Assurance-emploi (AE)

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Citation : DB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 892

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : D. B.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (579265) datée du 16 mars 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Leanne Bourassa
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 31 mars 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 11 avril 2023
Numéro de dossier : GE-23-838

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] Le prestataire n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi (c’est-à-dire qu’il avait une raison acceptable selon la loi pour le faire) quand il l’a fait. Le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi parce que le départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Par conséquent, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] Le prestataire a quitté son emploi chez son premier employeur le 31 août 2022 pour retourner travailler dans la construction. L’emploi chez son nouvel employeur a pris fin le 21 novembre 2022. Le prestataire a demandé des prestations d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les raisons du prestataire pour quitter son emploi chez son premier employeur. Elle a conclu que le prestataire a quitté volontairement son emploi (c’est-à-dire qu’il a choisi de quitter son emploi) sans justification prévue par la loi. Par conséquent, la Commission ne pouvait pas lui verser de prestations.

[4] Je dois décider si le prestataire a prouvé que quitter son emploi chez son premier employeur était la seule solution raisonnable dans son cas.

[5] La Commission affirme qu’au lieu de quitter son emploi quand il l’a fait, le prestataire aurait pu essayer de régler la question de ses fiches de paie avant de quitter son premier employeur. Elle soutient que le prestataire n’avait pas l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat.

[6] Le prestataire n’est pas d’accord et affirme qu’il a quitté son premier employeur au moment où il l’a fait non pas à cause des désaccords au sujet de sa paie, mais plutôt parce qu’il avait la confirmation qu’il allait débuter un autre emploi dans les semaines à venir.

Question en litige

[7] Le prestataire est-il exclu du bénéfice des prestations pour avoir quitté volontairement son emploi sans justification?

[8] Pour répondre à cette question, je dois d’abord aborder la question du départ volontaire du prestataire. Je dois ensuite décider s’il était fondé à quitter son emploi.

Analyse

Les parties sont d’accord sur le fait que le prestataire a quitté volontairement son emploi chez son premier employeur

[9] J’accepte le fait que le prestataire a quitté volontairement son emploi. Le prestataire reconnaît qu’il a quitté son emploi le 31 août 2022. Je n’ai aucune preuve du contraire.

Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi chez son premier employeur

[10] Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi le 31 août 2022.

[11] La loi prévoit qu’une partie prestataire est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 1. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver que le départ était fondé.

[12] La loi explique ce que veut dire « être fondé à ». Elle dit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si son départ est la seule solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstancesNote de bas de page 2.

[13] Le prestataire est responsable de prouver que son départ était fondé. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnableNote de bas de page 3.

[14] Pour trancher la question, je dois examiner toutes les circonstances présentes quand le prestataire a quitté son emploi. La loi énonce des circonstances que je dois prendre en considérationNote de bas de page 4.

[15] Une fois que j’aurai déterminé les circonstances qui s’appliquent au prestataire, celui-ci devra démontrer qu’il n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi à ce moment-làNote de bas de page 5.

Les circonstances présentes quand le prestataire a quitté son emploi

[16] Le prestataire affirme que l’une des circonstances énoncées dans la loi s’applique à son cas. Plus précisément, il avait l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat.

[17] J’estime qu’une des circonstances énoncées dans la loi existait lorsque le prestataire a quitté son emploi. Il avait l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat.

[18] Je suis aussi d’avis qu’au moment de son départ, le prestataire était dans l’incertitude au sujet de sa paie. L’absence d’horaire fixe et des questions relativement à des déplacements imprévus lui causaient aussi des problèmes concernant la garde de sa fille.

[19] La Commission a conclu que le prestataire a quitté son emploi chez son premier employeur car il avait des soupçons concernant son salaire et ses avantages sociaux.

[20] Je ne suis pas d’accord pour dire que ces soupçons étaient les seules circonstances qui l’ont amené à quitter son emploi.

Les circonstances énoncées dans la loi

[21] J’estime que le prestataire a quitté son emploi parce qu’il avait l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat.

[22] Lors de l’audience, le prestataire a expliqué que même s’il était insatisfait de sa situation chez son premier employeur, il n’avait pas l’intention de quitter cet emploi avant d’avoir la confirmation d’un autre emploi. Lorsqu’il a eu l’attestation de son nouvel employeur, il a quitté son emploi.

[23] La Commission est d’avis que le prestataire n’avait pas d’offre formelle d’emploi avant de quitter celui qu’il occupait. Elle explique que le prestataire avait seulement une confirmation de l’ouverture du bassin des candidats pour des projets de construction et une offre conditionnelle à l’acceptation de la Commission de la Construction du Québec (CCQ).

