Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AG c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 512

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. G.
Représentant : M. H.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de
l’assurance-emploi du Canada (478353) datée du
23 juin 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Raelene R. Thomas
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 9 janvier 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentant de l’appelante
Date de la décision : Le 6 février 2023
Numéro de dossier : GE-22-2505

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec la prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’elle a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] La prestataire travaillait pour une entreprise de messagerie. Son employeur a mis en place une politique exigeant que tous les membres du personnel attestent leur statut vaccinal contre la COVID-19. Il a mis la prestataire en congé sans solde parce qu’elle ne l’a pas faitNote de bas de page 2.

[4] La Commission a examiné les raisons pour lesquelles la prestataire a cessé de travailler. Elle a décidé qu’elle avait été suspendue en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 3. La Commission a donc conclu que la prestataire est inadmissible aux prestations d’assurance-emploi.

[5] La prestataire n’est pas d’accord avec la Commission. Elle soutient que son employeur mettait constamment en place des politiques, mais qu’il n’y donnait pas suite. Elle dit que la politique utilisait le mot [traduction] « peut » lorsqu’elle parlait de ce qui se passerait si elle ne s’y conformait pas. La prestataire affirme que son employeur n’a pas répondu à une lettre qu’elle lui a envoyée au sujet du vaccin et qu’il n’a pas communiqué avec elle pour connaître ses besoins. Elle dit qu’elle n’a pas de boule de cristal et qu’elle ne pouvait pas prévoir que l’employeur la mettrait en congé. Le représentant de la prestataire affirme que la politique de l’employeur n’est pas conforme à son code d’éthique et à la convention collective et qu’elle est contraire à la loi. Il fait valoir qu’il ne peut y avoir d’inconduite puisque la politique est illégale.

Questions que je dois examiner en premier

Les deux appels de la prestataire ont été joints

[6] La Commission a rendu deux décisions au sujet de la demande de prestations d’assurance-emploi de la prestataire. Elle a décidé qu’elle était inadmissible aux prestations parce qu’elle avait été suspendue en raison d’une inconduite et parce qu’elle n’avait pas prouvé sa disponibilité pour travailler.

[7] La prestataire a porté les deux décisions en appel au Tribunal de la sécurité sociale. Le personnel du Tribunal a numéroté l’appel sur la question de l’inconduite GE‑22-2505 et l’appel sur la question de la disponibilité pour travailler GE-22-2506.

[8] Je peux traiter deux appels ou plus ensemble s’ils portent sur une question commune, mais je ne peux le faire que si cela ne crée pas d’injustice pour les partiesNote de bas de page 4.

[9] J’ai examiné les renseignements dans les deux dossiers d’appel. J’ai décidé de joindre les deux appels parce que les faits liés aux questions de l’inconduite et de la disponibilité pour travailler sont semblables.

La prestataire a retiré l’appel GE-22-2506 à l’audience

[10] À l’audience, j’ai expliqué à la prestataire et à son représentant qu’après révision, la Commission avait annulé sa décision de déclarer la prestataire inadmissible aux prestations d’assurance-emploi parce qu’elle n’avait pas prouvé qu’elle était disponible pour travailler. Cela signifiait que la Commission ne jugeait plus que la prestataire était inadmissible aux prestations pour cette raison et que cette dernière faisait appel d’une décision favorable à son égard.

[11] Après avoir consulté son représentant, la prestataire m’a dit qu’elle retirait son appel sur la question de la disponibilité pour travailler. Par conséquent, je ne rendrai pas de décision sur cette question et je trancherai seulement la question de l’inconduite.

Les appels n’ont pas été rejetés de façon sommaire

[12] J’ai d’abord envoyé un avis à la prestataire pour l’informer que le Tribunal avait l’intention de rejeter ses appels de façon sommaire. La prestataire a répondu à l’avis en faisant valoir que ses appels ne devaient pas être rejetés de façon sommaire. D’après sa réponse, il m’a semblé que son représentant ne lui avait pas communiqué la demande de révision (document GD3) ou les observations de la Commission au Tribunal (document GD4). J’ai décidé de demander que ces documents soient envoyés directement à la prestataire et de tenir une audience pour trancher les appels.

L’employeur n’est pas mis en cause dans l’appel

[13] Parfois, le Tribunal envoie une lettre à l’employeur d’une partie prestataire pour lui demander s’il veut être mis en cause dans l’appel. C’est ce que le Tribunal a fait dans cette affaire. L’employeur n’a pas répondu à la lettre.

