Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : TD c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 665

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : T. D.
Représentante : B. S.
Témoin : M. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (497170) datée du 16 août 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Linda Bell
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 21 février 2023

Personnes présentes à l’audience :

Partie appelante
Représentante de la partie appelante
Témoin de la partie appelante

Date de la décision : Le 27 février 2023
Numéro de dossier : GE-22-3156

Sur cette page

Décision

[1] Je rejette l’appel. Je ne suis pas d’accord avec l’appelante.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a démontré que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui a entraîné son congédiement). Par conséquent, l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelante a travaillé dans le domaine des soins de santé. Elle occupait le poste de technologue en radiologie médicale dans une clinique médicale privée. L’employeur de l’appelante affirme qu’elle a été congédiée parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. Elle a refusé de divulguer son statut vaccinal et de se soumettre à un test PCR ou à un test de dépistage rapide de la COVID-19

[4] Même si l’appelante ne conteste pas ce qui s’est passé, elle affirme que le fait de refuser de se conformer à la politique de l’employeur n’est pas une inconduite.

[5] La Commission a accepté la raison du congédiement fournie par l’employeur. Elle a conclu que l’appelante a été congédiée en raison de son inconduite. Elle l’a donc exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[6] L’appelante n’est pas d’accord avec la décision de la Commission de lui refuser des prestations d’assurance-emploi. Elle porte donc la décision en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

Question que je dois examiner en premier

Partie mise en cause potentielle

[7] Parfois, le Tribunal envoie à l’ancien employeur de la partie appelante une lettre pour lui demander s’il souhaite être ajouté comme partie mise en cause à l’appel. Pour être ajouté comme partie mise en cause, l’employeur doit avoir un intérêt direct dans l’appel. J’ai décidé de ne pas ajouter l’employeur comme partie mise en cause à l’appel, car rien dans le dossier n’indique que cette décision lui imposerait des obligations légales.

Question en litige

[8] L’appelante a-t-elle été congédiée en raison d’une inconduite?

Analyse

[9] La loi prévoit qu’une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite. Cela s’applique si son employeur l’a congédiée ou suspendueNote de bas de page 2.

[10] Pour décider si l’appelante a été congédiée en raison d’une inconduite, je dois examiner deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison l’appelante a été congédiée. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi l’appelante a-t-elle été congédiée?

[11] Personne ne conteste que l’appelante a été congédiée parce qu’elle a refusé de divulguer si elle avait été vaccinée ou non contre la COVID-19 ou parce qu’elle a refusé d’adhérer à un programme de surveillance au moyen de tests PCR ou de tests de dépistage rapide, comme l’exigeait la politique du 18 octobre 2021. Elle admet qu’elle n’était pas d’accord avec la proposition de l’employeur d’assurer une surveillance au moyen de tests antigéniques et de tests PCR, conformément à la modification apportée à la politique le 6 janvier 2022. L’appelante a déclaré et a confirmé qu’il s’agit de la raison pour laquelle elle a été congédiée.

[12] J’ai pris connaissance de la déclaration de l’appelante selon laquelle l’employeur a fermé l’une de ses cliniques à la fin de janvier 2022. Cette fermeture s’est produite seulement quelques semaines après son congédiement. Elle a précisé qu’elle travaillait comme technologue en radiologie médicale dans toutes les cliniques. Elle a expliqué que toutes les personnes occupant un poste de technologue en radiologie médicale effectuaient des quarts de travail en alternant d’une clinique à l’autre. Par conséquent, elles travaillaient dans toutes les cliniques. Bien qu’elle remette en question le moment où cette clinique a fermé, elle a confirmé qu’elle avait été congédiée parce qu’elle ne s’était pas conformée à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur.

[13] Par conséquent, je conclus que l’appelante a été congédiée de son emploi parce qu’elle a refusé de divulguer son statut vaccinal ou d’adhérer à un programme de surveillance au moyen de tests PCR ou de tests de dépistage rapide, comme l’exigeait la politique de vaccination contre la COVID-19 obligatoire de l’employeur.