[24] Le prestataire a soumis un document, daté du 31 août 2022, intitulé « Attestation d’emploi avec garantie d’heuresNote de bas de page 6 ». Ce document confirme l’embauche du prestataire en tant que « manœuvre spécialisé » pour une durée d’au moins 150 heures échelonnées sur une période d’au plus trois mois consécutifs.

[25] Ce document démontre qu’au moment où le prestataire a quitté son emploi chez son premier employeur, il avait l’assurance d’un autre emploi.

[26] Comme la Commission l’a mentionné, je note que ce document ne confirme pas la date de d’entrée en fonction du prestataire chez ce nouvel employeur. Cependant, je ne suis pas d’accord pour dire que cela ne peut pas constituer une offre confirmée d’emploi dans un avenir immédiat.

[27] À mon avis, le document démontre qu’en date du 31 août 2022, le nouvel employeur s’attendait à ce que le prestataire aille travailler pour lui. La réalité de l’industrie de la construction, c’est que l’employeur n’aurait pas pu faire une confirmation d’embauche s’il n’avait pas un projet en cours, sur le point de commencer. Il embauchait les personnes qui pouvaient travailler sur ce projet.

[28] Il est vrai que le prestataire avait des étapes à franchir avec son syndicat et devait attendre la confirmation de la CCQ avant de commencer à faire du travail pour l’employeur. Il s’agissait seulement d’étapes administratives qui n’auraient pas pu commencer sans la confirmation de l’emploi signée par l’employeur.

[29] De plus, je note que la confirmation de l’emploi signée par le nouvel employeur ne fait aucune mention de conditions à remplir par le prestataire avant l’emploi. On y constate simplement que l’embauche a eu lieu.

[30] Le prestataire a aussi présenté un document, daté du 26 août 2022, ayant comme titre « Garantie d’emploi ». Le document explique qu’en plus de son nouvel employeur, une autre entreprise de construction était prête à l’embaucher. Il a choisi de ne pas aller travailler dans cette entreprise, car il trouvait que son nouvel employeur communiquait mieux avec lui. Cependant, cela démontre qu’au moment de son départ, le prestataire avait deux possibilités d’emploi dans un avenir immédiat.

[31] Les parties sont en désaccord, car l’employeur a avisé la Commission que le prestataire a commencé à travailler le 3 octobre 2022 seulement. Cependant, le prestataire a fourni une copie d’une fiche de paie démontrant qu’il a travaillé à partir du 18 septembre 2022Note de bas de page 7. J’estime donc que le 18 septembre 2022 est le premier jour de travail du prestataire au service de l’employeur.

[32] Le prestataire a aussi déclaré que, lorsqu’il a quitté son emploi chez son premier employeur, il s’attendait à travailler presqu’immédiatement. Son expérience l’a aussi mené à croire que la confirmation de la CCQ prendrait seulement quelques jours, et non pas des semainesNote de bas de page 8.

[33] Je suis donc d’avis qu’au moment de son départ volontaire, le prestataire avait l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat.

Autres circonstances

[34] Je suis aussi d’avis que le prestataire avait des frictions avec son employeur au sujet de ses fiches de paie.

[35] De plus, son horaire de travail chez son premier employeur était variable et le chantier variait au jour le jour, ce qui compliquait pour lui la garde de sa fille et lui faisait de la peine.

[36] Le prestataire a exprimé à la Commission qu’il était mécontent de ne pas avoir reçu une fiche de paie papier lui permettant de valider les sommes qui lui ont été versées par l’employeur. De plus il était mécontent de l’horaire de travail irrégulier, qui nuisait aussi à sa capacité de bien remplir ses obligations envers sa fille.

[37] Il a déclaré qu’il s’attendait à un salaire de 19 $ de l’heure et qu’il ignorait si les dépôts dans son compte de banque reflétaient les vraies heures travaillées. Il explique que les employés pouvaient accéder aux fiches de paie uniquement à l’aide d’un logiciel pour lequel il dit ne jamais avoir eu de code d’accès.

[38] Le prestataire a ajouté que l’absence d’horaires fixes et les déplacements d’un chantier à un autre faisait en sorte qu’il n’était jamais certain d’être de retour chez lui pour aller chercher sa fille et prendre soin d’elle lorsqu’il en avait la garde.

[39] Bien que j’accepte que le prestataire n’ait pas quitté son emploi uniquement pour ces raisons, je considère que ces circonstances existaient au moment de son départ. Je note aussi que le prestataire a confirmé qu’il considérait que son emploi chez le premier employeur était seulement temporaire, le temps qu’il ait l’occasion de retourner travailler dans la construction.

Le prestataire avait d’autres solutions raisonnables

[40] La jurisprudence dans une affaire semblable m’amène à conclure que le prestataire avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son premier emploi le 31 août 2023.

