Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DF c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 670

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelant : D. F.
Représentant : R. N.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance emploi du Canada (488429) datée du 25 juin 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Teresa M. Day
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience  : Le 23 janvier 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Représentant de l’appelant
Date de la décision : Le 21 février 2023
Numéro de dossier : GE-22-2425

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelant ne peut recevoir de prestations d’assurance-emploi parce qu’il a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas page 1.

Aperçu

[3] L’appelant a travaillé comme signaleur pour X (employeur).

[4] Le 20 septembre 2021, l’employeur a instauré une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 qui exigeait que tous les employés soient entièrement vaccinés au plus tard le 1er novembre 2021 (politique). Les employés devaient fournir une preuve de vaccination (ou obtenir une exemption de vaccination approuvée) avant la date limite fixée dans la politique, sinon ils feraient l’objet de mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement.

[5] L’appelant ne voulait pas se conformer à la politique en se faisant vacciner. Il n’a pas non plus demandé à être exempté de la politique pour des raisons médicales ou de droits fondamentaux. Il a continué de travailler jusqu’au 30 octobre 2021, mais n’a pas présenté de preuve de vaccination.

[6] Le 3 novembre 2021, l’employeur a déclaré qu’il n’était plus autorisé à se présenter sur les lieux de travail ou à effectuer quelque travail que ce soit parce qu’il n’avait pas fourni de preuve de vaccination avant la date limite de la politique. Le 5 novembre 2021, l’employeur a établi un relevé d’emploi indiquant que l’appelant a été congédié.

[7] L’appelant a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi. Il a affirmé qu’on lui avait dit qu’il avait été suspendu de son emploi pour non-respect de la politique. Il a été consterné d’apprendre que son relevé d’emploi indiquait qu’il avait été congédié. Son syndicat a déposé un grief en son nom.

[8] L’intimée (Commission) a décidé que l’appelant avait perdu son emploi en raison de son inconduite et qu’il ne pouvait recevoir de prestations d’assurance-emploiNote de bas page 2.

[9] L’appelant a demandé à la Commission de réviser sa décision. Son représentant a déclaré qu’il devrait recevoir des prestations d’assurance-emploi parce que, dans le cadre de la procédure de règlement des griefs en cours, l’employeur a soutenu que l’appelant n’avait pas été congédié, mais qu’il était considéré comme [traduction] « n’étant pas disponible pour travailler en raison de l’absence de vaccinationNote de bas page 3 » et qu’il n’y a pas encore eu de décision sur la légalité de la politique. L’appelant a également fait valoir que la politique n’était pas raisonnable dans le contexte de son milieu de travail et que son refus de se faire vacciner ne peut être une inconduite parce qu’elle était fondée sur ses propres principes et ses droits fondamentaux.

[10] La Commission a maintenu la décision de rejeter sa demande de prestations d’assurance-emploi, et l’appelant a interjeté appel de cette décision devant le Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal).

[11] Je dois décider si l’appelant a cessé son emploi (ne travaille plus) en raison de son inconduiteNote de bas page 4.

[12] Pour ce faire, je dois examiner la raison pour laquelle il ne travaille plus et ensuite déterminer si la conduite qui a causé sa cessation d’emploi est une conduite qui, selon la loi, constitue une « inconduite » aux fins des prestations d’assurance-emploi.

[13] La Commission affirme que l’appelant était au courant de la politique, des dates limites pour s’y conformer et des conséquences de la non‑conformité, et qu’il a fait le choix conscient et voulu de ne pas se conformer à la politique. Il savait qu’il pouvait faire l’objet de mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement en faisant ce choix, et c’est ce qui s’est passé. La Commission affirme que ces faits prouvent que l’appelant a cessé de travailler en raison de son inconduite, ce qui signifie qu’il ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