La raison du congédiement de l’appelante est-elle une inconduite au sens de la loi?

[14] Oui. Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite. Voici les éléments dont j’ai tenu compte.

[15] Pour être considérée comme une inconduite, la façon d’agir doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 3. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 4.

[16] Pour qu’il y ait inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi, il n’est pas nécessaire que l’appelante ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle a voulu faire quelque chose de mal)Note de bas de page 5.

[17] Il y a inconduite si l’appelante savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas de page 6.

[18] La Commission doit prouver que l’appelante a été congédiée en raison d’une inconduite, selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie que la Commission doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelante a été congédiée en raison d’une inconduiteNote de bas de page 7.

[19] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’appelante était au courant de la politique obligatoire que l’employeur avait mise en place le 18 octobre 2021, qui exigeait que les membres du personnel divulguent leur statut vaccinal contre la COVID-19 ou acceptent d’adhérer à un programme de surveillance au moyen de tests PCR.
  • La politique a été modifiée, ce qui a eu pour effet de modifier la date limite, et des tests antigéniques rapides ont été offerts dans le cadre du programme de surveillance.
  • L’appelante savait et comprenait qu’elle risquait de perdre son emploi si elle ne se conformait pas à la politique.
  • L’employeur a clairement informé l’appelante par écrit que si elle ne se soumettait pas aux tests antigéniques rapides, elle ferait l’objet de mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement.
  • Le 12 janvier 2022, l’employeur a discuté de la décision de l’appelante et elle a confirmé qu’elle ne se soumettrait pas à des tests en raison des risques pour sa santé.

[20] La témoin de l’appelante dit que l’employeur de l’appelante était une clinique privée. Elle croit donc qu’il a fait le « choix » de suivre les règlements provinciaux lorsqu’il a mis en place une politique de vaccination contre la COVID-19.

[21] La témoin affirme que les gestes de l’appelante ne constituent pas une inconduite parce qu’ils n’ont pas été posés pour nuire délibérément à l’employeur. Elle soutient que l’appelante a le droit de savoir, de participer et de refuser en vertu de la réglementation provinciale sur la santé et la sécurité au travail. L’appelante a invoqué cette réglementation lorsqu’elle a demandé à ce qu’une enquête soit menée sur la sécurité des tests antigéniques proposés par l’employeur. L’employeur n’aurait donc pas dû la congédier, car elle est protégée par cette réglementation.

[22] La témoin soutient que les actions de l’employeur étaient discriminatoires, car l’appelante avait des droits au titre de la réglementation sur la santé et la sécurité au travail. La témoin et la représentante ont fait valoir que l’appelante n’a jamais refusé catégoriquement de se soumettre aux tests antigéniques. Elle voulait que l’employeur réponde à ses questions et fournisse un meilleur produit. Cependant, l’employeur n’a pas répondu à ses demandes et [traduction] « l’a tout simplement congédiée ».

[23] La loi ne dit pas que je dois tenir compte de la façon d’agir de l’employeurNote de bas de page 8. Je dois plutôt me concentrer sur ce que l’appelante a fait ou a omis de faire, et décider s’il s’agit d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 9.

[24] L’appelante convient qu’elle a été informée en septembre 2021 que l’employeur mettrait en place une politique obligatoire sur la COVID-19. Elle a reçu la politique par courriel le 18 octobre 2021.

[25] L’appelante savait que la politique exigeait que toutes les personnes employées fournissent une preuve qu’elles étaient entièrement vaccinées contre la COVID-19 au plus tard le 26 novembre 2021. Les personnes qui n’étaient pas entièrement vaccinées devaient fournir un résultat négatif d’un test PCR chaque semaine à compter du 27 octobre 2021. La politique prévoit que [traduction] « toute personne employée qui ne se conforme pas à la politique de vaccination contre la COVID-19 fera l’objet de mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiementNote de bas de page 10 ». Malgré cela, l’appelante a refusé de s’y conformer.

