Assurance-emploi (AE)

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Citation : SC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 398

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : S. C.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (542393) datée du 19
octobre 2022 rendue par la Commission de
l’assurance-emploi du Canada (communiquée par
Service Canada)

Membre du Tribunal : Josée Langlois
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 11 avril 2023
Personne présentes à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 12 avril 2023
Numéro de dossier : GE-22-3842

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.Note de bas de page 1

Aperçu

[3] L’appelant a perdu son emploi. Il a déclaré que le 13 mai 2022, après avoir consommé excessivement de l’alcool pendant un congrès à l’extérieur du pays, il a tenu des propos inacceptables à l’endroit de son patron.Note de bas de page 2 Son employeur a affirmé qu’il a été congédié parce qu’il a tenu des propos inappropriés en parlant à son patron alors qu’il était en présence de trois directeurs. Puisqu’il était en période de probation, il a été congédié immédiatement.

[4] La Commission a accepté la raison du congédiement que l’employeur a fournie. Elle a conclu que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite. Elle l’a donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[5] L’appelant n’est pas d’accord avec la décision de la Commission. Il admet avoir tenu des propos inacceptables, mais il soutient que cet événement est survenu lors d’un congrès et non sur les lieux de travail habituel. Il explique qu’il avait consommé de l’alcool et que les mots ont « dépassé » sa pensée. Il fait valoir qu’il ne s’attendait pas à être congédié pour cette raison.

[6] Je dois déterminer si l’appelant a cessé d’occuper son emploi en raison d’une inconduite et s’il peut recevoir des prestations d’assurance-emploi.

Question en litige

[7] L’appelant a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite ?

Analyse

[8] Pour décider si l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison l’appelant a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la Loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi l’appelant a-t-il perdu son emploi?

[9] J’estime que l’appelant a perdu son emploi parce qu’il a prononcé des paroles offensantes lorsqu’il s’est adressé à son directeur. Il n’est pas nécessaire de reproduire les mots exacts prononcés par l’appelant dans la présente décision. Ces mots se retrouvent au dossier et la nature de l’insulte est claire.Note de bas de page 3

[10] La directrice des ressources humaines chez l’employeur a déclaré que les propos inacceptables adressés à son patron avaient été tenus en présence de trois directeurs.

[11] L’appelant admet que cet événement est survenu.

[12] La Commission et l’appelant s’entendent sur la raison pour laquelle ce dernier a perdu son emploi.

[13] Je conclus que l’appelant a cessé d’occuper son emploi parce qu’il a prononcé des paroles offensantes lorsqu’il s’est adressé à son directeur. Il a posé les gestes reprochés par l’employeur.

La raison du congédiement de l’appelant est-elle une inconduite selon la Loi ?

[14] Selon la Loi, la raison du congédiement de l’appelant est une inconduite. Un travailleur qui est congédié en raison de son inconduite ne peut pas recevoir des prestations d’assurance-emploi.

[15] Pour être considérée comme une inconduite selon la Loi, la façon d’agir doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelle.Note de bas de page 4 Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibérée.Note de bas de page 5 Pour qu’il y ait inconduite au sens de la Loi, il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupableNote de bas de page 6 (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal).

[16] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raison.Note de bas de page 7

[17] La Commission doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite.Note de bas de page 8

[18] L’appelant admet qu’il a tenu des propos inacceptables à l’endroit de son patron en sa présence. Il a déclaré qu’il avait remis en question les compétences de son patron.Note de bas de page 9 Il explique qu’il regrette les propos qu’il a tenus et que ces propos ont « dépassé » sa pensée.

[19] L’appelant fait valoir que puisqu’il n’était pas sur les lieux du travail et qu’il avait consommé de l’alcool, cet événement ne devrait pas être considéré comme étant une inconduite. En ce sens, l’appelant se trouvait en Arizona pour un congrès. Il explique qu’il avait passé la journée au soleil, qu’il avait consommé de l’alcool fourni par l’employeur et que la discussion a dégénéré. Cependant, il soutient qu’au moment de cet événement non seulement lui, mais son patron et tous les autres employés présents buvaient de l’alcool.

[20] L’appelant explique qu’il a donné son opinion sur la manière de gérer les dossiers en arguant qu’une rencontre journalière d’une quinzaine de minutes devrait avoir lieu. Après la réponse de son patron, il admet avoir remis en question ses compétences et avoir prononcé des paroles offensantes. Cependant, il fait valoir que le ton qu’il a utilisé ne constitue pas une inconduite. Il explique qu’il a voulu dire : « voyons, ça n’a pas d’allure ». L’appelant était alors en présence de son patron, mais aussi en présence du directeur général. Il mentionne que son patron l’a congédié sur le champ ne lui laissant aucune autre chance de se racheter et il lui a demandé de lui remettre le portable et le cellulaire fournis par l’entreprise. Il indique qu’il a été surpris d’être congédié pour cette raison.

