Assurance-emploi (AE)

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Citation : AB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 2

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie demanderesse : A. B.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décisions rendues par la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada le 29 juin 2021 dans les dossiers GE-21-650 et GE-21-654 (communiquées par le Tribunal de la sécurité sociale du Canada)

Membre du Tribunal : Normand Morin
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 29 novembre 2022
Personne présente à l’audience : L’appelant
Date de la décision : Le 6 janvier 2023
Numéro de dossier : GE-22-2163 et GE-22-2165

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Décision

[1] La demande d’annulation ou de modification de la décision rendue par la Division générale du Tribunal (la Division générale), en date du 29 juin 2021, est rejetée. Je conclus que la demande d’annulation ou de modification de la décision rendue par la Division générale à l’endroit du demandeur (partie demanderesse), A. B., n’est pas justifiéeNote de bas de page 1.

Aperçu

[2] Le 29 juin 2021, la Division générale a rendu une décision (dossiers GE-21-650 et GE-654) relativement à des périodes de prestations d’assurance-emploi établies à compter du 27 août 2017, dans un cas (dossier GE-21-650), et à compter du 22 juillet 2018 dans l’autre cas (dossier GE-21-654).

[3] Pour la période de prestations établie à compter 27 août 2017 (dossier GE-21-650), la Division générale a accueilli l’appel sur les questions suivantes : le nouvel examen de la demande de prestationsNote de bas de page 2, l’imposition d’une inadmissibilité au bénéfice des prestations pour ne pas avoir démontré être en chômageNote de bas de page 3 et l’annulation d’une demande de prestations, pour ne pas avoir démontré qu’il y a eu arrêt de rémunération pour une période de sept jours consécutifsNote de bas de page 4.

[4] Pour la période de prestations établie à compter 22 juillet 2018 (dossier GE-21-654), la Division générale a rejeté l’appel sur les questions suivantes : le nouvel examen de la demande de prestationsNote de bas de page 5 et l’annulation d’une demande de prestations, pour ne pas avoir démontré qu’il y a eu arrêt de rémunération pour une période de sept jours consécutifsNote de bas de page 6.

[5] Le demandeur explique être coactionnaire de l’entreprise X, et détenir 33⅓ % des parts de celle-ci. Il précise que deux autres coactionnaires détiennent chacun 33⅓ % des parts de cette entrepriseNote de bas de page 7.

[6] Le demandeur indique que la Division générale a rendu une décision favorable à l’endroit de l’un des deux autres actionnaires, en date du 23 décembre 2021, sur des questions similaires à celles pour laquelle une décision a été rendue dans son cas le 29 juin 2021, soit sur les questions suivantes : le nouvel examen de la demande de prestationsNote de bas de page 8, l’imposition d’une inadmissibilité au bénéfice des prestations pour ne pas avoir démontré être en chômageNote de bas de page 9 et l’annulation d’une demande de prestations, pour ne pas avoir démontré qu’il y a eu arrêt de rémunération pour une période de sept jours consécutifsNote de bas de page 10.

[7] Il précise que dans son cas, l’appel a été rejeté relativement à sa période de prestations établie à compter 22 juillet 2018 (dossier GE-21-654) et qu’en conséquence, une somme d’argent lui est réclamée par la Commission pour des prestations versées en trop (trop-payé). Le demandeur fait valoir que la situation du coactionnaire en question est la même que la sienne, mais qu’aucune somme d’argent n’est réclamée à ce dernier, étant donné que son appel a été accueilliNote de bas de page 11.

[8] Le demandeur soutient que la décision rendue par la Division générale à l’endroit de son collègue coactionnaire, le 23 décembre 2021, constitue un fait nouveau essentiel dans son cas, et qui justifie sa demande d’annulation ou de modification de la décision rendue à son endroit le 29 juin 2021Note de bas de page 12.

[9] Il fait valoir que si la Division générale avait eu à sa disposition la décision rendue à l’endroit du coactionnaire en question, le 23 décembre 2021, elle serait parvenue à un résultat différent dans son cas à lui, ce qui aurait fait en sorte d’annuler le montant du trop-payé qui lui est réclaméNote de bas de page 13.

[10] Le 27 juin 2022, le demandeur présente une demande d’annulation ou de modification de la décision rendue par la Division générale le 29 juin 2021 (dossiers GE-21-650 et GE-21-654)Note de bas de page 14.

