Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : RF c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1071

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelant : R. F.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : [Décision de la] Commission de l’assurance-emploi du Canada datée du 13 décembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Mark Leonard
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 29 mars 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 5 avril 2023
Numéros de dossiers : GE-22-4217 et GE-22-4219

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelant n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler pendant les périodes où la Commission l’a déclaré inadmissible au bénéfice des prestations. Par conséquent, il ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi pendant ces périodes.

Aperçu

[3] L’appelant et la Commission de l’assurance-emploi du Canada ont tous deux fait appel d’une décision de la division générale. La division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale a annulé la décision initiale de la division générale et renvoyé l’affaire à la division générale pour qu’elle soit instruite de nouveau.

[4] L’appelant prétend que la Commission n’a pas agi de façon judiciaire en le sélectionnant pour une vérification et en l’excluant rétroactivement du bénéfice des prestations parce qu’il n’a pas été en mesure de prouver sa disponibilité pour travailler. La Commission a convenu que la question de savoir si elle avait agi de façon judiciaire n’avait pas été abordée lors de la première audience.

[5] De plus, la Commission soutient que la décision initiale de la division générale d’accorder partiellement des prestations à l’appelant n’était pas conforme à la loi concernant la disponibilité d’une partie prestataire qui est aux études à temps plein.

[6] Je dois examiner à la fois la question de savoir si la Commission a agi de façon judiciaire lorsqu’elle a vérifié la demande de l’appelant et si l’appelant était disponible pour travailler au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

Joindre des appels

[7] Puisque l’appelant et la Commission ont tous deux fait appel de la décision précédente de la division générale, j’ai examiné les allégations dans chacune d’elles et je suis convaincu que les questions en litige dans les deux appels sont liées.

[8] La Commission et l’appelant s’entendent sur la nécessité de rendre une décision sur la question de savoir si la Commission a agi de façon judiciaire lorsqu’elle a vérifié rétroactivement la demande de l’appelant. De plus, la question de la disponibilité de l’appelant demeure une question pour laquelle les deux parties demandent une décision. J’ai donc joint les appels et les affaires seront entendues ensemble au cours d’une seule audience, et ma décision s’appliquera aux deux dossiers d’appel.

Questions en litige

[9] La Commission a-t-elle agi judiciairement lorsqu’elle a vérifié rétroactivement la demande d’assurance-emploi de l’appelant?

[10] L’appelant était-elle disponible pour travailler pendant ses études?

Analyse

Contexte

[11] L’appelant dit être étudiant à temps plein dans le cadre d’un programme en gestion des ressources humaines. Il convient qu’il n’a pas été dirigé vers ce programme au titre de l’article 25(1)(a) ou (b) de la Loi sur l’assurance-emploi.

[12] L’appelant affirme avoir présenté une demande de Prestation canadienne d’urgence (PCU) en 2020. Le 4 octobre 2020, la demande de l’appelant a été automatiquement convertie et établie comme une demande d’assurance-emploi.

[13] L’appelant a produit les déclarations requises pour demander des prestations et rempli des questionnaires pour les personnes aux études pendant trois périodes distinctes où il était aux études alors qu’il recevait des prestations d’assurance-emploi. Ces périodes étaient les suivantes :

  • du 9 septembre 2020 au 21 décembre 2020;
  • du 13 janvier 2021 au 22 avril 2021;
  • partir du 12 septembre 2021.

[14] À l’automne 2021, la Commission a vérifié la demande de l’appelant et a établi qu’il n’avait pas démontré qu’il était admissible au bénéfice des prestations pendant ces trois périodes.

[15] La Commission a déclaré l’appelant inadmissible au bénéfice des prestations pendant les trois périodes en invoquant qu’il n’avait pas prouvé qu’il était disponible pour travailler au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[16] Toute partie prestataire doit être disponible pour travailler pour recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi. La disponibilité est une exigence continue. Comme la Commission avait déjà versé des prestations à l’appelant et qu’elle a conclu par la suite qu’il n’y avait pas droit, cela a entraîné un trop-payé de 13 100 $ qui pouvait être recouvré auprès de l’appelant.

[17] L’appelant conteste la décision de la Commission et affirme avoir présenté une demande de prestations de bonne foi qui a été accueillie. Il dit n’avoir jamais menti au sujet de sa situation et affirme avoir rempli toutes les déclarations requises pour s’identifier comme personne aux études, mais que la Commission a quand même approuvé sa demande de prestations.

