Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : TE c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 542

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : T. E.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (489380) datée du 22 août 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Solange Losier
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience  : Le 12 janvier 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Témoin de l’appelant
Date de la décision : Le 9 février 2023
Numéro de dossier : GE-22-2951

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui a causé cela). Par conséquent, le prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploiNote de bas page 1.

Aperçu

[3] T. E. est le prestataire dans la présente affaire. Il a travaillé comme gestionnaire pour une entreprise nationale de messagerie pendant environ 16 ans. L’employeur l’a mis en congé sans solde parce qu’il n’a pas respecté la politique sur la COVID-19 au travail. Le prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance‑emploiNote de bas page 2.

[4] La Commission a décidé que le prestataire n’était pas admissible aux prestations régulières d’assurance-emploi parce qu’il a été suspendu et qu’il a perdu son emploi en raison de sa propre inconduiteNote de bas page 3.

[5] Le prestataire n’est pas d’accord avec la décision de la Commission et la politique de l’employeurNote de bas page 4. Il n’a pas été congédié de son emploi. Il soutient que sa conduite n’était pas une inconduite et que l’employeur a enfreint plusieurs lois en imposant la politique.

[6] Le prestataire convient qu’il ne s’est pas conformé à la politique, mais il a de graves problèmes de santé et d’autres raisons pour ne pas l’avoir fait. De plus, il était prêt à faire des tests antigéniques contre la COVID-19, mais cette option n’était plus disponible.

Questions que je dois examiner en premier

Une conférence préparatoire a eu lieu

[7] Cette affaire devait d’abord être instruite par téléconférenceNote de bas page 5. Toutefois, le prestataire a écrit au Tribunal pour demander que sa cause soit entendue en personneNote de bas page 6. J’ai organisé une conférence préparatoire pour discuter des dates d’audience possibles près de la région où il habitaitNote de bas page 7. Le prestataire et la Commission ont assisté à la conférence préparatoireNote de bas page 8.

[8] Lors de la conférence préparatoire, j’ai dit au prestataire et à la Commission que la date initiale de l’audience par téléconférence devrait être reportée à une autre date pour une audience en personne. Le prestataire a expliqué qu’il ne voulait pas attendre une date d’audience en personne. Il a demandé de conserver sa date d’audience initiale, mais de la convertir en vidéoconférenceNote de bas page 9. La Commission a également accepté de procéder à une vidéoconférence.

[9] L’audience a donc eu lieu le jour de l’audience initiale, mais par vidéoconférenceNote de bas page 10.

Charte canadienne des droits et libertés

[10] Le Tribunal a un processus différent pour les appels fondés sur la CharteNote de bas page 11. À l’audience, le prestataire a confirmé qu’il ne soulevait pas d’arguments fondés sur la Charte, même si certains d’entre eux faisaient partie de ses arguments écritsNote de bas page 12. Comme le prestataire ne soulève pas d’arguments fondés sur la Charte, l’audience s’est déroulée de façon régulière.

Le prestataire a déposé des documents après l’audience

[11] À l’audience, le prestataire a dit avoir reçu deux lettres de son employeur, l’une en novembre 2021 et l’autre en janvier 2022. Comme ces lettres ne faisaient pas partie du dossier, j’ai demandé au prestataire de les soumettre après l’audience parce qu’elles pourraient être pertinentes pour son affaire.

[12] Le prestataire a déposé la lettre de novembre 2021 et a écrit qu’il ne trouvait pas l’autre lettreNote de bas page 13. Peu de temps après, il est retourné au Tribunal pour dire qu’il avait trouvé [la lettre] de janvier 2022. J’ai examiné les lettres qu’il a présentées. Elles ont été ajoutées au dossier et envoyées à la CommissionNote de bas page 14. Aucune réponse de la Commission n’avait été reçue à la date de la rédaction de la présente décision.