Questions préliminaires

[11] Je précise que les appels portant les numéros de dossier GE-22-2163 et GE-22-2165 ont été jointsNote de bas de page 15 puisque ces appels soulèvent une question de droit ou de fait qui leur est commune.

[12] Dans le cas présent, les deux dossiers concernent le même demandeur. La question en litige dans les deux dossiers porte sur une demande d’annulation ou de modification d’une décision rendue par la Division générale en vertu de l’article 66 de la Loi sur le MEDS.

[13] Au début de l’audience, le demandeur indique qu’il retire sa demande concernant le dossier GE-22-2163 puisque ce dossier concerne sa demande de prestations établie à compter du 27 août 2017 et que dans ce cas, l’appel a été accueilli par la Division générale sur les trois questions en litige portées à son attention (dossier GE-21-650). Il précise que sa demande d’annulation ou de modification de la décision rendue par la Division générale concerne uniquement le dossier GE-22-2165 puisque ce dossier réfère à sa demande de prestations établie à compter du 22 juillet 2018 et que dans ce cas, l’appel a été rejeté sur les deux questions en litige (dossier GE-21-654).

[14] Je précise que la décision que je rends ne porte donc que sur le dossier GE-22-2165.

Question en litige

[15] Le Tribunal doit déterminer si la demande d’annulation ou de modification de la décision qu’il a rendue à l’endroit du demandeur est justifiéeNote de bas de page 16. Pour cela, je dois répondre à la question suivante :

  • Est-ce que la décision rendue par la Division générale à l’endroit d’un des coactionnaires du demandeur, en date du 23 décembre 2021, et les renseignements fournis par le demandeur, suivant la présentation de sa demande d’annulation ou de modification de la décision rendue à son endroit, le 29 juin 2021, constituent des faits nouveaux?

Analyse

[16] Afin d’annuler ou de modifier une décision rendue par le Tribunal, le demandeur doit présenter des faits nouveaux, présenter un fait essentiel qui a été connu après que la décision ait été rendue ou démontrer que la décision a été rendue sur le fondement d’une erreur se rapportant à un fait importantNote de bas de page 17.

[17] Dans l’une de ses décisions, la Cour d’appel fédérale (la Cour) a établi que des faits nouveaux sont des faits :

  • Qui se sont produits après que la décision a été rendue ou ;
  • Qui se sont produits avant, mais qui n’auraient pas pu être découverts par un prestataire qui fait preuve de diligence et ;
  • Qui sont déterminants, compte tenu de la question à trancherNote de bas de page 18.

Est-ce que la décision rendue par la Division générale à l’endroit d’un des coactionnaires du demandeur, en date du 23 décembre 2021, et les renseignements fournis par le demandeur, suivant la présentation de sa demande d’annulation ou de modification de la décision rendue à son endroit, le 29 juin 2021, constituent des faits nouveaux?

[18] Je considère que la décision rendue par la Division générale à l’endroit d’un des coactionnaires du demandeur, en date du 23 décembre 2021, et les renseignements fournis par le demandeur, suivant la présentation de sa demande d’annulation ou de modification de la décision rendue à son endroit, le 29 juin 2021, ne constituent pas des faits nouveaux.

[19] Je considère également que la décision du 29 juin 2021 n’a pas été rendue avant que ne soit connu un fait essentiel ni que cette décision a été fondée sur une erreur relative à un tel fait.

[20] Le demandeur fait valoir les éléments suivants :