[18] Il dit que s’il n’avait pas droit aux prestations, la Commission n’aurait pas dû lui en verser. Il a maintenant un trop-payé important qui, selon lui, pourrait être recouvré et qui lui causera des difficultés financières. Il affirme qu’il ne devrait pas avoir à rembourser les prestations qui lui ont initialement été accordées en raison d’une erreur de la Commission.

[19] Avant d’aborder la question de la disponibilité de l’appelant, je vais d’abord évaluer si la Commission a agi de façon judiciaire lorsqu’elle a vérifié la demande d’assurance-emploi de l’appelant et l’a déclaré inadmissible de façon rétroactive.

La Commission a-t-elle agi judiciairement lorsqu’elle a vérifié la demande d’assurance-emploi de l’appelant?

[20] Je considère que la Commission a agi de façon judiciaire lorsqu’elle a vérifié rétroactivement la demande de l’appelant.

[21] La Commission soutient que l’article 153.161 de la Loi sur l’assurance-emploi précise quand les parties prestataires qui suivent un cours ou un programme d’instruction ou de formation non dirigé n’auront pas droit aux prestations d’assurance-emploi pour toute journée pour laquelle elles ne peuvent pas prouver qu’elles étaient capables de travailler et disponibles à cette fin.

[22] La Commission soutient également que l’article 153.161(2) de la Loi sur l’assurance-emploi lui donne le pouvoir discrétionnaire de vérifier rétroactivement l’admissibilité d’une partie prestataire aux prestations qu’elle a reçues et d’évaluer s’il y a un trop-payé qui pourrait être recouvré auprès d’elle.

[23] Texte de l’article 153.161(2) :

« La Commission peut vérifier, à tout moment après le versement des prestations, que le prestataire […] est admissible aux prestations en exigeant la preuve qu’il était capable de travailler et disponible à cette fin pour tout jour ouvrable de sa période de prestations. »

[24] Lorsque la Loi sur l’assurance-emploi utilise le mot « peut », cela signifie que la Commission a le pouvoir discrétionnaire d’agir ou non. Lorsque la Commission exerce son pouvoir discrétionnaire d’agir, on s’attend à ce que le Tribunal n’intervienne pas dans la décision de la Commission à moins qu’il puisse être démontré que la Commission a :

  • agi de mauvaise foi, dans un but ou pour un motif irrégulier;
  • tenu compte d’un facteur non pertinent;
  • ignoré un facteur pertinent;
  • agi de façon discriminatoire.

Mauvaise foi

[25] L’appelant affirme que la Commission n’a pas agi de façon judiciaire lorsqu’elle a vérifié sa demande de façon rétroactive. D’après les propos de l’appelant, je conclus qu’il laisse entendre que la Commission a agi de mauvaise foi en lui versant d’abord des prestations, puis en établissant qu’il n’y avait pas droit, ce qui a entraîné une demande de remboursement de ces prestations.

[26] Il dit avoir demandé la PCU, mais avoir reçu des prestations d’assurance-emploi. Il a déclaré qu’au moment où il présentait ses demandes, il croyait recevoir la PCU. Il a confirmé qu’il avait rempli tous les documents requis, y compris les trois questionnaires pour les personnes aux études, et qu’il avait fourni des réponses honnêtes et complètes aux questions. Il dit avoir déclaré qu’il étudiait à temps plein et il ne comprend pas pourquoi la Commission lui aurait versé des prestations s’il n’y avait pas droit.

[27] Le prestataire affirme que le fait qu’il a continué de recevoir des prestations d’assurance-emploi pendant ses études n’était pas de sa faute. Il affirme que c’est l’erreur de la Commission qu’elle ait continué de lui verser des prestations. Il dit que la Commission devrait assumer la responsabilité des circonstances et qu’il ne devrait pas avoir à rembourser les prestations qui lui ont été versées par erreur.

[28] La Commission soutient qu’elle a le pouvoir de vérifier la disponibilité de l’appelant pour toute période pendant laquelle il a reçu des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1. De plus, elle affirme avoir agi de façon judiciaire lorsqu’elle a vérifié la demande de l’appelant et émis un avis de trop-payé de prestations d’assurance-emploi.

