Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : CL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1075

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale — Section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : C. L.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (457308) datée du 10 novembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Catherine Shaw
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 11 avril 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 25 avril 2023
Numéro de dossier : GE-22-3692

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a décidé d’examiner l’admissibilité de la prestataire.

[3] Ses prestations ne devraient pas être révisées. Il faut donc annuler le trop-payé de la demande de la prestataire.

Aperçu

[4] La prestataire a reçu des prestations d’assurance-emploi de janvier à mai 2021. Ensuite, le 24 décembre 2021, la Commission a décidé qu’elle n’était pas disponible pour travailler parce qu’elle était aux études pendant cette période. Cela a entraîné un trop-payé de 7 052 $.

[5] La prestataire affirme que la Commission n’a pas agi correctement lorsqu’elle a décidé de réviser son admissibilité aux prestations. Elle avait dit à la Commission qu’elle était aux études toute la période de sa demande de prestations. De plus, pour décider qu’elle n’était pas disponible, la Commission s’est servi des renseignements sur l’assiduité scolaire de la prestataire qui dataient du trimestre suivant celui où elle a reçu des prestations.

[6] La Commission affirme avoir agi correctement lorsqu’elle a décidé de rendre inadmissible la prestataire de façon rétroactive au bénéfice de prestations. La Commission a versé des prestations à la prestataire parce qu’elle a indiqué qu’elle était disponible pour travailler dans ses déclarations bimensuelles. Lorsque la Commission a appris que la prestataire n’était pas disponible pour travailler pendant la journée, elle a décidé qu’elle n’avait pas droit aux prestations qu’elle avait reçues.

Question que je dois examiner en premier

L’appel de la prestataire a été renvoyé ici par la division d’appel

[7] Le prestataire a d’abord fait appel de la décision de la Commission selon laquelle elle n’était pas disponible pour travailler auprès de la division générale du Tribunal en mars 2022. Elle a informé le Tribunal de sa disponibilité. Elle a ajouté qu’elle avait dit à la Commission à de nombreuses reprises qu’elle allait être aux études tout au long de sa période de prestations. Il n’était donc pas logique que la Commission lui ait versé des prestations et l’ait ensuite déclarée inadmissible pour cette raison.

[8] La division générale a décidé que la prestataire avait démontré qu’elle était disponible pour travailler. La Commission a porté cette décision en appel à la division d’appel du Tribunal.

[9] La division d’appel était d’accord avec la Commission pour dire que la prestataire n’était pas disponible pour travailler. Cependant, elle a affirmé que la division générale n’avait pas examiné si la Commission avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a décidé d’examiner la disponibilité de la prestataire. La prestataire avait soulevé cette question devant la division générale, de sorte qu’en ne rendant pas de décision à ce sujet, la division générale a omis d’exercer sa compétence.

[10] La division d’appel a ordonné le renvoi de l’appel à la division générale pour une nouvelle audience sur cette seule question. La présente décision est le résultat de cette audience.

Questions en litige

[11] La Commission a-t-elle exercé correctement son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle a décidé d’examiner la disponibilité de la prestataire?

[12] Si le pouvoir discrétionnaire n’a pas été exercé correctement, il faut décider si les prestations doivent être réexaminées.

Analyse

[13] La loi donne à la Commission des pouvoirs très étendus lui permettant d’examiner toute décision qu’elle a rendue concernant les prestations d’assurance-emploi.Note de bas de page 1 Cependant, la Commission doit respecter les délais prévus par la loi. En général, la Commission dispose de trois ans pour réviser ses décisions.Note de bas de page 2 Si la Commission a versé des prestations d’assurance-emploi à une personne qui n’y avait pas droit, elle peut demander à cette personne de rembourser ces prestations.Note de bas de page 3

[14] La loi donne expressément à la Commission le pouvoir d’examiner la disponibilité des étudiantes et des étudiants pour le travail. La loi confère à la Commission ce pouvoir de révision même si elle a déjà versé des prestations d’assurance-emploi.Note de bas de page 4

[15] Même si la loi donne ce pouvoir à la Commission, elle ne dit pas que la Commission doit l’utiliser. La Commission a le choix d’utiliser ou non son pouvoir de révision. Autrement dit, le pouvoir de révision est un pouvoir discrétionnaire.

[16] Lorsque la Commission décide d’utiliser son pouvoir discrétionnaire pour examiner l’admissibilité d’une personne aux prestations d’assurance-emploi, elle doit démontrer qu’elle a utilisé ce pouvoir correctement. C’est ce qu’on appelle utiliser son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire.

