Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : IL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 635

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : I. L.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 17 février 2023 (GE-22-3068)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Date de la décision : Le 26 mai 2023
Numéro de dossier : AD-23-266

Sur cette page

Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse, I. L. (prestataire), fait appel de la décision de la division générale. Celle‑ci a rejeté son appel. Elle a conclu que la défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Autrement dit, la division générale a conclu que la prestataire a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi. Elle a conclu que la prestataire n’avait pas respecté la politique de vaccination de son employeuse.

[3] En raison de l’inconduite, la prestataire a été exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[4] Selon la prestataire, la division générale a commis des erreurs de fait importantes. Elle nie toute possibilité d’inconduite. Elle avance que son employeuse n’avait pas adopté de politique de vaccination. Ou, si elle en avait une, son employeuse ne lui avait pas communiqué la politique, de sorte que la prestataire ne pouvait pas être au courant des conséquences du non-respect de la politique.

[5] Avant que l’appel de la prestataire puisse aller de l’avant, je dois décider s’il a une chance raisonnable de succès. Autrement dit, il faut que la cause soit défendableNote de bas de page 1. Si l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès, l’affaire est closeNote de bas de page 2.

[6] Je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès. Par conséquent, je refuse de donner à la prestataire la permission de passer à la prochaine étape.

Question en litige

[7] Est‑il possible de soutenir que la division générale a fait une erreur importante concernant l’un des faits?

Je refuse la permission de faire appel

[8] La division d’appel accorde la permission de faire appel à moins que l’appel n’ait aucune chance raisonnable de succès. Il y a une chance raisonnable de succès s’il est possible qu’une erreur de compétence, de procédure, de droit ou un certain type d’erreur de fait ait été commiseNote de bas de page 3.

[9] Pour ce qui est des erreurs de fait, il faut que la division générale ait fondé sa décision sur une erreur qu’elle a commise de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve portés à sa connaissance.

Peut‑on soutenir que la division générale a commis une erreur de fait?

[10] La prestataire soutient que la division générale a commis des erreurs de fait importantes.

La prestataire maintient que son employeuse n’avait pas de politique de vaccination

[11] La prestataire soutient que la division générale a ignoré le fait que son employeuse n’avait pas élaboré sa propre politique officielle de vaccination et qu’elle s’est plutôt fiée à une ordonnance provinciale de santé publique. Malgré cela, elle affirme que son employeuse devait avoir sa propre politique de vaccination. Elle ajoute qu’elle ne lui en a pas donné de copie. Son employeuse a suivi l’ordonnance provinciale de santé publique sur la vaccination. Selon la prestataire, il s’agissait simplement d’une pratique, et non d’une politique qu’elle devait suivreNote de bas de page 4.

[12] Selon la prestataire, ce fait est important parce que 1) si son employeuse n’avait pas de politique ou 2) si son employeuse ne lui a pas fourni sa politique, elle ne pouvait pas savoir ce qui était exigé d’elle ou quelles pouvaient être les conséquences si elle ne suivait pas la politique.

[13] La prestataire fait remarquer, à juste titre, que le dossier de la division générale contient une politique de vaccination contre la COVID-19 pour le personnel de la fonction publique dont la mise à jour remonte au 27 juin 2022Note de bas de page 5. Le dossier ne contenait aucune copie des politiques antérieures.

[14] La prestataire affirme avoir pris connaissance de cette politique pour la première fois le 7 février 2023. À ce moment‑là, son employeuse l’avait déjà congédiée. Son congédiement est survenu en janvier 2022. (Jusque‑là, elle avance qu’elle connaissait seulement la politique de son employeuse sur la vaccination contre la grippe.)

[15] La division générale a reconnu les arguments de la prestataireNote de bas de page 6. Elle a aussi admis que la date de la politique au dossier tombait après le congédiement de la prestataire.

