Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MH c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 552

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Appelante : M. H.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance emploi du Canada (512635) datée du 1er septembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Marc St-Jules
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience  : Le 5 janvier 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 2 février 2023
Numéro de dossier : GE-22-3241

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Décision

[1] L’appel est rejeté sous réserve de modification. Je suis en désaccord avec l’appelante (prestataire).

[2] J’explique la modification ci-après. Auparavant, la prestataire était inadmissible à partir du 17 octobre 2021. Selon la nouvelle décision, la prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations du 17 octobre 2021 au 25 mars 2022Note de bas page 1. Cette période correspond à sa suspension. Une autre partie de cette modification est qu’à partir du 28 mars 2022 la prestataire est exclue du bénéfice des prestations en raison de son licenciementNote de bas page 2.

[3] La Commission de l’assurance‑emploi du Canada (Commission) a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). La prestataire est donc inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

Aperçu

[4] La prestataire a d’abord été suspendue de son emploi, puis congédiée. Son employeur a dit à la Commission que la prestataire avait été suspendue sans solde parce qu’elle était allée à l’encontre de sa politique de vaccination : elle a refusé de se faire vacciner.

[5] La prestataire convient que c’est la raison pour laquelle elle ne travaille plus. Toutefois, elle ne convient pas qu’il s’agit d’une inconduite.

[6] La Commission a accepté le motif de suspension invoqué par l’employeur. La prestataire savait ou aurait dû savoir que l’une des conséquences de son refus de se faire vacciner était le congé sans solde. La Commission a jugé que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. C’est la raison pour laquelle la Commission a décidé que la prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

Question en litige

[7] La prestataire a‑t‑elle perdu son emploi en raison de son inconduite?

Analyse

[8] Selon la loi, le prestataire ne peut pas recevoir de prestations d’assurance‑emploi s’il perd son emploi en raison d’une inconduite. Cette règle s’applique lorsque l’employeur a congédié ou suspendu le prestataireNote de bas page 3.

[9] L’employé qui perd son emploi en raison d’une « inconduite » n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi; dans ce contexte, le terme « inconduite » désigne la violation par l’employé d’une règle d’emploi.

[10] Pour décider si la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois trancher deux questions. D’abord, je dois établir pourquoi la prestataire a perdu son emploi. Je dois ensuite décider si ce motif constitue une inconduite selon la loi.

Pourquoi la prestataire a‑t‑elle perdu son emploi?

[11] Je conclus que la prestataire a été mise en congé obligatoire et sans solde le 19 octobre 2021, puis a été congédiée le 28 mars 2022. Cela s’explique par le fait qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination de son employeur.

[12] La Commission affirme que l’employeur de la prestataire l’a mise en congé sans solde (suspension) à compter du 19 octobre 2021 parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination. L’employeur l’a ensuite congédiée le 28 mars 2022, car elle ne se conformait toujours pas à la politique. L’employeur avait informé la prestataire qu’elle serait congédiée si elle continuait de ne pas se conformer à la politique de vaccination.

[13] La prestataire convient que c’est la raison pour laquelle elle ne travaille plus là. Toutefois, elle n’est pas d’accord pour dire qu’il s’agit d’une inconduite et qu’elle devrait avoir droit à l’assurance-emploi.

Le motif de la suspension de la prestataire est‑il une inconduite au sens de la loi?

[14] Oui. Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite. Voici ce que j’ai pris en compte.

Que signifie l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi?

[15] La Loi sur l’assurance-emploi (Loi) ne précise pas ce qu’est une inconduite. Cependant, la jurisprudence (décisions des tribunaux judiciaires et administratifs) nous montre comment déterminer si la suspension de la prestataire constitue une inconduite au sens de la Loi. Elle énonce le critère juridique applicable à l’inconduite, à savoir les questions et les critères à prendre en considération dans l’examen de la question de l’inconduite.

[16] D’après la jurisprudence, pour constituer une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 4. L’employé qui perd son emploi en raison d’une « inconduite » n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi; dans ce contexte, le terme « inconduite » désigne la violation par l’employé d’une règle d’emploi. La Cour d’appel fédérale a affirmé que « l’acte fautif devait avoir été posé, ou l’omission répréhensible faite, volontairement, c’est-à-dire consciemment, délibérément ou intentionnellementNote de bas page 5 ».