[14] L’appelant n’est pas d’accord. Il a dit qu’il avait fait le choix personnel de ne pas se faire vacciner et qu’il ne devrait pas se voir refuser des prestations d’assurance-emploi parce qu’il a exercé ses droits, y compris le droit à la vie privée et le droit de ne pas être contraint à recevoir un vaccin qui, selon lui, pourrait lui causer du tort. Il affirme également que l’employeur aurait pu lui accorder une mesure d’adaptation parce qu’il travaillait à l’extérieur et qu’il n’avait pas de contact avec ses collègues ou des membres du public. Il soutient que la légalité de la politique est contestée et a été soumise à l’arbitrage, que la politique n’est pas raisonnable et qu’elle ne le liait pas parce qu’il ne s’agissait pas d’une condition d’emploi dans sa convention collective. Pour toutes ces raisons, il affirme que sa conduite ne satisfait pas au critère juridique d’inconduite.

[15] Je suis d’accord avec la Commission. Voici les motifs de ma décision.

Question en litige

[16] L’appelant a-t-il perdu son emploi en raison de son inconduite?

Analyse

[17] Pour répondre à cette question, je dois trancher deux éléments. D’abord, je dois déterminer pourquoi l’appelant a cessé son emploi (ne travaille plus) après son dernier jour rémunéré le 30 octobre 2021. Je dois ensuite décider si, selon la Loi sur l’assurance‑emploi (Loi), la raison pour laquelle il a cessé de travailler constitue une inconduite.

Question en litige no 1 : Pourquoi l’appelant a-t-il cessé son emploi?

[18] L’appelant a cessé de travailler parce qu’il a omis de fournir une preuve de vaccination comme l’exige la politique et parce qu’il n’avait pas obtenu d’exemption approuvée.

[19] L’employeur a dit ce qui suit à la CommissionNote de bas page 5 :

  • La politique de vaccination contre la COVID-19 exigeait que les employés soient vaccinés et présentent une preuve de vaccination au plus tard le 1er novembre 2021.
  • L’appelant n’a pas fourni de preuve de vaccination complète avant la date limite de la politique.
  • Le 3 novembre 2021, l’employeur a envoyé à l’appelant un courriel l’informant qu’en raison de son non-respect de la politique il n’était pas [traduction] « autorisé à continuer de se présenter ou d’effectuer quelque travail que ce soit » (page GD6-61).
  • Dans le courriel du 3 novembre 2021, l’employeur indiquait également ce qui suit :

    [traduction]

    « Vous ne serez pas autorisé à vous présenter ou à effectuer du travail pour l’entreprise du 1er novembre 2021 jusqu’au 7 janvier 2022 au moins, date à laquelle votre statut vaccinal sera réévalué. Si vous ne fournissez pas de preuve de vaccination complète à ce moment-là, vous pourriez faire l’objet d’un autre refus de travailler, pouvant aller jusqu’à la cessation d’emploi.

    Bien que nous ne puissions pas vous forcer à recevoir un vaccin, nous vous encourageons à en parler avec votre médecin de famille ou un autre conseiller médical qualifié de l’innocuité et de l’efficacité des divers vaccins contre la COVID-19 qui ont été approuvés par Santé Canada et sont utilisés en toute sécurité par des millions de personnes à l’échelle mondiale.

    Si votre statut vaccinal change avant le 7 janvier 2022, veuillez nous en informer immédiatement afin de coordonner votre retour au travail. » (page GD6-61)
  • Le 5 novembre 2021, l’employeur a établi un relevé d’emploi indiquant que le prestataire était congédié.

[20] L’appelant a dit ce qui suit à la CommissionNote de bas page 6 :

  • L’employeur avait une politique de vaccination obligatoire.
  • Le 27 octobre 2021, il a reçu un courriel indiquant qu’il devait téléverser une preuve de vaccination d’ici le 1er novembre 2021. En cas de non-conformité, il serait suspendu et aurait jusqu’au 7 janvier 2022 pour se conformer.
  • Il n’a pas fourni de preuve de vaccination.
  • Il ne s’est pas conformé à la politique.
  • Son prochain quart de travail aurait été le 3 novembre 2021.
  • Mais l’un des représentants des ressources humaines de l’employeur lui a téléphoné et lui a dit qu’il était suspendu et que la police l’expulserait s’il se présentait au travail.
  • Il n’a jamais reçu son relevé d’emploi.
  • Il ne savait pas qu’il était congédié jusqu’à ce qu’un représentant syndical lui montre comment télécharger son relevé d’emploi et qu’il en obtienne une copie le 24 novembre 2022.
  • Le motif de son congédiement était le non-respect de la politique de vaccination obligatoire.
  • Le syndicat a déposé un grief en son nom.

