Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : TD c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 664

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : T. D.
Représentante ou représentant : M. M.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 27 février 2023
(GE-22-3156)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 31 mai 2023
Numéro de dossier : AD-23-309

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse (prestataire) a perdu son emploi parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. Aucune exemption ne lui a été accordée. La prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a conclu que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations. Après révision, la Commission n’a pas changé sa décision, et la prestataire a fait appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que la prestataire avait perdu son emploi après avoir refusé de se conformer à la politique de l’employeur. Aucune exemption n’a été accordée à la prestataire. Elle a conclu que la prestataire savait que l’employeur la congédierait probablement dans ces circonstances. La division générale a conclu que la prestataire avait été congédiée de son emploi en raison d’une inconduite.

[5] La prestataire cherche à obtenir la permission de porter la décision de la division générale en appel devant la division d’appel. La prestataire soutient que la division générale a commis une erreur parce qu’elle s’est concentrée exclusivement sur la politique de vaccination. Elle fait valoir que la division générale aurait dû tenir compte de ses droits en milieu de travail au titre des lois sur la santé et la sécurité. Elle avance qu’elle avait droit à un milieu de travail sécuritaire. La prestataire soutient qu’elle ne pouvait pas savoir que ses droits seraient ignorés et qu’elle serait congédiée. Elle affirme que le fait d’avoir recours à la politique et aux lois internes sur la santé et la sécurité annulait toute mesure disciplinaire entraînant le congédiement aux termes de la nouvelle politique, et ce, jusqu’à ce qu’une enquête appropriée soit menée sur les préoccupations présentées et exprimées.

[6] Je dois décider si la prestataire a soulevé une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse d’accorder la permission de faire appel puisque l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Il s’agit des erreurs révisables suivantes :

  1. 1. La procédure de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. 2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher ou elle a tranché une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a commis une erreur de droit dans sa décision.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à l’examen sur le fond. Il s’agit d’une première étape que la prestataire doit franchir, mais où le critère juridique est moins exigeant que celui à remplir pour un appel sur le fond. À l’étape de la permission de faire appel, la prestataire n’a pas à prouver ses arguments. Elle doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, elle doit démontrer qu’il est possible de soutenir qu’il y a eu une erreur révisable pouvant faire en sorte que l’appel soit accueilli.

[11] Par conséquent, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel mentionnés plus haut et qu’au moins un des motifs donne à l’appel une chance raisonnable de succès.

La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

[12] La prestataire soutient que la division générale a commis une erreur parce qu’elle s’est concentrée exclusivement sur la politique de vaccination. Elle fait valoir que la division générale aurait dû tenir compte de ses droits en milieu de travail au titre des lois sur la santé et la sécurité. Elle avance qu’elle avait droit à un milieu de travail sécuritaire. La prestataire soutient qu’elle ne pouvait pas savoir que ses droits seraient ignorés et qu’elle serait congédiée. Elle affirme que le fait d’avoir recours à la politique et aux lois internes sur la santé et la sécurité annulait toute mesure disciplinaire entraînant le congédiement aux termes de la nouvelle politique, et ce, jusqu’à ce qu’une enquête appropriée soit menée sur les préoccupations présentées et exprimées.

[13] La division générale devait décider si la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[14] La notion d’inconduite ne sous-entend pas qu’il est nécessaire que la façon d’agir résulte d’une intention coupable. Il suffit que l’inconduite soit consciente, délibérée ou intentionnelle. Autrement dit, pour qu’il y ait inconduite, l’acte reproché doit avoir été de nature délibérée ou, à tout le moins, de nature insouciante ou négligente au point où l’on pourrait dire que la personne a délibérément ignoré les effets de ses actes sur son rendement.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de décider si l’employeur était coupable d’inconduite en congédiant la prestataire de telle sorte que son congédiement était injustifié. Son rôle est plutôt de décider si la prestataire était coupable d’inconduite et si cette inconduite a mené à son congédiement Note de bas de page 1.

[16] D’après la preuve, la division générale a conclu que la prestataire a été congédiée parce qu’elle a refusé de suivre la politique.

