Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AT c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 667

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : A. T.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 3 mars 2023
(GE-22-3448)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Date de la décision : Le 30 mai 2023
Numéro de dossier : AD-23-295

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Décision

[1] Je refuse à la prestataire la permission de faire appel parce qu’elle n’a pas de cause défendable. Le présent appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La prestataire, A. T., travaillait comme professeure de langues pour un organisme de soutien communautaire. Le 26 avril 2022, son employeur l’a mise en congé sans solde après qu’elle a refusé de divulguer si elle avait été vaccinée contre la COVID-19. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a conclu qu’elle n’avait pas à verser de prestations d’assurance-emploi à la prestataire parce que la non-conformité à la politique de vaccination de son employeur constituait une inconduite.

[3] La division générale du Tribunal de la sécurité sociale a rejeté l’appel de la prestataire. La division générale a conclu que la prestataire avait délibérément enfreint la politique de vaccination de son employeur. Elle a conclu que la prestataire savait ou aurait dû savoir que le non-respect de la politique entraînerait probablement une perte d’emploi.

[4] La prestataire demande maintenant la permission de faire appel de la décision de la division générale. Elle affirme que la division générale devait examiner ce qui s’est passé lorsque le gouvernement fédéral a abrogé la Loi sur les mesures d’urgence. Elle affirme que, bien que la Commission ait peut-être eu le pouvoir de la déclarer coupable d’inconduite pendant la situation d’urgence, son refus de divulguer son statut vaccinal n’aurait pas dû l’exclure du bénéfice des prestations d’assurance-emploi une fois la situation terminée.

Question en litige

[5] Il y a quatre moyens d’appel à la division d’appel. La prestataire doit démontrer que la division générale :

  • a agi de façon injuste;
  • a outrepassé ses pouvoirs ou a refusé de les exercer;
  • a mal interprété la loi;
  • a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 1.

[6] Avant que la prestataire puisse aller de l’avant, je dois décider si son appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 2. Avoir une chance raisonnable de succès est la même chose qu’avoir une cause défendableNote de bas de page 3. Si la prestataire n’a pas de cause défendable, l’affaire prend fin maintenant.

[7] À cette étape préliminaire, je dois répondre à la question suivante : est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[8] J’ai examiné la décision de la division générale, ainsi que le droit et les éléments de preuve utilisés pour en arriver à cette décision. J’ai conclu que la prestataire n’a pas de cause défendable.

Il n’est pas possible de soutenir que la division générale a omis d’exercer sa compétence

[9] Selon la prestataire, la division générale aurait dû reconnaître que l’atténuation de la pandémie rendait inutiles des mesures draconiennes. La prestataire affirme que la décision du gouvernement d’invoquer la Loi sur les mesures d’urgence au début de 2022 a forcé les employeurs à mettre en œuvre l’exigence de vaccination. Elle fait valoir qu’une fois que les pouvoirs d’urgence du gouvernement ont pris fin, son refus de se faire vacciner ne pouvait plus être interprété comme une inconduite.

[10] Je ne vois pas le bien-fondé de cet argument.

[11] Premièrement, il n’est pas du tout clair que la mise en œuvre d’une politique de vaccination par l’employeur avait quoi que ce soit à voir avec la déclaration d’une situation d’urgence nationale par le gouvernement fédéral.Je remarque que la première déclaration a eu lieu le 9 février 2023 et que la seconde a eu lieu le 14 février 2023 [sic].

[12] Quoi qu’il en soit, ce qui a amené l’employeur de la prestataire à mettre en œuvre une telle politique est sans importance. Comme nous le verrons, ce qui importe, c’est que la politique existait et que la prestataire a intentionnellement refusé de s’y plier en sachant que des mesures disciplinaires s’ensuivraient.

Il n’est pas possible de soutenir que la division générale a mal interprété la loi

[13] Lorsqu’il s’agit d’évaluer une inconduite, le Tribunal ne peut pas examiner le bien-fondé d’un différend entre une personne employée et son employeur. Cette interprétation de la Loi sur l’assurance-emploi peut sembler injuste pour la prestataire, mais les tribunaux l’ont adoptée à maintes reprises et la division générale était tenue de la suivre.

On entend par inconduite toute action intentionnelle qui risque d’entraîner une perte d’emploi

[14] La prestataire a toujours soutenu qu’elle n’était pas coupable d’inconduite parce qu’elle n’avait rien fait de mal. Elle affirme qu’en la forçant à se faire vacciner sous peine de suspension ou de congédiement, son employeur a porté atteinte à ses droits. Elle soutient que son employeur tentait de lui imposer contre son gré un vaccin potentiellement dangereux et inefficace.

[15] Je peux comprendre la frustration de la prestataire, mais, selon la loi telle qu’elle est, je ne vois pas le bien-fondé de ses arguments.

[16] La division générale a défini l’inconduite de la façon suivante :

Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelle. Une inconduite comprend également une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibérée (ou qu’elle témoigne d’un mépris délibéré pour les effets de ses actes sur l’exécution de son travail).

Il n’est pas nécessaire que l’appelante ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit considéré comme une inconduite au sens de la loi.

Il y a inconduite si l’appelante savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers l’employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit suspendue pour cette raisonNote de bas de page 4.

