Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c SM, 2023 TSS 620

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Appelante : Commission de l’assurance emploi du Canada
Intimé : S. M.
Représentant : M. R.

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 2 février 2023
(GE-22-2944)

Membre du Tribunal : Stephen Bergen
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 8 mai 2023
Participants à l’audience : Représentant de l’appelante
Représentant de l’intimé
Date de la décision : Le 22 mai 2023
Numéro de dossier : AD-23-185

Sur cette page

Décision

[1] J’accueille l’appel. La division générale a commis des erreurs de droit.

[2] J’ai rendu la décision que la division générale aurait dû rendre et ai conclu que le prestataire est inadmissible aux prestations à compter du 16 février 2022.

Aperçu

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada est l’appelante. J’appellerai l’appelante la Commission. S. M. est l’intimé et le prestataire de prestations d’assurance-emploi. Je l’appellerai le prestataire.

[4] Le prestataire est chauffeur de profession. Aux alentours du 10 novembre 2021, il a été reconnu coupable de conduite avec facultés affaiblies dans des circonstances non liées à son emploi. Après sa déclaration de culpabilité, son permis a été suspendu, mais il a été autorisé à conduire des véhicules munis d’un antidémarreur éthylométrique.

[5] Le prestataire a obtenu des prestations de maladie de l’assurance-emploi pendant qu’il recevait des traitements pour son alcoolisme. Lorsque ces prestations ont pris fin au début de 2022, il a voulu retourner travailler chez son employeur. Toutefois, son employeur n’était pas disposé à équiper ses véhicules de l’antidémarreur éthylométrique et n’avait pas d’autre travail pour le prestataire. Le prestataire a présenté une demande de prestations régulières d’assurance‑emploi.

[6] La Commission a rejeté sa demande en affirmant qu’il avait perdu son emploi en raison de son inconduite. Le prestataire a interjeté appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) et a obtenu gain de cause. La division générale a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour établir que l’employeur l’avait congédié. La division générale a également affirmé qu’elle n’aurait pas conclu que la conduite du prestataire constituait de l’inconduite, même s’il avait été congédié.

[7] La Commission a porté la décision de la division générale en appel devant la division d’appel du Tribunal. La permission d’en appeler a été accordée et l’appel a été entendu le 8 mai 2023.

[8] J’accueille l’appel. La division générale a commis une erreur de droit en se concentrant uniquement sur la question de savoir si le prestataire a été congédié, sans tenir compte de la définition plus large de « perte d’emploi » énoncée dans la Loi sur l’assurance-emploi (Loi). Elle a également commis une erreur en omettant d’analyser la jurisprudence pertinente lorsqu’elle a dit qu’elle n’aurait pas conclu que la conduite du prestataire constituait une inconduite.

[9] J’ai rendu la décision que la division générale aurait dû rendre. J’ai conclu que les gestes posés par le prestataire constituaient une inconduite et qu’il avait été suspendu pour cette inconduite. Il est donc inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi à partir du 15 février 2022.

Questions en litige

[10] Les questions en litige dans le présent appel sont les suivantes :

  1. a) La division générale a-t-elle commis une erreur de fait importante lorsqu’elle a conclu que le prestataire n’avait pas été congédié?
  2. b) La division générale a‑t‑elle commis une erreur de droit en omettant de déterminer si le prestataire avait été suspendu?
  3. c) La division générale a-t-elle commis une erreur de fait en n’appliquant pas la loi pour déterminer si les gestes posés par le prestataire constituaient une inconduite?

Analyse

[11] La division d’appel ne peut tenir compte que des erreurs qui relèvent de l’un des moyens d’appel suivants :

  1. a) Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon quelconque.
  2. b) La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher. Ou encore, elle s’est prononcée sur une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher (erreur de compétence).
  3. c) La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.
  4. d) La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 1.

