Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 755

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : J. B.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 28 février 2023
(GE-22-3428)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 9 juin 2023
Numéro de dossier : AD-23-335

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur (prestataire) a été suspendu de son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. Aucune exemption ne lui a été accordée. Le prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a conclu que le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. Elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations. Après révision, la Commission n’a pas changé sa décision. Le prestataire a donc fait appel à la division générale.

[4] La division générale a jugé que le prestataire avait été suspendu de son emploi après avoir refusé de se conformer à la politique de l’employeur. Elle a établi que le prestataire savait que l’employeur le suspendrait probablement dans ces circonstances. La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.

[5] Le prestatairecherche à obtenir la permission de porter la décision de la division générale en appel devant la division d’appel.Le prestataire soutient que l’employeur a imposé unilatéralement une nouvelle condition d’emploi sans offrir de mesures d’adaptation. Il soutient que le fait de prendre des décisions personnelles en matière de santé, comme on a le droit inaliénable de le faire au Canada, ne peut pas être interprété à tort comme une inconduite. Il s’oppose à toute politique et à tout mandat qui prétendent pouvoir contredire la loi établie.

[6] Je dois décider si le prestataire a soulevé une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse d’accorder la permission de faire appel parce que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Il s’agit des erreurs révisables suivantes :

  1. 1. La procédure de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. 2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher ou elle a tranché une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a commis une erreur de droit dans sa décision.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à l’examen sur le fond. Il s’agit d’une première étape que le prestataire doit franchir, mais où le critère juridique est moins exigeant que celui à remplir pour un appel sur le fond. À l’étape de la permission de faire appel, le prestataire n’a pas à prouver ses arguments. Il doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, il doit démontrer qu’il est possible de soutenir qu’il y a eu une erreur révisable pouvant faire en sorte que l’appel soit accueilli.

[11] Par conséquent, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel mentionnés plus haut et qu’au moins un des motifs donne à l’appel une chance raisonnable de succès.

Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

[12] Le prestataire soutient que l’employeur a imposé unilatéralement une nouvelle condition d’emploi sans offrir de mesures d’adaptation. Il soutient que le fait de prendre des décisions personnelles en matière de santé, comme on a le droit inaliénable de le faire au Canada, ne peut pas être interprété à tort comme une inconduite. Il s’oppose à toute politique et à tout mandat qui prétendent pouvoir contredire la loi établie.

[13] La division générale devait décider si le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. Il appartenait à la division générale de vérifier et d’interpréter les faits de la présente affaire, et de faire sa propre évaluation de la question dont elle était saisie.

[14] La notion d’inconduite ne sous-entend pas qu’il est nécessaire que la façon d’agir résulte d’une intention coupable. Il suffit que l’inconduite soit consciente, délibérée ou intentionnelle. Autrement dit, pour qu’il y ait inconduite, l’acte reproché doit avoir été de nature délibérée ou, à tout le moins, de nature insouciante ou négligente au point où l’on pourrait dire que la personne a délibérément ignoré les effets de ses actes sur son rendement.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de décider si l’employeur était coupable d’inconduite en suspendant le prestataire de telle sorte que sa suspension était injustifiée. Son rôle est plutôt de décider si le prestataire était coupable d’inconduite et si cette inconduite a entraîné sa suspension Note de bas de page 1.

[16] D’après la preuve, la division générale a conclu que le prestataire a été suspendu (on l’a empêché de travailler) parce qu’il a refusé de se conformer à la politique. Il avait été informé de la politique, et son employeur lui a donné du temps pour qu’il s’y conforme. Aucune exemption ne lui a été accordée. Le refus du prestataire était intentionnel et volontaire. Il s’agit de la cause directe de sa suspension.

[17] La division générale a conclu que le prestataire savait que son refus de se conformer à la politique pouvait entraîner sa suspension.

[18] La division générale a conclu à partir de la preuve prépondérante que le comportement du prestataire constituait une inconduite.

[19] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 2. Dans la présente affaire, l’employeur a suivi les directives du gouvernement fédéral pour mettre en place sa propre politique pendant la pandémie. La politique était en vigueur lorsque le prestataire a été suspendu.

[20] Le Tribunal n’a pas le pouvoir de décider si les mesures de santé et de sécurité mises en place par l’employeur pour lutter contre la COVID-19 étaient efficaces ou raisonnables.

[21] Les questions de savoir si l’employeur a omis d’offrir des mesures d’adaptation au prestataire, si l’employeur a enfreint les conditions de son contrat de travail et si la politique allait à l’encontre des droits de la personne et des droits constitutionnels relèvent d’une autre instance. Ce tribunal n’est pas le bon endroit pour obtenir la réparation que le prestataire demandeNote de bas de page 3.

[22] La Cour fédérale du Canada a rendu une décision dans l’affaire Cecchetto qui a eu lieu récemment. Cette affaire portait sur l’inconduite et le refus d’un prestataire de suivre la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur.

[23] Le prestataire a fait valoir que le refus de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur n’est pas une inconduite. Il a affirmé qu’aucune preuve ne démontrait que le vaccin était sécuritaire et efficace. Le prestataire s’est senti discriminé en raison de son choix médical personnel. Le prestataire a soutenu qu’il a le droit de contrôler sa propre intégrité physique et que ses droits ont été violés aux termes du droit canadien et du droit internationalNote de bas de page 4.

[24] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel : selon la loi, le Tribunal n’est pas autorisé à trancher ces questions. La Cour a convenu que, en faisant le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations envers l’employeur et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 5. La Cour a déclaré qu’il existe d’autres moyens qui permettraient aux demandes du prestataire de progresser adéquatement dans le cadre du système juridique.

[25] Dans l’affaire Paradis, le prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu qu’il n’y avait pas eu d’inconduite, car la politique de l’employeur allait à l’encontre de ses droits au titre de l’Alberta Human Rights Act [loi de l’Alberta sur les droits de la personne]. La Cour fédérale a conclu que cette question relevait d’une autre instance.

[26] La Cour fédérale a déclaré qu’une partie prestataire a, pour sanctionner le comportement de l’employeur, d’autres recours qui permettent d’éviter que le programme d’assurance-emploi fasse les frais du comportement.

[27] Dans l’affaire Mishibinijima, la Cour d’appel fédérale a déclaré que l’obligation d’un employeur d’offrir des mesures d’adaptation n’est pas pertinente pour trancher les cas d’inconduite en assurance-emploi.

[28] Comme je l’ai mentionné plus haut, le rôle de la division générale n’est pas de décider si l’employeur était coupable d’inconduite en suspendant le prestataire de sorte que sa suspension était injustifiée. Son rôle est plutôt de décider si le prestataire était coupable d’inconduite et si cette inconduite a entraîné sa suspension.

[29] La preuve prépondérante présentée à la division générale montre que le prestataire a fait le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l’employeur, qui avait été mise en place en réponse à la situation exceptionnelle causée par la pandémie, ce qui a entraîné sa suspension.

[30] Je ne vois pas en quoi la division générale aurait commis une erreur révisable lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement d’après les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 6.

[31] Je suis pleinement conscient que le prestataire peut demander réparation auprès d’une autre instance, si l’existence d’une violation est établieNote de bas de page 7. Cela ne change rien au fait qu’aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite.

[32] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments que le prestataire a présentés pour appuyer sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès en ce qui concerne la question de l’inconduite.

Conclusion

[33] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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