Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 710

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : S. A.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 8 mars 2023
(GE-22-3141)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 5 juin 2023
Numéro de dossier : AD-23-321

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse (prestataire) a été suspendue de son emploi parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. On ne lui a pas accordé d’exemption. La prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a décidé que la prestataire avait été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. Elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations. Après une révision défavorable à son égard, la prestataire a fait appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que la prestataire avait été suspendue de son emploi après avoir refusé de se conformer à la politique de l’employeur. Elle a jugé que la prestataire savait ou aurait dû savoir que l’employeur était susceptible de la suspendre dans ces circonstances. La division générale a également conclu que la prestataire avait été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.

[5] La prestataire demande la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel. La prestataire soutient que la division générale a ignoré les faits pertinents et qu’elle a mal appliqué le critère juridique relatif à l’inconduite.

[6] Je dois décider si la prestataire a soulevé une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont les suivantes :

  1. 1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. 2. La division générale n’a pas décidé d’une question qu’elle aurait dû trancher, ou elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à une audience sur le fond. Il s’agit d’une première étape que la prestataire doit franchir, mais où le fardeau est inférieur à celui dont elle devra s’acquitter à l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission de faire appel, la prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Elle doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, on peut soutenir qu’il y a eu une erreur révisable qui pourrait donner à l’appel une chance de succès.

[11] Par conséquent, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel susmentionnés et qu’au moins un des motifs a une chance raisonnable de succès.

La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

[12] La prestataire soutient que la division générale a ignoré les faits pertinents et qu’elle a mal appliqué le critère juridique relatif à l’inconduite. Plus précisément, elle fait valoir ce qui suit :

  1. a) Sa convention collective n’indique pas expressément ou explicitement qu’un membre du personnel doit se faire vacciner contre la COVID-19 ni recevoir aucun autre vaccin, comme condition d’emploi.
  2. b) Son syndicat a agi illégalement en acceptant la politique de l’employeur et celle-ci est donc nulle et non avenue.
  3. c) Elle n’a pas consenti à se faire vacciner ni à travailler au titre de la politique de vaccination.
  4. d) Son consentement est volontaire et doit être fondé sur un consentement éclairé. Il ne peut être accordé sous la contrainte;
  5. e) L’employeur aurait pu lui offrir des mesures d’adaptation, mais il a plutôt appliqué la pénalité la plus sévère.
  6. f)  La prestataire soutient que ses droits ont été violés au titre du droit canadien et du droit international.

[13] La division générale devait décider si la prestataire avait été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.

[14] La notion d’inconduite n’implique pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employée ou l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant la prestataire de telle sorte que sa suspension était injustifiée, mais plutôt de décider si la prestataire s’est rendue coupable d’inconduite et si cette inconduite a entraîné sa suspension Note de bas de page 1.

[16] À la lumière de la preuve, la division générale a conclu que la prestataire avait été suspendue parce qu’elle avait refusé de se conformer à la politique. Elle avait été informée de la politique de l’employeur et avait eu le temps de s’y conformer. On ne lui a pas accordé d’exemption. Le refus de la prestataire était intentionnel, et donc délibéré. Il s’agit de la cause directe de sa suspension.

[17] La division générale a conclu que la prestataire savait ou aurait dû savoir que son refus de se conformer à la politique pourrait entraîner sa suspension.

[18] La division générale a aussi conclu de la preuve prépondérante que le comportement de la prestataire constituait une inconduite.

[19] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 2. On considère également comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi le fait de ne pas observer une politique dûment approuvée par un gouvernement ou une industrieNote de bas de page 3.

[20] Il n’est pas vraiment contesté qu’un employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité des membres de son personnel dans leur lieu de travail. Dans la présente affaire, l’employeur a suivi les recommandations de Santé publique pour établir une politique de vaccination afin de protéger la santé de tous les membres de son personnel pendant la pandémie. La politique était en vigueur lorsque la prestataire a été suspendue.

[21] Le Tribunal n’a pas la compétence de décider si les mesures de santé et de sécurité de l’employeur concernant la COVID-19 étaient efficaces ou raisonnables.