Question en litige

[13] Le prestataire a-t-il été suspendu et congédié en raison d’une inconduite?

Analyse

[14] La loi prévoit qu’une personne ne peut pas recevoir de prestations régulières d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite. Cela s’applique peu importe si l’employeur a congédié ou suspendu la personneNote de bas page 15.

[15] Je dois décider deux choses. D’abord, je dois établir pour quelle raison le prestataire a cessé de travailler. Ensuite, je dois vérifier si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il cessé de travailler?

[16] Je conclus que le prestataire a été mis en congé sans solde (suspendu) à compter du 10 janvier 2022 parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de l’employeur. Plus précisément, il n’était pas entièrement vacciné contre la COVID-19 à la date limite du 31 décembre 2021.

[17] Le prestataire a déclaré que son dernier jour de travail était le 7 janvier 2022. Le congé sans solde a été imposé par l’employeur, alors il n’avait pas le choix. Il ne pouvait pas continuer à travailler, même s’il le voulait. Lors de son dernier jour de travail, il a nettoyé son bureau, pris ses effets personnels et dit au revoir à ses collègues.

[18] Je ne conclus pas que le prestataire a été congédié de son emploi. J’estime que son témoignage est crédible lorsqu’il dit qu’il n’a jamais été congédié de son emploi. Le relevé d’emploi au dossier indique « congédiement ou suspension » et le dernier jour payé était le 7 janvier 2022Note de bas page 16. Une lettre de son employeur datée du 14 mars 2022 indique que le prestataire est toujours en congé sans soldeNote de bas page 17.

La raison de la suspension du prestataire est-elle une inconduite au sens de la loi?

[19] La Loi sur l’assurance-emploi ne précise pas ce qu’est une inconduite. Cependant, la jurisprudence (décisions des cours et des tribunaux) nous montre comment établir si le congédiement du prestataire constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle énonce le critère juridique de l’inconduite, c’est-à-dire les questions et les critères à prendre en considération lors de l’examen de la question de l’inconduite.

[20] Selon la jurisprudence, pour être considérée comme une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 18. L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas page 19.

[21] Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas page 20.

[22] Il y a inconduite si la partie prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une possibilité réelle qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas page 21.

[23] La loi ne dit pas que je dois tenir compte du comportement de l’employeurNote de bas page 22. Je dois plutôt me concentrer sur ce que le prestataire a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 23.

[24] Je dois me concentrer uniquement sur la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas décider si le prestataire a d’autres options au titre d’autres lois. Il ne m’appartient pas de décider si le prestataire a été congédié à tort ou si l’employeur aurait dû prendre des dispositions raisonnables pour le prestataireNote de bas page 24 (lui offrir des mesures d’adaptation).

[25] Je peux seulement examiner une chose : si ce que le prestataire a fait ou omis de faire est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[26] La Commission doit prouver que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduiteNote de bas page 25.

La « politique sur la COVID-19 visant à rendre les lieux de travail plus sécuritaires »

Le prestataire m’a parlé de la politique

[27] J’ai demandé au prestataire de me parler de la politique au travail et de ce qui était attendu.

[28] Le prestataire a dit que l’employeur avait communiqué la politique aux membres du personnel vers septembre 2021. Ceux-ci devaient attester leur statut vaccinal. Le prestataire avait certaines préoccupations à ce sujet, mais il s’y est conformé en attestant qu’il n’était pas vacciné contre la COVID-19.

[29] Le prestataire a expliqué que les membres du personnel du bureau de Montréal étaient également obligés de faire des tests antigéniques de dépistage de la COVID-19 aux deux semaines à compter du 8 novembre 2021. Toutefois, la politique a changé et les membres du personnel devaient maintenant être entièrement vaccinés contre la COVID-19 au plus tard le 31 décembre 2021. Il était déçu que l’option de dépistage ne soit plus disponible à compter du 29 novembre 2021.

