Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : CE c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 634

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : C. E.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (554783) rendue le 21 novembre 2022
par la Commission de l’assurance-emploi du Canada
(communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Katherine Parker
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 17 février 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 28 février 2023
Numéro de dossier : GE-23-12

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec la prestataire.

[2] Elle n’a pas démontré qu’elle était disponible pour travailler. Par conséquent, elle ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que la prestataire n’était pas admissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi pour une période indéterminée commençant le 30 janvier 2022. C’est la date où la prestataire a démissionné. La Commission a établi qu’elle n’était pas disponible pour travailler.

[4] Pour recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi, les prestataires doivent être disponibles pour travailler. La disponibilité est une exigence continue. Ainsi, les prestataires doivent démontrer que leurs démarches pour trouver un emploi sont soutenues.

[5] Le 1er février 2022, après avoir reçu des prestations de maladie pendant un certain temps, la prestataire est retournée travailler à temps partiel. Elle travaillait à temps partiel pour la même employeuse par intermittence depuis 2018.

[6] Je dois décider si la prestataire a prouvé qu’elle était disponible pour travailler. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) qu’elle était disponible pour travailler.

[7] La prestataire a expliqué qu’elle aimait son employeuse parce qu’elle lui offrait au besoin un horaire flexible et lui permettait de modifier ses journées de travail si elle devait aller à des rendez-vous avec son oncle ou s’occuper d’autres choses.

[8] La Commission a transmis sa décision à la prestataire. Elle lui a dit que travailler à temps partiel était un choix personnel. Par conséquent, elle n’avait pas droit aux prestations d’assurance-emploi, car elle ne voulait pas travailler à temps pleinNote de bas de page 1.

[9] La prestataire n’était pas d’accord avec la décision. Elle a dit à la Commission qu’elle voulait travailler à temps plein.

La prestataire a envoyé des documents après l’audience

[10] La prestataire a envoyé un document le matin de l’audience. Je n’ai pas demandé le document, et je l’ai reçu seulement après l’audience. La lettre, qui est datée du 17 février 2023, provient d’une entreprise qui confirme avoir reçu en juin 2022 la candidature de la prestataire pour un poste d’adjointe administrative dans une entreprise du secteur de l’automobile. J’ai accepté le document parce que les éléments de preuve sur la recherche d’un emploi sont importants. Toutefois, je lui accorde peu de poids pour les raisons que je mentionnerai plus bas.

[11] À l’audience, la prestataire a dit qu’elle avait reçu le jour même un message texte envoyé par une collègue. Le message disait que le milieu de travail était hostile. Je l’ai crue sur parole en ce qui concerne la réception du message texte, mais j’y accorde peu d’importance pour les raisons que j’expliquerai plus loin.

Question en litige

[12] La prestataire était-elle disponible pour travailler?

Analyse

[13] Il y a deux articles de loi qui exigent que les prestataires démontrent leur disponibilité pour le travail. La Commission a décidé que la prestataire était inadmissible selon les deux articles. La prestataire doit donc remplir les critères des deux articles pour recevoir des prestations.

[14] Premièrement, la Loi sur l’assurance-emploi dit qu’une personne qui demande des prestations doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 2. Le Règlement sur l’assurance-emploi présente des critères qui aident à expliquer ce qui constitue des « démarches habituelles et raisonnablesNote de bas de page 3 ». Je vais examiner ces critères plus loin.

[15] Deuxièmement, la Loi prévoit aussi que la personne doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 4. La jurisprudence énonce trois éléments qu’il faut prouver pour démontrer qu’on est « disponible » en ce sensNote de bas de page 5. Je vais me pencher sur ces éléments plus loin.

[16] La Commission a décidé que la prestataire n’était pas admissible au bénéfice des prestations parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler aux termes des deux articles de loi.

[17] Je vais maintenant examiner moi-même les deux articles pour vérifier si la prestataire était disponible pour travailler.

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi

[18] La loi établit les critères dont je dois tenir compte pour décider si les démarches de la prestataire étaient habituelles et raisonnablesNote de bas de page 6. Je dois regarder si les démarches étaient soutenues et si elles visaient à trouver un emploi convenable. Autrement dit, il fallait que la prestataire continue à chercher un emploi convenable.