[29] Elle soutient que pour faire face à l’augmentation du nombre de demandes d’assurance-emploi découlant des répercussions de la pandémie de COVID-19, la Loi sur l’assurance-emploi a été modifiée pour inclure des mesures temporaires visant à simplifier le processus d’assurance-emploi. Elle dit que la Loi sur l’assurance-emploi lui donnait la possibilité de verser des prestations dès le départ et de reporter la détermination de l’admissibilité.

[30] De plus, elle soutient que l’article 153.161 traite précisément de la question de la disponibilité des parties prestataires qui ont suivi un cours ou un programme d’instruction ou de formation non dirigé.

[31] Elle précise que l’article 153.161(1) dit que les parties prestataires qui poursuivent des études sans y être dirigées n’ont pas droit au versement de prestations pour tout jour ouvrable pour lequel elles ne sont pas en mesure de prouver qu’elles étaient disponibles pour travailler. De plus, elle affirme que l’article 153.161(2) donne ce pouvoir de vérifier la disponibilité d’une partie prestataire au sens de la Loi sur l’assurance-emploi, à tout moment après le versement des prestations.

[32] La Commission affirme avoir tenu compte des exigences en matière de scolarité de l’appelant, de son horaire de cours et de ses démarches pour trouver un emploi. Elle a conclu qu’il avait donné la priorité à ses études et imposé des limites à sa disponibilité pour le travail.

[33] Elle affirme qu’elle n’a pas agi de mauvaise foi ni dans un but ou pour un motif irrégulier lorsqu’elle a appliqué le pouvoir législatif pour vérifier la demande de l’appelant. Elle dit avoir évalué la disponibilité de l’appelant en appliquant les exigences de la loi et de la jurisprudence. Elle affirme n’avoir ignoré aucun facteur, n’avoir tenu compte d’aucun facteur non pertinent et n’avoir aucunement agi de façon discriminatoire.

[34] Elle soutient que, comme il a été conclu que l’appelant n’avait pas prouvé sa disponibilité pour les périodes en cause, elle n’avait pas le choix d’appliquer la loi et d’émettre une inadmissibilité entraînant un avis de trop-payé visant le recouvrement des prestations auxquelles l’appelant n’avait pas droit.

[35] La Commission affirme avoir suivi la loi correctement en versant des prestations à l’appelant sous réserve d’une vérification ultérieure. Elle affirme que lorsqu’elle exerce son pouvoir de procéder à une vérification et d’émettre une inadmissibilité pouvant entraîner l’établissement d’un trop-payé, ce n’est pas une erreur, mais simplement le respect de la loi.

[36] La Commission a une politique qui précise quand elle recouvrera les prestations qu’elle a versées par erreur et quand elle ne les recouvrera pas.

[37] La politique de révision de la Commission se trouve au chapitre 17 du Guide de la détermination de l’admissibilité. On peut y lire :

[38] 17.3.3 Politique de réexamen

La Commission a élaboré une politique afin d’assurer une application uniforme et juste de l’article 52 de la Loi et d’empêcher la création de trop-payés lorsque le prestataire a touché des prestations en trop pour une raison indépendante de sa volonté. La Commission ne procédera au nouvel examen d’une demande que dans les situations suivantes :

  • il y a un moins-payé de prestations;
  • des prestations ont été versées contrairement à la structure de la Loi;
  • des prestations ont été versées à la suite d’une déclaration fausse ou trompeuse;
  • le prestataire aurait dû savoir qu’il recevait des prestations auxquelles il n’avait pas droit.

[39] La politique de la Commission prévoit également qu’aucun trop-payé ne sera créé si la Commission a versé des prestations de façon incorrecteNote de bas de page 2.

[40] Toutefois, la Commission fait une distinction entre une vérification effectuée au titre de l’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploi et une vérification effectuée au titre de l’article 153.161(2). Elle affirme qu’une vérification n’est pas une décision de révision et qu’elle n’est donc pas limitée par sa politique de révision.

[41] La Commission admet que l’article 153.161(2) précise qu’elle peut vérifier une demande. Elle convient que le mot « peut » signifie que sa décision de vérifier une demande est discrétionnaire et qu’elle peut donc faire l’objet d’un examen en tenant compte des facteurs mentionnés ci-dessus.