[17] Pour démontrer qu’elle a utilisé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire, la Commission doit démontrer ce qui suit :

  • elle a agi de bonne foi;
  • elle n’a pas ignoré les facteurs pertinents;
  • elle n’a pas tenu compte de facteurs non pertinents;
  • elle n’a pas agi dans un but ou pour un motif irrégulier;
  • elle n’a pas agi de façon discriminatoireNote de bas de page 5.

La Commission avait le pouvoir d’examiner la disponibilité de la prestataire

[18] Oui. J’estime que la Commission a respecté les délais prévus par la loi lorsqu’elle a révisé l’admissibilité de la prestataire aux prestations. En effet, la Commission a versé des prestations d’assurance-emploi à la prestataire à compter de janvier 2021. La Commission a terminé son examen et a avisé la prestataire de sa décision le 24 décembre 2021, soit moins d’un an plus tard.

La Commission n’a pas agi correctement lorsqu’elle a révisé sa disponibilité

[19] Non. J’estime que la Commission n’a pas utilisé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a décidé de réviser l’admissibilité de la prestataire aux prestations. En effet, elle a considéré des renseignements non pertinents.

[20] La Commission affirme avoir agi de façon judiciaire pour les raisons suivantes :

  • La prestataire a déclaré qu’elle suivait un programme de formation pendant qu’elle demandait des prestations, mais elle a également affirmé qu’elle était disponible pour travailler.Note de bas de page 6
  • Plus tard, elle a appris que la prestataire ne pouvait pas travailler pendant la journée en raison de son horaire de cours.Note de bas de page 7
  • Pour ce motif, la Commission a révisé la demande de la prestataire de façon rétroactive et a décidé qu’elle n’était pas disponible pour travailler du 25 janvier 2021 au 7 mai 2021.Note de bas de page 8

[21] La prestataire a convenu qu’elle avait déclaré qu’elle était aux études dans sa demande et ses déclarations bimensuelles. Elle avait aussi parlé à plusieurs reprises à des agents de la Commission et leur avait dit qu’elle était aux études. Elle leur avait communiqué son horaire de cours et elle leur avait indiqué qu’elle devait suivre ces cours en personne.

[22] La prestataire travaillait lorsqu’elle a commencé ses études. Elle a dû prendre congé de son emploi pour des raisons de santé, sinon, elle affirme qu’elle était disponible pour travailler pendant ses études.

[23] Elle a demandé des prestations d’assurance-emploi pendant son premier trimestre d’études, de janvier à mai 2021. Elle a ensuite suivi sa deuxième session de mai à août et sa dernière session de septembre à décembre.

[24] La Commission a communiqué avec elle le 3 décembre 2021 et l’a interrogée sur sa disponibilité. L’agent lui a posé des questions sur son horaire de cours et lui a demandé s’il entrait en conflit avec sa capacité de travailler pendant la journée. Elle a répondu honnêtement que c’était effectivement le cas.

[25] Elle a dit à l’agent de la Commission qu’elle ne pouvait pas travailler pendant la journée en raison de ses cours. Toutefois, l’agent ne lui a pas posé de questions sur l’horaire de cours de son premier trimestre et sur la question de savoir si cet horaire entrait en conflit avec sa capacité de travailler pendant la journée.

[26] L’horaire scolaire de la prestataire était différent lors de son dernier trimestre. Son horaire était plus rempli. Elle n’avait pas autant de périodes libres. Par exemple, elle a suivi cinq cours au cours de son premier trimestre, mais lors de son dernier trimestre elle suivait sept cours en plus d’un stage.

[27] La prestataire a déclaré qu’elle avait répondu aux questions de la Commission concernant son horaire de cours et sa disponibilité en fonction de l’horaire de cours de son dernier trimestre. En effet, la Commission a communiqué avec elle en décembre 2021, alors qu’elle en était à son dernier trimestre d’études. D’ailleurs, l’agent ne lui a pas posé de questions sur sa disponibilité avant ce trimestre.

[28] Après que la Commission a décidé qu’elle n’était pas disponible pour travailler, la prestataire a demandé la révision de cette décision. Elle a tenté d’expliquer à un autre agent comment son horaire de cours est différent chaque trimestre et à quel point cela a une incidence sur sa disponibilité. Toutefois, l’agent de la Commission a conclu que les déclarations de la prestataire étaient peu crédibles; la Commission a donc maintenu sa décision fondée sur la déclaration antérieure de la prestataire selon laquelle elle ne pouvait pas travailler pendant la journée.