[17] L’inconduite doit aussi être une conduite d’une insouciance qui frôle le caractère délibéréNote de bas page 6. Il n’est pas nécessaire que la prestataire ait une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle a voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas page 7.

[18] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’elle soit congédiéeNote de bas page 8.

[19] La loi ne dit pas que je dois tenir compte de la façon dont l’employeur s’est comportéNote de bas page 9. Je dois plutôt me concentrer sur ce que la prestataire a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir si cela équivaut à une inconduite au sens de la LoiNote de bas page 10.

[20] Je dois me concentrer uniquement sur la Loi. Je ne peux rendre aucune décision quant à savoir si la prestataire a d’autres options au titre d’autres lois. Il ne m’appartient pas de me prononcer sur la question de savoir si la prestataire a été suspendue à tort ou si l’employeur aurait dû adopter des mesures raisonnables (mesures d’adaptation) à son égardNote de bas page 11. Je ne peux examiner qu’une chose : la question de savoir si ce que la prestataire a fait ou a omis de faire constitue une inconduite au sens de la Loi.

[21] La Commission doit prouver que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas page 12.

Ce que disent la Commission et la prestataire

[22] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’employeur avait une politique de vaccination qui prévoit le congé sans solde et le licenciement des personnes qui ne s’y conforment pas.
  • L’employeur a communiqué la politique à tout le personnel.
  • L’employeur a informé la prestataire en des termes clairs de ses attentes concernant la vaccination.
  • La prestataire savait ou aurait dû savoir ce qui se passerait si elle ne respectait pas la politique.

[23] Au cours de l’audience, la prestataire a convenu de ce qui précède. La seule exception est le fait qu’elle savait ce qui se passerait si elle ne respectait pas la politique de vaccination. À cet égard, elle soutient qu’elle croyait que ses droits fondamentaux l’emporteraient et que des mesures d’adaptation pour des motifs religieux lui seraient accordées. Pour cette raison, la prestataire soutient qu’elle n’avait aucune raison de croire qu’elle risquait de perdre son emploi.

[24] Elle a convenu que la politique a été mise en œuvre et communiquée, et qu’elle pouvait entraîner une suspension ou un licenciement. Cependant, la prestataire ne convient pas qu’il s’agissait d’une inconduite. Elle n’aurait pas dû être mise en congé sans solde et n’aurait pas dû être congédiée.

[25] La prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite pour les motifs suivants :

  • Elle n’a jamais refusé de se conformer à la politique. Elle a demandé une mesure d’adaptation fondée sur les protections prévues par le Code des droits de la personne de l’Ontario, laquelle lui a été refusée.
  • À la suite du rejet initial par l’employeur de sa demande d’exemption, elle a présenté une demande de mesure d’adaptation temporaire. Elle l’a fait, car elle était disposée à prendre un nouveau vaccin qui devrait être disponible bientôt puisqu’il était envoyé pour approbationNote de bas page 13. La demande a été rejetée aussi.
  • Elle est demeurée disponible selon les mêmes modalités aux termes desquelles elle a été embauchée.
  • L’article 11 de la Loi sur le consentement aux soins de santé énonce les éléments requis pour le consentement qui devraient s’appliquer en l’espèce.
  • Section 7.1.0 du GuideNote de bas page 14. L’inconduite fait référence à des actions malveillantes de la part d’un employéNote de bas page 15.
  • Section 7.2.3.1 du Guide. Lorsqu’il y a une question d’exclusion et que la preuve semble équivalente, il convient d’accorder le bénéfice du doute au prestataireNote de bas page 16.
  • Section 7.2.5 du Guide. « […] pour constituer une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi, les gestes doivent être intentionnels ou négligents au point de constituer un manquement à une obligation découlant explicitement ou implicitement du contrat d’emploi; sinon, il n’y a pas d’inconduiteNote de bas page 17 ».
  • Section 7.3.4 du Guide. Dérogation aux règlements. Un employeur a le droit de fixer des règles pourvu qu’elles respectent les exigences définies par la loi ou la convention collectiveNote de bas page 18.

[26] La Cour d’appel fédérale a affirmé que le Tribunal n’a pas à décider si la politique de l’employeur était raisonnable. Je ne peux pas non plus déterminer si le congédiement ou la suspension d’un prestataire était justifié. Le Tribunal doit déterminer si la conduite de la prestataire constituait une inconduite au sens de la LoiNote de bas page 19.

