Assurance-emploi (AE)

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Citation : DB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 891

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : D. B.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Julie Meilleur

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du
11 avril 2023 (GE-23-838)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 30 juin 2023
Personnes présentes à l’audience : L’appelant
 
Date de la décision : Le 7 juillet 2023
Numéro de dossier : AD-23-348

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi.

Aperçu

[2] L’appelant (prestataire) a quitté son emploi chez son premier employeur le 31 août 2022 pour retourner travailler dans la construction. L’emploi chez son nouvel employeur a pris fin. Le prestataire a demandé des prestations d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a examiné les raisons du prestataire pour quitter son emploi chez son premier employeur. Elle a conclu que le prestataire a quitté volontairement son emploi (c’est-à-dire qu’il a choisi de quitter son emploi) sans justification prévue par la loi. Par conséquent, la Commission ne pouvait pas lui verser de prestations. Le prestataire a porté la décision en révision devant la division générale.

[4] La division générale a déterminé que le prestataire a volontairement quitter son emploi car il avait des problèmes de paie avec son employeur et parce qu’il avait l’assurance-raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat. Cependant, elle a déterminé que le prestataire a quitté un emploi à temps plein d’une durée indéterminée pour un emploi lui garantissant seulement 150 heures de travail. Ainsi, au moment de son départ, le prestataire risquait de se retrouver sans emploi après avoir complété 150 heures de travail chez le nouvel employeur. Elle a également déterminé que le prestataire aurait pu discuter avec son employeur de ses problèmes de paie. La division générale a conclu que le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi.

[5] La permission d’en appeler a été accordée au prestataire. Il soutient que la division générale a commis une importante erreur de fait. Il fait valoir que la division générale a également commis une erreur de droit en concluant qu’il n’était pas justifié de quitter son emploi au sens de la loi.

[6] Je dois décider si la division générale a fondé sa décision sur une importante erreur de fait, et décider si la division générale a erré dans son interprétation de l’article 29(c) (vi) de laLoi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE).

[7] J’accueille l’appel du prestataire.

Question en litige

[8] Est-ce que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, et erré dans son interprétation de l’article 29(c) (vi) de la Loi sur l’AE?

Analyse

Mandat de la division d’appel

[9] La Cour d’appel fédérale a déterminé que la division d’appel n’avait d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social.Note de bas de page 1

[10] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale et n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure.

[11] En conséquence, à moins que la division générale n'ait pas observé un principe de justice naturelle, qu'elle ait erré en droit ou qu'elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l'appel.

Remarques prélimaires

[12] Il est bien établi que je dois prendre en considération que la preuve qui a été présentée à la division générale.

[13] En effet, une audience devant la division d’appel n’est pas une nouvelle opportunité de présenter sa preuve. Les pouvoirs de la division d’appel sont limités par la loi.Note de bas de page 2

[14] J’ai procédé à écouter l’enregistrement complet de l’audience devant la division générale afin de rendre ma décision.

Est-ce que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, et erré dans son interprétation de l’article 29(c) (vi) de la Loi sur l’AE?

[15] Le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur importante de fait.Il fait valoir que la garantie de 150 heures concernait seulement l’obtention de sa carte de main d’œuvre. Elle ne concernait pas la durée son emploi. Il soutient avoir travaillé plus de 600 heures pour son nouvel employeur depuis son embauche.

[16] Le prestataire fait valoir que la division générale a commis une erreur en déterminant qu’il avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi et en concluant qu’il n’était pas fondé à quitter son emploi.

[17] La division générale devait déterminer si le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi au moment où il l’a quitté.

[18] La notion d’« assurance raisonnable d’un autre emploi décrite à l’article 29(c) (vi) de la Loi sur l’AE suppose l'existence de trois éléments: une « assurance raisonnable», « un autre emploi » et un « avenir immédiat ».Note de bas de page 3

[19] La division générale a déterminé que le prestataire avait l’assurance d’un autre emploi au moment où il a décidé de quitter son emploi. La division générale s’est basée sur la lettre d’embauche datée du 31 août 2022. Ce document confirme l’embauche du prestataire en tant que « manœuvre spécialisé » pour une durée d’au moins 150 heures échelonnées sur une période d’au plus trois mois consécutifs.

[20] La division générale a considéré qu’en date du 31 août 2022, le nouvel employeur s’attendait à ce que le prestataire aille travailler pour lui. Elle a tenu compte de la réalité de l’industrie de la construction qui exige que l’employeur ait un projet en cours, ou sur le point de commencer, pour embaucher les personnes nécessaires à la réalisation du projet. Elle a déterminé que les étapes administratives, qui habituellement prennent quelques jours, n’avaient pas pour effet de changer le fait que le prestataire avait été embauché sans conditions par le nouvel employeur.