[21] L’appelant indique qu’il a fait tout ce qu’il pouvait la journée après l’événement afin de conserver son emploi. Il s’est excusé auprès du directeur et il lui a assuré que ce genre de comportement ne se produirait plus. Cependant, le patron n’a pas changé d’avis. L’appelant affirme que le congédiement est une mesure trop sévère et qu’il n’a pas reçu d’avis disciplinaire progressif avant d’être congédié.

[22] La directrice des ressources humaines chez l’employeur a déclaré que l’appelant était nouvellement employé et qu’il avait pris connaissance de la politique de l’employeur concernant les comportements à adopter ainsi que concernant la consommation d’alcool. Elle explique que si l’appelant n’avait pas tenu des propos inacceptables, il serait probablement encore à l’emploi.

[23] Le 7 juillet 2022, le directeur général a déclaré à la Commission que l’appelant avait eu un comportement inadéquat lors d’un cocktail. Il explique que tout le monde a été surpris lorsqu’il a insulté son patron. Étant donné la nature de l’insulte, il a été congédié sur le champ.Note de bas de page 10

[24] La Commission fait valoir que le fait d’avoir prononcé des paroles offensantes à son patron constitue une inconduite au sens de la Loi parce que ce comportement résulte d’une action délibérée et insouciante de la part du prestataire.

[25] La Commission est d’avis que l’appelant connaissait d’emblée la portée de ses paroles et qu’il pouvait présumer qu’il serait congédié en prononçant des paroles offensantes. Elle affirme que toute personne employée doit agir avec les égards requis dans ses rapports avec autrui.

[26] Je suis d’accord avec la Commission. Le geste posé par l’appelant constitue une inconduite au sens de la Loi pour les raisons suivantes.

[27] D’abord, certaines nuances doivent être départagées. Premièrement, l’appelant suggère que parce que ces événements ont eu lieu la veille d’un congrès et non sur les lieux habituels du travail, l’importance du geste serait remise en cause. En ce sens, les réunions entre collègues et/ou avec ses supérieurs dans le cadre d’un congrès qui se déroule ailleurs qu’au lieu habituel du travail sont faites dans le cadre des fonctions de l’appelant. Ce type de réunion vise en général à parfaire les connaissances et à améliorer son réseau professionnel. L’appelant a participé à cette activité dans le cadre de ses fonctions, il même expliqué que c’est l’entreprise qui a fourni l’alcool aux participants toute la journée.

[28] L’appelant a indiqué lors de l’audience qu’il avait pris connaissance de la politique de l’employeur concernant les comportements à adopter. Ainsi, le respect et la courtoisie de mise sur les lieux du travail sont des valeurs que l’appelant pouvait présumer qu’il devait respecter même pendant sa participation au congrès. Le sens des mots ne fait aucun de doute sur l’insulte prononcée.

[29] L’appelant a dit ce qu’il pensait franchement et il a remis en question les compétences de son directeur en présence du directeur général.Note de bas de page 11 Bien qu’il soutienne qu’il a été trop honnête parce qu’il avait consommé de l’alcool, l’appelant avait, au préalable, pris connaissance de la politique de l’employeur concernant la consommation d’alcool et les comportements à adopter. Les commentaires émis concernant un collègue de travail ou un supérieur qui visent à nuire, à discréditer ou à ridiculiser un collègue sont des actes répréhensibles même pendant un congrès. Une telle attitude est susceptible de créer un climat de travail malsain.

[30] Même si l’appelant soutient qu’il ne s’attendait à être congédié pour avoir donné son avis à son supérieur, il avait pourtant lu la politique de l’entreprise sur les comportements à adopter. Bien que je comprenne que ces paroles sont survenues spontanément lors d’un événement sporadique ou annuel et qu’il les regrette, je précise que pour conclure à une inconduite, il n’est pas nécessaire que l’événement ait eu lieu sur le lieu habituel du travail. Le respect et la courtoisie sont des valeurs à respecter dans tout milieu de travail d’autant plus que l’employeur avait une politique claire à ce sujet.

[31] L’appelant admet qu’il a insulté son directeur et que ses paroles l’ont discrédité. Il est louable qu’il regrette la manière dont s’est déroulé cet événement et qu’il n’avait pas l’intention de poser de nouveau de tels gestes. Cependant, le directeur général a considéré que le lien de confiance était rompu et, parce que l’appelant était toujours en période de probation, il l’a congédié immédiatement. Comme je l’ai expliqué lors de l’audience, mon rôle ne consiste pas à déterminer si le congédiement était une mesure appropriée dans ce cas.