[21] Le représentant syndical de l’appelant a dit ce qui suit à la CommissionNote de bas page 7 :

  • Le syndicat a cru comprendre que l’appelant avait été congédié parce qu’il avait refusé de divulguer son statut vaccinal.
  • L’employeur avait dit que les travailleurs seraient mis en congé sans solde, mais il a ensuite inscrit le congédiement sur le relevé d’emploi de l’appelant.

[22] À l’audience, l’appelant a déclaré ce qui suit :

  • Il savait que la politique l’obligeait à divulguer son statut vaccinal et à fournir une preuve de vaccination au plus tard le 1er novembre 2021.
  • II ne l’a pas fait.
  • Il savait que, subsidiairement, il pouvait demander une exemption pour raisons médicales ou fondée sur les droits de la personne. Il a fait part à l’employeur de ses préoccupations au sujet de la vie privée et des droits de la personne, mais il n’a pas pris la peine de demander une exemption.
  • Il était au courant de la politique et a eu suffisamment de temps pour la respecter.
  • Il comprenait que s’il ne se conformait pas à la politique avant la date limite du 1er novembre 2021, il serait [traduction] « suspendu ».
  • Il a décidé de ne pas divulguer son statut vaccinal ni de fournir une preuve de vaccination en se fondant sur ses propres recherches et son [traduction] « évaluation des risques ».
  • Le jour où il a été [traduction] « congédié », il faisait des heures supplémentaires et remplaçait des collègues vaccinés qui étaient en congé de maladie parce qu’ils avaient contracté la COVID-19.
  • Le 31 octobre 2021, il a reçu un [traduction] « appel téléphonique hostile » disant qu’il avait jusqu’au 7 janvier 2022 pour se faire entièrement vacciner et qu’entre-temps il serait [traduction] « suspendu ». Il a également été [traduction] « menacé » d’une intervention de la police s’il se présentait à son prochain quart de travail le 3 novembre 2021. Il a donc déposé son équipement et a appelé son gestionnaire et son superviseur pour les informer de ce qui s’était passé.
  • Le 3 novembre 2021, il a reçu une lettre indiquant qu’il ne serait pas autorisé à se présenter ou à effectuer du travail avant le 7 janvier 2022 au moinsNote de bas page 8.
  • Il a cru comprendre qu’il était [traduction] « suspendu » et non [traduction] « congédié ».
  • Il croyait que son statut serait [traduction] « réévalué » le 7 janvier 2021 et que les [traduction] « conséquences pouvant aller jusqu’au congédiement » pourraient suivre.
  • C’est pourquoi il lui a fallu autant de temps pour présenter une demande de prestations d’assurance-emploi. Il a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi après avoir vu que son relevé d’emploi indiquait [traduction] « congédié ».
  • Il n’est pas retourné au travail.
  • Son grief est en cours. L’arbitre a rendu une décision préliminaireNote de bas page 9, mais la principale audience d’arbitrage n’est pas encore terminée.

[23] Le représentant de l’appelant a fait valoir que l’appelant n’avait pas été congédiéNote de bas page 10. Il a dit que l’appelant utilise le terme [traduction] « congédié » pour [traduction] « indiquer qu’il ne travaillait plus ». Le représentant de l’appelant a fait valoir que l’appelant entretient une relation d’emploi continue avec l’employeur et qu’on l’empêche de travailler [traduction] « à l’initiative de l’employeur ».

