Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : TP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1775

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : T. P.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (462322) datée du 5 avril 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Raelene R. Thomas
Date de la décision : Le 8 août 2022
Numéro de dossier : GE-22-1630

Sur cette page

Introduction

[1] L’employeur de la prestataire a adopté une politique exigeant que tous les membres du personnel soient entièrement vaccinés contre la COVID-19 au plus tard le 31 octobre 2021Note de bas de page 1. La prestataire a demandé une exemption à la vaccination à son employeur, mais celle-ci lui a été refusée. Elle n’était toujours pas vaccinée le 31 octobre 2021, alors son employeur l’a mise en congé parce qu’elle ne respectait pas sa politiqueNote de bas de page 2. La Commission a examiné la raison pour laquelle la prestataire ne travaillait pas et a décidé qu’elle avait été suspendue en raison de sa propre inconduiteNote de bas de page 3. Pour cette raison, la Commission a déclaré la prestataire inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Questions que je dois examiner en premier

L’employeur n’est pas mis en cause

[2] Parfois, le Tribunal envoie une lettre à l’employeur d’une partie prestataire pour lui demander s’il souhaite être mis en cause dans le cadre d’un appel. Dans la présente affaire, le Tribunal a envoyé une lettre à l’employeur, mais celui-ci n’a pas répondu.

[3] Pour être mis en cause, l’employeur doit avoir un intérêt direct dans l’appel. J’ai décidé de ne pas mettre l’employeur en cause dans le présent appel, car rien au dossier n’indique que ma décision imposerait des obligations légales à l’employeur.

La prestataire n’était pas en congé volontaire

[4] Il est parfois difficile de décider si une partie prestataire a volontairement pris un congé ou si l’employeur l’a suspendue. Les éléments de preuve peuvent être ambigus. Dans de tels cas, je peux examiner la preuve et décider si la partie prestataire a volontairement pris une période de congé ou si elle a été suspendue de son emploi en raison de sa propre inconduiteNote de bas de page 4.

[5] Pour rendre ma décision, je dois tenir compte des circonstances qui existaient au moment où la prestataire a cessé de travaillerNote de bas de page 5.

[6] L’employeur a produit un relevé d’emploi indiquant que la raison de la production était un congé autoriséNote de bas de page 6. La case « Inconnue » du relevé d’emploi est cochée sous « Date de rappel prévue ».

[7] La Commission a établi que la prestataire avait été suspendue de son emploi en raison de sa propre inconduite.

[8] Dans sa réponse à l’avis d’intention de rejeter sommairement son appel du Tribunal et dans son appel au Tribunal, la prestataire a affirmé qu’elle n’avait jamais accepté une période de congéNote de bas de page 7.

[9] Dans le contexte de la Loi sur l’assurance-emploi, une période de congé volontaire requiert l’accord de l’employeur et de la partie prestataire. Il doit aussi y avoir une date de fin convenue entre la partie prestataire et l’employeurNote de bas de page 8.

[10] Je ne vois aucun élément de preuve dans le dossier d’appel qui montre que la prestataire a accepté de prendre une période de congé à compter du 31 octobre 2021 ni que la prestataire et son employeur ont établi une date pour son retour au travail au moment où elle a cessé de travailler, soit le 31 octobre 2021.

[11] L’article de loi sur l’inadmissibilité en raison d’une suspension porte sur les actions d’une partie prestataire qui ont entraîné son chômage. Elle dit qu’une partie prestataire qui est suspendue de son emploi en raison de son inconduite n’a pas droit aux prestationsNote de bas de page 9 (c’est moi qui souligne). La preuve démontre que c’est la conduite de la prestataire, soit le fait qu’elle a refusé de se conformer à la politique de vaccination de l’employeur, qui a mené à son arrêt de travail. Je suis convaincue qu’aux fins de la Loi sur l’assurance-emploi, la situation de la prestataire peut être considérée comme une suspension.

Question en litige

[12] Je dois décider s’il faut rejeter l’appel de façon sommaire.

La loi

[13] L’article 53(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit que la division générale doit rejeter un appel de façon sommaire si elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès.

[14] L’article 22 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale précise qu’avant de rejeter sommairement un appel, la division générale doit aviser la partie appelante par écrit et lui accorder un délai raisonnable pour présenter des observationsNote de bas de page 10.

[15] L’article 31 de la Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’une partie prestataire suspendue de son emploi en raison de son inconduite n’a pas droit au bénéfice des prestations jusqu’à, selon le cas :

  1. a) la fin de la période de suspension;
  2. b) la perte de cet emploi ou son départ volontaire;
  3. c) le cumul chez un autre employeur, depuis le début de cette période, du nombre d’heures d’emploi assurable exigé à l’article 7 ou 7.1.