Erreur de fait importante

[12] La division générale a conclu que l’employeur ne pouvait pas prendre de mesure d’adaptation à l’égard du prestataire pendant une certaine période après la fin de son congé de maladie. Elle a convenu que le prestataire était légalement autorisé à conduire uniquement des véhicules équipés d’un antidémarreur éthylométrique et que l’employeur n’était pas en mesure d’installer des antidémarreurs éthylométriques dans ses véhicules.

[13] La division générale a également conclu que l’employeur du prestataire ne l’avait pas congédié. En raison de cette conclusion, la division générale a conclu qu’il ne devrait pas être exclu du bénéfice des prestations pour inconduite.

[14] Le présent appel est celui de la Commission et celle-ci n’a pas soutenu que la division générale avait commis une erreur dans la façon dont elle a conclu que le prestataire n’avait pas été congédié.

[15] Toutefois, le prestataire a soulevé la question. Le prestataire a longuement fait valoir que je ne devrais pas intervenir dans cette conclusion de fait. Par conséquent, je me pencherai sur la question de savoir si la division générale a tiré cette conclusion par erreur.

[16] Je suis d’accord avec le prestataire. Je ne vois aucune raison de modifier la conclusion de la division générale selon laquelle l’employeur n’a pas congédié le prestataire. La division générale a fourni des motifs intelligibles pour expliquer la façon dont elle a soupesé la preuve et a conclu que le prestataire n’a pas été congédié. J’admets que la division générale a examiné et évalué de manière appropriée la preuve relative à cette conclusion.

[17] La division générale n’a pas commis d’erreur de fait importante lorsqu’elle a conclu que l’employeur du prestataire ne l’avait pas congédié.

Erreur de droit

Mauvaise interprétation de la « perte d’emploi »

[18] La division générale a commis une erreur de droit en interprétant mal la « perte d’emploi ».

[19] Une grande partie de la décision de la division générale porte sur la question de savoir si le prestataire a été congédié. Sa décision selon laquelle le prestataire ne devrait pas être exclu du bénéfice des prestations reposait principalement sur sa conclusion selon laquelle il n’avait pas été congédié.

[20] La Commission a fait valoir que la division générale n’a pas correctement appliqué le critère juridique de l’inconduite. Selon la Commission, la division générale avait l’obligation d’aller au-delà de la question de savoir si le prestataire avait été [traduction] « congédié » et d’examiner les raisons de la perte d’emploi. Plus particulièrement, la division générale aurait dû se demander pourquoi l’employeur n’a pas été en mesure de le réintégrer au travailNote de bas de page 2.

[21] Selon la Loi, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi s’il perd un emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 3. Le prestataire a fait valoir que la division générale n’avait pas besoin de déterminer si la conduite du prestataire constituait une inconduite parce qu’il n’avait pas été congédiéNote de bas de page 4.

[22] S’il n’y avait pas eu de perte d’emploi, le prestataire aurait raison. Toutefois, la « perte d’emploi » n’est pas synonyme de [traduction] « congédié ». Selon la Loi, la « suspension » est assimilée à la « perte d’emploiNote de bas de page 5 ». La division générale devait déterminer si le prestataire avait été suspendu et non seulement s’il avait été licencié ou congédié. Si elle avait conclu que le prestataire avait été suspendu, elle aurait dû déterminer si la conduite du prestataire constituait une « inconduite » au sens de la Loi et s’il avait été suspendu en raison de l’inconduite.

[23] La division générale a reconnu que le prestataire était [traduction] « probablement en congé sans solde » à la suite de son congé pour raisons médicales lorsque son employeur n’a pas pu lui accorder de mesure d’adaptation. (Il s’agit de la période pendant laquelle la condition de l’antidémarreur limitait la capacité du prestataire de conduire.) Toutefois, elle n’a tiré aucune conclusion sur la question de savoir si le prestataire avait été suspendu au sens de la Loi.