[30] Le prestataire savait que la politique prévoyait des exemptions pour des raisons médicales et religieuses. Il a demandé une exemption pour des raisons médicales, mais l’employeur a refuséNote de bas page 26.

[31] Le prestataire est un chrétien né de nouveau et il est actif au sein de son église. Il affirme avoir demandé une exemption à son employeur en raison de ses croyances, mais l’employeur n’a jamais répondu et il a traité sa demande comme une « note » au lieu d’une « lettre officielle »Note de bas page 27. Il a présenté au Tribunal des renseignements provenant de la Liberty Coalition Canada qui ont ciblé divers versets religieuxNote de bas page 28.

La politique originale et révisée au dossier

[32] J’ai examiné la politique au dossier. La politique initiale a été publiée le 15 septembre 2021Note de bas page 29. La politique a ensuite été révisée et émise par l’employeur le 13 octobre 2021Note de bas page 30.

[33] J’ai résumé les parties de la politique révisée que j’ai jugées pertinentes (c’est moi qui souligne). Je remarque que les pages 2 et 6 de la politique révisée étaient manquantes.

  1. a) L’employeur s’est engagé à assurer un milieu de travail sécuritaire et sain dans le cadre de ses obligations légales au titre du Code canadien du travailNote de bas page 31. Pour cette raison, ils veulent décourager la transmission du virus de la COVID-19 et prévenir les répercussions néfastes au travail et dans la collectivité en généralNote de bas page 32.
  2. b) L’employeur a souligné que, selon les directives médicales actuelles et l’orientation du gouvernement fédéral, il met en œuvre la politique exigeant que toutes les personnes visées par la politique soient vaccinées contre la COVID-19.
  3. c) Après le 31 décembre 2021, si un membre du personnel n’est pas vacciné et n’a pas une exemption approuvée pour des raisons médicales ou religieuses, il sera considéré comme contrevenant à la politique et il sera placé en congé sans soldeNote de bas page 33.
  4. d) Les membres du personnel peuvent présenter une demande d’exemption et de mesures d’adaptation s’ils ne peuvent pas se faire vacciner contre la COVID-19 en raison d’une invalidité, de leur religion ou pour tout autre motif reconnu par la Loi canadienne sur les droits de la personneNote de bas page 34.
  5. e) Toutes les demandes de mesures d’adaptation seront examinées au cas par cas et doivent inclure suffisamment de renseignements pour répondre aux besoins en matière de mesures d’adaptation, ainsi que le « Formulaire de demande de mesures d’adaptation ».

[34] J’ai aussi examiné la version précédente de la politiqueNote de bas page 35. Elle exigeait que les membres du personnel attestent leur statut vaccinal au plus tard le 20 septembre 2021 et qu’ils soient entièrement vaccinés au plus tard le 1er octobre 2021Note de bas page 36. Elle prévoyait des exemptions fondées sur la Loi canadienne sur les droits de la personne. Elle exigeait également que les membres du personnel fassent des tests de dépistage de la COVID-19 pendant la période de transition. Elle affirme que le non-respect des recommandations entraînerait un congé sans soldeNote de bas page 37. Le prestataire a également fourni des renseignements supplémentaires sur les exigences liées aux testsNote de bas page 38.

Témoin du prestataire

[35] Le prestataire a invité une témoin à l’audience pour appuyer sa cause. Le témoin a dit qu’il travaille comme pharmacien. Il a parlé de la vaccination contre la COVID-19 et de la pandémie en général, de la politique de l’employeur et de la façon dont le prestataire ne pouvait pas s’y conformer pour des raisons médicales.

[36] La témoin a également souligné que c’est seulement dans de rares circonstances qu’un médecin peut fournir une lettre d’exemption médicaleNote de bas page 39. Il a expliqué que le prestataire voulait protéger son lieu de travail, mais pas au détriment de sa santé. Il a souligné que le prestataire était toujours prêt à se soumettre à des tests de dépistage comme solution de rechange à la vaccination.