[26] La date limite pour se conformer à la politique a été repoussée à quelques reprises, pour finalement se fixer au début de janvier 2022. L’appelante a assisté à une rencontre avec le nouveau directeur général le 6 janvier 2022. Ils ont discuté de la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de l’employeur. L’appelante n’était pas d’accord avec la politique de vaccination et a dit à l’employeur qu’elle ne se soumettrait pas aux tests PCR. Le directeur général a proposé des modifications à la politique. Ces modifications faisaient en sorte qu’il était maintenant possible de passer des tests antigéniques. On lui a donné 24 heures pour accepter cette proposition, donc de faire des tests antigéniques rapides trois fois par semaine.

[27] L’appelante reconnaît avoir reçu un courriel de l’employeur, quelques heures après la rencontre du 6 janvier 2022. Le courriel résumait leur discussion de ce jour-làNote de bas de page 11. L’employeur documente que, lors de leur rencontre, l’appelante a confirmé qu’elle n’était pas d’accord avec le mandat de vaccination et qu’elle ne se soumettrait pas aux tests PCR. Il était aussi écrit : [traduction] « Comme le mentionne le précédent courriel envoyé le 18 octobre 2021, toute personne employée qui ne se conforme pas à la politique de vaccination contre la COVID-19 fera l’objet de mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement ».

[28] L’appelante affirme avoir répondu à l’employeur dans le délai de 24 heures accordé. Elle n’a ni accepté ni refusé de se soumettre à un test antigénique. Elle a plutôt demandé à ce qu’on lui fournisse plus de renseignements sur la sûreté du test antigénique proposé. Cependant, l’employeur n’a pas répondu à ses questions.

[29] L’employeur a dit à la Commission qu’il n’avait pas répondu par écrit aux questions et aux préoccupations de l’appelante au sujet du test antigénique rapide. Il a plutôt dit à l’appelante qu’il n’allait pas entamer un débat sur la science et qu’il se fiait aux conseils de l’autorité de santé provinciale.

[30] Le 12 janvier 2022, l’appelante a dit à l’employeur qu’elle ne se soumettrait pas aux tests antigéniques. Elle a déclaré qu’elle ne mettrait pas consciemment des toxines dans son corps trois fois par semaine pendant une période indéterminée. L’employeur l’a congédiée le 12 janvier 2022.

[31] Je reconnais que l’appelante affirme avoir cotisé à la caisse d’assurance-emploi pendant de nombreuses années. Cependant, le Régime d’assurance-emploi est un régime d’assurance. Ce n’est pas un fonds de pension ni un programme d’aide dans le cadre duquel il est possible d’obtenir de l’argent à tout moment, au besoin. Pour recevoir des prestations, les personnes doivent plutôt remplir les conditions d’admissibilité énoncées dans la Loi sur l’assurance-emploi.

[32] À l’audience, la représentante de l’appelante a cité deux autres décisions à titre de référence, soit les décisions DL c Commission de l’assurance-emploi du Canada et AL c Commission de l’assurance-emploi du CanadaNote de bas de page 12. Ces décisions ont été rendues par différents membres de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[33] Comme je l’ai expliqué lors de l’audience, je ne suis pas liée par les autres décisions rendues par le TribunalNote de bas de page 13. Par conséquent, je n’ai pas à suivre ces décisions. Je peux m’y fier pour me guider si je les trouve convaincantes ou utiles.

[34] Je trouve la décision DL c Commission de l’assurance-emploi du Canada ni utile ni convaincante. Je ne vois aucune similitude entre la décision DL c Commission de l’assurance-emploi du Canada et l’appel de l’appelante. Dans laffaire DL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, la Commission a tranché la question en litige en faveur de D. L. parce que les faits révélaient que son employeur l’avait congédiée après avoir refusé d’approuver sa demande de mesures d’adaptation pour motifs religieux. L’employeur a convenu que D. L. avait fourni la preuve qu’elle satisfaisait aux exigences pour obtenir des mesures d’adaptation, mais qu’il ne pouvait pas approuver la demande. L’appelante dans l’appel dont je suis saisie n’a pas demandé d’exemption pour motifs religieux. Elle n’a pas non plus fourni de preuve montrant qu’elle avait demandé des mesures d’adaptation prévues par la politique de l’employeur.