[24] La division générale a commis une erreur de droit parce qu’elle a mal interprété le sens de la perte d’emploi ou qu’elle n’a pas déterminé si le prestataire avait subi une perte d’emploi.

Application de la jurisprudence : Autres conclusions et décision

[25] La division générale a ensuite examiné quelles auraient été ses conclusions si elle avait eu tort de conclure que le prestataire n’avait pas été congédiéNote de bas de page 6. Elle a affirmé qu’elle n’aurait pas conclu que la conduite du prestataire était une inconduite parce que les gestes du prestataire n’étaient pas délibérés. Elle a ajouté que le prestataire ne pouvait pas savoir que son employeur le congédierait après la fin de son congé pour raisons médicales.

[26] Toutefois, la division générale a commis une erreur de droit dans la façon dont elle en est arrivée à cette autre conclusion, et ce, pour deux raisons.

[27] D’abord, les motifs de la division générale sont inadéquats. Il ne suffit pas de dire que les gestes du prestataire n’étaient pas délibérés et qu’il n’aurait pas pu savoir que l’employeur le congédierait. La division générale n’a pas analysé ou évalué la preuve à partir de laquelle elle a tiré ces conclusions.

[28] Ensuite, dans ses motifs, elle a omis de renvoyer à la jurisprudence pertinente à l’interprétation de l’« inconduite » dans les circonstances de l’affaire ou de l’appliquer.

[29] En l’espèce, le prestataire a plaidé coupable à l’accusation de conduite avec facultés affaiblies. Par conséquent, des conditions ont été ajoutées à son permis. Selon ces conditions, il ne pouvait pas conduire un véhicule sans antidémarreur éthylométrique. L’employeur n’avait pas d’antidémarreurs éthylométriques dans ses véhicules et n’était pas disposé à les installer. Par conséquent, le prestataire n’a pas pu retourner au travail entre la fin de son congé pour raisons médicales et la levée de la condition sur son permis de conduire.

[30] Dans ses observations, la Commission fait référence à l’affaire Cooper, une décision de la Cour d’appel fédérale concernant un prestataire qui avait besoin de son permis de conduire pour son emploiNote de bas de page 7. Cette affaire portait sur la question de savoir si un prestataire était fondé à quitter son emploi et non sur une inconduite. Toutefois, elle était semblable à la présente affaire à d’autres égards. Dans l’affaire Cooper, le prestataire a perdu son permis, et donc il a demandé que ses fonctions soient modifiées pour lui permettre de travailler sans celui-ci. Il a quitté son emploi parce que l’employeur a refusé de lui offrir de telles fonctions. La Cour a conclu que le conseil arbitralNote de bas de page 8 a commis une erreur en arrivant à la conclusion que le prestataire était fondé à quitter son emploi.

[31] Il a été conclu dans d’autres décisions que la perte du permis de conduire d’un prestataire peut constituer une inconduite. Dans l’affaire Brissette, la Cour a affirmé ce qui suit :

L’intimé risquait de perdre son permis de conduire et en conséquence son emploi en conduisant après avoir consommé une quantité d’alcool excédentaire à la norme permise : il a provoqué consciemment et délibérément la réalisation du risqueNote de bas de page 9.

[32] Dans l’arrêt Thibault, la Cour a conclu que le prestataire avait perdu son emploi en raison de son inconduite dans les circonstances suivantes :

Il y a eu, en l’espèce, perte d’emploi pour cause d’inconduite : excès de vitesse, entraînant points de démérite et perte du permis de conduire, la possession duquel était une condition indispensable de l’emploi de chauffeur de camionNote de bas de page 10.