[27] Le même principe des paragraphes précédents s’applique aux croyances religieuses et à leurs exemptions. Je ne peux examiner qu’une chose : la question de savoir si ce que la prestataire a fait ou a omis de faire constitue une inconduite au sens de la Loi. Le fait que l’employeur lui ait refusé ses exemptions religieuses n’est pas une question sur laquelle le Tribunal a autorité. Un tribunal compétent, la convention collective ou une cour de justice sont les recours dont elle dispose.

[28] Je ne peux pas tenir compte de la Loi sur le consentement aux soins de santé. Je suis limité à la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne suis pas en mesure de prendre en compte d’autres lois ou contrats. Ceux-ci ne relèvent pas de ma compétence. Voir le paragraphe 11.

[29] La prestataire affirme que le seuil de l’inconduite n’a pas été atteint étant donné qu’elle a tout fait pour se conformer. Je reconnais que la prestataire n’a jamais eu d’intention fautive. Rien dans le dossier ne le donne à penser et je suis convaincu que c’est le cas. Toutefois, les tribunaux ont décidé au fil des ans qu’une personne n’a pas à avoir une intention fautive pour qu’il y ait inconduiteNote de bas page 20. Il suffit que la conduite soit consciente, voulue ou intentionnelle.

[30] Le Guide ne lie pas le Tribunal, mais peut servir de guide d’interprétationNote de bas page 21, si et quand le texte de la Loi ou la jurisprudence n’est pas clair sur un point en particulier. Les tribunaux ont déterminé qu’il ne peut avoir pour effet d’annuler l’interprétation reconnue d’un article de la LoiNote de bas page 22.

[31] La section 7.1.0 du Guide est l’introduction du Chapitre 7 – Inconduite. On peut y lire : « L’inconduite réfère de façon générale à des actions malveillantes de la part d’une personne employée […] ». Je reconnais qu’il dise ceci. Toutefois, les tribunaux ont déclaré qu’une mauvaise intention n’est pas requise comme je l’ai mentionné précédemment. Je reconnais que la prestataire n’a jamais eu de mauvaise intention. Rien dans le dossier ne le laisse croire. Pour cette raison, je ne trouve pas cet argument convaincant.

[32] La section 7.2.3.1 du Guide porte sur le bénéfice du doute et l’appréciation de la preuveNote de bas page 23. Elle explique que lorsqu’il existe des déclarations ou des éléments de preuve contradictoires, il convient d’accorder le bénéfice du doute au prestataire lorsque les éléments de preuve semblent équivalents. En l’espèce, il existe une preuve non contestée selon laquelle la prestataire a été informée de la politique, qu’elle était au courant de la politique et qu’elle a pris la décision consciente de ne pas s’y conformer. Pour cette raison, je ne trouve pas cet argument convaincant.

[33] La section 7.2.5 du Guide mentionne que pour constituer une [traduction] « inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi, les gestes doivent être intentionnels ou (mis en évidence par le soussigné) négligents au point de constituer un manquement à une obligation découlant […] ». Je conviens que la prestataire n’a pas été négligente en l’espèce, mais sa décision était intentionnelle. Elle savait ou aurait dû savoir qu’elle serait mise en congé sans solde et risquait d’être congédiée si elle ne se conformait pas à la politique de vaccination.

[34] La section 7.3.4 du Guide dit qu’un « employeur a le droit de fixer les règles qui circonscrivent le lien d’emploi, pour autant qu’il respecte les exigences définies par la loi (par exemple les lois du travail ou d’immigration provinciales et fédérales) et celles qui relèvent de la convention collective ». Je suis d’accord. Toutefois, si un employeur fixe une règle qui contrevient à l’une ou l’autre de ces exigences, le recours dont dispose l’employé est exercé par l’intermédiaire du moyen approprié. Il peut s’agir d’un autre tribunal, d’une cour de justice ou d’un grief syndical. Le Tribunal n’a pas compétence pour examiner cette question.

[35] De plus, la Cour d’appel fédérale affirme que l’analyse de l’inconduite met l’accent sur le comportement de la partie prestataire. La possibilité que les droits de la partie prestataire visés par une autre loi aient été violés n’est pas un facteur pertinentNote de bas page 24. C’est une autre raison pour laquelle je ne crois pas que la section 7.3.4 du Guide soit convaincante.

[36] La prestataire m’a également renvoyé à une décision récente du Tribunal (que j’appellerai la décision AL), dans laquelle un membre du Tribunal a infirmé la conclusion d’inconduite de la Commission et a déclaré que la prestataire (AL) n’était pas inadmissible aux prestations d’assurance-emploiNote de bas page 25. La prestataire a fait valoir que je devrais suivre la décision AL.