[29] Je juge que les déclarations de la prestataire devant le Tribunal étaient crédibles. Elle a témoigné ouvertement et franchement, et cela concordait avec ses déclarations à l’agent de révision. Elle a été en mesure de répondre aux questions difficiles de façon honnête. Elle a fourni des preuves documentaires à l’appui de son témoignage. J’accepte l’intégralité de son témoignage.

[30] J’estime que la Commission a tenu compte de l’horaire scolaire de la prestataire et de sa capacité à travailler pendant la journée au cours de son dernier trimestre d’études. Cette information n’était pas pertinente pour savoir si elle était disponible pour travailler pendant qu’elle recevait des prestations au cours de son premier trimestre. Autrement dit, la Commission a tenu compte de renseignements non pertinents lorsqu’elle a décidé de réviser les prestations d’assurance-emploi de la prestataire.

[31] Pour cette raison, je conclus qu’elle n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a examiné l’admissibilité de la prestataire aux prestations.

[32] Comme j’ai conclu que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire, je suis en mesure de rendre la décision que la Commission aurait dû rendre. Je vais maintenant voir s’il y a lieu de réviser l’admissibilité de la prestataire aux prestations.

L’admissibilité dela prestataire aux prestations devrait-elle être révisée?

[33] Non. Je conclus qu’il ne faut pas réviser l’admissibilité de la prestataire aux prestations.

[34] La Commission a une politique qui l’aide à guider la façon dont elle exerce son pouvoir discrétionnaire pour examiner ses décisions concernant les prestations d’assurance-emploi. Elle dit que cette politique assure « une application uniforme et juste » de la loi et empêche « la création de trop-payés lorsque le prestataire a touché des prestations en trop pour une raison indépendante de sa volonté ».Note de bas de page 9

  • La politique de la Commission prévoit qu’une demande sera révisée seulement dans les cas suivants :
  • il y a un moins-payé de prestations;
  • les prestations ont été versées contrairement à la structure de la loi;
  • les prestations ont été versées à la suite d’une déclaration fausse ou trompeuse;
  • le prestataire aurait dû savoir qu’il n’avait pas droit aux prestations qu’il a reçues.

[35] La politique de la Commission n’est pas une loi. On n’y est pas lié juridiquement. Cependant, les tribunaux ont appuyé à maintes reprises l’utilisation de telles lignes directrices pour garantir une certaine cohérence et éviter la prise de décisions arbitraires.Note de bas de page 10

[36] J’estime que les quatre éléments énoncés dans la politique sont pertinents pour la décision de réviser une demande et qu’ils devraient être pris en considération au moment de décider s’il faut réviser les prestations d’assurance-emploi d’une partie prestataire.Note de bas de page 11

[37] La situation de la prestataire ne répond à aucun de ces éléments.

[38] Premièrement, elle n’a pas reçu un moins-payé de prestations du 24 janvier au 8 mai 2021.

[39] Deuxièmement, le versement de prestations à la prestataire n’était pas contraire à la structure de la loi. La Loi sur lassurance-emploi n’empêche pas le versement de prestations aux prestataires qui sont aux études.

[40] Troisièmement, elle n’a pas reçu de prestations d’assurance-emploi en raison d’une déclaration fausse ou trompeuse. Comme je l’ai mentionné plus haut, j’ai accepté son témoignage selon lequel elle a déclaré qu’elle allait à l’école et qu’elle était disponible pour travailler si elle n’était pas malade pendant son premier trimestre.

[41] Quatrièmement, rien ne prouve qu’elle aurait dû savoir qu’elle n’avait pas droit aux prestations d’assurance-emploi qu’elle a reçues. La prestataire a même déclaré qu’elle avait parlé à des agents de la Commission à plusieurs reprises et qu’on lui a dit qu’elle avait droit aux prestations d’assurance-emploi et qu’elle devrait continuer à produire ses déclarations bimensuelles comme elle le faisait.

[42] Je reconnais que ces quatre éléments ne constituent pas une liste complète de renseignements qui pourraient être pertinents pour décider s’il faut examiner l’admissibilité d’une partie prestataire aux prestations. Cependant, je ne vois aucun autre renseignement qui pourrait me convaincre qu’il faut réviser l’admissibilité de la prestataire aux prestations.

[43] Compte tenu des circonstances propres au cas de la prestataire, je conclus qu’il ne faut pas réviser son admissibilité aux prestations.

Donc, la prestataire a-t-elle un trop-payé?

[44] Non. Les prestations de la prestataire n’auraient pas dû être révisées. Par conséquent, la décision antérieure de lui verser des prestations d’assurance-emploi du 24 janvier au 8 mai 2021 demeure en vigueur. Par conséquent, le trop-payé est supprimé.

Conclusion

[45] L’appel est accueilli.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.