[42] La politique de révision de la Commission a été élaborée avant la pandémie de COVID-19 et ne tient pas compte de l’article 153.161 de la Loi sur l’assurance-emploi. Cette disposition de la Loi sur l’assurance-emploi détaille précisément les circonstances dans lesquelles la Commission peut vérifier la disponibilité et l’admissibilité aux prestations.

[43] Le Tribunal a conclu à plusieurs reprises que le pouvoir discrétionnaire de la Commission au titre de l’article 153.161 n’est pas limité par les facteurs énoncés dans sa politique de révisionNote de bas de page 3. Je ne suis pas obligé de suivre ces décisions, mais je trouve le raisonnement convaincant.

[44] Je suis d’accord avec la Commission pour dire que son pouvoir de vérifier une demande au titre de l’article 153.161(2) n’est pas la même chose qu’une décision de révision rendue au titre de l’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploi.

[45] Je suis convaincue que la Commission n’a pas versé de prestations à l’appelant par erreur. Elle a le pouvoir d’établir la période de prestations de l’appelant et de commencer immédiatement à lui verser des prestations sous réserve d’une vérification ultérieure. Elle n’a pas agi de mauvaise foi lorsqu’elle a choisi de vérifier la demande de l’appelant.

La Commission a-t-elle omis de tenir compte d’un facteur pertinent?

[46] L’appelant estime que la Commission n’a pas tenu compte d’un facteur pertinent. Il affirme que la pandémie de COVID-19 a contribué à sa situation et qu’elle a eu des répercussions négatives importantes pour tout le monde. Il a déclaré que la principale raison pour laquelle il a choisi de ne pas chercher d’emploi était qu’il craignait de contracter la COVID-19 et les effets négatifs que cela pourrait avoir.

[47] La Commission n’a présenté aucune observation sur l’affirmation de l’appelant selon laquelle elle n’a pas tenu compte de sa crainte de contracter la COVID-19. Toutefois, je reconnais que l’appelant n’a soulevé cette question auprès de la Commission à aucun moment avant la décision de révision de la Commission, de sorte qu’elle n’était pas au courant de sa préoccupation.

[48] Je conclus que la Commission n’a pas omis de tenir compte d’un facteur pertinent. Elle ne pouvait pas tenir compte de la préoccupation de l’appelant et de son incidence possible sur sa disponibilité parce qu’il n’en a pas discuté au cours de ses interactions avec les représentantes et représentants de la Commission.

[49] Je ne suis pas convaincu par l’argument de l’appelant selon lequel sa crainte de contracter la COVID-19 était un facteur dont la Commission devait tenir compte. J’admets que la pandémie de COVID-19 a touché tout le monde. Cependant, le commerce a continué. La plupart des employeurs ont mis en œuvre les recommandations de santé publique pour minimiser la propagation de la maladie et permettre aux gens de continuer à travailler. Certains ont mis en place des options de télétravail pour faciliter le maintien de l’emploi dans les conditions les plus sécuritaires possibles.

[50] Les personnes qui avaient un emploi ne pouvaient pas quitter volontairement cet emploi et s’attendre à recevoir des prestations d’assurance-emploi malgré le risque de contracter la COVID-19Note de bas de page 4. De même, une partie prestataire ne peut pas se soustraire à l’obligation de chercher un emploi, comme l’exige l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’assurance-emploi pour prouver sa disponibilité malgré les risques posés par la COVID-19.

[51] L’appelant affirme qu’il n’a pas cherché d’emploi parce qu’il craignait de contracter la COVID. Pourtant, il a également déclaré qu’il a accumulé des heures de travail dans l’entreprise familiale de réparation automobile. De toute évidence, l’appelant et sa famille auraient été autant exposés à la COVID-19 et fait face au même risque de la contracter que les autres employeurs afin de maintenir l’entreprise ouverte.

[52] L’appelant a choisi de ne chercher aucun autre emploi, même un emploi qui lui aurait permis de travailler à distance. Je ne suis pas convaincu que sa crainte de contracter la COVID-19 était un facteur qui permettrait de l’exempter de l’obligation de démontrer sa disponibilité pour le travail.

[53] L’appelant n’a soulevé aucune autre question concernant la façon dont la Commission n’a peut-être pas agi judiciairement lorsqu’elle a vérifié sa demande. D’après mon examen des actions de la Commission, je ne peux trouver aucun élément de preuve qui démontrerait qu’elle a agi dans un but ou pour un motif irrégulier ni aucun élément de preuve montrant qu’elle a agi de façon discriminatoire lorsqu’elle a vérifié la demande de l’appelant. Elle a simplement appliqué la loi comme elle était tenue de le faire.