[22] La question de savoir si l’employeur aurait dû offrir des mesures d’adaptation à la prestataire, si sa politique a porté atteinte aux droits de la prestataire au titre de la convention collective ou si elle a porté atteinte à ses droits fondamentaux et constitutionnels relève d’une autre instance. Le Tribunal n’est pas l’endroit approprié où la prestataire peut obtenir la réparation qu’elle demandeNote de bas de page 4.

[23] La Cour fédérale a rendu une décision récente dans l’affaire Cecchetto concernant l’inconduite et le refus d’un prestataire de suivre la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. Le prestataire a fait valoir que le refus de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur n’est pas une inconduite. Il a aussi soutenu qu’il n’était pas prouvé que le vaccin était sécuritaire ou efficace. Le prestataire a senti qu’il avait été victime de discrimination en raison de son choix médical personnel. Il a déclaré qu’il a le droit d’être maître de son intégrité physique et que ses droits ont été violés au titre du droit canadien et internationalNote de bas de page 5.

[24] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle, selon la loi, le Tribunal n’est pas autorisé à répondre à ces questions. La Cour a convenu qu’en faisant un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, la prestataire avait manqué à ses obligations et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 6. La Cour a déclaré qu’il y a d’autres façons dont les demandes de la prestataire peuvent progresser adéquatement au sein du système juridique.

[25] Dans l’affaire Paradis précédente, le prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu qu’il n’y avait pas eu d’inconduite parce que la politique de l’employeur violait ses droits au titre de l’Alberta Human Rights Act [loi albertaine sur les droits de la personne]. La Cour fédérale a conclu que cette question relevait d’une autre instance.

[26] La Cour fédérale a déclaré qu’il existe des recours disponibles pour qu’une partie prestataire sanctionne le comportement d’un employeur sans que les coûts de ce comportement soient transférés au Régime d’assurance-emploi.

[27] Dans l’affaire Mishibinijima, la Cour d’appel fédérale a déclaré que l’obligation de l’employeur de fournir des mesures d’adaptation n’est pas pertinente pour trancher les cas d’inconduite à l’assurance-emploi.

[28] Comme je l’ai mentionné plus haut, le rôle de la division générale n’est pas de déterminer si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant la prestataire de sorte que sa suspension était injustifiée, mais plutôt de décider si la prestataire s’est rendue coupable d’inconduite et si cette inconduite a entraîné sa suspension.

[29] La preuve prépondérante présentée à la division générale montre que la prestataire a fait un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l’employeur en réponse aux circonstances exceptionnelles créées par la pandémie, ce qui a entraîné sa suspension.

[30] Je ne vois aucune erreur révisable commise par la division générale lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 7.

[31] Je suis pleinement conscient que le prestataire peut demander réparation devant une autre instance, si une violation est établieNote de bas de page 8. Cela ne change rien au fait qu’au titre de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que la prestataire a été suspendue en raison d’une inconduite.

[32] La prestataire présente une décision de la division générale qu’elle considère comme pareille à son cas où la prestataire a réussi à recevoir des prestations d’assurance-emploi. Elle demande au Tribunal de suivre cette décisionNote de bas de page 9.

[33] Il est important de répéter que la décision de la division générale qui est mentionnée n’est pas contraignante pour la division d’appelNote de bas de page 10. Cependant, celles de la Cour fédérale sont contraignantes et elles ont été suivies par la division d’appel. De plus, les faits sont différents en ce sens que la convention collective de la prestataire comportait une disposition spécifique lui permettant de refuser toute vaccination. La prestataire n’a présenté aucun élément de preuve de ce genre à la division générale. De plus, la décision de la division générale mentionnée a été rendue avant la décision de la Cour fédérale dans l’affaire Cecchetto.

[34] La prestataire soutient que son employeur l’a rappelée au travail. Ce fait ne change pas la nature de l’inconduite qui a d’abord mené à la suspension de la prestataireNote de bas de page 11.

[35] Dans sa demande de permission de faire appel, la prestataire n’a relevé aucune erreur révisable, comme une erreur de compétence ou un manquement à un principe de justice naturelle de la part de la division générale. Elle n’a cerné aucune erreur de droit ni conclusion de fait erronée que la division générale aurait pu tirer de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance au moment de rendre sa décision.

[36] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments de la prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[37] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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