[16] La division générale a cependant conclu que l’employeuse avait bel et bien une politique de vaccination, même si elle s’était fiée à l’ordonnance provinciale de santé publique, qu’elle avait adoptée. La division générale a aussi tiré les conclusions suivantes :

  • L’employeuse a communiqué à la prestataire ses attentes en ce qui concerne la vaccination.
  • L’employeuse a parlé à la prestataire à plusieurs reprises pour lui faire part de ses attentes.
  • La prestataire connaissait ou aurait dû connaître les conséquences du non-respect de la politique de vaccination de l’employeuseNote de bas de page 7.

[17] La division générale a écrit que, pour en arriver à ces conclusions, elle s’était fondée sur le témoignage de la prestataire, sa demande de prestations d’assurance-emploi et les renseignements que l’employeuse a donnés à la Commission.

[18] On ne sait pas trop sur quelles sections de la demande de prestations d’assurance-emploi la division générale s’est appuyée. La prestataire a nié avoir jamais reçu une politique spécifique, à part le fait qu’on lui a dit que son employeuse était d’accord avec l’ordonnance émise par la santé publique provinciale. La prestataire a dit que l’ordonnance ne s’appliquait pas à elleNote de bas de page 8.

[19] Étonnamment, dans le formulaire de demande, à la question lui demandant si son employeuse avait mis en place une politique ou une pratique pour le personnel, la prestataire n’a pas nié ni reconnu que son employeuse avait adopté une politique ou une pratiqueNote de bas de page 9.

[20] Pourtant, lorsque la prestataire a parlé à la Commission le 25 mai 2022, elle aurait déclaré qu’elle avait été congédiée parce qu’elle n’avait pas respecté la politique de vaccination obligatoire de son employeuseNote de bas de page 10.

[21] Le 9 août 2022, durant une autre conversation avec la Commission, la prestataire aurait confirmé qu’il y avait une politique de vaccination. Elle aurait ajouté qu’elle était au courant de la politique de vaccination et des conséquences du non-respect de celle‑ci. Elle aurait déclaré qu’elle avait été informée de la politique après avoir reçu un courriel au travail environ un mois avant que son employeuse mette la politique en œuvreNote de bas de page 11.

[22] À l’audience de la division générale, la prestataire a confirmé qu’elle avait reçu une copie de l’ordonnance émise par la santé publique provincialeNote de bas de page 12. Le document était assez long. Elle ne savait pas si l’ordonnance était présentée comme une politique ou une recommandation.

[23] La prestataire a aussi déclaré qu’elle savait que si elle ne se faisait pas vacciner, elle serait placée en congé sans soldeNote de bas de page 13. Elle a ajouté qu’elle savait que si elle n’avait toujours pas reçu le vaccin après trois mois, son employeuse pouvait la congédierNote de bas de page 14.

[24] De plus, la prestataire a confirmé avoir rencontré son employeuse le 1er décembre 2021 et le 24 janvier 2022. Au cours de ces réunions, la prestataire a demandé la politique de l’employeuse. Elle affirme ne l’avoir jamais reçue. Elles ont aussi discuté des exigences de l’employeuse en ce qui concerne la vaccination et de la façon dont la prestataire pouvait conserver son emploiNote de bas de page 15.

[25] La preuve montre aussi que la prestataire a demandé une exemption à l’obligation de se faire vacciner.

[26] Les déclarations que la prestataire a faites à la Commission, son témoignage devant la division générale et les démarches qu’elle a faites pour obtenir une exemption montrent qu’elle devait savoir qu’à tout le moins, son employeuse exigeait la vaccination au titre de l’ordonnance de la santé publique provinciale. Et ne pas se faire vacciner pouvait nuire à son emploi.

[27] Par ailleurs, l’employeuse a aussi confirmé qu’elle avait adopté une politique de vaccination. Elle a déclaré qu’elle avait avisé son personnel de la politique grâce au syndicat, aux ressources humaines et aux gestionnairesNote de bas de page 16.

[28] La preuve ne précise pas de façon claire quand l’employeuse de la prestataire a adopté sa propre politique officielle de vaccination. Malgré cela, l’employeuse avait fait sienne la politique de la santé publique provinciale, et la prestataire était au courant de l’ordonnance, des exigences de vaccination de l’employeuse aux termes de l’ordonnance et des conséquences prévues par l’ordonnance en cas de non-respect des exigences de l’employeuse.