[33] Ces décisions appliquent le critère de l’inconduite dans des circonstances semblables à celles du prestataire. La division générale n’a pas fait référence à ces décisions ni à aucune jurisprudence sur l’inconduite concernant une conduite non liée à l’emploi en raison de laquelle les prestataires ont perdu leur permis ou des titres de compétences qui étaient requis pour exercer leur emploi. Elle a fait référence aux décisions Mishibinijima et McKay-Eden, deux décisions de la Cour d’appel fédérale qui traitent du critère de l’inconduiteNote de bas de page 11. Toutefois, la division générale n’a pas appliqué la jurisprudence aux circonstances, sauf pour permettre de définir le « caractère délibéré ». Le critère de l’inconduite comporte d’autres élémentsNote de bas de page 12.

[34] La division générale a commis une erreur de droit en omettant d’examiner ou d’appliquer la jurisprudence pertinente.

Réparation

[35] J’ai relevé des erreurs dans la façon dont la division générale en est arrivée à sa décision, alors je dois maintenant décider ce que je ferai à ce sujet. Je peux rendre la décision que la division générale aurait dû rendre ou renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamenNote de bas de page 13.

[36] Le prestataire et la Commission disent tous deux que je devrais aller de l’avant et rendre la décision.

[37] Je reconnais que le prestataire a eu la possibilité équitable de présenter sa preuve à la division générale et que je dispose de tous les éléments de preuve dont j’ai besoin pour rendre la décision. Je rendrai la décision que la division générale aurait dû rendre.

Le prestataire a-t-il subi une « perte d’emploi »?

[38] Je conclus que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il a été suspendu.

[39] Je conclus que le prestataire voulait retourner travailler chez son employeur régulier après son congé de maladie. Il voulait que l’employeur installe des antidémarreurs éthylométriques pour qu’il puisse reprendre le volant ou lui offre un autre type de travail.

  • Lorsque la Commission lui a demandé pourquoi il ne retournait pas au travail, il a répondu que [traduction] « l’employeur [n’était] pas disposé à mettre un antidémarreur dans plusieurs véhicules pour [qu’il] travailleNote de bas de page 14 ».
  • Le 8 juin 2022, l’employeur a dit à la Commission qu’il [traduction] « l’embaucherait de nouveau, mais qu’il ne peut pas le faire en ce moment, étant donné qu’il ne peut pas conduire et que c’est son travail ». L’employeur a également déclaré que [traduction] « [le prestataire] ne peut pas revenir avant d’avoir un permis de conduire sans restriction, car il ne peut pas s’acquitter des fonctions du posteNote de bas de page 15 ».
  • Le prestataire a dit à la division générale qu’il avait demandé à l’employeur s’il pouvait exercer d’autres fonctions non liées à la conduite, mais que l’employeur n’était pas disposé à lui offrir d’autres fonctionsNote de bas de page 16.

[40] Je ne modifie pas la conclusion de la division générale selon laquelle le prestataire n’a pas été congédié. Toutefois, j’admets que l’employeur n’a pas permis au prestataire de retourner au travail tant que son permis était assorti de la condition de l’antidémarreur éthylométrique. Ce fait n’est pas contesté.

[41] Devant la division générale, le prestataire a soutenu qu’il ne travaillait pas en raison d’une maladie. Je n’admets pas que le prestataire ne travaillait pas à partir du 16 février 2022 en raison d’une maladie.

[42] Après sa déclaration de culpabilité pour conduite avec facultés affaiblies, le prestataire a pris un congé de maladie et a reçu des prestations de maladie de l’assurance-emploi. Le 11 mars 2022, il a parlé à la Commission de la conversion de ses prestations de maladie de l’assurance-emploi en prestations régulières. Il a affirmé qu’il était capable de travailler et disponible pour le faire à partir du 16 février 2022, soit le lendemain de la fin de ses prestations de maladie.

[43] Le prestataire a également dit à la Commission qu’il avait terminé son traitement pour son problème d’alcool avant de chercher à retourner au travailNote de bas de page 17. Dans ses observations devant la division d’appel, il semble avoir adopté la qualification par la division générale de son état comme étant [traduction] « rétabli » au moment où il a rencontré son employeur pour discuter d’un retour au travailNote de bas de page 18.