La conduite du prestataire était une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi

[37] La Commission a prouvé qu’il y a eu une inconduite pour les raisons suivantes.

La politique a été communiquée au prestataire

[38] Je conclus que la politique a été communiquée au prestataire dès septembre 2021 et qu’il a eu suffisamment de temps pour s’y conformer. La date limite pour être entièrement vacciné (sauf exemption) était le 31 décembre 2021.

[39] J’admets que le prestataire s’est conformé à certaines parties de la politique originale (15 septembre 2021). Plus précisément, le prestataire a attesté son statut vaccinal avant la date limite et il a subi les tests de dépistage de la COVID-19 requis pendant la période de transition. Ce fait n’est pas contesté entre les parties.

Le prestataire ne s’est pas conformé à l’exigence d’être entièrement vacciné

[40] Je conclus que le prestataire n’a pas respecté l’exigence d’être entièrement vacciné contre la COVID-19 avant la date limite prolongée du 31 décembre 2021. C’est ce qui l’a amené à être mis en congé sans solde le 10 janvier 2022.

La conduite du prestataire était une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi

[41] Je conclus que le prestataire a volontairement et consciemment choisi de ne pas se conformer à la politique pour des raisons personnelles. Il a réfléchi à la question de savoir s’il devait s’y conformer ou non, puis il a fait le choix conscient de ne pas s’y conformer, ce qui était délibéré.

[42] La Cour d’appel fédérale a déjà déclaré qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 40.

Le prestataire n’était pas exempté de la politique

[43] La politique prévoyait des exemptions fondées sur l’invalidité, la religion ou tout autre motif reconnu par la Loi canadienne sur les droits de la personneNote de bas page 41.

[44] Le prestataire m’a parlé de ses antécédents médicaux. Il a parlé d’importants défis médicaux auxquels il a été confronté et des difficultés qu’il a eues. Il était très inquiet de se faire vacciner contre la COVID-19, compte tenu de ses préoccupations liées à la santé.

[45] Le prestataire a essayé d’obtenir une lettre d’exemption médicale de son chirurgien et oncologue, mais il n’a pas pu en obtenir une. Il a fourni au Tribunal des documents médicaux pour prouver que ses problèmes de santé étaient gravesNote de bas page 42.

[46] Le prestataire a demandé une exemption médicale à son employeurNote de bas page 43. Toutefois, l’employeur a rejeté cette demande le 6 janvier 2022, soit peu de temps avant qu’il soit mis en congé sans solde le 10 janvier 2022Note de bas page 44.

[47] Je reconnais que le refus d’exemption de l’employeur aurait pu être plus rapide parce qu’une fois que le prestataire a été avisé que sa demande d’exemption médicale avait été rejetée, il a été placé en congé sans solde quelques jours plus tard. À mon avis, cela ne lui a pas donné beaucoup de temps pour se conformer à la politique après qu’il a été informé du refus.

[48] Malgré cela, je conclus que si le prestataire avait eu l’intention de se conformer à la politique, il aurait pu demander une prolongation à l’employeur avant d’être mis en congé sans solde. Rien ne laisse croire que le prestataire avait l’intention de se conformer à la politique parce que ses préoccupations médicales étaient la principale raison de ne pas s’y conformer. Par exemple, son refus de se conformer n’était pas attribuable à un manque de temps pour s’y conformer après avoir été informé du refus d’exemption.

[49] Je remarque que l’employeur a envoyé une lettre au prestataire en mars 2022 lui disant qu’il pouvait fournir une preuve de vaccination au plus tard le 28 mars 2022Note de bas page 45. Cela montre qu’on lui a accordé un délai supplémentaire pour se conformer, même après que le congé sans solde a commencé. De plus, le prestataire n’a pas été congédié de son emploi jusqu’à maintenant, alors il est possible qu’il puisse quand même aviser son employeur de son intention de s’y conformer, s’il choisit de le faire.