  1. a) Les décisions rendues par la Division générale les 29 juin 2021 et 23 décembre 2021 présentent des faits similaires. L’appel du demandeur a été rejeté (décision du 29 juin 2021), mais celui présenté par son collègue coactionnaire a été accueilli (décision du 23 décembre 2021)Note de bas de page 19 ;
  2. b) Lors de l’analyse du dossier du demandeur par la Commission, avant que ne soit rendue la décision du 29 juin 2021, les représentants de la Commission avec lesquels il a parlé n’étaient pas les mêmes que dans le cas de son collègue coactionnaire lorsqu’une décision a été rendue dans le cas de ce dernier, le 23 décembre 2021Note de bas de page 20 ;
  3. c) Le demandeur et son collègue coactionnaire n’avaient pas les mêmes représentants devant la Commission et devant la Division générale. Le dossier du demandeur et celui de son collègue coactionnaire n’ont donc pas été préparés de la même façon ;
  4. d) La décision rendue par la Division générale à l’endroit du demandeur, en date du 29 juin 2021, et dans laquelle l’appel a été rejeté, n’a pas été portée en appel devant la Division d’appel. Le représentant du demandeur ne lui a pas suggéré de le faire. Le demandeur voulait porter cette décision en appel, mais son représentant lui a conseillé d’attendre la décision qui allait être rendue dans le cas de son collègue coactionnaire ;
  5. e) Le représentant du coactionnaire du demandeur a attendu de prendre connaissance de la décision du 29 juin 2021 avant de le représenter devant la Division générale. Ce représentant a pu préparer le dossier du coactionnaire du demandeur en fonction de la décision du 29 juin 2021 ;
  6. f) Le représentant du coactionnaire du demandeur a utilisé les déclarations de revenus (rapports d’impôt) de ce dernier et d’autres documents (ex. : factures de téléphone cellulaire) pour faire valoir son cas devant la Division générale. Le représentant du demandeur ne l’a pas fait. Le représentant du coactionnaire du demandeur a été en mesure de démontrer que même si ce dernier avait un téléphone cellulaire de l’entreprise, il n’avait pas bénéficié d’un avantage considéré comme une rémunération et ayant fait en sorte de maintenir son lien d’emploi avec celle-ci. Le représentant du coactionnaire a ainsi pu faire la démonstration qu’il y avait eu un arrêt de rémunération et qu’en conséquence, l’annulation de sa demande de prestations d’assurance-emploi n’était pas justifiée. L’appel du coactionnaire du demandeur a été accueilli ;
  7. g) Puisque le coactionnaire du demandeur a obtenu gain de cause devant la Division générale, le demandeur soutient qu’il devrait obtenir gain de cause lui aussi ;
  8. h) Le demandeur demande à la Division générale d’avoir une « cohérence juridique » et de lui donner gain de cause puisque son collègue coactionnaire a obtenu gain de cause, étant donné qu’il s’agit de deux cas semblables et qu’ils étaient tous deux dans la même situation. La conclusion devrait être la même dans les deux cas.

[21] De son côté, la Commission fait valoir les éléments suivants :

  1. a) Les conditions énumérées à l’article 66 de la Loi sur le MEDS permettant au Tribunal d’annuler ou de modifier la décision rendue à l’endroit du demandeur ne sont pas remplies. Ce dernier n’a pas présenté des faits nouveaux ni fait la preuve que la décision a été rendue avant que ne soit connu un fait essentiel ou que cette décision a été fondée sur une erreur relative à un tel faitNote de bas de page 21 ;
  2. b) La décision rendue dans le dossier du coactionnaire du demandeur n’est pas un fait nouveau ni un fait essentiel aux décisions rendues dans le dossier du demandeurNote de bas de page 22 ;
  3. c) Dans le dossier du coactionnaire du demandeur, le Tribunal a conclu que la Commission n’avait pas exercé son pouvoir discrétionnaire de réexamen, de façon judiciaireNote de bas de page 23. Le Tribunal ne s’est pas penché sur les questions de la semaine de chômage (travail indépendant) et de l’annulation de la période de prestations (arrêt de rémunération) puisqu’il a conclu qu’il n’y avait pas lieu que la Commission procède au réexamen de ces questionsNote de bas de page 24 ;
  4. d) Dans le dossier du coactionnaire du demandeur, le Tribunal a examiné seulement la question du réexamen d’une demande de prestations. Le Tribunal a évalué si la Commission avait exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire lorsqu’elle a réexaminé ce dossier. Ce sont donc les agissements et les explications de la Commission pour justifier le réexamen qui ont été évalués par le Tribunal. Ces faits sont propres au dossier du coactionnaire du demandeur. La conclusion qui en a découlée ne peut donc pas s’appliquer à un autre dossier. La décision dans le dossier du coactionnaire du demandeur n’est pas un élément pertinent à la décision sur le réexamen dans le dossier du demandeur. Il ne s’agit donc ni d’un fait nouveau ni d’un fait essentielNote de bas de page 25 ;
  5. e) Dans les deux dossiers, les membres du Tribunal ont examiné la question du réexamen de manières différentes, selon les faits propres à chacun d’eux, et en sont arrivés à des conclusions différentes. Une interprétation différente de la politique de réexamen de la Commission ne constitue pas un fait nouveau ni un fait essentielNote de bas de page 26 ;
  6. f) Le demandeur souligne que dans le dossier de son collègue coactionnaire, le Tribunal a considéré que la Commission ne pouvait pas réexaminer la demande, malgré le fait que des prestations ont été versées contrairement à la structure de la Loi, alors que dans son propre cas, c’est sur ce point que le Tribunal a considéré qu’il y avait lieu de procéder au réexamenNote de bas de page 27. Si le demandeur croit que la décision du Tribunal dans son dossier est entachée d’une erreur, il a d’autres recours pour présenter cet argumentNote de bas de page 28.

