Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : EL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 725

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à la permission de faire
appel

Partie demanderesse : E. L.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 29 mars 2023
(GE-22-3571)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 7 juin 2023
Numéro de dossier : AD-23-325

Sur cette page

Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La partie demanderesse (le prestataire) a été suspendue de son emploi parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. On a refusé sa demande d’exemption fondée sur des motifs religieux. Le prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La partie défenderesse (la Commission) a décidé que le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite, de sorte qu’elle ne pouvait pas lui verser de prestations. Après une révision infructueuse, le prestataire a fait appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu de son emploi parce qu’il a choisi de ne pas respecter la politique de l’employeur une fois que sa demande d’exemption fondée sur des motifs religieux avait été rejetée. Elle a conclu que le prestataire savait ou aurait dû savoir que l’employeur était susceptible de le suspendre dans ces circonstances. La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.

[5] Le prestataire demande la permission de faire appel de la décision de la division générale auprès de la division d’appel. Il soutient que la division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher.

[6] Je dois décider si le prestataire a soulevé une erreur révisable que la division générale aurait commise qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont les suivantes :

  1. 1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. 2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher. Ou bien, elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à une audience sur le fond. Il s’agit d’une première étape que le prestataire doit franchir, mais où le fardeau est inférieur à celui dont il devra s’acquitter à l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande permission de faire appel, le prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Il doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, on peut soutenir qu’il y a eu erreur révisable qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[11] Par conséquent, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel susmentionnés et qu’au moins un des motifs a une chance raisonnable de succès.

Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

[12] Le prestataire demande la permission de faire appel de la décision de la division générale auprès la division d’appel.

[13] Le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur en omettant d’examiner le critère utilisé par la Commission pour décider si un employé qui s’est vu refuser une exemption religieuse, puis qui a été suspendu de son emploi, peut toujours être admissible aux prestations d’assurance-emploi. Le critère utilisé par la Commission serait apparemment le suivant : [traduction] « si une personne est en mesure de démontrer que sa croyance religieuse est authentique et sa foi exige une pratique particulière ». Le prestataire soutient également que la décision rendue par la Commission, fondée sur l’application de ce critère, viole son droit à la liberté de religion garanti par la Charte. Il soutient que la division générale n’a pas abordé cette question.

[14] Il est important de rappeler que les observations de la Commission ne lient pas en droit le Tribunal. Elles reflètent simplement l’opinion de l’administrateur qui agit en vertu de la loi. Cet avis ne correspond pas nécessairement à la loi.Note de bas de page 1

[15] Le rôle de la division générale est d’examiner les éléments de preuve qui lui sont présentés par les deux parties, de déterminer les faits pertinents à la question de droit dont elle est saisie et d’énoncer, dans sa décision écrite, sa propre décision indépendante à cet égard.

[16] La division générale devait décider si le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi.Note de bas de page 2

[17] La notion d’inconduite n’implique pas qu’il est nécessaire que le comportement reproché résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[18] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant le prestataire de telle sorte que sa suspension était injustifiée. Son rôle est plutôt de décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné sa suspension.Note de bas de page 3

[19] À la lumière de la preuve, la division générale a conclu que le prestataire avait perdu son emploi parce qu’il avait refusé de suivre la politique. Il avait été informé de la politique de l’employeur et avait eu le temps de s’y conformer. Il n’a pas obtenu d’exemption pour ses croyances religieuses. Le prestataire a refusé intentionnellement de respecter la politique; il a agi délibérément. C’était la cause directe de sa suspension. La division générale a conclu que le prestataire savait ou aurait dû savoir que son refus de se conformer à la politique pourrait entraîner sa suspension. La division générale a conclu à partir de la preuve prépondérante que le comportement du prestataire constituait une inconduite.

[20] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi.Note de bas de page 4

[21] Il n’est pas contesté qu’un employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de ses employés sur leur lieu de travail. En l’espèce, l’employeur a mis en œuvre sa politique pour protéger la santé de tous les employés pendant la pandémie. La politique était en vigueur lorsque le prestataire a été suspendu.

[22] Il relève d’une autre instance de trancher la question de savoir si l’employeur a rejeté de façon déraisonnable la demande d’exemption du prestataire en raison de ses croyances religieuses ou si la politique de l’employeur violait ses droits de la personne et ses droits garantis par la Charte. Le Tribunal n’est pas l’instance par laquelle le prestataire peut obtenir le redressement qu’il recherche.Note de bas de page 5

[23] La Cour fédérale a rendu une décision récemment dans l’affaire Cecchetto concernant l’inconduite et le refus d’une partie prestataire de suivre la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur.

[24] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle le Tribunal n’est pas légalement autorisé à traiter ce genre de questions. La Cour a convenu qu’en faisant un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique vaccinale de l’employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations envers l’employeur et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi. La Cour a précisé qu’il y a d’autres façons de faire avancer adéquatement les revendications du prestataire dans le cadre du système juridique.

[25] Dans l’affaire Paradis qui a été tranchée auparavant, un prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu que la politique de l’employeur violait ses droits aux termes de l’Alberta Human Rights Act. La Cour fédérale a conclu que cette question relevait d’une autre instance.

[26] La Cour fédérale a déclaré qu’il existe d’autres moyens de sanctionner le comportement d’un employeur, qui permettent d’éviter que le programme d’assurance-emploi fasse les frais du comportement incriminé.

[27] Dans l’affaire Mishibinijima, la Cour d’appel fédérale a déclaré que l’obligation de l’employeur d’accorder des mesures d’adaptation n’est pas pertinente pour trancher les cas d’inconduite en l’assurance-emploi.

[28] La preuve prépondérante présentée à la division générale montre que le prestataire, après s’être vu refuser une exemption religieuse, a fait un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l’employeur en réponse aux circonstances pandémiques exceptionnelles. C’est ce qui a entraîné sa suspension.

[29] La division générale ne semble avoir commis aucune erreur révisable lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement d’après les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite conformément à la Loi sur l’assurance-emploi.Note de bas de page 6

[30] Je suis tout à fait conscient que le prestataire peut demander réparation devant une autre instance si une violation est établie. Cela ne change rien au fait qu’aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite.

[31] Dans sa demande de permission de faire appel, le prestataire n’a relevé aucune erreur révisable, comme une erreur de compétence ou un manquement à un principe de justice naturelle de la part de la division générale. Il n’a cerné aucune erreur de droit ni conclusion de fait erronée que la division générale aurait pu tirer de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance au moment de rendre sa décision.

[32] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments du prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[33] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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