[17] Ces paragraphes montrent que la division générale a bien résumé le droit relatif à l’inconduite. Elle a ensuite conclu à juste titre qu’elle n’a pas le pouvoir de décider si les politiques d’un employeur sont raisonnables, justifiables ou même légales.

Les contrats de travail n’ont pas à définir explicitement l’inconduite

[18] La prestataire soutient que la politique de vaccination obligatoire de son employeur a porté atteinte à son droit à l’intégrité corporelle, mais la question n’est pas là. Il s’agit de savoir si son employeur avait une politique et si la prestataire l’a délibérément ignorée. Dans sa décision, la division générale a formulé les choses ainsi :

[i]l n’appartient pas au Tribunal de décider si la politique de l’employeur était raisonnable, s’il aurait fallu qu’il offre des mesures d’adaptation à l’appelante en lui permettant de continuer à enseigner en ligne ou si le fait d’être placée en congé sans solde était une pénalité trop sévèreNote de bas de page 5.

[19] Comme la loi l’a forcée à se concentrer sur des questions précises, la division générale n’avait pas le pouvoir de décider si la politique de l’employeur contredisait le contrat de travail de la prestataire ou si elle violait ses droits fondamentaux ou constitutionnels. La division générale n’avait pas non plus le pouvoir de décider si l’employeur aurait pu d’une façon ou d’une autre répondre aux préoccupations de la prestataire, ou si le processus de demande d’exemption était équitable.

Une affaire récente valide la façon dont la division générale a interprété la loi

[20] Une décision récente de la Cour fédérale a réaffirmé cette approche à l’égard de l’inconduite dans le contexte précis de la vaccination obligatoire contre la COVID-19. Comme dans la présente affaire, l’affaire Cecchetto portait sur le refus d’un appelant de se conformer à la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeurNote de bas de page 6. La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle le Tribunal n’est pas autorisé à répondre à ces questions par la loi :

[traduction]

Malgré les arguments du demandeur, il n’y a aucun fondement pour infirmer la décision de la division d’appel parce qu’elle n’a pas évalué le bien-fondé, la légitimité ou la légalité de la directive no 6 [la politique du gouvernement de l’Ontario sur le vaccin contre la COVID-19] ni rendu de décision à ce sujet. Ce genre de conclusion ne relevait pas du mandat ou de la compétence de la division d’appel ni de la Division générale du Tribunal de la sécurité socialeNote de bas de page 7.

[21] La Cour fédérale a convenu qu’en choisissant délibérément de ne pas respecter la politique de vaccination de l’employeur, M. Cecchetto avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploi. La Cour a déclaré que le système juridique prévoyait d’autres moyens par lesquels M. Cecchetto aurait pu faire valoir ses prétentions en matière de congédiement injustifié ou de droits fondamentaux.

[22] C’est également vrai dans la présente affaire. Ici, les seules questions qui étaient importantes étaient de savoir si la prestataire avait enfreint la politique de vaccination de son employeur et, dans l’affirmative, si cette infraction était délibérée et si elle était susceptible d’entraîner vraisemblablement sa suspension ou son congédiement. Dans la présente affaire, la division générale avait de bonnes raisons de répondre « oui » aux deux questions.

Il n’est pas possible de soutenir que la division générale a ignoré ou mal interprété la preuve

[23] À la division générale, la prestataire a souligné des éléments de preuve montrant que le vaccin n’avait pas été essayé et testé. Elle a insisté sur le fait qu’elle était exemptée de l’obligation de se faire vacciner pour des motifs religieux. Elle a indiqué sa volonté d’accepter des mesures de rechange qui protégeraient ses collègues.

[24] D’après ce que je peux voir, la division générale n’a pas ignoré ces éléments. Elle ne leur a tout simplement pas accordé autant d’importance que la prestataire l’aurait espéré. Compte tenu du droit applicable en matière d’inconduite, je ne vois pas en quoi la division générale a commis une erreur dans la façon dont elle a évalué la preuve dont elle disposait.

[25] La division générale a tiré les conclusions suivantes :

  • L’employeur de la prestataire était libre d’établir et d’appliquer une politique de vaccination comme il l’entendait.
  • L’employeur a adopté et communiqué une politique claire exigeant que les membres du personnel fournissent la preuve qu’ils avaient été entièrement vaccinés dans un délai précis.
  • Le prestataire savait, ou aurait dû savoir que la non-conformité à la politique dans les délais prescrits entraînerait une perte d’emploi.
  • La prestataire a intentionnellement refusé de se faire vacciner avant la date limite.
  • La prestataire n’a pas convaincu son employeur qu’elle remplissait les conditions requises pour obtenir une exemption religieuse au titre de la politique.
  • L’employeur n’était pas tenu d’accepter les demandes de mesures d’adaptation de la prestataire.

[26] Ces conclusions semblent refléter fidèlement les documents au dossier, ainsi que le témoignage de la prestataire. La division générale a conclu que la prestataire s’était rendue coupable d’inconduite parce que son non-respect de la politique était délibéré et qu’il a vraisemblablement entraîné sa suspension. La prestataire croyait peut-être que la non-conformité à la politique ne ferait pas de mal à son employeur, mais du point de vue de l’assurance-emploi, ce n’était pas à elle d’en décider.

Conclusion

[27] Pour les motifs mentionnés ci-dessus, je ne suis pas convaincu que le présent appel a une chance raisonnable de succès. La permission de faire appel est donc refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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