[50] Je reconnais que le prestataire a dit qu’il avait présenté une demande d’exemption fondée sur ses croyances et qu’il n’avait reçu aucune réponse de l’employeur.

[51] Le dossier montre une lettre non datée que le prestataire a présentée à son employeur pour demander des [traduction] « mesures d’adaptation raisonnables » en raison de ses préoccupations médicalesNote de bas page 46. La lettre ajoute qu’il croit que [traduction] « le mandat de vaccination est discriminatoire selon mes croyances » et qu’il [traduction] « ne devrait pas être traité différemment ni faire l’objet de discrimination si je choisis de ne pas me faire vacciner pour le moment ».

[52] Premièrement, la politique prévoit que les demandes de mesures d’adaptation doivent contenir suffisamment de renseignements sur le besoin de mesures d’adaptation ainsi que le « Formulaire de demande de mesures d’adaptation ». Je ne sais pas si le prestataire a rempli le formulaire requis ou s’il a fourni suffisamment de renseignements pour que l’employeur puisse lui fournir une réponse. La demande initiale qu’il a présentée disait simplement qu’il se sentait victime de discrimination fondée sur ses croyancesNote de bas page 47.

[53] Deuxièmement, la lettre de suivi du prestataire au sujet de sa demande d’exemption médicale ne fait aucune mention de son intention de demander une exemption fondée sur ses croyancesNote de bas page 48. Il réitère les raisons médicales pour lesquelles il ne peut pas se conformer à la politique et demande à son employeur de lui fournir une réponse le plus rapidement possible.

[54] Compte tenu de ce qui précède, je n’ai pas été convaincue que le prestataire a présenté une demande d’exemption fondée sur ses croyances. Bien qu’il allègue une discrimination fondée sur ses croyances, ce n’est pas la même chose que de présenter une demande de mesures d’adaptation fondée sur la croyance. Même s’il avait eu l’intention de le faire, rien ne laissait croire qu’il avait fait un suivi auprès de son employeur pour voir si celui-ci avait pris une décision.

[55] Par conséquent, je conclus que le prestataire n’a pas prouvé qu’il était exempté de la politique pour des raisons médicales ou en raison de ses croyances. Le prestataire était obligé de se conformer à la politique ou de risquer les conséquences (c.-à-d., un congé sans solde).

Le prestataire connaissait les conséquences de la non-conformité

[56] Je conclus que le prestataire savait ou aurait dû savoir que s’il ne se conformait pas à la politique à la date limite du 31 décembre 202, il serait mis en congé sans solde. À l’audience, le prestataire a reconnu qu’il était au courant des conséquences. Il a dit qu’il y avait un risque de congédiement, mais que cela ne s’était pas encore produit.

[57] Le 10 décembre 2021, le prestataire a reçu un avertissement écrit de son employeur l’avisant que s’il ne se conformait pas à la politique, il serait mis en congé sans solde le 10 janvier 2022Note de bas page 49.

Qu’en est-il des autres arguments du prestataire?

[58] À l’audience, le prestataire a présenté d’autres arguments, dont certains se trouvent ci-dessous.

Autre affaire du Tribunal de la sécurité sociale

[59] Le prestataire a fait référence à une décision récente du Tribunal de la sécurité socialedans laquelle un autre prestataire a perdu son emploi et s’est vu accorder des prestations d’assurance-emploi après que l’employeur a instauré une politique de vaccination contre la COVID-19Note de bas page 50.

[60] J’ai examiné l’affaire, mais je juge qu’elle ne s’applique pas à la présente affaire parce que les faits sont complètement différents.

[61] Par exemple, cette personne a seulement été avisée verbalement de la politique quelques jours avant d’être congédiée. Elle n’avait aucune chance de se conformer à la politique et elle n’a même pas eu l’occasion de savoir s’il y avait des exemptions à la politique ou de connaître les conséquences de la non-conformité.