[44] Le prestataire a fait valoir l’argument subsidiaire selon lequel il [traduction] « a cessé de travailler en raison d’un congé involontaireNote de bas de page 19 ». Je conviens que le prestataire était en congé quelconque, puisque j’accepte les conclusions de la division générale selon lesquelles il n’a pas été congédié. Je ne peux pas qualifier la situation du prestataire de congé involontaire.

Congé autorisé ou suspension?

[45] Selon la Loi, un prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations s’il prend volontairement un congé sans justificationNote de bas de page 20 ou s’il est suspendu pour inconduiteNote de bas de page 21. Dans le cas d’un congé, il doit être volontaire, autorisé par l’employeur et faire l’objet d’une date de fin convenue à laquelle le prestataire reprendra son emploi.

[46] Si le prestataire était en congé, ce congé était involontaire. Le prestataire a lui-même décrit son congé comme étant involontaireNote de bas de page 22. Il serait retourné travailler avec l’employeur à partir du 16 février 2022 s’il l’avait pu, mais l’employeur ne pouvait pas le faire travailler tant que son permis de conduire était assorti de la condition de l’antidémarreur éthylométrique. Du point de vue de l’employeur, le prestataire n’était pas en congé. Le prestataire ne croit pas que son employeur l’a jamais congédié, mais, selon l’employeur, le prestataire a été congédié le 2 novembre 2021Note de bas de page 23.

[47] De plus, je conclus que la date de fin de son congé n’était pas clairement définie. Si le prestataire savait quand la condition de son permis serait levée afin qu’il puisse conduire les véhicules de son employeur, l’employeur n’était pas au courant de cette date. Au moment de l’audience de janvier 2023 devant la division générale, l’employeur l’avait [traduction] « récemment » appelé pour savoir s’il pouvait conduire sans l’antidémarreur éthylométriqueNote de bas de page 24.

[48] L’employeur a dit qu’il serait disposé à [traduction] « embaucher » le prestataire lorsque la condition serait retirée de son permis, mais rien ne prouve que cela a été convenu ou était certain. Le prestataire a reconnu dans sa demande de révision qu’il était retourné à l’Île-du-Prince-Édouard, où il a assidûment cherché un autre emploiNote de bas de page 25.

[49] Le prestataire ne satisfait pas aux critères d’inadmissibilité pour avoir pris un congé. Par conséquent, il n’est pas nécessaire de déterminer s’il a pris un congé [traduction] « sans justification ».

[50] La seule question est de savoir si son « congé » involontaire et mal défini était une suspension au sens de la Loi.

Le prestataire a été suspendu

[51] Je conclus que le prestataire a effectivement été suspendu de son emploi.

[52] Une suspension est une « perte d’emploi » au sens de la Loi. Étant donné que le prestataire a été suspendu, il a perdu son emploi.

[53] J’ai pris en compte le fait que l’employeur n’a pas expressément dit qu’il avait suspendu le prestataire. L’employeur a plutôt qualifié la perte d’emploi de congédiement (ce qu’il a confirmé auprès du travailleur en février 2022 lorsqu’il a terminé son programme de réadaptationNote de bas de page 26). Il a justifié le congédiement du prestataire parce que celui-ci ne pouvait plus conduire ses véhicules. Toutefois, comme je m’en suis remis à la conclusion de fait de la division générale selon laquelle le prestataire n’a pas été congédié, j’accepte la déclaration de l’employeur à cette fin : cela prouve que l’employeur a imposé un congé au prestataire. Cela montre également que l’employeur en a fait part au prestataire en février 2022.

[54] Le prestataire voulait retourner au travail, mais l’employeur ne pouvait pas lui offrir de travail. Ce n’est pas parce qu’il y avait un manque de travail. C’est parce que le prestataire n’avait pas de permis lui permettant de conduire les véhicules de l’employeur. Tant que les conditions du permis du prestataire ne pouvaient pas être levées, l’employeur ne pouvait pas le mettre au travail.

