Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DF c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 669

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Demandeur : D. F.
Défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 21 février 2023 (GE-22-2425)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Date de la décision : Le 31 mai 2023
Numéro de dossier : AD-23-291

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Décision

[1] Je refuse au prestataire la permission d’interjeter appel parce qu’il n’a pas de cause défendable. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le prestataire, D. F., travaillait comme signaleur pour une entreprise d’entretien ferroviaire. Le 3 novembre 2021, l’employeur du prestataire l’a mis en congé sans solde après qu’il a refusé de se faire vacciner contre la COVID-19Note de bas page 1. La Commission de l’assurance‑emploi du Canada (Commission) a décidé qu’elle n’était pas tenue de verser des prestations d’assurance‑emploi au prestataire parce que son défaut de se conformer à la politique de vaccination de son employeur constituait une inconduite.

[3] La division générale du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) a rejeté l’appel du prestataire. Elle a conclu que le prestataire avait enfreint délibérément la politique de vaccination de son employeur. Elle a conclu que le prestataire savait ou aurait dû savoir que le fait de ne pas respecter la politique entraînerait probablement son congédiement.

[4] Le prestataire demande maintenant la permission d’en appeler de la décision de la division générale. Il allègue que la division générale a commis les erreurs suivantes :

  • elle n’a pas tenu compte du fait que son employeur a tenté d’imposer une nouvelle condition d’emploi sans son consentement;
  • elle n’a pas tenu compte de la preuve selon laquelle la politique de vaccination obligatoire de son employeur violait ses droits fondamentaux;
  • elle n’a pas tenu compte du grief déposé par son syndicat pour contester la politique de vaccination de son employeur;
  • elle n’a pas tenu compte des dispositions pertinentes du Code criminel du Canada, du Code de Nuremberg, du Code des droits de la personne de l’Ontario et de la Charte canadienne des droits et libertés.

Question en litige

[5] Il existe quatre moyens d’appel à la division d’appel. La partie appelante doit démontrer l’un ou l’autre des moyens suivants :

  • la Division générale a agi de manière injuste;
  • elle a outrepassé ses pouvoirs ou a refusé de les exercer;
  • elle a mal interprété la loi;
  • elle a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas page 2.

[6] Avant que le prestataire puisse aller de l’avant, je dois décider si son appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas page 3. Une chance raisonnable de succès est assimilée à une cause défendable en droitNote de bas page 4. Si le prestataire n’a pas de cause défendable, l’affaire prendra fin maintenant.

[7] À l’étape préliminaire, je dois répondre à la question suivante : Peut‑on soutenir que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[8] J’ai examiné la décision de la division générale, ainsi que le droit et les éléments de preuve qu’elle a utilisés pour rendre cette décision. J’ai conclu que le prestataire n’a pas de cause défendable.

L’argument selon lequel la division générale a mal interprété la loi n’est pas fondé

[9] Lorsqu’il s’agit d’évaluer l’inconduite, le Tribunal ne peut examiner le bien-fondé d’un litige entre un employé et son employeur. Cette interprétation de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi) peut sembler injuste pour le prestataire, mais les tribunaux l’ont adoptée à maintes reprises et la division générale était tenue de la suivre.

L’inconduite est un acte intentionnel pouvant entraîner la perte d’un emploi

[10] Le prestataire soutient qu’il n’est pas coupable d’inconduite parce qu’il n’a rien fait de mal. Il prétend qu’en l’obligeant à se faire vacciner en le menaçant d’une suspension ou d’un congédiement, son employeur a porté atteinte à ses droits. Il fait valoir que son employeur tentait de lui imposer contre son gré un vaccin potentiellement dangereux et inefficace.

[11] Je peux comprendre la frustration du prestataire, mais, compte tenu de la loi telle qu’elle existe, je suis d’avis que ses arguments ne sont pas fondés.

[12] La division générale définit l’inconduite de la façon suivante :

Pour qu’il y ait une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelle. L’inconduite comprend également une conduite à ce point insouciante qu’elle frôle le caractère délibéré.

L’appelant n’a pas à avoir une intention coupable (autrement dit, il n’est pas nécessaire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loi.

Il y a inconduite lorsque l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers l’employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit suspendu ou congédiéNote de bas page 5.

[13] Ces paragraphes montrent que la division générale a résumé avec exactitude le droit concernant l’inconduite. La division générale a ensuite conclu à juste titre qu’elle n’a pas le pouvoir de décider si les politiques d’un employeur sont raisonnables, justifiables ou même légales.

Les contrats de travail n’ont pas à définir explicitement l’inconduite

[14] Le prestataire soutient que la politique de vaccination obligatoire de son employeur a enfreint ses droits fondamentaux, et qu’il a un contrat de travail et une convention collective. Toutefois, là n’est pas la question en litige. Ce qui importe, c’est de savoir si l’employeur a une politique et si l’employé n’en a pas tenu compte de façon délibérée. Dans sa décision, la division générale s’est exprimée ainsi :

[J]e n’ai pas le pouvoir de décider si l’employeur a enfreint la convention collective de l’appelant ou s’il a été suspendu injustement. Le recours de l’appelant concernant ses plaintes contre l’employeur consiste à poursuivre ses demandes devant une cour ou un autre tribunal qui traite de ces questionsNote de bas page 6.