[14] Pour être mis en cause, l’employeur doit avoir un intérêt direct dans l’appel. J’ai décidé de ne pas mettre l’employeur en cause dans cet appel parce que rien dans le dossier n’indique que ma décision pourrait lui imposer des obligations juridiques.

La prestataire n’était pas en congé

[15] Dans le contexte de la Loi sur l’assurance-emploi, une période de congé volontaire nécessite l’accord de l’employeur et de la partie prestataire. Ceux-ci doivent aussi s’être entendus sur une date de finNote de bas de page 5.

[16] Dans le cas de la prestataire, son employeur a mis fin à son emploi le 10 janvier 2022 lorsqu’il la mise en congé sans solde.

[17] Le dossier d’appel ne contient aucun élément de preuve montrant que la prestataire a demandé ou pris une période de congé sans solde.

[18] L’article de la Loi sur l’assurance-emploi sur l’inadmissibilité d’une partie prestataire suspendue fait référence aux actes de celle-ci qui ont entraîné sa suspension. Il dit qu’une partie prestataire suspendue en raison d’une inconduite n’est pas admissible aux prestationsNote de bas de page 6.

[19] Comme je l’explique ci-dessous, la preuve montre que c’est à cause de sa conduite, soit son refus de respecter la politique de vaccination de son employeur, que la prestataire s’est retrouvée sans travail à compter du 10 janvier 2022. Je suis convaincue qu’aux fins de la Loi sur l’assurance-emploi, la période de congé sans solde de la prestataire commençant le 10 janvier 2022 peut être considérée comme une suspension.

J’accepte les documents déposés après l’audience

[20] À l’audience, la prestataire a expliqué qu’elle avait envoyé une lettre à son employeur pour lui poser des questions sur le vaccin contre la COVID-19 et sa responsabilité. Elle a également remis en main propre un avis de responsabilité à un gestionnaire. La prestataire a ajouté qu’elle a reçu des lettres de son employeur le 7 novembre 2022 et le 25 novembre 2022. Après l’audience, elle a envoyé une preuve qu’elle avait remis la lettre à son employeur, un document signé par une personne disant qu’elle avait été témoin de la remise en main propre de l’avis de responsabilité et les deux lettres qu’elle a reçues de son employeurNote de bas de page 7.

[21] La prestataire a également envoyé une copie d’une mise à jour de la Politique pour des milieux de travail sécuritaires en lien avec la COVID-19 de l’employeur et de la politique elle-même. Ces documents comportent des sections soulignées et des notes manuscrites. Les notes ne sont pas signées, mais elles concordent avec la preuve et les arguments que la prestataire a présentés à l’audience.

[22] J’ai décidé d’accepter tous les documents en preuve parce que les renseignements qu’ils contenaient ont été mentionnés lors de l’audience et sont pertinents pour décider si la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[23] La Commission a reçu une copie des documents. Elle les a examinés et a présenté ses observations au Tribunal le 17 janvier 2023Note de bas de page 8. J’ai pris en considération les observations de la Commission.

Question en litige

[24] La prestataire a-t-elle été suspendue en raison d’une inconduite?

Analyse

[25] La loi prévoit qu’une personne ne peut pas obtenir de prestations d’assurance‑emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite. Cela s’applique si son employeur l’a congédiée ou suspendueNote de bas de page 9.

[26] Pour décider si la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois examiner deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison la prestataire a été suspendue. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi la prestataire a-t-elle perdu son emploi?

[27] Je conclus que la prestataire a été suspendue parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination de son employeur.

[28] L’employeur de la prestataire a adopté sa Politique pour des milieux de travail sécuritaires en lien avec la COVID-19. La politique exigeait que tous les membres du personnel attestent leur statut vaccinal au plus tard le 15 octobre 2021. Chaque personne devait également être vaccinée contre la COVID-19 au plus tard le 31 décembre 2021. Les membres du personnel qui n’attestaient pas leur statut vaccinal ou qui refusaient de remplir un formulaire d’attestation contrevenaient à la politique, feraient l’objet de mesures disciplinaires et ne pourraient pas travailler.