[24] Aux fins des prestations d’assurance-emploi, il importe peu que l’employeur et l’appelant semblent ne pas être d’accord sur la question de savoir si l’appelant était considéré comme congédié ou suspendu lorsqu’il a cessé de travaillerNote de bas page 11. Ce qui importe, c’est la raison pour laquelle il a cessé de travailler.

[25] La preuve démontre que l’employeur a empêché l’appelant de travailler à compter du 1er novembre 2021. Dans le courriel du 3 novembre 2021, l’employeur a unilatéralement mis l’appelant en congé sans solde du [traduction] « 1er novembre 2021 jusqu’au 7 janvier 2022 au moins » et a expressément mentionné [traduction] « d’autres refus de travailler pouvant aller jusqu’au licenciement » jusqu’après le 7 janvier 2022.

[26] L’employeur a peut-être voulu congédier l’appelant lorsqu’il a établi son relevé d’emploi deux jours plus tard (le 5 novembre 2021) comme étant un congédiement. Mais j’accepte le témoignage de l’appelant et d’autres éléments de preuveNote de bas page 12 selon lesquels son emploi n’a pas pris fin et que l’employeur l’empêche toujours de travailler.

[27] Personne ne conteste la raison pour laquelle l’employeur a empêché l’appelant de travailler : il ne s’est pas conformé à la politique.

[28] Je conclus donc que l’appelant a été suspendu (empêché de travailler) à compter du 1er novembre 2021 parce qu’il n’a pas fourni de preuve de vaccination comme l’exige la politique et qu’il n’avait pas d’exemption approuvée.

Question en litige no 2 : La raison pour laquelle l’appelant a été suspendu est-elle considérée comme une inconduite au sens de la loi?

[29] Oui. Le motif de la suspension de l’appelant est considéré comme une inconduite aux fins des prestations d’assurance-emploi.

[30] Pour qu’il y ait une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 13. L’inconduite comprend également une conduite à ce point insouciante (ou négligente) qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas page 14 (ou qui démontre un mépris délibéré des répercussions de ses actes sur son rendement au travail).

[31] L’appelant n’a pas à avoir une intention coupable (autrement dit, il n’est pas nécessaire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas page 15.

[32] Il y a inconduite lorsque l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers l’employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit suspendu ou congédiéNote de bas page 16.

[33] La Commission doit prouver que l’appelant a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas page 17. Elle s’appuie sur la preuve que les représentants de Service Canada obtiennent de l’employeur et du prestataire pour le faire.

Preuve de l’employeur

[34] La preuve de l’employeur est énoncée au paragraphe 19 ci-dessus.

Preuve de l’appelant

[35] L’appelant a déclaré ce qui suit dans son témoignage :

  • Il a 62 ans.
  • Il fait « 99,9 % » de son travail à l’extérieur, lequel consiste à tester des circuits et à entretenir des équipements.
  • Il travaillait seul et communiquait avec ses collègues par radio. Lorsqu’il remettait son véhicule à la fin d’un quart de travail, il suivait les protocoles [traduction] « EPI » et de nettoyage.
  • Il n’a eu aucun contact avec des membres du public pendant qu’il était au travail.
  • Il a fait ses propres [traduction] « recherches et évaluation des risques » et a décidé de ne pas divulguer son statut vaccinal ni de fournir une preuve de vaccination comme l’exigeait la politique.
  • Il connaissait des gens au travail qui étaient vaccinés et qui ont quand même contracté la COVID-19. Mais il allait toujours bien. Il [traduction] « remplaçait » régulièrement de telles personnes [traduction] « en heures supplémentaires », y compris le jour où il a été [traduction] « congédié ».
  • Il a déjà eu des expériences négatives avec des vaccins contre la grippe et d’autres problèmes de santé personnels. Il a décidé de ne pas se faire vacciner contre la COVID-19 parce qu’il estimait qu’il y avait [traduction] « plus de risques à recevoir le vaccin que de contracter la COVID-19 ».
  • Il [traduction] « n’allait pas être contraint » de se faire vacciner. Surtout étant donné qu’il effectuait ses tâches à l’extérieur et qu’il ne présentait aucun risque pour personne d’autre.
  • L’employeur a [traduction] « balancé la sécurité des travailleurs par la fenêtre » avec cette politique. Il aurait pu [traduction] « se causer un préjudice à lui-même ou en causer à d’autres » en raison du [traduction] « traumatisme de cela ».
  • L’employeur a été [traduction] « négligent et insouciant ».
  • Il comprenait qu’il ne serait pas autorisé à travailler s’il omettait de fournir une preuve de vaccination au plus tard à la première date limite de la politique. Il croyait qu’il serait alors [traduction] « suspendu » et que son statut serait réévalué à la deuxième date limite du 7 janvier 2022, et que les [traduction] « conséquences pouvant aller jusqu’au congédiement » pourraient suivre s’il demeurait non conforme par la suite.
  • Il n’a aucune intention de se faire vacciner contre la COVID-19.
  • Il n’a pas demandé à l’employeur une exemption à l’exigence de vaccination obligatoire énoncée dans la politique.