Preuve

[16] Le dossier d’appel montre que la prestataire a rempli une demande de prestations d’assurance-emploi le 10 novembre 2021Note de bas de page 11.

[17] Le 4 janvier 2022Note de bas de page 12, la prestataire a parlé à une agente de Service Canada. Elle lui a dit qu’elle travaillait de la maison et qu’elle avait été mise en congé. La prestataire a dit à l’agente qu’elle avait demandé une exemption pour motifs spirituels à la vaccination contre la COVID-19, mais que sa demande avait été rejetée. La prestataire a dit à l’agente que tous les membres du personnel avaient reçu un courriel le 25 août 2021 au sujet de la nouvelle politique, de l’obligation de se faire vacciner et de l’obligation d’être entièrement vacciné au plus tard le 31 octobre 2021, sans quoi ils seraient mis en congé sans solde pendant six mois. Elle a dit que la situation serait évaluée dans six mois et qu’elle pourrait être congédiée si elle ne respectait pas la politique.

[18] La prestataire a fourni à Service Canada une copie d’un courriel de son employeur daté du 25 août 2021 et ayant comme objet [traduction] « Vaccination obligatoire pour tous les employés » Note de bas de page 13. Le courriel dit que le 13 août [2021], le gouvernement fédéral a annoncé que la vaccination serait obligatoire pour les personnes travaillant dans les industries sous réglementation fédérale, ce qui comprenait l’employeur. Le courriel indique que l’employeur [traduction] « exigera maintenant que tous les membres du personnel soient entièrement vaccinés au plus tard le 31 octobre sans exception et qu’ils reçoivent un vaccin approuvé par le gouvernement, sauf au titre de notre obligation d’offrir des mesures d’adaptation ». Un membre du personnel serait considéré comme entièrement vacciné 14 jours après avoir reçu la deuxième dose du vaccin d’une série de deux doses.

[19] Le courriel disait que l’employeur exigeait que les membres du personnel déclarent leur statut vaccinal au moyen d’une preuve de vaccination au plus tard le 8 septembre [2021]. Le courriel indique que [traduction] « le fait de ne pas être entièrement vacciné au plus tard le 30 octobre 2021 aura des conséquences pouvant aller jusqu’au congé sans solde ou au congédiement, sauf pour les personnes qui ont droit à une exemption ».

[20] La prestataire a fourni une copie de la politique de son employeur sur la COVID-19 à Service CanadaNote de bas de page 14. La politique est entrée en vigueur le 10 septembre 2021. Elle exigeait que les membres du personnel fournissent leur statut vaccinal au plus tard le 8 septembre 2021. Les personnes qui n’étaient pas vaccinées devaient recevoir une première dose du vaccin contre la COVID-19 au plus tard le 8 septembre 2021, et une deuxième dose au plus tard le 16 octobre 2021. La preuve de vaccination devait être enregistrée dans l’outil de déclaration du statut vaccinal de l’employeur au plus tard le 30 octobre 2021.

[21] La politique précise que les membres du personnel qui ne se sont pas fait vacciner, qui ont déclaré leur statut vaccinal et qui n’ont pas téléchargé la preuve de vaccination à cette date seront considérés comme non vaccinés et ne respectant pas la politique. Elle dit aussi que les membres du personnel qui ne se conforment pas à la politique n’auront pas le droit d’entrer sur le lieu de travail de l’employeur, qu’ils seront considérés comme incapables de s’acquitter de leurs fonctions (y compris les personnes qui travaillaient habituellement de la maison), qu’ils seront placés en congé sans solde sans prestations pendant six mois (après quoi leur relation d’emploi continue sera réévaluée) et qu’ils ne seront pas admissibles à certains avantages sociaux.

[22] La politique de l’employeur prévoyait que les membres du personnel qui avaient des raisons médicales, religieuses ou autres fondées sur des motifs de distinction illicite qui les empêchaient de se faire vacciner pouvaient demander des mesures d’adaptation conformément à l’obligation de l’employeur de fournir des mesures d’adaptation, et aux politiques et procédures existantes.

[23] La prestataire a fourni une copie de sa demande d’exemption à la vaccinationNote de bas de page 15. Ses demandes d’exemption et de mesures d’adaptation comprennent une déclaration sous serment de conviction religieuse dans laquelle elle affirme que la divulgation de renseignements médicaux privés, les tests et la vaccination contre la COVID-19 entrent en conflit avec ses croyances religieuses sincères qui font partie intégrante de sa foi, et avec sa conscience. La prestataire a également affirmé qu’elle n’avait pas consenti à partager ses renseignements médicaux ou à recevoir des interventions médicales et qu’elle avait invoqué ses droits et protections au titre de la Déclaration canadienne des droits et de la Charte canadienne des droits et libertés, qui prévoient des protections constitutionnelles interdisant toute demande, contrainte ou action visant à la faire respecter un mandat, une politique ou un protocole relatif à la COVID-19.