[19] Je dois aussi évaluer les démarches que la prestataire a faites pour se trouver un emploi. Le Règlement dresse la liste de neuf activités de recherche d’emploi dont je dois tenir compte. En voici quelques-unesNote de bas de page 7 :

  • faire du réseautage;
  • faire le suivi des alertes provenant des banques d’emplois;
  • présenter des demandes d’emploi.

[20] Selon la Commission, la prestataire n’en a pas fait assez pour essayer de trouver un emploi et elle n’était pas disponible parce qu’elle se limitait à un travail à temps partiel, ce qui est un choix personnelNote de bas de page 8. Voici pourquoi la Commission a pris cette décision :

  • La prestataire a confirmé qu’elle voulait seulement travailler à temps partiel parce qu’elle s’occupait de son oncle et qu’elle avait besoin de concilier son travail et sa vie personnelleNote de bas de page 9.
  • Elle a dit qu’elle préférait son horaire à temps partiel parce que son employeuse était très flexible et qu’elle pouvait modifier ses journées comme elle le souhaitait si elle devait aller à la clinique médicale avec son oncleNote de bas de page 10.
  • Son employeuse lui a offert des heures à temps plein, mais la prestataire ne voulait pas travailler pour elle à temps plein, seulement à temps partiel, parce qu’elle a dit que le milieu de travail était hostileNote de bas de page 11.

[21] Selon la prestataire, elle était disponible, mais elle avait de bonnes raisons de ne pas trouver un emploi à temps plein :

  • Au départ, elle a dit qu’elle était disponible du lundi au vendredi et qu’elle cherchait un emploi à temps plein. Mais son horaire était variable et imprévisible. J’estime qu’en raison de l’horaire imprévisible, il serait difficile de trouver du temps pour chercher un emploiNote de bas de page 12.
  • Par la suite, elle a dit à la Commission qu’elle pourrait travailler du lundi au vendredi pendant les heures normales de travail si elle n’était pas maladeNote de bas de page 13.
  • Elle a expliqué ce jour‑là que son médecin ne l’avait pas encore autorisée à travailler. Elle aurait peut-être le feu vert dans environ un mois.
  • Elle a dit qu’elle avait l’intention de postuler pour un emploi à temps plein sans restriction dès que son médecin l’autoriserait à reprendre ses recherches d’emploi.
  • Elle a expliqué que son ancienne employeuse est la seule pour qui elle ne pouvait pas travailler à temps plein, car l’environnement de travail était hostile.
  • Elle affirme que, compte tenu de sa situation, elle devrait avoir droit aux prestations régulières comme complément de ses heures à temps partiel pendant qu’elle cherchait un emploi à temps plein.
  • Selon le dossier d’appel, la prestataire a précisé qu’elle n’arrivait pas à trouver un emploi en raison de son emplacement. Elle a dit qu’elle accepterait un salaire minimum réduit pour obtenir un emploi même si cela la mettait dans une situation financière moins favorableNote de bas de page 14.
  • À l’audience, la prestataire a dit qu’elle avait essayé de trouver un emploi et qu’elle avait créé des alertes pour les emplois à temps partiel et à temps plein. Elle a reçu de nombreuses alertes l’avisant de possibilités d’emploi. Elle les a regardées, mais elle n’a pas consigné les renseignements.

[22] Voici mes conclusions :

  • La prestataire n’a pas fait de démarches soutenues pour trouver un emploi à temps plein.
  • Elle préférait la souplesse d’un horaire à temps partiel pour mieux gérer ses activités personnelles.
  • Ses obligations familiales ne nuisaient pas à sa disponibilitéNote de bas de page 15.
  • La maladie n’était pas la raison pour laquelle elle ne trouvait pas d’emploi à temps plein parce qu’un billet médical l’autorisait à retourner travailler sans aucune restriction à compter du 1er février 2022Note de bas de page 16.
  • La prestataire travaillait pour la même employeuse de façon intermittente depuis au moins 2018. Elle est revenue travailler pour elle dès la fin de son congé de maladie, le 1er février 2022. Elle a laissé entendre que son employeuse lui donnait la souplesse nécessaire pour atteindre ses objectifs de conciliation travail-vie personnelle et qu’elle préférait son horaire à temps partiel.
  • L’imprévisibilité de son horaire à temps partiel la rendait non disponible pour travailler tous les jours de la semaine. Il faut prouver sa disponibilité pour chaque jour.
  • La semaine de travail normale de la prestataire était adaptée à un horaire à temps partiel, alors elle travaillait au maximum de sa capacité et n’était pas libre pour occuper un autre emploi. Elle a confirmé qu’elle ne cherchait pas d’emploi à temps partiel parce que, comme elle l’a expliqué, elle en avait déjà un.
  • Son employeuse lui a offert un horaire à temps plein, mais la prestataire n’en voulait pas parce que travailler à temps plein nuirait à la conciliation travail-vie personnelle et, selon elle, l’environnement était hostile.