[22] Je considère que la décision rendue par la Division générale à l’endroit d’un des coactionnaires du demandeur, en date du 23 décembre 2021, ne représente pas un fait nouveau relatif à la décision rendue par la même instance à l’endroit du demandeur lui-même, en date du 29 juin 2021.

[23] J’estime que même si la décision du 23 décembre 2021 a été rendue après celle du 29 juin 2021, ce document n’est pas déterminant, étant donné la question à trancher.

[24] Je considère que dans la décision rendue à l’endroit d’un des coactionnaires du demandeur, le 23 décembre 2021, la Division générale n’a pas abordé la question portant sur l’annulation de la période de prestations de ce dernier (arrêt de rémunération) puisqu’elle a déterminé que la Commission n’avait pas exercé son pouvoir discrétionnaire dans ce cas et qu’en conséquence, il n’y avait pas lieu qu’elle procède au réexamen de sa demande de prestationsNote de bas de page 29.

[25] Dans cette décision, la Division générale s’est limitée à évaluer les agissements de la Commission et les explications qu’elle a fournies dans le but de justifier le réexamen de la demande de prestations du collègue coactionnaire du demandeur. Il s’agit de faits qui sont propres à son cas.

[26] J’estime que la conclusion rendue par la Division générale dans ce cas, ne peut s’appliquer à celui du demandeur.

[27] Dans le cas du collègue coactionnaire du demandeur, la Division générale a examiné la question du réexamen de la demande de prestations d’une façon différente de celle faite dans le cas du demandeur lui-même. La Division générale en est arrivée à des conclusions différentes.

[28] Je considère que même si la décision rendue dans le cas d’un des coactionnaires du demandeur donne une interprétation différente de la politique de réexamen de la Commission que celle se trouvant dans la décision rendue à l’endroit du demandeur lui-même, elle ne représente pas un fait nouveau, ni un fait essentiel.

[29] Je considère également que les explications du demandeur pour démontrer que son dossier n’a pas été présenté de la même manière devant la Division générale que celui de son collègue coactionnaire ne représentent pas des faits nouveaux pouvant justifier sa demande d’annulation ou de modification de la décision rendue à son endroit.

[30] J’estime que les explications du demandeur selon lesquelles il n’a pas présenté les mêmes éléments de preuve devant la Division générale que ceux présentés par le représentant de son collègue coactionnaire (ex. : déclarations de revenus) ne démontrent pas que ces éléments de preuve sont des faits nouveaux.

[31] Je considère que le demandeur ne démontre pas que les éléments de preuve auxquels il réfère n’étaient pas connus avant que la décision ne soit rendue à son endroit, le 29 juin 2021, bien que ces éléments de preuve aient été présentés pour faire valoir le cas de son collègue coactionnaire devant la Division générale plusieurs mois plus tard.

[32] Je considère que la décision de la Division générale rendue à l’endroit du demandeur, en date du 29 juin 2021, n’a donc pas été rendue avant que ne soit connu un fait essentiel ni que cette décision a été fondée sur une erreur relative à un tel fait.

[33] Je suis d’avis que par sa demande d’annulation ou de modification de la décision
rendue par la Division générale, le 29 juin 2021, le demandeur tente plutôt de faire valoir de nouveau sa position initiale ou de plaider sa cause, car il est en désaccord avec cette décision.

[34] Sur ce point, je rappelle qu’une demande de modification ou d’annulation d’une décision n’est pas une occasion pour le demandeur de revoir les conclusions de cette décision.

[35] Bien que la démarche du demandeur soit tout à fait légitime, sa demande ne peut toutefois lui servir de moyen pour faire de nouveau valoir sa position ou de plaider sa cause une deuxième fois.

[36] Puisque j’ai déterminé que nous ne sommes pas en présence de faits nouveaux selon les critères établis par la CourNote de bas de page 30, la décision rendue par la Division générale, en date du 29 juin 2021, ne peut pas être modifiée ou annuléeNote de bas de page 31.

Conclusion

[37] Je conclus que la demande d’annulation ou de modification de la décision rendue par la Division générale à l’endroit du demandeur n’est pas justifiée.

[38] Par conséquent, la demande est rejetée.

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