[36] Le représentant de l’appelant a présenté les observations suivantes en son nom :

  1. a) Il incombe à la Commission de prouver l’inconduite. Pour ce faire, elle doit prouver que la politique est légale. Elle ne peut pas le prouver parce que le caractère raisonnable et la légalité de la politique sont [traduction] « très contestés » et remis en question par l’appelant dans une procédure d’arbitrage en cours.
  2. b) L’emploi de l’appelant est régi par une convention collective. Cela signifie que, pour que la politique soit légale, elle doit être raisonnable. Dans la décision arbitrale provisoire, l’arbitre a noté que l’employeur n’avait pas imposé de mesures disciplinaires à l’appelant, qu’il n’y avait pas d’insubordination et que l’imposition unilatérale de la politique était [traduction] « peut-être déraisonnable ».
    • Le [traduction] « contexte » de l’emploi de l’appelant (travail à l’extérieur, seul et absence de contacts avec le public) mine le caractère raisonnable de la politique.
    • La décision de l’employeur d’imposer unilatéralement un mandat de vaccination sans négocier avec le syndicat ni négocier une modification de la convention collective, surtout dans un contexte à faible risque comme celui de l’appelant, mine la légalité de la politique. Dans un milieu de travail syndiqué, une politique imposée unilatéralement doit être raisonnable pour avoir force obligatoire pour les employés.
  3. c) Il est inapproprié pour la Commission d’accepter la légalité de la politique à première vue lorsque la politique elle-même est contestée dans le cadre d’une procédure en cours.
  4. d) Il est également inapproprié de conclure que l’appelant a été congédié pour inconduite uniquement parce qu’il a décidé de ne pas se conformer à la politique alors que la politique elle-même est contestée.
  5. e) L’appelant a pris la décision personnelle [traduction] « réfléchie » de ne pas se faire vacciner après avoir réfléchi à la question. Il a fondé sa décision sur ses expériences négatives antérieures avec les vaccins et son évaluation selon laquelle il ne mettait personne en danger lorsqu’il était au travail.
  6. f) Pour qu’il y ait inconduite, il doit y avoir manquement à une obligation expresse ou implicite envers l’employeur. Aucune disposition de la convention collective de l’appelant n’appuie une politique de vaccination obligatoire ou ne l’oblige à se faire vacciner contre la COVID-19. Et il n’a jamais accepté, par sa conduite ou autrement, d’être lié par la politique. La simple existence de la politique et la décision de l’appelant de ne pas s’y conformer ne suffisent pas à prouver qu’il a enfreint une condition de son emploi.

[37] Le représentant de l’appelant m’a également renvoyée à une décision récente du Tribunal (que j’appellerai la décision ALNote de bas page 18), dans laquelle un membre du Tribunal a infirmé la conclusion d’inconduite de la Commission et a déclaré que la prestataire (AL) n’était pas inadmissible aux prestations d’assurance-emploi Le représentant de l’appelant a fait valoir que je devrais suivre la décision AL.