[23] La prestataire ne remplissait pas les critères pour prouver qu’elle faisait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploiNote de bas de page 17. Elle n’a pas démontré que ses démarches étaient habituelles et raisonnables.

Capable de travailler et disponible pour travailler

[24] La jurisprudence établit trois éléments que je dois examiner pour décider si la prestataire était capable de travailler et disponible pour travailler, mais incapable de trouver un emploi convenable. La prestataire doit prouver les trois choses suivantesNote de bas de page 18 :

  1. a) Elle voulait retourner travailler dès qu’un emploi convenable était disponible.
  2. b) Elle a fait des efforts pour trouver un emploi convenable.
  3. c) Elle n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment (c’est‑à-dire beaucoup trop) ses chances de retourner au travail.

[25] Lorsque je considère chacun de ces éléments, je dois regarder l’attitude et la conduite de la prestataireNote de bas de page 19.

Désir de retourner travailler

[26] La prestataire n’a pas démontré qu’elle voulait retourner travailler dès qu’un emploi convenable était disponible.

[27] Son employeuse lui a offert un emploi à temps plein, mais ce n’est pas ce qu’elle voulait. La prestataire a dit qu’elle avait refusé l’offre de son employeuse parce que l’environnement de travail était hostile.

[28] Par ailleurs, la prestataire a dit qu’elle appréciait la souplesse offerte par son employeuse et qu’elle travaillait pour elle par intermittence depuis 2018. Elle revenait travailler à cet endroit après de longs congés. Elle n’a fait aucune démarche pour trouver un nouvel emploi pendant ses congés.

[29] À l’audience, la prestataire a expliqué pourquoi elle disait que l’environnement était hostile, comme le fait que l’employeuse était souvent en vacances et refusait de répondre aux appels téléphoniques de sa clientèle. L’employeuse ne voulait pas la laisser aller à des rendez-vous médicaux les jours où elle travaillait et elle l’a fait venir au bureau même si elle avait mal à la gorge.

[30] À l’audience, la prestataire a dit qu’elle avait reçu un message texte d’une ancienne collègue qui disait que le milieu de travail était hostile, extrêmement négatif et non professionnel. Je n’accorde pas beaucoup d’importance à ce message pour les raisons suivantes :

  • La prestataire a demandé à son ancienne collègue, A., de lui envoyer ce message le jour de l’audience, soit le 17 février 2023.
  • A. avait démissionné vers le mois d’août 2022, soit six mois avant l’envoi du message texte, après avoir travaillé à cet endroit pendant quelques mois.
  • La prestataire et A. ont travaillé ensemble seulement pendant quelques mois. Je me serais attendu à ce que la prestataire obtienne des commentaires de ses collègues qui ont travaillé là pendant beaucoup plus longtemps.
  • La prestataire n’a pas donné ces renseignements à la Commission plus tôt.

[31] Je juge que la prestataire n’a pas démontré que le milieu de travail n’était pas assez convenable pour qu’elle puisse ajouter 13 heures à son horaire de travail. Elle était prête à accepter un emploi moins bien rémunéré pour travailler à temps plein alors que cela faisait plusieurs années qu’elle n’avait pas travaillé à temps pleinNote de bas de page 20. Si elle voulait travailler, un emploi à temps plein l’attendait.