[29] Un représentant de l’employeur a parlé à un agent de Service Canada le 9 mars 2022. Le représentant a dit qu’un dernier avis avait été envoyé au personnel le 10 décembre 2021 pour rappeler aux personnes non vaccinées qu’elles devaient se faire vacciner au plus tard le 1er janvier 2022. Le représentant a dit que la date limite pour être entièrement vacciné avait été repoussée au 10 janvier 2022.

[30] La prestataire a déclaré avoir rencontré un gestionnaire le 2 janvier 2022. On lui a demandé de signer une lettre. Elle a signé la lettre et inscrit [traduction] « sous la contrainte » à côté de sa signature. La lettre disait notamment qu’elle n’avait pas rempli le formulaire d’attestation à la vaccination contre la COVID-19 comme requis et lui demandait de le remplir immédiatement. La lettre se poursuivait en ces termes : [traduction] « Si vous ne remplissez pas cette attestation immédiatement, vous risquez de ne pas pouvoir accéder au lieu de travail et d’être mise en congé sans solde jusqu’à ce que nous puissions déterminer votre statut vaccinal. »

[31] La prestataire a déclaré qu’elle n’avait pas rempli le formulaire d’attestation. Elle s’est rendue au travail le 10 janvier 2022 et on lui a dit qu’elle n’était pas autorisée à travailler.

[32] La prestataire a déposé une lettre de son employeur datée du 7 novembre 2022. La lettre dit que comme elle n’a pas rempli le formulaire d’attestation, elle a été mise en congé administratif sans solde.

[33] La preuve montre que la prestataire a été suspendue parce qu’elle n’a pas rempli le formulaire d’attestation pour divulguer son statut vaccinal comme l’exigeait la politique de l’employeur.

La raison du congédiement de la prestataire est-elle une inconduite au sens de la loi?

[34] Oui, la raison du congédiement de la prestataire est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[35] La Loi sur l’assurance-emploi ne précise pas ce qu’est une inconduite. Par contre, la jurisprudence (l’ensemble des décisions que les tribunaux ont rendues) aide à décider si le congédiement de la prestataire est le résultat d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. La jurisprudence établit le critère juridique lié à l’inconduite, c’est-à-dire les questions et les éléments à prendre en considération quand on examine la question de l’inconduite.

[36] Selon la jurisprudence, pour qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite est consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 10. Par inconduite, on entend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 11. Il n’est pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal) pour qu’il y ait inconduite au sens de la loiNote de bas de page 12.

[37] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas de page 13.

[38] Une violation délibérée d’une politique d’un employeur est considérée comme une inconduiteNote de bas de page 14.

[39] La Commission doit prouver que la prestataire a été suspendue en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 15.

[40] J’ai seulement le pouvoir de trancher les questions qui relèvent de la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas décider si d’autres lois ou la convention collective offrent d’autres options à la prestataire. Je n’ai pas à décider si la convention collective de la prestataire a été violée ou si l’employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation raisonnablesNote de bas de page 16. Je peux seulement évaluer si ce que la prestataire a fait ou n’a pas fait est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[41] La Cour d’appel fédérale a jugé une affaire appelée Canada (Procureur général) c McNamaraNote de bas de page 17. M. McNamara a été congédié aux termes de la politique de son employeur sur le dépistage des drogues. Il a fait valoir qu’il n’aurait pas dû perdre son emploi parce que le test de dépistage n’était pas justifié dans les circonstances, notamment parce qu’aucun motif raisonnable ne permettait de croire qu’il était incapable de travailler en toute sécurité après avoir consommé de la drogue et parce que le dernier test qu’il avait passé était toujours valable. Essentiellement, M. McNamara disait qu’il devrait recevoir des prestations d’assurance-emploi parce que son employeur avait mal agi lorsqu’il avait décidé de le congédier.

[42] En guise de réponse aux arguments de M. McNamara, la Cour d’appel fédérale a expliqué que dans les affaires où il est question d’inconduite, elle a toujours maintenu ceci : « il n’appartient pas au conseil ou au juge arbitre de dire si le congédiement d’un employé était ou non injustifié; plutôt, il leur appartient de dire si l’omission ou l’acte reproché à l’employé était effectivement constitutif d’une inconduite au sens de la Loi ». La Cour a ensuite noté que dans l’interprétation et l’application de la Loi sur l’assurance-emploi, « ce qu’il convient à l’évidence de retenir ce n’est pas le comportement de l’employeur, mais bien celui de l’employé ». Elle a souligné que les membres du personnel dont le congédiement est injustifié disposent d’autres recours « qui permettent d’éviter que par le truchement des prestations d’assurance-emploi les contribuables canadiens fassent les frais du comportement incriminé ».