Disponibilité

[54] Deux articles de loi différents exigent que les parties prestataires démontrent leur disponibilité pour le travail. La Commission a décidé que l’appelant était inadmissible aux termes des deux articles pendant les trois périodes.

[55] Premièrement, la Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’une partie prestataire doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 5. Le Règlement sur l’assurance-emploi énonce des critères qui aident à expliquer ce que signifie « démarches habituelles et raisonnablesNote de bas de page 6 ». Je vais examiner ces critères ci-dessous.

[56] Deuxièmement, la Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’une personne doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 7. La jurisprudence énonce trois éléments qu’une partie appelante doit prouver pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sensNote de bas de page 8. Je vais examiner ces facteurs ci-dessous.

[57] La Commission a décidé que l’appelant était inadmissible au bénéfice des prestations parce qu’il n’était pas disponible pour travailler selon ces deux articles de loi pendant trois périodes distinctesNote de bas de page 9.

[58] De plus, la Cour d’appel fédérale a établi que les parties prestataires qui sont aux études à temps plein sont présumées ne pas être disponibles pour travaillerNote de bas de page 10. C’est ce qu’on appelle la « présomption de non-disponibilité ». Cela signifie qu’on peut supposer que les personnes qui étudient ne sont pas disponibles lorsque la preuve montre qu’elles sont aux études à temps plein.

[59] Je vais d’abord examiner si la présomption selon laquelle une personne aux études à temps plein n’est pas disponible pour travailler s’applique à l’appelant. Je vais ensuite examiner les deux articles au titre desquels l’appelant était inadmissible.

Présomption

[60] Je conclus que l’appelant est étudiant à temps plein. Il n’a pas réfuté la présomption et celle-ci s’applique donc à lui. Cela signifie qu’il n’était pas disponible pour travailler pendant les trois périodes où la Commission l’a déclaré inadmissible.

[61] La présomption selon laquelle les personnes qui sont aux études ne sont pas disponibles pour travailler s’applique seulement aux personnes qui étudient à temps plein.

[62] L’appelant convient qu’il est étudiant à temps plein. Il l’a reconnu dans les trois questionnaires qu’il a remplis pour les personnes aux études. De plus, au cours de son témoignage, il a confirmé ce qui suit :

  • il suivait de cinq à six cours par trimestre;
  • au cours de la pandémie de COVID-19, il devait assister à des cours en ligne tous les jours;
  • chaque jour, un cours en ligne pouvait être prévu à n’importe quel moment le matin ou l’après-midi;
  • il consacrait jusqu’à 24 heures par semaine à ses études;
  • ses questionnaires montrent qu’il a payé 19 000 $ pour aller à l’école pendant les trois trimestres en question.

[63] J’admets donc que l’appelant était aux études à temps plein. Je ne vois aucune preuve qui me mènerait à une conclusion différente. La présomption s’applique à l’appelant.

[64] Cependant, la présomption selon laquelle les personnes qui étudient à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler peut être réfutée (c’est-à-dire qu’il est possible de démontrer qu’elle ne s’applique pas). Si la présomption était réfutée, elle ne s’appliquerait pas. L’appelant peut réfuter la présomption de deux façons. Il peut démontrer qu’il a l’habitude de travailler à temps plein tout en étant aux étudesNote de bas de page 11. Il peut aussi démontrer qu’il y a des circonstances exceptionnelles dans son casNote de bas de page 12.

[65] L’appelant n’a présenté aucune preuve démontrant qu’il avait travaillé pendant ses études à temps plein avant les circonstances du présent appel. Je suis convaincu qu’il n’a pas démontré qu’il avait déjà occupé un emploi tout en poursuivant des études à temps plein.

Circonstances exceptionnelles

[66] La Commission affirme que l’appelant lui a dit qu’il n’avait pas du tout cherché de travail pendant deux des périodes d’inadmissibilité, et qu’il cherchait seulement un emploi à temps partiel qui n’interférerait pas avec son horaire de cours, comme le samedi matin au cours de la troisième période.