[35] En se fondant sur la décision AL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, la représentante affirme que l’appel de l’appelante devrait être accueilli parce qu’A. L. a refusé de se faire vacciner en raison d’un problème de santé. Je reconnais que l’appelante affirme avoir refusé de suivre la politique de vaccination pour des raisons de sécurité médicale, mais elle n’a présenté aucune preuve montrant qu’elle avait un problème de santé qui l’empêchait de se faire vacciner contre la COVID-19. Elle n’a pas non plus demandé de mesures d’adaptation pour raisons médicales.

[36] Je souligne également qu’A. L. était une employée syndiquée dont la convention collective n’exigeait pas la vaccination contre la COVID-19. L’appelante n’était pas une employée syndiquée.

[37] En toute déférence, je ne suis pas convaincue par les conclusions et les motifs du membre dans la décision AL c Commission de l’assurance-emploi du Canada. Si je comprends bien, ce membre a fondé sa décision sur ses conclusions concernant les actions unilatérales de l’employeur pour imposer la politique ainsi que sur la question de savoir s’il était justifié, d’un point de vue légal, que la prestataire refuse de se faire vacciner contre la COVID-19. Je tiens également à souligner que la décision AL c Commission de l’assurance-emploi du Canada a été portée en appel.

[38] Même si je ne suis pas liée par les autres décisions rendues par le Tribunal, je suis liée par les décisions rendues par la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale.

[39] Dans l’affaire Cecchetto c Procureur général du Canada qui a eu lieu récemment, la Cour fédérale a rejeté une demande de contrôle judiciaire dans le cadre d’une décision dont la question portait sur le refus d’une partie prestataire de se faire vacciner contre la COVID-19Note de bas de page 14.

[40] Dans l’affaire Cecchetto, le prestataire travaillait dans un hôpital. On lui a refusé des prestations d’assurance-emploi parce qu’on a conclu qu’il avait été suspendu puis congédié en raison d’une inconduite. Ce prestataire n’a pas respecté la directive provinciale qui exigeait la vaccination obligatoire contre la COVID-19 pour le personnel hospitalier.

[41] Dans l’affaire Cecchetto, la Cour a confirmé qu’il ne relève ni du mandat ni de la compétence du Tribunal de la sécurité sociale d’évaluer le bien-fondé, la légitimité ou la légalité de la politique de vaccination d’un employeur ou de se prononcer sur cette question.

[42] Il ne m’appartient pas de décider si l’appelante a d’autres options en vertu d’autres lois ou si l’employeur aurait dû prendre des dispositions raisonnables (mesures d’adaptation) pour l’appelanteNote de bas de page 15. Ces questions relèvent d’une autre instanceNote de bas de page 16. Je peux décider une seule chose, à savoir si ce que l’appelante a fait ou a omis de faire constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[43] Je reconnais que l’appelante a le droit de décider si elle se fait vacciner ou si elle se soumet à un test PCR ou à un test antigénique rapide. Cependant, elle savait que si elle refusait de suivre la politique de l’employeur, il y aurait des conséquences qui, dans ce cas-ci, étaient un congédiement.

[44] Compte tenu des faits énoncés ci-dessus, je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite parce que le refus de l’appelante de se faire vacciner contre la COVID-19 ou de se soumettre à des tests de dépistage (PCR ou test antigénique rapide) était délibéré ou intentionnel. Il y avait une relation de cause à effet entre son refus de se faire vacciner ou de se soumettre à des tests de dépistage et son congédiement. Je conclus donc que l’appelante a été congédiée en raison de son inconduite.

Conclusion

[45] La Commission a prouvé que l’appelante a été congédiée en raison d’une inconduite.

[46] L’appel est rejeté.

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