[38] Les faits dans l’affaire AL sont semblables à ceux de l’appelant en ce sens qu’AL travaillait dans un hôpital, que son emploi était assujetti à une convention collective et qu’elle a été suspendue puis congédiée pour non-respect de la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur. Le membre du Tribunal a conclu qu’AL n’avait pas perdu son emploi pour une raison que la Loi considère comme une inconduite pour deux raisons :

  • Premièrement, le membre a conclu que la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de l’employeur n’était pas une condition expresse ou implicite de l’emploi d’AL et que, par conséquent, son refus de se faire vacciner ne constituait pas une inconduite.
  • Deuxièmement, le membre a conclu qu’AL avait droit à l’intégrité physique et qu’elle avait exercé ce droit lorsqu’elle a refusé de se faire vacciner. Le membre a conclu que l’exercice d’un droit juridique ne peut être considéré comme un acte ou un comportement fautif qui devrait exclure un prestataire du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[39] Bien que je ne sois pas liée par les décisions des autres membres du Tribunal, je peux m’appuyer sur elles pour me guider si je les trouve convaincantes et utilesNote de bas page 19.

[40] Je ne crois pas que la décision AL soit convaincante ou utile, et je refuse de la suivre.

[41] Cela s’explique par le fait que la décision AL va à l’encontre de la jurisprudence obligatoire de la Cour fédérale concernant l’inconduite.

[42] Le Tribunal n’a pas compétence pour interpréter ou appliquer une convention collective ou un contrat de travailNote de bas page 20. Le Tribunal n’a pas non plus le pouvoir légal d’interpréter les lois sur la protection de la vie privée, les lois sur les droits de la personne, le droit international, le Code criminel ou d’autres lois ou de les appliquer aux décisions prises en vertu de la LoiNote de bas page 21.

[43] Autrement dit, il n’appartient pas au Tribunal de décider si la politique de l’employeur était raisonnable ou juste, ou si elle contrevenait à la convention collective. Le Tribunal ne peut pas non plus décider si la sanction du congé sans solde ou du congédiement était trop sévère. Le Tribunal doit se concentrer sur la raison pour laquelle l’appelant a cessé son emploi et décider si la conduite qui a entraîné sa suspension constitue une inconduite au sens de la Loi.

[44] J’ai déjà conclu que la conduite qui a mené à la suspension de l’appelant était son refus de fournir une preuve de vaccination comme l’exige la politique (en l’absence d’une exemption approuvée).

[45] La preuve non contestée obtenue de l’employeur ainsi que la preuve de l’appelant et son témoignage à l’audience me permettent de tirer les conclusions supplémentaires suivantes :

  1. a) l’appelant a été informé de la politique et a eu le temps de s’y conformerNote de bas page 22;
  2. b) il savait que son refus de fournir une preuve de vaccination en l’absence d’une exemption approuvée pourrait entraîner sa suspension;
  3. c) son refus de se conformer à la politique était voulu et intentionnel;

    (Ces trois facteurs montrent que son refus de se conformer à la politique était délibéré.)
  4. d) son refus de se conformer à la politique était la cause directe de sa suspension.

[46] L’employeur a le droit d’établir des politiques en matière de sécurité au travailNote de bas page 23. L’appelant avait le droit de refuser de se conformer à la politique. En choisissant de ne pas se faire vacciner (en l’absence d’une exemption approuvée), il a pris une décision personnelle qui a entraîné des conséquences prévisibles sur son emploi.

[47] La division d’appel du Tribunal a confirmé à maintes reprises qu’il importe peu que cette décision du prestataire soit fondée sur des croyances religieuses, des préoccupations relatives à la vie privée, des problèmes de santé ou une autre raison personnelle. Le choix voulu de ne pas se conformer à une politique sur la sécurité au travail liée à la COVID-19 est considéré comme délibéré et constitue une inconduite aux fins des prestations d’assurance‑emploiNote de bas page 24.

[48] La jurisprudence de la Cour d’appel fédérale selon laquelle une violation voulue de la politique d’un employeur sera considérée comme une inconduite au sens de la LoiNote de bas page 25 étaye ces affaires.