[43] La décision McNamara a été suivie dans une affaire plus récente : Paradis c Canada (Procureur général)Note de bas de page 18. Comme M. McNamara, M. Paradis a été congédié après avoir échoué à un test de dépistage. M. Paradis a fait valoir qu’il avait été congédié injustement, que les résultats des tests montraient qu’il n’avait pas travaillé avec les facultés affaiblies et que l’employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation conformément à ses propres politiques et aux lois provinciales sur les droits de la personne. La Cour fédérale s’est appuyée sur la décision McNamara et a déclaré que la conduite de l’employeur n’est pas un élément déterminant lorsqu’il s’agit de décider de l’inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 19.

[44] La Cour d’appel fédérale a jugé une autre affaire semblable : Mishibinijima c Canada (Procureur général)Note de bas de page 20. M. Mishibinijima a perdu son emploi pour des raisons liées à une dépendance à l’alcool. Il a fait valoir que comme la dépendance à l’alcool avait été reconnue comme une déficience, son employeur était tenu de lui offrir des mesures d’adaptation. Encore une fois, la Cour a précisé qu’il faut se pencher d’abord et avant tout sur ce que la personne employée a fait ou n’a pas fait. Elle a ajouté que le fait que l’entreprise n’a pas mis de mesures d’adaptation en place pour la personne qu’elle emploie n’est pas pertinentNote de bas de page 21.

[45] Ces affaires ne parlent pas de politiques de vaccination contre la COVID-19. Cependant, les principes qui s’y trouvent sont toujours pertinents. Mon rôle n’est pas d’examiner la conduite ou les politiques de l’employeur pour décider s’il avait raison de mettre la prestataire en congé sans solde (de la suspendre), s’il a omis de lui offrir des mesures d’adaptation ou s’il a enfreint sa convention collective. Je dois plutôt me pencher sur ce que la prestataire a fait ou n’a pas fait, puis voir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[46] La Commission dit qu’elle a conclu qu’il y a eu inconduite parce que la prestataire aurait raisonnablement dû savoir que son refus de respecter la politique de l’employeur entraînerait sa suspension. Elle affirme que même si la prestataire ne croyait pas que son employeur appliquerait les conséquences prévues en cas de non-respect de la politique parce qu’il utilisait des mots tels que [traduction] « peut », « pourrait » et « peut-être », cela démontre néanmoins que la prestataire savait qu’elle pouvait être suspendue pour son refus de suivre la politique de l’employeur. La Commission déclare que le fait que la prestataire était au courant de ces conséquences potentielles est suffisant pour pouvoir conclure à une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle dit que la prestataire a choisi délibérément de ne pas respecter la politique de l’employeur en sachant qu’elle pouvait être suspendue.

[47] La prestataire a déclaré qu’elle a travaillé pour son employeur pendant 28 ans. Elle a dit que celui-ci avait souvent changé sa position sur beaucoup de choses. Elle a affirmé qu’il devait respecter la convention collective. Elle a déclaré qu’elle avait lu toutes les politiques de l’employeur. Le mot « peut-être » revenait constamment dans celles-ci. La prestataire a ajouté qu’elle n’avait pas de boule de cristal pour savoir si l’employeur appliquerait les politiques. Elle a dit que son syndicat a déposé un grief qui n’a pas encore été entendu en arbitrage. Elle ne pensait pas que son employeur appliquerait la politique de vaccination avant que le grief soit entendu en arbitrage ni qu’il la suspendrait alors qu’il y avait d’autres solutions.

[48] La prestataire a fait valoir que la politique de vaccination disait qu’elle pouvait poser des questions, ce qu’elle a fait. Elle a posé des questions sur le statut juridique du vaccin, s’il avait été testé, ses ingrédients, ses effets indésirables et ses risques. Elle a également demandé à son employeur de confirmer qu’elle ne subirait aucune contrainte de sa part en conformité avec le Code de Nuremberg. La prestataire a envoyé un avis de responsabilité au président-directeur général des ressources humaines de l’entreprise, aux ressources humaines et au médecin qui dirigeait la division médicale de l’employeur. Elle a déclaré qu’on n’avait pas répondu à ses questions et qu’on n’avait pas accusé réception de son avis de responsabilité.