[37] Les faits dans l’affaire AL sont semblables à ceux de la prestataire en ce sens que AL travaillait dans un hôpital et qu’elle a été suspendue puis congédiée pour non-respect de la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur.

[38] Je ne suis pas lié par les autres décisions des membres du Tribunal. Toutefois, je peux m’appuyer sur elles pour me guider si je les trouve convaincantes et utilesNote de bas page 26.

[39] Je ne crois pas que la décision AL soit convaincante. Je ne la suivrai pas. Cela s’explique par le fait que la décision AL va à l’encontre de la jurisprudence obligatoire de la Cour fédérale concernant l’inconduite.

[40] Le Tribunal n’a pas compétence pour interpréter ou appliquer une convention collective ou un contrat de travailNote de bas page 27. Le Tribunal n’a pas non plus le pouvoir d’interpréter ou d’appliquer les lois sur la protection de la vie privée, les lois sur les droits de la personne, le droit international, le Code criminel ou d’autres lois aux décisions rendues en application de la LoiNote de bas page 28.

[41] Autrement dit, il n’appartient pas au Tribunal de décider si la politique de l’employeur était raisonnable ou juste, ou si elle contrevenait à la convention collective. Le Tribunal ne peut pas non plus décider si la sanction du congé sans solde et du congédiement subséquent était trop sévère. Le Tribunal doit se concentrer sur la raison pour laquelle l’emploi de la prestataire a pris fin et décider si la conduite qui a entraîné sa suspension et son congédiement constitue une inconduite au sens de la Loi.

[42] La prestataire soutient que sa conduite n’était pas une inconduite parce qu’il n’y avait aucune disposition relative à la vaccination obligatoire dans la convention collective qui régissait son emploi depuis son embauche. Il ne s’agit pas d’un argument convaincant, car il n’y avait pas de pandémie de COVID-19 à ce moment‑là et l’employeur est en droit d’établir des politiques de santé et de sécurité au travail selon l’évolution des circonstances.

[43] Je conviens que sa convention collective comporte une clause selon laquelle elle peut refuser toute vaccination. Celle-ci n’a pas été supprimée. Selon la politique de vaccination contre la COVID-19, la prestataire peut également refuser la vaccination.

[44] La convention collective elle-même énonce les conséquences si une personne refuse un vaccin. Comme je l’ai mentionné précédemment, je n’ai pas le pouvoir de décider si l’employeur a enfreint la convention collective de la prestataire ou si elle a été congédiée injustement. Le recours de la prestataire concernant ses plaintes contre l’employeur consiste à présenter ses demandes devant une cour de justice ou un autre tribunal qui peut traiter de ces questions.

[45] Je ne tire donc aucune conclusion concernant la validité de la politique ou toute violation des droits de la prestataire conférés par la convention collective ou autrement. Elle est libre de présenter ces arguments et de demander réparation devant les instances compétentes.

[46] Toutefois, aucun des arguments ni aucune des observations de la prestataire ne change le fait que la Commission a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que la prestataire a été suspendue, puis congédiée en raison d’une conduite considérée comme une inconduite au sens de la Loi.

[47] Je comprends pourquoi la prestataire pourrait ne pas être d’accord avec ma décision. Je n’aborde pas les questions juridiques ou factuelles fondamentales que la prestataire soulève, par exemple en ce qui concerne sa convention collective, les mesures d’adaptation pour des motifs religieux. Cela ne rend pas la décision déraisonnable. Le principal problème avec de tels arguments est que je ne suis pas autorisé par la loi à les examiner.

[48] J’ai déjà conclu que la conduite qui a mené à la suspension et au congédiement de la prestataire était son refus de fournir une preuve de vaccination comme l’exige la politique (en l’absence d’une exemption approuvée).

[49] La preuve de la Commission, ainsi que la preuve et le témoignage de la prestataire à l’audience, me permet de tirer les conclusions suivantes :

  • La prestataire a été informée de la politique et a eu le temps de s’y conformer.
  • Son refus de se conformer à la politique était intentionnel. Son refus était donc délibéré. J’admets qu’elle a des raisons personnelles de ne pas vouloir se faire vacciner.
  • Elle savait ou aurait dû savoir que son refus de se conformer, en l’absence d’une exemption approuvée, pouvait entraîner sa suspension, puis son congédiement.
  • Son refus de se conformer à la politique était la cause directe de sa suspension et de son congédiement subséquent.
  • La prestataire connaissait ou aurait dû connaître les conséquences du non-respect de la politique de vaccination de l’employeur.