[49] Je conclus donc que le refus délibéré du prestataire de fournir une preuve de vaccination conformément à la politique, en l’absence d’une exemption approuvée, constitue une inconduite au sens de la Loi.

[50] Le représentant de l’appelant m’a également priée d’examiner trois autres décisions du Tribunal (que j’appellerai l’affaire NENote de bas page 26, l’affaire CONote de bas page 27 et l’affaire MeunierNote de bas page 28). Le représentant de l’appelant a fait valoir ce qui suit :

  1. a) l’affaire NE laisse entendre que le Tribunal est tenu de procéder à une analyse pour déterminer si la politique est légale;
  2. b) l’affaire CO laisse entendre que chaque dossier doit être déterminé au cas par cas, d’après un examen détaillé de la politique;
  3. c) l’affaire Meunier laisse entendre que la Commission ne peut pas simplement accepter la décision d’inconduite d’un employeur. Elle doit plutôt procéder à un examen détaillé du contexte de l’emploi (comme le travail extérieur de l’appelant et l’absence de contact de celui-ci avec ses collègues et le public) et d’autres renseignements nécessaires pour déterminer si la politique était raisonnable.

[51] Ces affaires n’aident pas l’appelant.

[52] Dans le meilleur des cas, l’affaire NE suggère que le Tribunal devrait déterminer si un employé a commis une inconduite dans un cas où la politique était « manifestement illégaleNote de bas page 29 ». Rien ne montre que la politique adoptée par l’employeur dans le cas de l’appelant était « manifestement illégale » de la façon envisagée par le membre du Tribunal qui a tranché l’affaire NE. Ce membre a donné des indications quant à savoir si une politique pouvait être considérée comme « manifestement illégale » lorsqu’il a donné un exemple. Cet exemple était une politique exigeant que les employés travaillent 24 heures consécutives sans pause, ce qui contrevenait aux normes provinciales du travailNote de bas page 30. Dans le cas de l’appelant, la politique n’appartient pas à la même catégorie que l’exemple et n’atteint pas le seuil pour de la politique « manifestement illégale ».

[53] À mon avis, l’affaire CO n’est ni convaincante ni utile pour les mêmes raisons que celles que j’ai déjà données concernant l’affaire AL. Et, bien que l’affaire Meunier soit une décision de la Cour d’appel fédérale, je refuse de la suivre parce qu’elle a été modifiée par les affaires plus récentes que j’ai citées aux paragraphes 42 à 48 ci-dessus. Je suis liée par ces affaires.

[54] L’appelant soutient également que sa conduite n’était pas une inconduite parce qu’il n’y avait aucune disposition relative à la vaccination obligatoire dans la convention collective régissant son emploi. Il ne s’agit pas d’un argument convaincant. Il n’y avait pas de pandémie de COVID-19 au moment de l’entrée en vigueur de la convention collectiveNote de bas page 31 et l’employeur a le droit d’établir des politiques de santé et de sécurité au travail selon l’évolution des circonstances. Comme je l’ai mentionné précédemment, je n’ai pas le pouvoir de décider si l’employeur a enfreint la convention collective de l’appelant ou s’il a été suspendu injustement. Le recours de l’appelant concernant ses plaintes contre l’employeur consiste à poursuivre ses demandes devant une cour ou un autre tribunal qui traite de ces questions.

[55] Je ne tire donc aucune conclusion concernant la validité de la politique ou toute violation des droits de l’appelant conférés par la convention collective ou autrement. Il est libre de présenter ces arguments devant les instances compétentes et de leur demander réparationNote de bas page 32.

[56] Toutefois, aucun des arguments ni aucune des observations de l’appelant ne change le fait que la Commission a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, qu’il a été suspendu en raison d’une conduite considérée comme une inconduite au sens de la Loi.

[57] Et cela signifie qu’il ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

Conclusion

[58] La Commission a prouvé que l’appelant a été suspendu en raison de son inconduite. Cela signifie qu’il ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

[59] L’appel est rejeté.

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