[55] De plus, le congé du prestataire était probablement sans solde. Le prestataire a présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi en date du 16 février 2022. Cela ne signifie pas qu’il n’aurait pas pu recevoir de rémunération de son employeur, mais un revenu supplémentaire aurait été pertinent pour sa demande de prestations régulières. Aucun document n’indique que le prestataire a déjà dit avoir reçu ou s’attendre à recevoir un autre type de rémunération au cours de la période pour laquelle il demandait des prestations régulièresNote de bas de page 27.

[56] Pour ces motifs, je conclus que le prestataire a effectivement été suspendu de son emploi à compter du 16 février 2022. Je suis d’accord avec d’autres décisions de la division d’appel qui ont qualifié les congés involontaires de suspensionsNote de bas de page 28.

Inconduite

[57] Je conclus que le prestataire a été suspendu pour inconduite.

[58] Je comprends que le prestataire voit probablement sa déclaration de culpabilité pour conduite avec facultés affaiblies comme une conséquence de son problème d’alcool et que la condition de l’antidémarreur éthylométrique (qui a entraîné la suspension) était donc également une conséquence du problème d’alcool.

[59] Toutefois, je suis les affaires dont j’ai discuté précédemment dans la présente décision. Les tribunaux ont toujours conclu que les actes intentionnels, qui mènent à la perte d’un permis de conduire, sont une inconduite si le prestataire a perdu son emploi parce qu’un permis de conduire valide est une exigence de l’emploi.

[60] Les tribunaux n’acceptent pas qu’une personne soit dégagée de la responsabilité criminelle pour conduite avec facultés affaiblies parce que ses facultés étaient trop affaiblies pour qu’elle ait l’intention de conduire. L’intention se trouve dans la consommation volontaire d’alcool. En ce qui concerne l’inconduite, les tribunaux reconnaissent que la conduite avec facultés affaiblies peut être une inconduiteNote de bas de page 29, même si un prestataire dont les facultés sont affaiblies ne réfléchit peut-être pas clairement à la façon dont ses actes pourraient avoir une incidence sur son emploi.

[61] Un prestataire doit volontairement adopter une conduite telle qu’il peut raisonnablement prévoir qu’elle provoquera son congédiementNote de bas de page 30 ou, dans le cas du prestataire, sa suspension. J’admets qu’il est raisonnablement prévisible que le prestataire soit congédié ou suspendu. Le prestataire pouvait raisonnablement prévoir ce qui suit :

  • Une personne peut être arrêtée et accusée après avoir trop bu et avoir conduit.
  • Les accusations mèneront à une déclaration de culpabilité.
  • Une déclaration de culpabilité entraînera la révocation ou la suspension du permis de conduire ou l’imposition de conditions.
  • L’une ou l’autre de ces conséquences sur le permis peut signifier qu’un chauffeur de profession ne peut plus exercer ses fonctions essentielles.
  • Son employeur le congédiera ou le suspendra en conséquence.

[62] J’admets également que la conduite qui a entraîné la conduite avec facultés affaiblies du prestataire était délibérée. Une conduite « délibérée » est définie comme une conduite « consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 31 ». La décision de monter dans un véhicule et de conduire avec les facultés affaiblies est toujours délibéréeNote de bas de page 32.

[63] Le 28 octobre 2021, le prestataire a conduit avec les facultés affaiblies. Il a été reconnu coupable. Je comprends que le prestataire a un problème d’alcool. Cela peut vouloir dire qu’il est plus susceptible de boire ou plus susceptible de trop boire. Cependant, cela ne fait pas de son choix de boire et de conduire à une occasion en particulier moins délibérée que dans le cas de toute autre personne qui conduit avec les facultés affaiblies.