[17] La prestataire a été informée de la politique à plusieurs reprises, et son employeur lui a donné du temps pour qu’elle s’y conforme. Aucune exemption ne lui a été accordée. Le refus de la prestataire était intentionnel et volontaire. Il s’agit de la cause directe de son congédiement.

[18] La division générale a conclu que la prestataire savait que son refus de se conformer à la politique pouvait entraîner son congédiement. Elle a tenu compte du fait que, avant de la congédier, l’employeur a demandé à la prestataire une dernière fois lors d’une rencontre si elle allait se conformer à la politique. Elle a refusé et elle a été congédiée le jour même.

[19] La division générale a conclu à partir de la preuve prépondérante que le comportement de la prestataire constituait une inconduite.

[20] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 2. On considère également comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi le fait de ne pas observer une politique dûment approuvée par un gouvernement ou une entrepriseNote de bas de page 3.

[21] On ne conteste pas vraiment le fait qu’un employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de son personnel sur le lieu de travail. Dans la présente affaire, l’employeur a mis en œuvre sa politique pour protéger la santé de tout le personnel pendant la pandémie. La politique était en vigueur lorsque la prestataire a été congédiéeNote de bas de page 4.

[22] La division générale n’a pas le pouvoir de trancher les questions au sujet de l’efficacité des mesures de santé et de sécurité mises en place par l’employeur ou du caractère raisonnable de la politique de l’employeur.

[23] Les questions de savoir si l’employeur a porté atteinte à ses droits en matière d’emploi ou si la politique allait à l’encontre des droits de la personne et des droits constitutionnels relèvent d’une autre instance. Ce tribunal n’est pas le bon endroit pour obtenir la réparation que la prestataire demandeNote de bas de page 5.

[24] Comme l’a déclaré la division générale, la Cour fédérale a rendu une décision dans l’affaire Cecchetto qui a eu lieu récemment. Cette affaire portait sur l’inconduite et sur le refus d’un prestataire de suivre la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur.

[25] Le prestataire a fait valoir que le refus de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur n’est pas une inconduite. Il a affirmé qu’aucune preuve ne démontrait que le vaccin était sécuritaire et efficace. Le prestataire s’est senti discriminé en raison de son choix médical personnel. Le prestataire a soutenu qu’il a le droit de contrôler sa propre intégrité physique et que ses droits ont été violés aux termes du droit canadien et du droit internationalNote de bas de page 6.

[26] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel : selon la loi, le Tribunal n’est pas autorisé à trancher ces questions. La Cour a convenu que, en faisant le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations envers l’employeur et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 7. La Cour a déclaré qu’il existe d’autres moyens qui permettraient aux demandes du prestataire de progresser adéquatement dans le cadre du système juridique.

[27] Dans l’affaire Paradis, le prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu qu’il n’y avait pas eu d’inconduite, car la politique de son employeur allait à l’encontre de ses droits au titre de l’Alberta Human Rights Act [loi de l’Alberta sur les droits de la personne]. La Cour fédérale a conclu que cette question relevait d’une autre instance.

[28] La Cour fédérale a déclaré qu’une personne employée a, pour sanctionner le comportement de l’employeur, d’autres recours qui permettent d’éviter que le programme d’assurance-emploi fasse les frais du comportement.

[29] Comme je l’ai mentionné plus haut, le rôle de la division générale n’est pas de décider si l’employeur était coupable d’inconduite en congédiant la prestataire de sorte que son congédiement était injustifié. Son rôle est plutôt de décider si la prestataire était coupable d’inconduite et si cette inconduite a mené à son congédiement.

[30] La preuve prépondérante présentée à la division générale montre que la prestataire a fait le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l’employeur, qui a été mise en place en réponse à la situation exceptionnelle causée par la pandémie, ce qui a entraîné son congédiement.

[31] Je ne vois pas en quoi la division générale aurait commis une erreur révisable lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement d’après les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 8.

[32] Je suis pleinement conscient que la prestataire peut demander réparation auprès d’une autre instance, si l’existence d’une violation est établie. Cela ne change rien au fait qu’aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que la prestataire a été congédiée en raison d’une inconduite.

[33] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments que la prestataire a présentés pour appuyer sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[34] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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