[41] Le prestataire affirme qu’il n’avait pas d’autres solutions raisonnables, car son premier employeur le faisait attendre avant de lui verser sa paie et une fois qu’il a trouvé un autre emploi, il s’attendait à commencer à travailler à tout moment.

[42] La Commission n’est pas d’accord et affirme que le prestataire aurait pu résoudre son problème d’accès avec le service de paie avant de quitter son premier emploi. Il aurait aussi pu attendre que son nouvel employeur l’appelle avant de quitter son premier emploi.

[43] Je suis d’accord avec la Commission pour dire que le prestataire aurait pu discuter avec son employeur de la question de son accès aux informations reliées à sa rémunération. Le prestataire allègue qu’il n’a jamais eu de code d’accès au logiciel de paie. L’employeur semble avoir dit à la Commission que le prestataire ne lui a jamais dit qu’il avait des problèmes d’accès au système de paie.

[44] D’après ses déclarations à l’audience, je ne suis pas convaincue que le prestataire voulait régler la question de ses fiches de paie. Il a plutôt décidé de trouver un autre emploi qui lui permettrait de quitter son premier employeur pour un emploi dans la construction.

[45] La Commission soutient qu’il n’était pas urgent pour le prestataire de quitter son emploi avant de résoudre les irritants avec son employeur. Elle fait valoir que le projet du nouvel employeur n’avait pas commencé au moment du départ du prestataire et que celui-ci aurait pu attendre la confirmation de la CCQ ainsi que l’appel de son nouvel employeur avant de quitter son premier emploi.

[46] La Commission affirme aussi que l’attestation d’embauche indique que le prestataire allait occuper son poste chez le nouvel employeur pour une durée d’au moins 150 heures échelonnées sur une période d’au plus trois mois. Selon elle, ceci n’est pas un poste équivalent à celui que le prestataire quittait.

[47] J’ai tenu compte du fait que, le 31 août 2022, le prestataire avait une attestation d’embauche de son nouvel employeur et qu’il s’attendait à commencer à travailler sous peu. Mais je dois noter que cette attestation confirmait seulement 150 heures de travail sur trois mois et ne mentionnait pas la date de début de cette période.

[48] Je dois donc conclure que le prestataire a quitté un emploi à temps plein d’une durée indéterminée pour un emploi garantissant seulement 150 heures de travail. Ainsi, au moment de son départ, le prestataire risquait de se retrouver sans emploi lorsqu’il allait avoir terminé ses 150 heures de travail chez le nouvel employeur.

[49] Cette situation est semblable aux faits décrits par la Cour fédérale dans une de ses décisionsNote de bas de page 9. Dans ce cas, la Cour a conclu que la durée d’un emploi dit saisonnier doit être prise en considération au moment de décider si le départ est la seule solution raisonnable.

[50] Comme dans l’affaire citée au paragraphe précédent, je suis d’avis que, dans les faits, le prestataire a quitté son emploi chez son premier employeur pour améliorer sa situation. Son nouvel emploi lui offrait un salaire plus élevé et la possibilité d’accéder à d’autres occasions d’emploi dans la construction, tout en lui donnant la possibilité de terminer le projet pour lequel il a été embauché.

[51] Le nouvel emploi du prestataire n’était pas saisonnier à proprement parler, mais il garantissait seulement 150 heures de travail. En acceptant ce poste, le prestataire risquait de se retrouver sans emploi dans un avenir assez rapproché.

[52] La Cour a déjà expliqué qu’il incombe à l’assuré de ne pas se mettre dans une situation où il risque de se retrouver au chômageNote de bas de page 10. En quittant son emploi permanent pour un emploi qui garantit un nombre limité d’heures de travail, le prestataire risquait de se retrouver sans emploi une fois les 150 heures terminées.

[53] Le prestataire a soumis des documents qui démontrent qu’il a travaillé plusieurs semaines pour le nouvel employeur. Ceci ne change pas le fait qu’au moment où il a quitté son premier emploi, il ne savait pas s’il allait travailler plus de 150 heures pour le nouvel employeur.

[54] Bien que son désir d’améliorer sa situation soit louable et compréhensible, la jurisprudence m’amène à conclure que le prestataire avait des solutions raisonnables autres que celle de quitter volontairement son emploi le 31 août 2022. Il aurait pu essayer de régler ses problèmes de paie chez son premier employeur ou attendre que son nouvel employeur ait les autorisations nécessaires pour commencer son projet et l’appeler au travail.

[55] Compte tenu des circonstances qui existaient quand il a quitté son emploi, le prestataire avait des solutions raisonnables autres que celle de quitter son emploi pour les raisons mentionnées ci-dessus.

[56] Ainsi, le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi.

Conclusion

[57] Je conclus que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations.

[58] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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