Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 563

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Demandeur : S. C.
Défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 9 février 2023 (GE-22-2492)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Date de la décision : Le 16 mai 2023
Numéro de dossier : AD-23-262

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Décision

[1] Je refuse au prestataire la permission d’interjeter appel parce qu’il n’a pas de cause défendable. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le prestataire, S. C., travaillait comme opérateur d’installation pour voitures pour le X (X). Le 21 novembre 2021, le X a mis le prestataire en congé sans solde après qu’il a refusé de se faire vacciner contre la COVID-19Note de bas page 1. La Commission de l’assurance‑emploi du Canada (Commission) a décidé qu’elle n’était pas tenue de verser des prestations d’assurance‑emploi au prestataire parce que son défaut de se conformer à la politique de vaccination de son employeur constituait une inconduite.

[3] La division générale du Tribunal a rejeté l’appel du prestataire. Elle a conclu que le prestataire avait enfreint délibérément la politique de vaccination de son employeur. Elle a conclu que le prestataire savait ou aurait dû savoir que le fait de ne pas tenir compte de la politique entraînerait probablement son congédiement.

[4] Le prestataire demande maintenant la permission d’en appeler de la décision de la division générale. Il allègue que la division générale a commis les erreurs suivantes :

  • elle a mal interprété le sens du terme « inconduite » figurant dans la Loi sur l’assurance-emploi (Loi);
  • elle n’a pas tenu compte des éléments de preuve selon lesquels les personnes vaccinées sont tout aussi susceptibles de contracter et de propager le virus que les personnes non vaccinées;
  • elle a fait fi des lois qui protègent la liberté de religion et l’intégrité corporelle des Canadiens;
  • elle a ignoré le fait que son employeur a tenté unilatéralement d’imposer une nouvelle condition d’emploi sans son consentement.

Question en litige

[5] Il existe quatre moyens d’appel à la division d’appel. La partie appelante doit démontrer l’un ou l’autre des moyens suivants :

  • la division générale a agi de manière injuste;
  • elle a excédé ses pouvoirs ou a refusé de les exercer;
  • elle a mal interprété la loi;
  • elle a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas page 2.

[6] Avant que le prestataire puisse aller de l’avant, je dois décider si son appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas page 3. Une chance raisonnable de succès est assimilée à une cause défendable en droitNote de bas page 4. Si le prestataire n’a pas de cause défendable, l’affaire prendra fin maintenant.

[7] À l’étape préliminaire, je dois répondre à la question suivante : Peut‑on soutenir que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[8] J’ai examiné la décision de la division générale, ainsi que le droit et la preuve qu’elle a invoquée pour rendre cette décision. J’ai conclu que le prestataire n’a pas de cause défendable.

L’argument selon lequel la division générale a mal interprété la loi n’est pas fondé

[9] Lorsqu’il s’agit d’évaluer l’inconduite, le Tribunal ne peut examiner le bien-fondé d’un litige entre un employé et son employeur. Cette interprétation de la Loi peut sembler injuste pour le prestataire, mais les tribunaux ont adopté cette interprétation à plusieurs reprises et la division générale était tenue de la suivre.

L’inconduite est un acte intentionnel pouvant entraîner une perte d’emploi

[10] Le prestataire soutient qu’il ne peut pas être coupable d’inconduite parce qu’il n’a rien fait de mal en refusant de se faire vacciner. Il fait valoir que son employeur tentait de lui imposer contre son gré un vaccin potentiellement dangereux et inefficace. Il insiste sur le fait que le X aurait pu offrir à ses employés des mesures de rechange qui auraient tout aussi bien protégé tout le monde.

[11] Je ne vois pas le bien-fondé de ces arguments.

[12] Il ne faut pas oublier que l’« inconduite » a un sens précis aux fins de l’assurance-emploi qui ne correspond pas nécessairement à l’usage quotidien du terme. La division générale définit l’inconduite de la façon suivante :

Pour constituer une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelle. L’inconduite comprend également une conduite à ce point insouciante (ou négligente) qu’elle frôle le caractère délibéré (ou qui démontre un mépris délibéré des répercussions de ses actes sur son rendement au travail).

Le prestataire n’a pas à avoir une intention coupable (autrement dit, il n’est pas nécessaire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loi.

Il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers l’employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit suspendu et congédiéNote de bas page 5.

[13] Ces paragraphes montrent que la division générale a résumé correctement le droit concernant l’inconduite. La division générale a ensuite conclu à juste titre que, pour déterminer de l’admissibilité aux prestations d’assurance-emploi, elle n’avait pas le pouvoir de décider si les politiques d’un employeur étaient raisonnables, justifiables ou même légales.

Les contrats de travail n’ont pas à définir explicitement l’inconduite

[14] Le prestataire soutient que la politique de vaccination obligatoire du X violait ses droits fondamentaux, mais ce n’est pas la question en l’espèce. Ce qui importe, c’est de savoir si l’employeur a une politique et si l’employé l’a ignorée de façon délibérée. Dans sa décision, la division générale s’est exprimée ainsi :

Il n’appartient pas au Tribunal de décider si la politique de l’employeur était raisonnable ou juste, s’il aurait fallu que l’employeur accepte la demande d’exemption ou de mesures d’adaptation du prestataire, ou si l’imposition du congé sans solde et le congédiement subséquent étaient des mesures trop sévères. Le Tribunal doit se concentrer sur la conduite qui a entraîné la suspension et le congédiement du prestataire, et décider s’il s’agit d’une inconduite au sens de la LoiNote de bas page 6.