[67] L’appelant affirme qu’il devait participer à des activités quotidiennes d’apprentissage en ligne dans le cadre de son programme. Il a dit qu’il pouvait faire ses travaux à tout moment, mais que ceux-ci prenaient beaucoup de temps. L’appelant n’a mentionné aucune circonstance qui me porterait à croire qu’il pouvait à la fois travailler et terminer ses études. En fait, l’appelant a confirmé que la raison pour laquelle il n’a pas cherché d’emploi pendant ses études était qu’il devait consacrer le temps nécessaire pour terminer ses études.

[68] Le prestataire n’a pas réfuté la présomption de non-disponibilité.

[69] La Cour d’appel fédérale n’ a pas encore précisé en quoi la présomption et les articles de loi traitant de la disponibilité sont liés. Comme ce n’est pas clair, je vais maintenant me prononcer sur les articles de loi qui traitent de la disponibilité, même si j’ai déjà conclu que le prestataire est présumé ne pas être disponible.

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi (article 50(8) de la Loi et 9.001 du Règlement sur l’assurance-emploi)

[70] Je considère que l’appelant n’a pas démontré qu’il a fait des démarches habituelles et raisonnables pour se trouver un emploi au cours de l’une ou l’autre des trois périodes d’inadmissibilité.

[71] La loi énonce les critères dont je dois tenir compte pour décider si les démarches du prestataire étaient habituelles et raisonnablesNote de bas de page 13. Je dois vérifier si ses démarches étaient soutenues et si elles visaient à trouver un emploi convenable. Autrement dit, l’appelant doit avoir continué à chercher un emploi convenable.

[72] Je dois aussi tenir compte des démarches de l’appelant pour se trouver un emploi. Le Règlement sur l’assurance-emploi énumère neuf activités de recherche d’emploi dont je dois tenir compte. Voici quelques exemples de ces activitésNote de bas de page 14 :

  • évaluer les possibilités d’emploi;
  • s’inscrire à des outils de recherche d’emploi ou à des banques d’emplois ou agences de placement en ligne;
  • postuler pour des emplois;
  • participer à des entrevues.

[73] La Commission affirme que l’appelant n’en a pas fait assez pour essayer de se trouver un emploi.

[74] Elle soutient que l’appelant a présenté des demandes d’emploi en mai 2021 et en novembre 2021. Elle affirme aussi que l’appelant lui a confirmé qu’il ne cherchait pas de travail pendant ses périodes d’études à temps plein parce qu’il devait assister à ses cours du programme. Elle déclare que l’appelant n’a pas démontré qu’il avait fait des démarches habituelles et raisonnables pour se trouver un emploi.

[75] L’appelant a déclaré qu’il n’avait pas cherché de travail à temps plein au cours des deux premières périodes d’inadmissibilité parce qu’il s’était concentré sur ses études. Ses questionnaires de formation confirment qu’il a commencé à chercher un emploi en novembre 2021. Il a expliqué que ce changement à la présentation de demandes d’emploi était attribuable au fait qu’il était inquiet et qu’il devait travailler. Il a dit qu’il avait travaillé dans l’entreprise familiale de temps à autre, mais qu’il n’y avait pas assez de travail pour subvenir à ses besoins et à ceux des autres membres du personnel.

[76] L’appelant a confirmé qu’il n’a pas cherché d’emploi parce qu’il se concentrait sur la fin de ses études. Il a dit qu’il avait postulé pour quelques emplois à la fin de 2021, mais qu’il cherchait un travail à temps partiel qui n’interférerait pas avec son horaire de cours. Il a déclaré que si on lui avait offert un emploi qui entrait en conflit avec ses études, il n’aurait pas quitté l’école pour l’accepter. Il serait resté à l’école et aurait terminé ses cours.

[77] Je suis convaincu que l’appelant n’a pas cherché d’emploi pendant les deux premières périodes d’admissibilité. Sa demande d’emploi de mai 2021 a été faite après la fin de la période d’inadmissibilité et correspond davantage à la recherche d’un emploi d’été lorsqu’il n’y avait pas de cours. Il y a une capture d’écran qui indique qu’un employeur a des postes à combler, mais le texte montre seulement que l’appelant a reçu l’information sur les offres d’emploi. Rien ne prouve qu’il a postulé pour l’un ou l’autre des emplois énumérés.

[78] Les quatre demandes d’emploi que l’appelant a fait en novembre 2021 ont toutes été présentées le même jour après que l’appelant a été contacté au sujet de sa demande du 4 octobre 2022. Il n’y a aucune preuve de recherche d’emploi au cours de la troisième période précédant novembre 2021. L’appelant n’a pas pu fournir d’autres éléments de preuve d’une recherche d’emploi pour les trois périodes d’inadmissibilité.

