Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : IL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 636

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : I. L.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (507708) rendue le 9 août 2022 par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Kristen Thompson
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 7 février 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 17 février 2023
Numéro de dossier : GE-22-3068

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelante.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelante a perdu son emploi. Selon son employeuse, l’appelante a été renvoyée parce qu’elle n’a pas respecté sa politique de vaccination : elle ne s’est pas fait vacciner.

[4] Même si l’appelante ne conteste pas ces faits, elle affirme que contrevenir à la politique de vaccination de son employeuse n’est pas une inconduite.

[5] La Commission a accepté la raison fournie par l’employeuse pour expliquer le congédiement. Elle a décidé que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle a donc conclu que l’appelante était exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[6] L’appelante explique que son employeuse n’avait pas de politique de vaccination. Elle dit qu’elle ne voulait pas risquer de nuire à sa santé en se faisant vacciner. Elle affirme que son employeuse ne lui a offert aucune mesure d’adaptation et aucune autre solution.

Question en litige

[7] L’appelante a‑t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[8] La loi prévoit qu’on ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi si l’on perd son emploi en raison d’une inconduite. Cette règle s’applique en cas de congédiement et en cas de suspensionNote de bas de page 2.

[9] Pour savoir si l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. Je dois d’abord déterminer la raison pour laquelle elle a perdu son emploi. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi l’appelante a‑t-elle perdu son emploi?

[10] Je conclus que l’appelante a perdu son emploi parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination de son employeuse.

[11] Selon l’appelante, l’employeuse n’avait pas adopté de politique de vaccination. Elle dit avoir perdu son emploi parce qu’elle ne s’est pas conformée à l’ordonnance de la santé publique provinciale, que son employeuse lui avait demandé de suivre.

[12] Selon la Commission, l’appelante a perdu son emploi parce qu’elle a enfreint la politique de vaccination de son employeuse.

[13] Je juge que l’appelante a perdu son emploi parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination de son employeuse. J’estime que la politique de l’employeuse était de suivre l’ordonnance émise par la santé publique provinciale.

La raison du congédiement est‑elle une inconduite au sens de la loi?

[14] La raison pour laquelle l’appelante a été congédiée est une inconduite au sens de la loi.

[15] La Loi sur l’assurance-emploi ne définit pas l’inconduite. Mais la jurisprudence (les décisions des cours et des tribunaux) nous montre comment savoir si le renvoi de l’appelante constitue une inconduite au sens de la Loi. Elle établit le critère juridique de l’inconduite, c’est‑à-dire les points et les critères à prendre en considération lorsqu’on examine la question de l’inconduite.

[16] Selon la jurisprudence, pour qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée. En d’autres termes, elle doit être consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 3. L’inconduite comprend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 4. Il n’est pas nécessaire que l’appelante ait eu une intention coupable (c’est‑à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 5.

[17] Il y a inconduite si l’appelante savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeuse et que la possibilité d’être congédiée pour cette raison était bien réelleNote de bas de page 6.

[18] La loi ne m’oblige pas à tenir compte du comportement de l’employeuseNote de bas de page 7. Je dois plutôt me pencher sur ce que l’appelante a fait ou n’a pas fait, puis voir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 8.

[19] Je dois tenir compte de la Loi d’abord et avant tout. Je ne peux pas décider si d’autres lois donnent d’autres options à l’appelante. Il ne m’appartient pas de décider si le congédiement de l’appelante est injuste ou si l’employeuse aurait dû mettre en place des mesures d’adaptation raisonnables pour elleNote de bas de page 9. Je peux me pencher sur une seule question : ce que l’appelante a fait ou omis de faire est‑il une inconduite au sens de la Loi?

[20] La Commission doit prouver que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Autrement dit, elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 10.

[21] Selon la Commission, il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’employeuse avait une politique de vaccination.
  • Elle a clairement communiqué la politique à l’appelante.
  • L’appelante savait que le non-respect de la politique lui ferait perdre son emploi.
  • La politique est raisonnable dans ce milieu de travail, où l’on donnait des soins de santé en pleine pandémie.

[22] De son côté, l’appelante affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’employeuse n’avait pas de politique de vaccination; elle a plutôt suivi l’ordonnance de la santé publique provinciale.
  • Elle ne voulait pas risquer de nuire à sa santé en se faisant vacciner, car elle a une maladie auto-immune.
  • Son employeuse ne lui a proposé aucune mesure d’adaptation, et la santé publique provinciale a rejeté sa demande d’exemption médicale.
  • Son employeuse ne lui a offert aucune autre solution, pas même porter un masque ou passer des tests.

[23] Durant son témoignage, l’appelante a dit qu’elle ne s’est pas fait vacciner contre la COVID-19. Elle explique qu’elle a une maladie auto-immune et qu’elle ne voulait pas risquer des ennuis de santé. Elle affirme que les essais cliniques sur les personnes présentant une maladie auto-immune ont été minimes.