[50] Pour les motifs énoncés dans la présente, je conclus que le prestataire connaissait ou aurait dû connaître les conséquences du non-respect de la politique de vaccination de l’employeur. La prestataire a accusé réception de la politique et a témoigné qu’elle l’avait lue.

[51] Je suis d’accord pour dire que la prestataire peut refuser la vaccination. Cette décision personnelle lui revient. Dans son cas, sa raison est de nature religieuse. C’est son droit. Je conviens également que l’employeur doit gérer les activités quotidiennes du lieu de travail. Cette responsabilité comprend l’élaboration et l’application de politiques liées à la santé et à la sécurité au travail.

[52] Dans une affaire récente intitulée ParmarNote de bas page 29, la question soumise à la Cour était la suivante : un employeur avait-il le droit de mettre un employé en congé sans solde pour non‑respect d’une politique de vaccination obligatoire? Mme Parmar s’est opposée à la vaccination parce qu’elle s’inquiétait de l’efficacité à long terme et des répercussions négatives possibles sur la santé.

[53] Dans cette affaire, la Cour a reconnu qu’il était [traduction] « extraordinaire d’adopter une politique qui a une incidence sur l’intégrité corporelle d’une employée », mais a statué que la politique de vaccination en question était raisonnable, compte tenu des [traduction] « défis sanitaires extraordinaires posés par la pandémie mondiale de COVID-19 ». La Cour a ajouté ce qui suit :

[traduction]

[154] […] [Les politiques de vaccination obligatoire] ne forcent pas un employé à se faire vacciner. Elles contraignent plutôt à faire un choix entre se faire vacciner et continuer de gagner un revenu, ou rester non vacciné et perdre un revenu […]

[54] Dans une autre affaire récente datant de janvier 2023, la Cour fédérale convient que le pouvoir du Tribunal est limitéNote de bas page 30. Elle écrit ce qui suit au paragraphe 32 :

[traduction]

[32] Bien que le demandeur soit manifestement frustré qu’aucun des décideurs n’ait abordé ce qu’il considère comme les questions juridiques ou factuelles fondamentales qu’il soulève – par exemple en ce qui concerne l’intégrité corporelle, le consentement aux tests médicaux, l’innocuité et l’efficacité des vaccins contre la COVID-19 ou les tests antigéniques – cela ne rend pas déraisonnable la décision de la division d’appel. Le problème principal de l’argument du demandeur est qu’il reproche aux décideurs de ne pas traiter un ensemble de questions qu’ils ne sont pas autorisés à aborder en vertu de la loi.

[55] J’estime que la prestataire est très crédible. Ses déclarations étaient cohérentes et rien de ce que la Commission a dit ne soulève une question de crédibilité. Je n’ai aucun doute que la prestataire était une employée précieuse. Elle a déclaré qu’elle avait d’excellents antécédents professionnels et qu’elle n’avait aucun dossier disciplinaire. Rien dans le dossier ne le contredit.

[56] Je comprends que la prestataire puisse être en désaccord avec cette décision. Malgré tout, selon la Cour d’appel fédérale, je ne peux suivre que le sens ordinaire de la loi. Je ne peux pas réécrire la loi ou y ajouter de nouveaux éléments pour produire un résultat qui semble plus juste pour la prestataireNote de bas page 31.

[57] La preuve dont je suis saisi montre que la prestataire a fait le choix personnel et voulu de ne pas se conformer à la politique de l’employeur.

Par conséquent, la prestataire a‑t‑elle perdu son emploi en raison de son inconduite?

[58] Compte tenu des conclusions que j’ai tirées précédemment, je conclus que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. Les gestes de la prestataire ont mené à sa suspension sans solde. Elle a agi de façon délibérée. Elle savait qu’elle risquait de perdre son emploi si elle refusait de se faire vacciner.

Conclusion

[59] La Commission a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. C’est pourquoi la prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

[60] Cela signifie que l’appel est rejeté sous réserve de modification. La prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations du 17 octobre 2021 au 25 mars 2022. Cette période correspond à sa suspension. À partir du 28 mars 2022, elle est exclue du bénéfice des prestations en raison de son licenciement.

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