[79] Pour démontrer qu’une personne a fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi, la personne doit prouver qu’elle a fait des démarches soutenues et sincères pour trouver un emploi. Cet effort doit être continu pour demeurer admissible aux prestations d’assurance-emploi. Je suis convaincu que les démarches de l’appelant pour trouver un emploi au cours des trois périodes d’inadmissibilité n’étaient pas soutenues ni suffisantes pour satisfaire à l’exigence des démarches raisonnables et habituelles pour se trouver un emploi.

[80] L’appelant n’a pas prouvé que ses démarches pour trouver un emploi étaient habituelles et raisonnables.

Capable de travailler et disponible à cette fin (article 18(1)(a) de la Loi sur l’assurance-emploi)

[81] La jurisprudence établit trois éléments que je dois prendre en considération pour décider si l’appelant était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenable. L’appelant doit prouver les trois choses suivantesNote de bas de page 15 :

  1. a) Il voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert.
  2. b) Il a fait des démarches pour trouver un emploi convenable.
  3. c) Il n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment (c’est-à-dire, excessivement) ses chances de retourner travailler.

[82] Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois examiner l’attitude et la conduite du prestataireNote de bas de page 16.

Vouloir retourner travailler

[83] L’appelant n’a pas démontré qu’il voulait retourner travailler dès qu’un emploi convenable lui serait offert.

[84] L’appelant a déclaré qu’il était prêt à travailler et qu’il souhaitait le faire. Il a dit qu’il n’aimait pas rester sans rien faire et qu’il préférait s’occuper.

[85] La Commission affirme que l’appelant s’est concentré sur son programme et qu’il n’a pas cherché de travail parce qu’il était aux études à temps plein.

[86] L’appelant a rempli trois questionnaires pour personnes aux études (un pour chacune des trois périodes pendant lesquelles il était inadmissible au bénéfice des prestations). Dans chaque questionnaire, l’appelant a confirmé que s’il trouvait un emploi à temps plein qui entrait en conflit avec ses études, il ne prendrait pas le poste et il terminerait ses cours. Il a déclaré que son principal objectif était de terminer ses études et d’obtenir son diplôme.

[87] Il n’est pas nécessaire qu’une partie prestataire cherche seulement un emploi à temps plein, mais elle ne peut pas non plus écarter l’option d’un emploi à temps plein. Un emploi à temps plein peut être un emploi convenable. L’appelant a déclaré qu’il n’a pas cherché d’emploi en raison des exigences de son programme ou qu’il a seulement cherché un emploi à temps partiel qui n’entrait pas en conflit avec ses études.

[88] Ses gestes ne démontrent pas une intention de retourner au travail dès qu’un emploi convenable serait offert.

Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[89] L’appelant n’a pas fait assez de démarches pour trouver un emploi convenable.

[90] J’ai tenu compte de la liste d’activités de recherche d’emploi donnée ci-dessus pour décider de ce deuxième élément. Pour cet élément, cette liste est fournie à titre indicatif seulementNote de bas de page 17.

[91] Parmi les démarches qu’il a faites pour trouver un nouvel emploi, le prestataire s’est inscrit à Indeed (un outil de recherche d’emploi en ligne). Il a également postulé pour cinq emplois, un en mai 2021 et quatre à l’automne 2021. J’ai expliqué ces raisons ci-dessus lorsque j’ai examiné si l’appelant avait fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi.

[92] Les démarches de l’appelant ne démontrent pas le niveau requis d’efforts soutenus pour trouver un emploi convenable. La recherche doit être à la fois sincère et soutenue, et viser l’obtention d’un emploi. Ses démarches n’étaient pas suffisantes pour répondre aux exigences de ce deuxième élément.

Limiter excessivement ses chances de retourner travailler

[93] J’estime que l’appelant a établi des conditions personnelles qui ont limité excessivement ses chances de retourner travailler.

[94] La Commission affirme que l’appelant a établi des conditions qui ont limité ses chances de trouver un emploi convenable lorsqu’il a confirmé qu’il était seulement disponible pour travailler en dehors de son horaire de cours. Elle soutient que l’appelant a limité sa disponibilité à certaines heures et à certains jours en fonction de son horaire de cours et qu’il s’agit d’une restriction qui limite sa disponibilité pour travailler.

