Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : EM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 657

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : E. M.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 10 mars 2023
(GE-22-3090)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 31 mai 2023
Numéro de dossier : AD-23-313

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse (prestataire) a perdu son emploi parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. Elle n’a pas obtenu d’exemption. La prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada a conclu que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations. Après une révision défavorable à son égard, la prestataire a fait appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que la prestataire avait perdu son emploi après avoir refusé de se conformer à la politique de l’employeur. Elle n’a pas obtenu d’exemption. La division générale a conclu que la prestataire savait ou aurait dû savoir que l’employeur était susceptible de la congédier dans ces circonstances. La division générale a jugé que la prestataire avait été congédiée en raison d’une inconduite.

[5] La prestataire demande la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel. La prestataire soutient qu’elle a le droit constitutionnel de refuser de se faire injecter un médicament expérimental sans craindre de perdre son emploi. Elle soutient que l’employeur ne pouvait pas la congédier pour avoir refusé de se faire vacciner.

[6] Je dois décider si la prestataire a soulevé une erreur susceptible de révision que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] La prestataire soulève-t-elle une erreur susceptible de révision que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs susceptibles de révision sont les suivantes :

  1. Le processus d’audience de la division générale était inéquitable d’une façon ou d’une autre.
  2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher ou elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a commis une erreur de droit en rendant sa décision.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à l’examen sur le fond. Il s’agit d’une première étape que la prestataire doit franchir, mais où le fardeau est inférieur à celui dont elle devra s’acquitter durant l’instruction de l’appel sur le fond. À l’étape de la permission de faire appel, la prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Elle doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur susceptible de révision. Autrement dit, elle doit démontrer qu’il est possible de soutenir qu’il y a eu erreur susceptible de révision pouvant faire que l’appel soit accueilli.

[11] Par conséquent, pour accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un des moyens d’appel mentionnés ci-dessus et qu’au moins un de ces motifs donne à l’appel une chance raisonnable de succès.

La prestataire soulève-t-elle une erreur susceptible de révision que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

[12] La prestataire soutient qu’elle a le droit constitutionnel de refuser de se faire injecter un médicament expérimental sans craindre de perdre son emploi. Elle soutient que l’employeur ne pouvait pas la congédier pour avoir refusé de se faire vacciner.

[13] La division générale devait décider si la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[14] La notion d’inconduite n’implique pas qu’il soit nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la gravité de la sanction imposée par l’employeur ou de décider s’il s’est rendu coupable d’une inconduite en congédiant injustement la prestataire, mais plutôt de décider si la prestataire est coupable d’une inconduite et si celle-ci a entraîné son congédiement Note de bas de page 1.

[16] À la lumière de cette preuve, la division générale a conclu que la prestataire avait été congédiée parce qu’elle avait refusé de suivre la politique. Elle avait été informée de la politique de l’employeur et on lui avait donné le temps de s’y conformer. Elle n’a pas obtenu d’exemption. La prestataire a refusé intentionnellement; son refus était délibéré. Il s’agissait de la cause directe de son congédiement.

[17] La division générale a conclu que la prestataire savait ou aurait dû savoir que son refus de se conformer à la politique pouvait entraîner son congédiement.

[18] La division générale a conclu à partir de la preuve prépondérante que le comportement de la prestataire constituait une inconduite.

[19] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 2. Le fait de ne pas suivre une politique dûment approuvée par un gouvernement ou une industrie est aussi considéré comme une inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 3.

[20] Il n’est pas vraiment contesté qu’un employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de ses employés sur leur lieu de travail. Dans le cas présent, l’employeur a mis en œuvre sa politique pour protéger la santé de tous les employés pendant la pandémie. La politique était en vigueur lorsque la prestataire a été congédiéeNote de bas de page 4.

[21] La division générale n’a pas compétence pour trancher les questions concernant l’efficacité du vaccin ou le caractère raisonnable de la politique de l’employeur.

[22] La question de savoir si l’employeur a enfreint son contrat de travail ou si la politique a enfreint ses droits constitutionnels relève d’une autre instance. Le Tribunal n’est pas le bon endroit pour obtenir la réparation que la prestataire demandeNote de bas de page 5.

[23] Récemment, dans l’affaire Cecchetto, la Cour fédérale a rendu une décision concernant l’inconduite et le refus d’un prestataire de respecter la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur.

[24] Le prestataire a fait valoir que le refus de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur n’est pas une inconduite. Il a soutenu que personne n’avait prouvé que le vaccin était sécuritaire et efficace. Le prestataire se sentait victime de discrimination en raison de son choix médical personnel. Il a affirmé avoir le droit de contrôler son intégrité corporelle et il a ajouté que ses droits avaient été violés aux termes du droit canadien et du droit internationalNote de bas de page 6.

[25] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel voulant que, selon la loi, le Tribunal ne soit pas autorisé à répondre à ces questions. La Cour a convenu que, lorsqu’il a fait le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations envers son employeur et donc perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 7. La Cour a déclaré que le système juridique offre d’autres voies par lesquelles le prestataire peut présenter ses demandes.

[26] Dans une affaire précédente, intitulée Paradis, le prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu qu’il n’y avait pas eu inconduite parce que la politique de son employeur violait ses droits au titre de l’Alberta Human Rights Act [loi albertaine sur les droits de la personne]. La Cour fédérale a conclu que cette question relevait d’une autre instance.

[27] La Cour fédérale a déclaré que, pour sanctionner le comportement d’un employeur, les parties prestataires ont d’autres recours qui permettent d’éviter que le régime d’assurance-emploi fasse les frais du comportement en cause.

[28] Dans l’affaire Mishibinijima, la Cour d’appel fédérale a précisé que l’obligation de mettre en place des mesures d’adaptation, qui revient à l’employeur, n’est pas pertinente pour trancher les affaires d’inconduite dans le contexte de l’assurance-emploi.

[29] Comme je l’ai mentionné plus haut, le rôle de la division générale n’est pas de décider si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en congédiant injustement la prestataire, mais plutôt de décider si la prestataire est coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné son congédiement.

[30] La preuve prépondérante présentée à la division générale montre que la prestataire a fait le choix personnel et délibéré de ne pas respecter la politique de l’employeur en réponse à la situation exceptionnelle engendrée par la pandémie, ce qui a entraîné son congédiement.

[31] Je ne vois pas en quoi la division générale aurait fait une erreur lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite en vertu de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 8.

[32] Je suis tout à fait conscient que la prestataire peut demander réparation devant une autre autorité si l’existence d’une violation est établieNote de bas de page 9. Cela ne change rien au fait qu’aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que la prestataire a été congédiée en raison d’une inconduite.

[33] Après avoir examiné le dossier d’appel et la décision de la division générale et tenu compte des arguments de la prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[34] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

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