[49] La prestataire a affirmé qu’elle n’avait pas demandé d’exemption de vaccination pour des raisons religieuses ou médicales. Elle a dit qu’elle a posé ses questions et remis un avis de responsabilité. Elle estime que son employeur aurait dû venir la voir pour discuter de ses besoins.

[50] La prestataire a déclaré qu’elle a vu un gestionnaire aller vers des employés en utilisant son téléphone pour les aider à remplir le formulaire d’attestation. Elle a dit qu’il ne lui avait pas demandé de le faire. Elle soutient qu’on ne lui a jamais donné de formulaire à remplir. Lorsque je lui ai posé la question, la prestataire a dit qu’elle n’en avait pas demandé et que son employeur devait venir la voir s’il voulait qu’elle en remplisse un.

[51] La prestataire a affirmé que lorsqu’elle a rencontré un superviseur le 2 janvier 2022 et qu’il lui a demandé de signer une lettre indiquant qu’elle n’attestait pas son statut vaccinal, elle lui a demandé s’il était médecin. Elle a soutenu que ses renseignements médicaux étaient confidentiels et qu’elle ne devrait pas avoir à les divulguer.

[52] La prestataire a déclaré que son syndicat n’avait pas déposé de grief concernant sa mise en congé administratif sans soldeNote de bas de page 22. Elle a déposé une plainte contre son employeur pour discrimination fondée sur une invalidité.

[53] La prestataire a soutenu que les affaires citées par la Commission dans ses observations ne reflètent pas le monde d’aujourd’hui. L’employeur permet maintenant à sa clientèle de ne pas porter de masques dans ses établissements. Il n’a pas appliqué sa politique dans ses établissements aux États-Unis.

[54] Le représentant de la prestataire, qui a fait une affirmation solennelle avant de témoigner, a dit qu’il travaillait pour la même entreprise que la prestataire. Il a déclaré qu’il avait aussi été mis en congé administratif sans solde et qu’on lui avait dit qu’une personne déléguée du syndicat n’avait pas besoin d’être présente parce qu’il ne s’agissait pas d’une mesure disciplinaire. Il a noté que la prestataire avait été mise en congé du même genre, mais que son relevé d’emploi mentionnait un congédiement ou une suspension.

[55] Le représentant de la prestataire a fait valoir qu’il ne peut y avoir d’inconduite lorsqu’une politique d’un employeur va à l’encontre de son propre code de déontologie. Il a affirmé que les politiques d’un employeur ne peuvent aller à l’encontre de la loi. Il a dit que la politique de l’employeur violait les lois internationales. Le représentant de la prestataire a fait remarquer que le gouvernement fédéral et la société d’État à qui appartient l’employeur ont abandonné les obligations vaccinales. Il a dit que la société d’État avait commencé à appeler des employés non vaccinés pour travailler. La politique de l’employeur précise qu’elle doit être examinée et, à ce jour, elle ne l’a pas encore été.

[56] Le représentant de la prestataire a fait valoir que l’employeur a dit que la politique avait été mise en place parce que les vaccins prévenaient les infections et les décès. Toutefois, le représentant de la prestataire affirme que Santé Canada a récemment déclaré que les vaccins ne prévenaient pas les infections graves. Il soutient que cela signifie que la politique de l’employeur va à l’encontre du gouvernement.

[57] Je conclus que la Commission a prouvé que la prestataire a été suspendue en raison d’une inconduite. Voici les raisons pour lesquelles je tire cette conclusion.

[58] L’employeur de la prestataire a adopté une politique selon laquelle tous les employés devaient attester leur statut vaccinal au plus tard le 15 octobre 2021. Les personnes qui refusaient de remplir un formulaire d’attestation contrevenaient à la politique, feraient l’objet de mesures disciplinaires et ne pourraient pas se présenter au travail. La politique prévoyait également une date limite pour se faire vacciner contre la COVID-19, qui a été repoussée au 31 décembre 2021. La politique permettait au personnel de demander une exemption de vaccination pour des raisons médicales ou religieuses.