[24] La prestataire a envoyé à Service Canada une copie d’un courriel envoyé le 18 novembre 2021 par le bureau des mesures d’adaptation en milieu de travailNote de bas de page 16. Le courriel précise que la prestataire a demandé une exemption de la politique de vaccination le 31 octobre 2021 et qu’elle a fourni des documents supplémentaires. Le courriel poursuit en disant que la demande de la prestataire a été respectueusement rejetée et que, par conséquent, elle ne respectait pas la politique de vaccination. Le courriel dit que [traduction] « les employés, à l’exception de ceux qui ont obtenu une exemption conformément à la politique, qui ne veulent pas se conformer à la politique ont la possibilité de rester à l’emploi [de l’employeur] même s’ils seront placés en congé à compter du 31 octobre 2021, conformément à la politique et comme il est expliqué de façon plus détaillée dans celle-ci ».

Observations

[25] Dans son appel au Tribunal, la prestataire a fait valoir que son contrat de travail ne fait aucune mention de vaccination obligatoire et qu’étant donné qu’elle a cotisé à la caisse d’assurance-emploi pendant toute sa carrière, elle répond aux critères. Elle a déclaré que les questions à son employeur au sujet du vaccin demeuraient sans réponse. La prestataire a décrit le manque de représentation de son syndicat. Elle a déclaré que les actions de son employeur contrevenaient à de nombreuses lois. L’appel de la prestataire comprenait des arguments sur l’application de la Charte, de la Déclaration canadienne des droits et de la Loi sur la non-discrimination génétique (projet de loi S-201) aux circonstances liées à sa suspension du travail. La prestataire a également fourni des citations de décisions judiciaires et du Guide de la détermination de l’admissibilité à l’appui de votre [sic] positionNote de bas de page 17.

[26] Dans son appel au Tribunal, la prestataire a fourni les renseignements suivants :

Pacte international relatif aux droits civils et politiques, Loi sur la non-discrimination génétique (projet de loi S-201), Charte des droits, Code de Nuremberg, extraits du Code criminel et de la Loi canadienne sur les droits de la personne, et Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques.

Décisions Farber c Cie Trust Royal, 1 RCS 846, Matthews c Ocean Nutrition Canada Ltd., 2020 CSC 25, Ruel c Air Canada, 2022 ONSC 1779, et décisions du juge-arbitre du Canada CUB 23617 (Sulaiman) et CUB 26597 (Edward et Langlois).

Articles sur le vaccin contre la COVID-19, rapports de Pfizer et de la Food and Drug administration et des médicaments détaillant les effets indésirables, lettre de Santé Canada à une personne autre que vous [sic], et ordonnance provisoire de Santé Canada.

Articles portant sur la condamnation d’un ancien garde nazi.

Avis que la prestataire a envoyés à son employeur, déclaration de son syndicat sur la vaccination obligatoire en milieu de travail, courriel de son employeur concernant la déclaration du statut vaccinal et extrait de la convention collective de la prestataireNote de bas de page 18.

[27] La prestataire a également envoyé deux autres observations au Tribunal.

[28] La première observation supplémentaire corrigeait une erreur dans une liste de lois auxquelles la politique de l’employeur contrevenait selon la prestataire, et une observation sur l’application aux circonstances entourant la suspension de la prestataire de la Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l’homme de l’UNESCO, du Code de Nuremberg et du Pacte international relatif aux droits civils et politiquesNote de bas de page 19.

[29] La deuxième observation supplémentaire posait des questions à la membre du Tribunal et faisait référence à des articles de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 20.

[30] La prestataire a répondu à l’avis de rejet sommaire du TribunalNote de bas de page 21. Dans sa réponse, la prestataire a demandé qu’on lui fournisse la preuve ou les documents à l’appui de l’allégation de son employeur ou de la Commission selon laquelle elle a cessé de travailler volontairement, ou si la raison a été changée à une inconduite, par qui et pour quels motifs. La prestataire a fait valoir que la Cour d’appel fédérale a établi que la Commission a le fardeau de prouver qu’une partie prestataire a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. Elle a expliqué que dans ses observations précédentes au Tribunal, elle avait fait remarquer qu’avant de tirer des conclusions comme celles de la Commission de l’assurance-emploi, il fallait tenir compte de nombreux aspects juridiques. La prestataire affirme que le critère juridique est simple : la politique de l’entreprise viole-t-elle, par exemple, le Code de Nuremberg, le traité du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et tout ce qui a été mentionné dans son document précédent? Elle dit que oui.