[21] Cependant, la division générale a déterminé que le prestataire a quitté un emploi à temps plein d’une durée indéterminée pour un emploi lui garantissant seulement 150 heures de travail. Ainsi, au moment de son départ, le prestataire risquait de se retrouver sans emploi après avoir terminé ses 150 heures de travail chez le nouvel employeur.

[22] Le prestataire fait valoir que la division générale a commis une erreur importante de fait puisque la garantie de 150 heures concernait seulement l’obtention de sa carte de main d’œuvre. Elle ne concernait pas la durée de son emploi auprès de son nouvel employeur.

[23] Lors de l’audience devant la division générale, le prestataire a déclaré à plusieurs reprises que l’employeur lui garantissait 150 heures afin qu’il obtienne ses cartes de compétence auprès de la Commission de la construction du Québec (CCQ). Il a mentionné qu’une lettre d’embauche avec garantie d’heures lui permet d’être autorisé par la CCQ à travailler pour l’employeur dès le début du projet. Les cartes de compétence lui sont par la suite remises après 150 heures de travail.

[24] Je note que la lettre d’embauche du prestataire indique clairement que l’employeur lui garantit au moins 150 heures de travail, ce qui est le minimum d’heures requis par la CCQ afin d’obtenir ses cartes de compétences.

[25] Lors d’une entrevue par la Commission, l’’employeur confirme que l’embauche lui garantit 150 heures sur trois mois pour obtenir les cartes de compétences.Note de bas de page 4 La Commission n’a pas questionné davantage l’employeur sur cette affirmation afin de s’enquérir si cela concordait avec la durée de l’emploi.

[26] Même si je dois considérer les faits au moment où le prestataire a décidé de quitter son emploi, je ne peux ignorer que la preuve démontre que le prestataire a travaillé 351 heures pour le nouvel employeur.Note de bas de page 5 Ce fait corrobore sa version que le minimum de 150 heures ne concernait pas la durée de son emploi auprès de son nouvel employeur mais bien le minimum d’heures requis pour l’obtention de ses cartes de compétence.

[27] Je suis d’avis que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée. La preuve prépondérante démontre que la garantie de 150 heures concernait seulement l’obtention de la carte de main d’œuvre. Elle ne concernait pas la durée de son nouvel emploi.

[28] Il serait en effet illogique pour la CCQ de permettre à un travailleur de travailler dès le début sur un projet sans avoir une garantie formelle de l’employeur à l’effet que le travailleur obtiendra ultérieurement ses cartes de compétence.

[29] Compte tenu de cette importante erreur de fait, je suis d’avis que la division générale a également commis une erreur de droit dans son interprétation de l'article 29 (c) (vi) de la Loi sur l’AE. La présente affaire n’en est pas une où le prestataire a transformé un simple risque en une certitude de chômage.Note de bas de page 6

[30] Je suis donc justifié d’intervenir.

Remède

[31] Considérant que les parties ont eu l'opportunité de présenter leur cause devant la division générale, je rendrai la décision qui aurait dû être rendue par la division générale.Note de bas de page 7

[32] En date du 31 août 2022, le nouvel employeur s’attendait à ce que le prestataire aille travailler pour lui. Il faut tenir compte de la réalité de l’industrie de la construction qui exige que l’employeur ait un projet en cours, ou sur le point de commencer, pour embaucher les personnes nécessaires à la réalisation du projet. Les étapes administratives auprès de la CCQ, qui habituellement prennent quelques jours, n’ont pas pour effet de changer le fait que le prestataire avait été embauché sans conditions par l’employeur.

[33] En l'espèce, les exigences de l’article 29(c) (vi) de la Loi sur l’AE sont rencontrées. Le prestataire avait une offre d’emploi au moment où il a décidé de quitter, il connaissait quel emploi et auprès de quel employeur, et il savait à quel moment dans l’avenir il aurait son emploi. Le prestataire était raisonnablement assuré d’obtenir un autre emploi dans un avenir immédiat.

[34] Le prestataire n’avait pas d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi puisqu’il pouvait être convoqué sur un chantier à tout moment par son nouvel employeur. Le nouvel employeur l’a d’ailleurs convoqué au travail dès que l’autorisation a été émise par la CCQ. De plus, son employeur refusait de lui donner ses relevés de paie contrairement à ses obligations légales.Note de bas de page 8 Il n’était donc pas en mesures de vérifier si l’employeur le payait correctement pour ses heures de travail.

[35] Je suis d’avis que, dans les circonstances particulières du présent dossier, le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi au sens de la loi.

[36] Pour les motifs précédemment mentionnés, il y a lieu d’accueillir l’appel du prestataire.

Conclusion

[37] L’appel est accueilli. Le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi.

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