[62] Toutefois, les faits dans la présente affaire montrent que le prestataire a été informé de la politique bien à l’avance et qu’il a eu beaucoup de temps pour s’y conformer. Il connaissait également les conséquences de la non-conformité.

Une affaire récente de la Cour fédérale

[63] Récemment, la Cour fédérale a rendu une décision au sujet d’une affaire semblable concernant une politique de vaccination, une inconduite et des prestations d’assurance-emploiNote de bas page 51. Le demandeur a présenté des arguments semblables à ceux de la présente affaire, mais ils ont été rejetés par la Cour fédérale (c.-à-d., que la demande de contrôle judiciaire a été rejetée).

[64] Dans l’arrêt Cecchetto, la Cour fédérale a déclaré ce qui suit :

[traduction]
par. 46 : Comme je l’ai mentionné plus haut, il est probable que le demandeur trouvera ce résultat frustrant, car mes motifs ne traitent pas des questions juridiques, éthiques et factuelles fondamentales qu’il soulève. En effet, bon nombre de ces questions dépassent tout simplement la portée de la présente affaire. Il n’est pas déraisonnable qu’une personne qui rend une décision omette d’aborder des arguments juridiques qui ne relèvent pas de son mandat juridique.

par. 47 : La division générale du Tribunal de la sécurité sociale et la division d’appel ont un rôle important, mais restreint et précis à jouer dans le système juridique. Dans la présente affaire, ce rôle consistait à établir pourquoi le demandeur avait été congédié de son emploi et si ce motif constituait une « inconduite ».

[65] La décision Cecchetto confirme que la portée du Tribunal de la sécurité sociale est limitée. Ainsi, même si le prestataire demande au Tribunal de la sécurité sociale de prendre la [traduction] « bonne décision éthique » et de tenir compte de l’innocuité et de l’efficacité du vaccin contre la COVID-19, de l’intégrité physique et de la responsabilité vaccinale, ce n’est pas à moi de décider. Le prestataire est libre de poursuivre ces demandes particulières et les réparations qu’il souhaite obtenir auprès d’autres tribunaux ou cours où ces questions peuvent être traitées.

[66] Je reconnais que le prestataire me demande également de décider si la politique était raisonnable, compte tenu de sa situation particulière et de ses antécédents médicauxNote de bas page 52. Je comprends qu’il s’attendait à ce que son employeur approuve sa demande d’exemption. Toutefois, la Cour fédérale a déjà décidé que je n’ai pas le pouvoir de décider si la politique était raisonnable, si le prestataire aurait dû recevoir des mesures d’adaptation de la part de l’employeur ou si la pénalité imposée par l’employeur aurait dû être différenteNote de bas page 53.

[67] Je suis liée par les décisions rendues par la Cour fédérale. L’inconduite délibérée comprend une conduite consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 54. Par conséquent, si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il existait une possibilité réelle qu’il soit suspendu ou congédié pour cette raison, il s’agit d’une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 55. Voilà le critère juridique que je dois appliquer.

[68] Je reconnais que le prestataire n’avait pas d’intention coupable dans la présente affaire. Il est clair qu’il avait des raisons médicales sérieuses de ne pas vouloir se faire vacciner contre la COVID-19. Cependant, il s’agit tout de même d’une inconduite parce qu’il n’a pas obtenu d’exemption approuvée et qu’il a consciemment choisi de ne pas se conformer à la politique pour des raisons personnellesNote de bas page 56.

Le prestataire a-t-il donc été suspendu en raison d’une inconduite?

[69] Selon mes conclusions précédentes, je juge que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. En effet, ses actions ont mené à sa suspension. Il a agi délibérément. Il savait que le refus de se faire vacciner allait probablement entraîner sa fin d’emploi.

Conclusion

[70] La Commission a prouvé que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite. Pour cette raison, il est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas page 57.

[71] Par conséquent, l’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.