup de courriels entre l’employeuse et l’appelante, et je pense qu’ils démontrent que l’employeuse a clairement expliqué ses attentes.

[13] Par exemple, dans un courriel envoyé le 19 octobre 2021, l’employeuse a dit à l’appelante que chaque personne qu’elle employait devait démontrer qu’elle avait reçu au moins une dose de vaccin contre la COVID-19 au plus tard le 25 octobre 2021. Le courriel précise que l’employeuse mettrait les personnes en congé sans solde si elles ne présentaient pas une preuve de vaccination dans le délai fixé. Le courriel affirme aussi que l’employeuse congédierait toute personne qui n’aurait toujours pas présenté une preuve de vaccination au plus tard le 15 novembre 2021Note de bas page 1.

[14] L’appelante a cessé de travailler le 26 octobre 2021. Elle convient que son employeuse l’a congédiée quelques semaines plus tard. Ainsi, les dates où l’appelante a cessé de travailler concordent avec celles que l’employeuse a écrites dans les courriels qu’elle lui a fait parvenir. Cela me porte à croire que l’appelante a probablement cessé de travailler parce qu’elle n’a pas respecté la politique de l’employeuse sur la vaccination contre la COVID-19.

[15] De plus, le dossier d’appel ne contient aucun autre élément de preuve qui me porte à croire que l’employeuse a suspendu ou congédié l’appelante pour une autre raison. L’appelante ne m’a présenté aucun élément de preuve montrant qu’elle a cessé de travailler pour une autre raison que le non-respect de la politique de l’employeuse sur la vaccination contre la COVID-19.

[16] Je conclus donc que l’appelante a cessé de travailler en raison de la politique de son employeuse sur la vaccination contre la COVID-19. Je conclus que son employeuse l’a suspendue lorsqu’elle l’a placée en congé sans solde, puis qu’elle l’a congédiée quelques semaines plus tard. Mais la période de prestations de l’appelante débute le 5 décembre 2021, après son congédiement. Il me reste donc une chose à vérifier : si la raison de son congédiement est une inconduite au sens de la loi.

La raison du congédiement est-elle une inconduite au sens de la loi?

[17] Je juge que la raison pour laquelle l’appelante a été congédiée est une inconduite au sens de la loi.

[18] Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il faut que la conduite soit délibérée. En d’autres termes, elle doit être consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 2. L’inconduite comprend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas page 3. Il n’est cependant pas nécessaire que l’appelante ait eu une intention coupable (c’est‑à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas page 4.

[19] Il y a inconduite si l’appelante savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeuse et que la possibilité d’être renvoyée pour cette raison était bien réelleNote de bas page 5.

[20] La Commission doit prouver que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Autrement dit, elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas page 6.

[21] La Commission affirme que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle dit que l’appelante était au courant de la politique de son employeuse sur la vaccination contre la COVID-19 et savait qu’elle ne pourrait plus continuer à travailler si elle ne respectait pas la politique. Selon la Commission, l’appelante a agi de façon délibérée lorsqu’elle a décidé de ne pas suivre la politique de son employeuse.

[22] L’appelante n’est pas d’accord. Elle dit que la politique de son employeuse était illégale et violait les conditions de sa convention collective. Elle affirme que son employeuse ne peut pas la forcer à recevoir un traitement médical. Elle dit que son employeuse n’a pas communiqué ses attentes et les conséquences du non-respect de sa politique d’une façon claire.

[23] Je suis d’accord avec la Commission. Je juge que la raison pour laquelle l’appelante a perdu son emploi est une inconduite au sens de la loi.

[24] Je comprends que l’appelante fait valoir que son employeuse n’a pas communiqué clairement sa politique, ses attentes et les conséquences du non-respect de la politique. Mais je ne pense pas que la preuve au dossier d’appel appuie les arguments de l’appelante. Je juge que l’employeuse a clairement expliqué ses attentes et a clairement informé l’appelante des conséquences qui l’attendaient si elle ne suivait pas la politique.

[25] La Commission a inclus dans le dossier d’appel une copie de la politique de l’employeuse. La politique précise que les membres du personnel ne peuvent pas travailler sans présenter une preuve de vaccination contre la COVID-19 avant la date limite. Je pense que cela démontre manifestement que l’employeuse s’attendait à ce que l’appelante présente une preuve de vaccination dans le délai fixé. Je pense aussi que cela démontre que l’employeuse a dit à l’appelante qu’elle ne pourrait pas continuer à travailler si elle ne présentait pas une preuve de vaccination contre la COVID-19 avant la date limite.

[26] Et je pense que l’employeuse a expliqué ses attentes et les conséquences possibles d’une façon encore plus claire dans les courriels qu’elle a envoyés directement à l’appelante. Par exemple, dans un courriel envoyé le 19 octobre 2021, l’employeuse a avisé l’appelante que les personnes qui ne présenteraient pas leur preuve de vaccination contre la COVID-19 au plus tard le 26 octobre 2021 seraient placées en congé sans solde, puis qu’elles seraient congédiées le 15 novembre 2021. Je pense que ce passage explique clairement les attentes de l’employeuse et les conséquences prévues. Je conclus donc que l’appelante aurait raisonnablement dû savoir qu’elle perdrait son emploi si elle ne donnait pas à son employeuse une preuve de vaccination dans le délai fixé.

[27] L’appelante a présenté de nombreux arguments sur la question de savoir si la politique de l’employeuse était équitable ou si l’employeuse avait enfreint les conditions de sa convention collective en adoptant une politique de vaccination contre la COVID-19. Toutefois, la jurisprudence dit que je ne peux pas tenir compte des faits et gestes de l’employeuse. Je ne peux pas décider si l’employeuse a agi de façon équitable ou si elle a violé les dispositions de la convention collective. Je peux examiner uniquement les gestes posés par l’appelante et décider si la raison pour laquelle elle a cessé de travailler constitue une inconduite au sens de la loiNote de bas page 7.

[28] Et je juge que la raison pour laquelle l’appelante a perdu son emploi est une inconduite au sens de la loi. Voici pourquoi :

  • Je juge que l’employeuse de l’appelante a clairement expliqué ses attentes aux termes de sa politique sur la COVID-19. Elle a dit à l’appelante qu’elle s’attendait à ce que cette dernière présente une preuve de vaccination contre la COVID-19 à la date limite.
  • L’employeuse a clairement expliqué les conséquences que subirait l’appelante si elle ne respectait pas la politique. L’employeuse lui a dit qu’elle la placerait en congé sans solde avant de la congédier. Par conséquent, je juge que l’appelante aurait raisonnablement dû savoir qu’elle perdrait son emploi si elle ne suivait pas la politique.
  • L’appelante n’a pas donné à l’employeuse une preuve de vaccination contre la COVID-19 avant la date limite. L’appelante a pris cette décision de façon délibérée.
  • Le non-respect de la politique de son employeuse sur la vaccination contre la COVID-19 était la seule raison pour laquelle l’appelante a perdu son emploi.

[29] Je conclus donc que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la loi.

Conclusion

[30] Je rejette l’appel. Je conclus que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la loi. Par conséquent, elle ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi à compter du 5 décembre 2021.

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