[95] L’appelant a confirmé qu’il se concentrait sur ses études et qu’il était seulement prêt à accepter un emploi qui n’entrait pas en conflit avec celles-ci.

[96] L’appelant a admis ne pas avoir cherché d’emploi pendant les deux premières périodes pour lesquelles il était inadmissible. Il a dit que pendant toute la durée de son programme, il n’accepterait pas un travail qui entrait en conflit avec ses cours. Il n’était pas prêt à quitter l’école pour retourner sur le marché du travail si un emploi convenable se présentait.

[97] Au cours de la dernière période d’inadmissibilité, l’appelant a clairement indiqué qu’il était seulement disponible le samedi matin. Il s’agissait d’une condition qui limitait considérablement ses chances de trouver un emploi convenable. Il a bel et bien présenté quatre demandes d’emploi en novembre 2021, mais il a confirmé lors de son témoignage qu’il cherchait seulement un emploi à temps partiel qui n’entrait pas en conflit avec son horaire de cours, ce qui constitue encore une fois une limitation à sa disponibilité pour trouver un emploi convenable.

[98] Je suis convaincu que l’appelant a restreint sa disponibilité lorsqu’il a établi des conditions qui limitaient le moment où il était prêt à travailler. Pour demeurer admissible aux prestations d’assurance-emploi, une partie prestataire doit chercher un emploi convenable et ne peut pas limiter le moment où elle travaillera pour donner préséance à d’autres intérêts.

Alors, l’appelant était-il capable de travailler et disponible à cette fin?

[99] Selon mes conclusions sur les trois éléments, je juge que l’appelant n’a pas démontré qu’il était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenable pendant l’une ou l’autre des trois périodes pour lesquelles il était inadmissible.

[100] Dans le présent appel, le principal avantage de l’appelant était que la Commission a commis une erreur en approuvant ses demandes et en lui versant continuellement des prestations en sachant qu’il n’y avait pas droit. Pendant la période où elle a continué de le payer, il croyait avoir droit à une certaine forme de prestations en raison de la pandémie de COVID-19.

[101] Il dit que la Commission devrait assumer au moins une part de responsabilité pour les conséquences auxquelles il fait maintenant face.

[102] La Commission a démontré qu’elle a agi dans les limites de sa compétence prévue par la loi. Afin de veiller à ce que les prestations soient versées aux personnes dans le besoin, la Loi sur l’assurance-emploi a été modifiée pour permettre le paiement immédiat des prestations, sous réserve d’une vérification ultérieure.

[103] J’ai conclu que la Commission a agi de façon judiciaire lorsqu’elle a vérifié les déclarations de l’appelant.

[104] De plus, l’appelant n’a pas démontré qu’il était disponible pendant l’une ou l’autre des périodes pour lesquelles il était inadmissible.

[105] Je suis sensible à la situation de l’appelant, mais je n’ai pas le droit de réécrire la loi ni de l’interpréter d’une manière contraire à son sens ordinaire, peu importe le caractère convaincant de la cause de l’appelantNote de bas de page 18.

[106] Par conséquent, l’appelant est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi pendant les périodes mentionnées au titre des deux articles de la Loi sur l’assurance-emploi mentionnés ci-dessus. Tout trop-payé demeure sujet à recouvrement à moins que la Commission n’exerce son pouvoir discrétionnaire d’annuler une partie ou la totalité d’une dette.

[107] L’appelant affirme qu’il est actuellement incapable de rembourser la dette de 13 100 $ qui lui est réclamée en trop. Dans ces circonstances, il peut faire l’une des deux choses suivantes. L’appelant peut officiellement demander à la Commission d’envisager la défalcation de sa dette pour des raisons de préjudice abusif. S’il n’est pas satisfait de la réponse de la Commission, il peut faire appel à la Cour fédérale du Canada.

[108] La deuxième chose que l’appelant peut faire est d’établir une entente de remboursement ou de s’informer sur d’autres allégements de dette en téléphonant au Centre d’appels et de la gestion des créances de l’Agence du revenu du Canada au 1-866-864-5823.

Conclusion

[109] L’appelant n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler au sens de la loi. Pour cette raison, je conclus qu’il ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi pendant les périodes où il était inadmissible.

[110] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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