[31] La prestataire compare ensuite les événements actuels à ceux de la période de 1939 à 1945. Elle soutient qu’à l’heure actuelle, toutes les lois sur le consentement éclairé ont été enfreintes, toutes les conventions collectives ont été violées et tordues pour s’adapter au récit de l’oppresseur. La prestataire a écrit qu’il n’était pas si exagéré d’inclure l’histoire d’un gardien de prison nazi récemment déclaré coupable de crimes contre l’humanité pour sa collaboration. Elle poursuit en disant qu’une question importante à se poser est la suivante : [traduction] « les gens de la Commission de l’assurance-emploi ont-ils participé à un effort bien concerté et orchestré pour pénaliser les personnes non vaccinées ? »

[32] La prestataire a déposé une citation tirée du Guide de la détermination de l’admissibilité indiquant qu’elle provenait du bureau du TribunalNote de bas de page 22. La citation concerne un employeur qui exige qu’un employé prenne un congé. La prestataire a réitéré ses observations antérieures selon lesquelles elle n’avait pas pris de congé. Elle a fait remarquer qu’elle a été rappelée au travail et elle a présenté des arguments concernant le congédiement déguisé et la suspension des employés par l’employeur. Elle a fait référence à plusieurs décisions judiciaires à cet égard. La prestataire a fait valoir que son employeur a apporté des modifications unilatérales à son contrat de travail, ce qui, selon elle, constitue un congédiement déguisé.

[33] La prestataire soutient qu’en ce qui concerne le caractère délibéré de ses gestes, elle a coopéré avec la politique de son employeur en demandant des mesures d’adaptation. Elle affirme que l’employeur s’est imposé un fardeau en refusant cette demande.

[34] La prestataire fait valoir qu’elle savait que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers l’employeur. Elle a dit : [traduction] « bien sûr que je le savais, mais il n’en demeure pas moins que j’ai coopéré avec l’employeur et sa soi-disant politique en présentant une demande d’exemption pour croyances religieuses sincères ».

[35] La prestataire fait valoir qu’elle savait, ou qu’elle aurait dû savoir, qu’il y avait une possibilité réelle qu’elle soit congédiée parce qu’elle ne s’était pas conformée à la politique [traduction] « bien sûr, c’est ce que j’ai fait et c’est pourquoi je me suis entièrement conformée à la politique et j’ai coopéré activement avec l’employeur ».

[36] La prestataire soutient que l’inconduite présumée a entraîné le congédiement d’un [traduction] « “nonˮ catégorique », car il n’y a pas eu de congédiement. Elle soutient qu’il y a eu une manigance de congé autorisé et qu’elle a été rappelée le 4 juillet 2022.

[37] La prestataire invoque un code provincial des droits de la personne et une jurisprudence pour établir l’existence d’une discrimination fondée sur les croyances et présente un argument concernant l’obligation de son employeur d’offrir des mesures d’adaptation.

[38] La Commission a présenté deux observations au TribunalNote de bas de page 23. Elle soutient que si un membre du personnel refuse délibérément de se conformer à la politique de vaccination obligatoire de son employeur et qu’il y a un lien clair entre le refus de se conformer d’une partie prestataire et la suspension, une conclusion d’inconduite peut être établie. La Commission affirme que dans la présente situation, la prestataire a été informée de la politique de vaccination obligatoire de l’entreprise et des conséquences du non-respect de cette dernière. La prestataire a confirmé avoir reçu la politique avant d’être mise en congé et elle était au courant des conséquences du non-respect de la politique. La Commission affirme que la prestataire connaissait les dates limites et qu’elle ne s’y est tout de même pas conformée, même si elle savait que ce refus aurait des conséquences négatives.

[39] La Commission a soutenu qu’elle avait conclu que le refus de la prestataire de se conformer à la politique de l’entreprise constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi parce que la prestataire connaissait les exigences pour se conformer à la politique de vaccination obligatoire et qu’elle avait choisi de refuser de s’y conformer. Elle affirme que la prestataire savait que le refus de se conformer à la politique pouvait entraîner des conséquences négatives, comme une suspension ou un congédiement. La Commission affirme que la prestataire a eu le choix de se conformer à la politique ou de faire face aux conséquences connues de ne pas s’y conformer et qu’elle a tout de même choisi de refuser de se faire vacciner. La Commission soutient qu’un tel refus est considéré comme une inconduite. Elle dit que le fait de ne pas être d’accord avec une politique ne dispense pas une personne de s’y conformer.