[64] Enfin, j’admets que la conduite du prestataire est un [traduction] « manquement à une obligation expresse ou impliciteNote de bas de page 33 ». Le prestataire savait qu’il devait posséder un permis adéquat pour son emploi. En raison de sa conduite avec facultés affaiblies, le prestataire ne pouvait conduire que des véhicules équipés d’un antidémarreur éthylométrique. Il était peu pratique pour son employeur d’installer des antidémarreurs éthylométriques dans tous ses véhicules, et donc le prestataire ne pouvait pas conduire les véhicules de son employeur. La conduite qui a donné lieu à la conduite avec facultés affaiblies du prestataire l’a placé dans une situation où il ne pouvait pas exercer son emploi.

[65] Une grande partie de la jurisprudence concerne des prestataires qui ont été congédiés en raison de leur inconduite, et non pas suspendus comme en l’espèce. Toutefois, si les gestes posés par un prestataire avaient pu entraîner une perte d’emploi et étaient par ailleurs une inconduite, ces gestes peuvent également constituer une inconduite même s’ils donnent lieu à une suspension seulement. Il y a quand même une « perte d’emploi ».

[66] De plus, je ne vois aucune distinction importante fondée sur la voie particulière menant de l’inconduite à la perte d’emploi. Il était à prévoir que la déclaration de culpabilité du prestataire aurait une incidence négative sur son permis, qu’il s’agisse de la perte de son permis, de la suspension de son permis ou de restrictions à son permis. Si le prestataire pouvait raisonnablement prévoir qu’il ne serait pas en mesure d’exercer ses fonctions en raison de sa conduite, il importe peu qu’il n’ait peut-être pas prévu précisément ce qui s’est passé, que l’employeur refuserait d’équiper ses véhicules d’antidémarreurs éthylométriques pour tenir compte des restrictions de permis du prestataire.

Compétence pour examiner l’inadmissibilité

[67] Les tribunaux ont conclu qu’il importe peu que l’employeur ou le prestataire ait mis fin à la relation employeur-employé lorsqu’elle a pris par nécessité, et qu’un acte répréhensible est la cause réelle du congédiementNote de bas de page 34. Le Tribunal a compétence pour conclure qu’un prestataire a été congédié en raison de son inconduite même si la Commission a décidé que le prestataire a quitté volontairement son emploi pour un motif valable.

[68] À mon avis, la situation actuelle est semblable : il importe peu que la Commission ait conclu que le prestataire devrait être exclu du bénéfice des prestations en raison de son inconduite. La véritable question est de savoir si l’inconduite du prestataire a entraîné une perte d’emploi. J’ai conclu que le prestataire a été suspendu pour inconduite et qu’il n’a pas été congédié. J’ai compétence pour déterminer si le prestataire devrait être inadmissible et non exclu.

[69] L’article 30 de la Loi prévoit qu’un prestataire est exclu s’il perd un emploi en raison de son inconduite, à moins qu’il ne soit inadmissible en application de l’article 31.

[70] J’ai conclu que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. L’article 31 prévoit qu’un tel prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations jusqu’à la fin de la période de suspension, la perte de cet emploi ou son départ volontaire ou le cumul d’un nombre d’heures suffisant, depuis le début de la période de suspension.

[71] Je conclus que le prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations à partir du 16 février 2022.

Conclusion

[72] J’accueille l’appel. La division générale a commis une erreur de droit en omettant de déterminer si le prestataire avait subi une « perte d’emploi ». Elle a également omis d’appliquer la jurisprudence pertinente lorsqu’elle a conclu que sa conduite n’aurait pas été une inconduite.

[73] J’ai rendu la décision que la division générale aurait dû rendre. Le prestataire est inadmissible aux prestations régulières à partir du 16 février 2022.

[74] Je laisse à la Commission le soin de déterminer quand devrait prendre fin l’inadmissibilité du prestataire et s’il est admissible à des prestations régulières à ce moment-là.

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