[15] Comme la loi l’obligeait à se concentrer sur des questions précises, la division générale n’avait pas le pouvoir de décider si la politique de l’employeur contredisait le contrat de travail ou la convention collective du prestataire ou violait ses droits fondamentaux ou constitutionnels. La division générale n’avait pas non plus compétence pour décider si l’employeur du prestataire aurait pu d’une façon ou d’une autre répondre à ses préoccupations ou si son processus de demande d’exemption était équitable.

[16] Le prestataire accuse la division générale d’avoir fait abstraction des lois qui, selon lui, le protégeaient contre un traitement forcé et un congédiement injuste. Toutefois, la division générale a effectivement tenu compte de ces lois pour conclure qu’elle n’avait pas le « pouvoir […] d’interpréter les lois sur la protection de la vie privée, les lois sur les droits de la personne, le droit international, le Code criminel ou d’autres lois ou de les appliquer aux décisions prises en vertu de la LoiNote de bas page 7 ». Je suis d’avis qu’il n’est pas possible de soutenir que la division générale avait tort sur ce point. Les tribunaux ont répété que le processus de demande d’assurance-emploi n’est pas l’endroit approprié pour régler les différends entre employeurs et employés.

Une affaire récente valide l’interprétation de la loi par la division générale

[17] Dans une décision récente, la Cour fédérale a confirmé cette approche à l’égard de l’inconduite dans le contexte particulier de la vaccination obligatoire contre la COVID-19. Comme dans la présente affaire, l’affaire Cecchetto concernaitle refus d’un appelant de se conformer à la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle le Tribunal n’est pas autorisé par la loi à répondre à ces questions :

[traduction]

Malgré les arguments du demandeur, il n’existe aucun fondement pour infirmer la décision de la division d’appel parce qu’elle n’a pas évalué le bien-fondé, la légitimité ou la légalité de la directive 6 [la politique du gouvernement de l’Ontario sur la vaccination contre la COVID-19] ni rendu de décision à ce sujet. Ce genre de conclusion ne relevait pas du mandat ou de la compétence de la division d’appel ni de la division générale du Tribunal de la sécurité socialeNote de bas page 8.

[18] La Cour fédérale a convenu qu’en choisissant délibérément de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur M. Cecchetto avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi. La Cour a précisé que le système juridique offrait d’autres voies par lesquelles M. Cecchetto aurait pu faire valoir son congédiement injustifié ou ses revendications en matière de droits de la personne.

[19] C’est également vrai dans la présente affaire. En l’espèce, les seules questions qui importaient étaient celles de savoir si le prestataire avait enfreint la politique de vaccination de son employeur et, dans l’affirmative, si ce manquement était voulu et vraisemblablement susceptible d’entraîner sa suspension ou son congédiement. Dans la présente affaire, la division générale avait de bonnes raisons de répondre « oui » aux deux questions.

L’argument selon lequel la division générale n’a pas tenu compte de la preuve ou l’a mal comprise n’est pas fondé

[20] Devant la division générale, le prestataire a invoqué des éléments de preuve selon lesquels le vaccin n’a pas été mis à l’essai et n’a pas été testé. Il a dit qu’il était inquiet de se faire vacciner parce qu’il a des problèmes de santé et qu’il avait déjà eu une réaction indésirable au vaccin contre la grippe. Il a souligné qu’il ne représentait aucune menace pour les clients ou ses collègues parce qu’il travaillait à l’extérieur et communiquait par téléphone cellulaire.

[21] D’après ce que je vois, la division générale n’a pas omis de tenir compte de ces points. Elle ne leur a tout simplement pas accordé autant de poids que le prestataire croyait qu’ils en avaient. Compte tenu du droit entourant l’inconduite, je ne vois pas comment la division générale a commis une erreur dans son évaluation de la preuve dont elle disposait.

[22] La division générale a tiré les conclusions suivantes :

  • L’employeur du prestataire était libre d’établir et d’appliquer une politique de vaccination comme bon lui semblait.
  • L’employeur a adopté et communiqué une politique de vaccination claire exigeant que tout employé fournisse une preuve démontrant qu’il était entièrement vacciné avant une certaine date limite.
  • Le prestataire savait ou aurait dû savoir que le défaut de se conformer à la politique dans le délai prescrit entraînerait une perte d’emploi.
  • Le prestataire a intentionnellement refusé de se faire vacciner avant la date limite.
  • Le prestataire n’a pas tenté de demander une exemption médicale ou religieuse conformément à la politique.
  • L’employeur n’était pas tenu d’accepter les demandes de mesures d’adaptation du prestataire.

[23] Ces conclusions semblent refléter fidèlement les documents au dossier ainsi que le témoignage du prestataire. La division générale a conclu que le prestataire était coupable d’inconduite parce que son refus de suivre la politique était voulu et qu’il a vraisemblablement mené à sa suspension. Le prestataire a peut-être cru que le refus de se conformer à la politique ne causerait aucun préjudice à son employeur, mais, du point de vue de l’assurance-emploi, ce n’était pas à lui d’en décider.

Conclusion

[24] Pour les motifs qui précèdent, je ne suis pas convaincu que le présent appel a une chance raisonnable de succès. La permission d’en appeler est donc refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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