[24] L’appelante a expliqué que l’employeuse, X, lui a dit qu’elle devait se faire vacciner contre la COVID-19 en octobre 2021. Elle dit qu’elle savait qu’elle serait placée en congé sans solde et pouvait se faire congédier si elle ne recevait pas le vaccin.

[25] L’appelante affirme avoir demandé à son employeuse une politique de vaccination spécifique, que l’employeuse aurait rédigée. Elle dit qu’on lui a répondu que l’employeuse appliquait l’ordonnance de la santé publique provinciale. Elle dit que si X avait sa propre politique, elle aurait dû la lui fournirNote de bas de page 11.

[26] L’appelante affirme avoir seulement reçu la politique du Programme de lutte contre la grippe, qui a été rédigée par son employeuse. Cette politique prévoit que le personnel se fasse vacciner contre la grippe ou porte un masque pendant la saison grippale dans les zones de soins aux patientsNote de bas de page 12.

[27] L’appelante explique avoir demandé une exemption en fournissant une lettre de son médecin qui décrit ses problèmes de santéNote de bas de page 13. Elle dit que sa demande d’exemption a été rejetée par la santé publique provinciale. Elle affirme que celle‑ci exigeait que son médecin remplisse un formulaire précis, mais il a refusé de le faire.

[28] Dans sa demande de prestations d’assurance-emploi, l’appelante écrit qu’elle a assisté à des réunions virtuelles avec son employeuse le 1er décembre 2021 et le 24 janvier 2022Note de bas de page 14. À l’audience, elle a dit qu’elles ont discuté de son statut vaccinal, de l’obligation vaccinale imposée par l’employeuse et du fait qu’elle serait congédiée si elle ne se faisait pas vacciner.

[29] Dans sa demande de prestations d’assurance-emploi, l’appelante ajoute qu’elle a été placée en congé sans solde le 26 octobre 2021, puis congédiée le 24 janvier 2022Note de bas de page 15.

[30] L’employeuse a dit à la Commission que l’appelante n’avait pas respecté sa politique de vaccination. Elle a ajouté que l’appelante avait été placée en congé sans solde le 26 octobre 2021 et qu’elle avait été congédiée le 24 janvier 2022. L’employeuse affirme que la politique se trouve sur le site Web du gouvernement de la Colombie-BritanniqueNote de bas de page 16.

[31] Le dossier d’appel contenait la politique de vaccination contre la COVID-19 pour le personnel de la fonction publique de la Colombie-Britannique. Il est indiqué qu’elle a été mise à jour le 27 juin 2022. On peut y lire que :

  • tout le personnel doit fournir la preuve qu’il a reçu toutes les doses du vaccin contre la COVID-19 dès le 8 novembre 2021;
  • les personnes qui ne fournissent aucune preuve de vaccination ou qui refusent de divulguer leur statut vaccinal au plus tard le 22 novembre 2021 seront considérées comme non vaccinées;
  • il est possible de demander une exemption à la politique pour des raisons de santé ou pour la protection des droits de la personne;
  • les personnes non vaccinées seront placées en congé sans solde pendant trois mois;
  • après un congé sans solde de trois mois, celles qui ne sont pas au moins partiellement vaccinées s’exposent à un congédiementNote de bas de page 17.

[32] L’appelante affirme avoir déposé un grief contre son employeuse. Elle dit qu’elle croit que son grief précise que l’employeuse aurait dû élaborer sa propre politique au lieu de se fier uniquement à l’ordonnance de la santé publique provinciale.

[33] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’employeuse avait adopté une politique de vaccination qui oblige tout le personnel à se faire vacciner contre la COVID-19.
  • Ce n’est pas à moi de décider si l’employeuse doit rédiger sa propre politique, et non simplement suivre l’ordonnance émise par la santé publique provincialeNote de bas de page 18.
  • L’employeuse a clairement dit à l’appelante ce qu’elle attendait de son personnel en ce qui concerne la vaccination.
  • L’employeuse a parlé à l’appelante à plusieurs reprises pour lui faire part de ses attentes.
  • L’appelante connaissait ou aurait dû connaître les conséquences du non-respect de la politique de vaccination de l’employeuse.
  • Je m’appuie sur le témoignage de l’appelante, sa demande de prestations d’assurance-emploi et la discussion téléphonique entre l’employeuse et la Commission pour rendre ma décision, car la date qui apparaît sur la politique au dossier tombe après le congédiement de l’appelante.

Somme toute, l’appelante a‑t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[34] Étant donné les conclusions que je viens de tirer, je juge que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[35] En effet, ses faits et gestes ont entraîné son congédiement. Elle a agi de façon délibérée. Elle savait que si elle refusait de se faire vacciner, elle risquait de perdre son emploi.

Conclusion

[36] La Commission a prouvé que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite. En conséquence, l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[37] L’appel est donc rejeté.

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