[29] L’ordonnance de la santé publique provinciale et les avis écrits par l’employeuse ne faisaient pas partie de la preuve au dossier, mais l’employeuse et la prestataire ont toutes deux confirmé l’existence de l’ordonnance et d’au moins un avis écrit par l’employeuse au sujet de ses exigences de vaccination.

[30] Par conséquent, je ne suis pas convaincue qu’il soit possible de soutenir que la division générale se soit trompée et ait ignoré le fait que l’employeuse n’avait pas sa propre politique officielle de vaccination. La division générale était au courant de ce fait. Mais elle a tout de même conclu que l’employeuse s’était fiée à l’ordonnance provinciale de santé publique et qu’elle l’avait adoptée comme politique, ce que la prestataire savait.

Autres arguments de la prestataire

[31] La prestataire présente aussi les arguments suivants :

  • Au paragraphe 19 de sa décision, la division générale a fait référence à « la Loi ». La prestataire avance que, comme la Loi sur l’assurance-emploi ne définit pas l’inconduite, la division générale faisait sûrement référence à la loi sur les normes du travail [Employment Standards Act]. Autrement dit, elle affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce que ses gestes n’auraient pas répondu à la définition d’inconduite au sens de loi sur les normes du travail.
  • En ce qui concerne le paragraphe 20, la prestataire fait valoir que si la Loi sur l’assurance-emploi ne définit pas l’« inconduite », il est impossible que ses faits et gestes aient pu constituer une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.
  • Pour ce qui est du paragraphe 22, la prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de fait lorsqu’elle a dit que la santé publique provinciale avait refusé de lui donner une exemption médicale. La prestataire explique qu’elle n’a pas obtenu l’exemption, mais c’est parce qu’elle n’a pas utilisé le formulaire requis. Elle dit qu’autrement, elle aurait sûrement obtenu l’exemption. Alors, elle n’aurait pas eu à se faire vacciner.

[32] La division générale a montré ce qu’elle voulait dire par « Loi ». Au paragraphe 15, elle a utilisé le mot « Loi ». C’était une façon de désigner la Loi sur l’assurance-emploi. Le mot « Loi » était une façon abrégée de parler de la Loi sur l’assurance-emploi sans avoir à l’écrire au long toutes les fois. La prestataire ne peut pas soutenir cet argument.

[33] La Loi sur l’assurance-emploi ne définit pas l’inconduite. Mais les cours ont établi les circonstances de l’inconduite. Elles ont produit une définition large et générale de l’inconduite.

[34] La division générale est obligée de suivre les décisions de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale. La division générale a écrit que c’est justement ce qu’elle faisait. Elle s’est penchée sur la jurisprudence pour savoir comment les cours ont défini l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle a cité les principes de droit qui s’en dégagentNote de bas de page 17.

[35] Ainsi, même si la Loi sur l’assurance-emploi ne définit pas le terme « inconduite », la division générale suivait la jurisprudence établie lorsqu’elle a décidé s’il y avait ou non une inconduite dans le cas de la prestataire. Cet argument n’est donc défendable.

[36] Enfin, la question de savoir si la prestataire aurait dû recevoir une exemption médicale (si elle avait utilisé le formulaire obligatoire) n’est pas pertinente pour trancher la question de l’inconduite.

[37] Comme la Cour d’appel fédérale l’a décidé dans l’affaire MishibinijimaNote de bas de page 18, la question de savoir si une personne aurait dû se voir offrir des mesures d’adaptation par son employeur n’est pas pertinente. (Cela ne veut pas dire que la prestataire n’avait pas droit à une exemption ni que son employeuse aurait dû lui accorder une exemption. Cela veut plutôt dire que les recours sont tout autres.)

Conclusion

[38] Je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

[39] La permission de faire appel est refusée. Cela met donc un terme à l’appel.

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