[59] Le 7 décembre 2021, l’employeur a publié le message suivant du vice-président principal :

Prochaines étapes pour les membres du personnel qui n’ont pas attesté être entièrement vaccinés, à compter du 10 janvier 2022 :

Après le 10 janvier 2022, toute personne qui n’est pas entièrement vaccinée et qui n’a pas obtenu d’exemption pour des raisons médicales ou religieuses contrevient à la Politique pour des milieux de travail sécuritaires en lien avec la COVID-19 et sera mise en congé sans solde.

[60] Le 2 janvier 2022, la prestataire a rencontré un gestionnaire accompagné d’une personne déléguée du syndicat. On lui a remis une lettre et on lui a demandé de la signer. Elle a signé la lettre en y inscrivant « sous la contrainte » à côté de sa signature. La lettre indiquait que la prestataire n’avait pas encore rempli son formulaire d’attestation 19 et ajoutait que [traduction] « si vous ne remplissez pas cette attestation immédiatement, vous risquez de ne pas pouvoir accéder au lieu de travail et d’être mise en congé sans solde jusqu’à ce que nous puissions déterminer votre statut vaccinal. »

[61] La prestataire a déclaré qu’elle n’avait pas attesté avoir été vaccinée et que lorsqu’elle s’est présentée au travail le 10 janvier 2022, on lui a dit qu’elle ne pouvait pas travailler.

[62] La preuve démontre que la prestataire était au courant que la politique de l’employeur exigeait qu’elle atteste de son statut vaccinal ainsi que des conséquences de ne pas le faire. La prestataire a déclaré qu’elle avait lu toutes les politiques de l’employeur. Elle a dit qu’il changeait constamment d’avis au sujet de ses politiques. Elle a fait valoir que des mots comme [traduction] « peut », « pourrait » et « peut‑être » figuraient dans la politique et qu’elle ne pensait pas que l’employeur l’appliquerait. Son syndicat avait déposé un grief contre cette politique et elle ne pensait pas que l’employeur l’appliquerait jusqu’à ce que l’arbitrage ait lieu. La politique et les communications de l’employeur, y compris la lettre du 2 janvier 2022 qu’elle a signée, indiquaient clairement que si elle n’attestait son statut vaccinal, elle ne pourrait pas accéder au lieu de travail et elle serait mise en congé sans solde (suspendue). À mon avis, le fait que la prestataire pensait que son employeur n’appliquerait pas les conséquences prévues en cas de non-respect de sa politique ne signifie pas qu’elle n’était pas au courant de ces conséquences. La prestataire a clairement indiqué dans son témoignage qu’elle avait lu toutes les politiques et qu’elle était consciente de la possibilité qu’elle ne pourrait pas travailler si elle ne remplissait pas un formulaire d’attestation. Par conséquent, je conclus que la prestataire savait qu’elle pouvait être suspendue (mise en congé sans solde) si elle ne remplissait pas le formulaire d’attestation à la vaccination.

[63] La prestataire a soutenu que son employeur ne lui avait pas remis de formulaire d’attestation et que s’il voulait qu’elle remplisse quelque chose, il devrait le lui demander. Elle a également dit lorsque je lui ai posé la question qu’elle n’avait pas demandé un formulaire d’attestation à son employeur. Les avis de l’employeur indiquent l’adresse d’un site Web et un code QR comme moyens d’accéder au formulaire d’attestation. La lettre du 2 janvier 2022 que la prestataire a signée disait qu’elle pouvait s’adresser à son gestionnaire ou aux ressources humaines si elle avait des questions au sujet du formulaire. La preuve montre clairement que la prestataire ne voulait pas remplir un formulaire d’attestation. La preuve montre aussi clairement qu’elle n’en a pas rempli un comme l’exige la politique de son employeur. Par conséquent, je juge que la prestataire a fait le choix conscient, voulu et intentionnel de ne pas remplir le formulaire d’attestation alors qu’elle savait que, ce faisant, il était réellement possible qu’elle soit suspendue (mise en congé sans solde) et qu’elle ne soit pas en mesure de remplir ses obligations envers son employeur. Je conclus donc que la Commission a prouvé que la prestataire a été suspendue en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi et de la jurisprudence décrite ci-dessus.

La prestataire a-t-elle donc été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite?

[64] Selon mes conclusions précédentes, je juge que la prestataire a été suspendue en raison d’une inconduite.

Conclusion

[65] La Commission a prouvé que la prestataire a été suspendue en raison d’une inconduite. Elle n’est donc pas admissible aux prestations d’assurance‑emploi.

[66] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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