[15] Comme la loi l’obligeait à se concentrer sur des questions précises, la division générale n’avait pas le pouvoir de décider si la politique du X contredisait le contrat de travail du prestataire ou violait ses droits fondamentaux ou constitutionnels. La division générale n’avait pas non plus le pouvoir de décider si le X aurait pu, d’une façon ou d’une autre, répondre aux préoccupations du prestataire ou si son processus de demande d’exemption était équitable.

Une nouvelle affaire valide l’interprétation de la loi par la division générale

[16] Dans une décision récente, la Cour fédérale a confirmé cette approche à l’égard de l’inconduite dans le contexte particulier de la vaccination obligatoire contre la COVID-19. Comme dans la présente affaire, l’affaire Cecchetto concernaitle refus d’un appelant de se conformer à la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeurNote de bas page 7. La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle le Tribunal n’est pas autorisé par la loi à répondre à ces questions :

[traduction] Malgré les arguments du demandeur, il n’y a aucune raison d’infirmer la décision de la division d’appel en raison de son défaut d’évaluer le bien-fondé, la légitimité ou la légalité de la Directive 6 [la politique de vaccination contre la COVID-19 du gouvernement de l’Ontario] ou de statuer sur celles-ci. Ce genre de conclusion ne relevait pas du mandat ou de la compétence de la division d’appel ni de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (TSS)Note de bas page 8.

[17] La Cour fédérale a convenu qu’en choisissant délibérément de ne pas respecter la politique de vaccination de l’employeur, M. Cecchetto avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi. La Cour a précisé que le système juridique offrait d’autres voies par lesquelles M. Cecchetto aurait pu faire valoir son congédiement injustifié ou ses revendications en matière de droits de la personne.

[18] C’est également vrai dans la présente affaire. En l’espèce, les seules questions qui importaient étaient celles de savoir si le prestataire avait enfreint la politique de vaccination de son employeur et, dans l’affirmative, si ce manquement était voulu et vraisemblablement susceptible d’entraîner sa suspension ou son congédiement. Dans la présente affaire, la division générale avait de bonnes raisons de répondre « oui » aux deux questions.

L’argument selon lequel la division générale n’a pas pris en compte ou a mal compris la preuve n’est pas fondé

[19] Devant la division générale, le prestataire a affirmé qu’en l’obligeant à se faire vacciner sous la menace d’un congédiement le X portait atteinte à ses droits. Il a invoqué des éléments de preuve selon lesquels le vaccin n’a pas été mis à l’essai et n’a pas été testé. Il a insisté sur le fait qu’il était exempté de devoir se faire vacciner pour des raisons médicales et religieuses.

[20] La division générale n’a pas fait abstraction de ces points; elle ne les a tout simplement pas trouvés convaincants. Compte tenu du droit entourant l’inconduite, je ne vois pas comment la division générale a commis une erreur dans son évaluation.

La division générale a tenu compte de tous les facteurs pertinents

[21] Lorsque la division générale a examiné la preuve disponible, elle a tiré les conclusions suivantes :

  • L’employeur du prestataire était libre d’établir et d’appliquer une politique de vaccination et de tests de dépistage comme bon lui semblait.
  • L’employeur du prestataire a adopté et communiqué une politique de vaccination obligatoire claire exigeant que tout employé fournisse une preuve démontrant qu’il était entièrement vacciné.
  • Le prestataire savait, ou aurait dû savoir, que le défaut de se conformer à la politique avant une certaine date pouvait entraîner une perte d’emploi.
  • Le prestataire a intentionnellement refusé de se faire vacciner dans les délais raisonnables fixés par son employeur.
  • Le prestataire n’a pas convaincu son employeur qu’il était visé par l’une ou l’autre des exceptions permises conformément à la politique.

[22] Ces conclusions semblent refléter fidèlement les documents au dossier ainsi que le témoignage du prestataire. La division générale a conclu que le prestataire était coupable d’inconduite parce que ses actes étaient voulus et qu’ils ont vraisemblablement mené à sa suspension. Le prestataire a peut-être cru que son refus de suivre la politique ne causait aucun préjudice à son employeur, mais, du point de vue de l’assurance-emploi, ce n’était pas à lui d’en décider.

La division générale ne pouvait pas envisager des solutions de rechange à la vaccination

[23] Le prestataire soutient que la division générale aurait dû se pencher sur le refus du X de lui offrir des solutions de rechange à la vaccination, comme l’éloignement physique, les tests rapides et l’équipement de protection individuelle.

[24] Je ne vois pas le bien-fondé de cet argument. Comme la division générale l’a souligné à juste titre, la loi lui interdit de juger ce que l’employeur du prestataire a fait ou n’a pas fait. Si le prestataire voulait contester le refus du X de négocier des mesures d’adaptation, il était libre d’amener son employeur devant une cour de justice ou un tribunal des droits de la personne. Toutefois, le processus de demande d’assurance-emploi n’était pas la bonne façon de régler un tel différend.

Conclusion

[25] Pour les motifs qui précèdent, je ne suis pas convaincu que le présent appel a une chance raisonnable de succès. La permission d’en appeler est donc refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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