[32] Les exemples d’hostilité qui m’ont été présentés à l’audience sont des exemples de décisions de gestion. La prestataire est retournée travailler pour la même employeuse à plusieurs reprises, et elle appréciait la souplesse de l’horaire de travail. Je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, son environnement de travail n’était pas hostile, même si elle n’aimait pas trop le style de gestion à cet endroit. Elle y travaillait et a continué à y travailler.

Efforts pour trouver un emploi convenable

[33] La prestataire n’a pas fait assez d’efforts pour trouver un emploi convenable.

[34] Pour rendre une décision sur le deuxième élément, j’ai tenu compte de la liste d’activités de recherche d’emploi que j’ai présentée plus haut. La liste me sert seulement de référenceNote de bas de page 21.

[35] Pour essayer de trouver un nouvel emploi, la prestataire a, entre autres choses, mis à jour son profil sur LinkedIn et créé des alertes dans une banque d’emplois. Elle a reçu de nombreuses alertes d’emploi. Elle a expliqué qu’elle n’avait pas conservé de documents témoignant de ces avis, ce qui me porte à croire qu’elle n’avait pas l’intention d’y donner suite.

[36] La prestataire a dit qu’elle avait posé sa candidature à des emplois, mais qu’elle n’avait pas pris ses démarches en note. Elle a déposé une lettre provenant d’une entreprise. Je l’ai reçue après l’audience. Les éléments de preuve montrant l’existence d’une recherche d’emploi sont importants, alors j’ai accepté la lettre. Je juge toutefois qu’elle n’est pas crédible et j’y accorde peu d’importance. Voici pourquoi :

  • La lettre est datée du 17 février 2023, c’est-à-dire la date de l’audience.
  • La prestataire l’a envoyée au Tribunal à 7 h 34, le matin de l’audience, à partir de son adresse de courriel personnelle.
  • La lettre ne porte pas d’en-tête et la signataire ne mentionne pas son poste dans l’entreprise.
  • La prestataire a demandé cette lettre parce qu’elle n’a pas consigné ses demandes d’emploi et qu’elle n’a pas été en mesure de fournir des documents à la Commission.

[37] Ces démarches n’étaient pas suffisantes pour répondre aux exigences du deuxième élément, car l’attitude de la prestataire ne démontre pas qu’elle a fait des efforts pour trouver un emploi à temps plein. En effet, elle n’a pris aucune note sur ses demandes d’emploi, ses alertes d’emploi et ses communications de réseautage, et elle n’a pas fait le suivi de ses demandes d’emploi.

Limitation indue des chances de retourner au travail

[38] La prestataire a établi des conditions personnelles qui ont limité ses chances de reprendre le travail. Elle avait plusieurs raisons différentes pour expliquer qu’elle ne trouvait pas d’autre emploi à temps plein, notamment :

  • le désir de concilier son travail et sa vie personnelle;
  • le peu d’offres d’emploi à cet endroit;
  • le fait de contracter la COVID-19 en juillet 2021.

[39] La Commission affirme que la prestataire n’a pas cherché un autre emploi parce qu’elle préférait l’emploi à temps partiel chez son employeuse. Elle voulait avoir la souplesse nécessaire pour s’occuper de son oncle et se présenter aux rendez-vous médicaux. Elle a dit que si elle travaillait à temps plein, elle n’aurait pas le temps de profiter de la vie. Elle a souvent dit à son employeuse qu’elle n’avait pas besoin de travailler à temps pleinNote de bas de page 22.

[40] Le médecin de la prestataire l’avait autorisée à reprendre le travail à compter du 1er février 2022, et je n’ai reçu aucun un billet médical prouvant que la disponibilité de la prestataire était limitée par la suite. Je conclus donc que rien ne prouve que la maladie a limité sa disponibilité.

[41] Je juge que la Commission a eu raison de conclure que la prestataire préférait son emploi à temps partiel au lieu d’un travail à temps plein.

Somme toute, la prestataire était-elle capable de travailler et disponible pour travailler?

[42] Selon mes conclusions au sujet des trois éléments, je conclus que la prestataire était capable de travailler, mais que, pour des raisons personnelles, elle a refusé l’emploi convenable que lui offrait son employeuse.

Conclusion

[43] La prestataire n’a pas démontré qu’elle était disponible pour travailler au sens de la loi. C’est pourquoi je conclus qu’elle ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

[44] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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