Analyse

Questions ne relevant pas de ma compétence

[40] Mon rôle n’est pas de déterminer si la politique ou les actions de l’employeur étaient raisonnables ou contrevenaient à la convention collective de la prestataire ou aux lois qu’elle a citées dans ses observations.Note de bas de page 24

[41] Il ne m’appartient pas non plus d’établir si la suspension de l’emploi de la prestataire constitue un congédiement injustifié ou déguisé, car ce terme est lié au droit du travail canadien et à la common law. En effet, le critère de la « justification », tel qu’il est utilisé dans ces instances, est différent du critère juridique appliqué pour décider s’il y a eu une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 25.

[42] Il existe d’autres endroits où ces demandes et allégations peuvent être faites.

[43] Mon rôle n’est pas non plus d’évaluer l’efficacité ou l’innocuité du vaccin contre la COVID-19.

Questions relevant de ma compétence

[44] Mon rôle est de décider si l’appel de la prestataire concernant le refus de la Commission de lui verser des prestations d’assurance-emploi doit être rejeté de façon sommaire.

[45] Pour rejeter l’appel de la prestataire de façon sommaire, la loi dit que je dois être convaincue que son appel n’a aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 26.

[46] La question est de savoir s’il est clair et évident sur la foi du dossier que l’appel est voué à l’échec.

[47] La question n’est pas de savoir si l’appel doit être rejeté après avoir examiné les faits, la jurisprudence et les arguments des parties. Il faut plutôt établir si l’appel est voué à l’échec, peu importe les éléments de preuve ou les arguments qui pourraient être présentés à l’audienceNote de bas de page 27.

[48] Lorsque j’applique la loi et les deux critères juridiques ci-dessus, je peux seulement conclure que l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

[49] Aux fins de la Loi sur l’assurance-emploi, pour que je puisse conclure à une inconduite, il faudrait que je voie que la prestataire a adopté une conduite délibérée alors qu’elle savait, ou aurait dû savoir, qu’elle pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur, et qu’il y avait une possibilité réelle qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas de page 28.

[50] Une conduite délibérée est une conduite consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 29. Il n’est pas nécessaire que la personne ait eu une intention coupable pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 30.

[51] La politique de l’employeur exigeait que tous les membres du personnel soient entièrement vaccinés au plus tard le 31 octobre 2021. Les membres du personnel pouvaient être exemptés de la vaccination en faisant approuver une demande d’exemption par l’employeur. Les membres du personnel qui n’étaient pas exemptés de la vaccination, qui n’ont pas fourni de preuve de vaccination ou qui n’étaient pas vaccinés au plus tard le 31 octobre 2021 ont été considérés comme ne respectant pas la politique. Les personnes qui ne se conformaient pas n’avaient pas le droit d’entrer sur les lieux de travail. Elles étaient considérées comme incapables de remplir leurs obligations (y compris les personnes qui travaillaient habituellement de la maison) et elles étaient mises en congé sans solde sans prestations pendant six mois. Ensuite, leur relation d’emploi continue était réévaluée et elles n’étaient pas admissibles à certains avantages sociaux.

[52] Le dossier d’appel montre que la politique de l’employeur était en vigueur à compter du 10 septembre 2021, qu’elle a été annoncée et résumée dans un courriel envoyé à tous les membres du personnel le 25 août 2021, et que le 31 octobre 2021 la prestataire a demandé une exemption à la vaccination en raison de ses croyances. Elle a également écrit à son employeur le 11 novembre 2021. Dans cette lettre, la prestataire a dit qu’elle ne pouvait pas [traduction] « adhérer à cette nouvelle politique médicale ». L’employeur a refusé sa demande d’exemption.

[53] La prestataire a fait valoir qu’elle connaissait la politique de l’employeur et qu’elle pouvait perdre son emploi si elle ne s’y conformait pas. La politique précisait explicitement qu’elle s’appliquait aux personnes travaillant à domicile et que celles qui n’étaient pas vaccinées ou qui n’avaient pas fourni de preuve de vaccination seraient considérées comme incapables de remplir leurs fonctions. La prestataire n’a pas fourni de preuve de vaccination. Il n’y a aucune preuve qui pourrait être présentée à une audience qui changerait cela. Par conséquent, il est clair pour moi que l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès. Ainsi, je dois rejeter l’appel de la prestataire.

Conclusion

[54] Je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Par conséquent, l’appel est rejeté de façon sommaire.

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