[32] Les mots utilisés et verbalisés par l’appelant à son directeur devant d’autres personnes et aussi devant le directeur général sont des insultes. Même si l’appelant avait consommé de l’alcool, il ne peut se soustraire au caractère volontaire de son geste pour cette raison. Certes, les boissons alcoolisées étaient fournies par l’employeur, mais c’est de façon volontaire que l’appelant a consommé. Le fait de consommer volontairement de l’alcool ne peut permettre de justifier la tenue de tels propos.

[33] J’accepte les explications de l’appelant avouant qu’il a été trop honnête. Cependant, les faits démontrent qu’il n’a pas été qu’honnête, il a insulté son patron et il a utilisé des mots offensants. Ces mots visent à dénigrer et à discréditer.

[34] Dans un milieu de travail, un employé qui insulte un autre employé devant ses collègues, ou qui adopte une attitude visant à discréditer un collègue, a une attitude répréhensible. Dans le cas spécifique de l’appelant, il a insulté son patron devant le directeur général de l’entreprise. L’appelant considérait que son directeur manquait d’expérience et il s’est permis de lui dire sa façon de penser.

[35] Réagir à une situation ou à une provocation est normal. Il n’est pas question de tout accepter, voire d’accepter l’inacceptable. Comme l’appelant l’a mentionné la politique concernant les comportements à respecter, comme celle concernant la consommation d’alcool, s’applique à tous les employés. La manifestation d’un mécontentement, d’une déception ou d’un désaccord est acceptable. Cependant, ici, il est question de la manière dont l’appelant s’y est pris pour manifester son mécontentement ou sa déception. Insulter son directeur en utilisant des mots grossiers et offensants n’est pas acceptable. Discréditer un patron ou un collègue n’est pas acceptable. Cela même si je comprends le caractère inhabituel de la rencontre.

[36] L’appelant a peut-être été surpris que son patron ne change pas d’idée et qu’il ait maintenu son congédiement. L’appelant avait été avisé de la politique de l’employeur et, même si je comprends qu’il regrette et qu’il est déçu de ne pas avoir eu une deuxième chance, mon rôle ne consiste pas à déterminer si l’employeur a bien agi, si le congédiement était une mesure appropriée ou si l’employeur aurait dû appliquer une gradation des sanctions, cette détermination relève d’une autre instance.

[37] Je suis d’avis que l’appelant pouvait présumer qu’il pouvait perdre son emploi s’il discréditait son patron en l’insultant avec des mots grossiers. Même si l’effet de l’alcool a levé certaines inhibitions, c’est le caractère offensant de ses paroles qui constitue une inconduite et non pas le fait d’avoir été trop honnête ou plus extraverti qu’à l’habitude. Une telle attitude de la part de l’appelant constitue une inconduite au sens de la Loi.

[38] Ainsi, l’appelant a indiqué que mis à part cet événement, son patron était satisfait de son travail et qu’il n’a pas commis d’inconduite professionnelle. L’inconduite dont il est question, est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi et, le fait d’avoir prononcé des propos offensants de sorte à discréditer son patron constitue une inconduite au sens de la Loi. Lorsqu’il a présenté sa demande de prestations, l’appelant a lui-même mentionné qu’il avait commis une inconduite verbale.Note de bas de page 12

[39] L’appelant savait qu’il devait agir respectueusement. Même s’il en minimise l’importance en raison du congrès qui se déroulait à l’extérieur du pays, il n’en demeure pas moins qu’il participait à ce congrès dans le cadre de ses fonctions. Il est plus probable qu’improbable que l’appelant savait qu’il devait être respectueux et qu’il était possible qu’il soit congédié s’il avait une attitude offensante.

[40] Bien que je comprenne l’impact financier qu’a pu avoir la décision de l’employeur de le congédier immédiatement après cet événement, je dois rendre cette décision en application de la Loi et, après avoir soupesé l’ensemble des déclarations, je suis d’avis que le geste posé par l’appelant constitue une inconduite.

[41] L’appelant a été irrespectueux envers son directeur en prononçant des paroles offensantes de nature à le dénigrer et ce geste va à l’encontre des règles de l’employeur. Ce geste volontaire de l’appelant constitue une inconduite.

Alors, l’appelant a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[42] Comme mentionné, je n’ai pas à déterminer si le congédiement était une sanction appropriée, mais bien si le geste posé constitue une inconduite.

[43] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. L’appelant a posé les gestes reprochés par l’employeur et le fait d’avoir insulté son directeur de la manière dont il l’a fait constitue une inconduite au sens de la Loi.

Conclusion

[44] La Commission a prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[45] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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